Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05/06/2013

Arrogance explosive...

 

J’étais lundi soir à Paris pour manifester contre cette fameuse théorie du genre qui nie l’altérité sexuelle naturelle et que certains, au nom d’une idéologie égalitaire destructrice du réel, voudraient imposer dès la plus tendre enfance aux nouvelles générations, par le biais de l’école et, pour ceux qui ne comprendraient pas le message, par le Droit et la répression… Il y avait là quelques milliers de manifestants et, parmi eux, de nombreux amis, anciens et nouveaux, ceux des années « Génération Maurras » et ceux rencontrés au hasard des défilés de cette année 2013, voire lors des veilles ou des échauffourées des Invalides (entre autres) : des générations différentes, des parcours divers et des opinions ou des engagements parfois éloignés des miens, mais tous rassemblés autour de quelques refus simples et de quelques principes fermes sur la famille, sur les bases de la société, voire de la civilisation : en somme, « plutôt Antigone que Créon ! ». Les manifestations du printemps et leurs suites sous des formes variées ont créé de multiples liens et je connais quelques couples qui sont nés de ce printemps tourmenté, sur le bitume des parcours et dans les fumées des lacrymogènes : un baiser échangé devant une rangée de gardes casqués a sans doute une saveur toute particulière, et apparaît comme une réponse sentimentale, certes, mais heureuse et pacifique aux discours parfois violemment outranciers des amis de M. Valls et de Mme Taubira…

 

Ce lundi, je suis venu à la manifestation avec en tête les mots de cet assistant parlementaire socialiste qui prônait l’usage du canon, comme Bonaparte devant l’église Saint-Roch, contre les opposants au mariage homosexuel : ils me rappelaient les propos tout aussi incendiaires de M. Bergé qui expliquait sur la toile qu’il ne serait, en somme, pas fâché de voir une bombe dévaster les rangs des manifestants le 24 mars dernier… Ces quelques phrases qu’il n’est pas indécent de qualifier de haineuses me font mal : autant j’apprécie la polémique et le pamphlet, et je me souviens de l’empressement que j’avais, au début des années 90, à me procurer « L’Idiot international » de Jean-Edern Hallier dès sa parution pour y goûter l’alcool fort des diatribes de l’écrivain breton (on n’était jamais déçu, côté exagération et colère parfois fort juste, à la lecture du génial trublion…), autant je déteste cette haine poisseuse des puissants à l’égard de qui ne se plie pas à leur redoutable suzeraineté ! Je suis d’une tradition où la force du statut donne plus de devoirs qu’elle n’autorise d’insultes à l’égard d’autrui, et surtout des plus faibles : quand les puissants du jour, qui demain ne seront peut-être plus que des déshérités des médias et de la fortune du Pouvoir (que l’on médite le sort de MM. Dominique Strauss-Kahn et Cahuzac, hier si respectés, voire adulés, parce que craints…), méprisent et « assassinent » (virtuellement, heureusement) par le verbe gras de leur suffisance, j’ai tendance à élever, de colère, la voix, et à me révolter, éternel chouan du pavé (que l’on foule, bien sûr…) et du mot bien ajusté (enfin, autant que faire se peut…).

 

C’est cette arrogance verbale des partis au pouvoir et de leurs maîtres ou vassaux (et je compte là-dedans une certaine presse plus indigne que libre…) qui, aujourd’hui, est la plus grosse charge explosive dans notre pays, et non les agitations des manifestants du printemps, qu’ils soient opposants au mariage homosexuel ou ouvriers de Good-Year ou de Florange : une arrogance abritée derrière des grillages et des boucliers, et qui disparaît assez vite quand, par hasard, le réel s’invite à table ou lors d’une réunion des dirigeants du Parti socialiste, comme ce fut le cas il y a quelques mois à Paris, au grand dam d’un Moscovici désavoué publiquement par les salariés syndiqués de PSA-Aulnay…

 

L’arrogance est un triste défaut des oligarchies et, parfois, elles en meurent car elles ne savent plus écouter les bruits du dehors, de cette réalité qu’elles croient pouvoir éternellement acheter et subvertir avec quelques journaux ou chaînes de distraction massive : les socialistes et les libéraux qui, aujourd’hui, paradent dans les couloirs du Pouvoir parisien ou dans les bunkers de Bruxelles, feraient bien de ne pas oublier qu’il est des colères que l’on ne peut indéfiniment susciter et provoquer sans, qu’à un moment ou à un autre, elles ne renversent les certitudes bien établies et les tranquillités sécurisées à grands frais policiers.

 

 

28/05/2013

Antigone, au-delà de la démocratie représentative.

 

Ce dimanche 26 mai 2013 était à nouveau l’occasion d’une démonstration de force de la Manif pour tous, opposée au mariage gay, et elle fut, si l’on en croit « Le Parisien », un succès : bien embarrassant pour le gouvernement en place mais aussi pour les partis politiques qui n’y retrouvent pas leurs petits, et se trouvent confrontés à un mouvement à la fois inédit et insaisissable, en tout cas difficilement récupérable. Comme me disait un vieux Camelot du Roi au milieu du bruit assourdissant des sirènes, des chants et des hurlements, alors même que les premières lacrymogènes rebondissaient sur le sol en nous enfumant, « Antigone n’a pas de parti parce qu’elle n’est pas exactement démocrate, elle est mieux et plus que cela » : ce qu’il voulait signifier, c’est que la légitimité incarnée par l’héroïne triste et brave évoquée par Sophocle ne trouve pas son compte dans les jeux partisans et dans une légalité qui doit trop aux querelles et aux manœuvres politiciennes pour pouvoir prétendre répondre à la fois aux aspirations exprimées par les manifestants du jour et aux exigences de cette civilisation humaniste à laquelle nous sommes, lui et moi, attachés.

 

Effectivement, ce qui ressort de ces événements des derniers mois, c’est la dichotomie entre ce pays légal issu des urnes et des partis, celui qui doit son pouvoir à la démocratie représentative aujourd’hui magistralement bloquée, et un pays réel qui, à force d’être moqué, méprisé et, même, réprimé, se rebiffe en clamant haut et fort son refus d’un renversement de civilisation que Mme Taubira avouait initier comme si ce projet était anodin ou naturel…

 

La grande question de la légitimité mais aussi celle de la décision politique –et de ses obligations, risques et travers- se trouvent posées, d’une certaine manière, par le mouvement de la Manif pour tous : la relecture de l’Antigone de Sophocle, tout compte fait, ne doit pas rester au niveau d’une simple étude littéraire, mais pourrait bien participer, d’une manière ou d’une autre, à cette « reconstruction d’un esprit politique », celui qui ne doit rien aux systèmes idéologiques actuels mais plonge ses racines dans l’histoire, non pour se perdre dans un passéisme malsain et vain mais plutôt pour se nourrir de ce qui fût pour faire advenir ce qui doit être.

 

Que les partis soient désarçonnés devant un tel mouvement, à la fois « civilisationnel » (sans doute plus que simplement « sociétal », ce dernier terme évitant, pour ceux qui l’emploient, de penser en termes politiques au sens fort et complet de cette dernière formule) et, pourtant, de masse alors qu’il ne s’agissait pas, croyait-on jadis, d’une affaire susceptible d’intéresser les Français et encore moins d’embraser les passions, est la preuve d’une défiance envers la démocratie représentative décevante et si démobilisatrice ces dernières années… Ce désaveu envers la démocratie parlementaire ne doit pas sombrer dans un nihilisme ou un repli communautaire, fut-il catholique, qui seraient pires que le mal : au contraire, il doit permettre de refonder une pensée de la Cité, éminemment politique et profondément humaniste, face aux dangers d’une idéologie à la fois individualiste et technophile qui nie l’humanité pour créer « son » homme nouveau, aboutissement d’une « science sans conscience » fort dangereuse pour la liberté de l’homme réel comme de son esprit.

 

Ne l’oublions pas, comme le rappelle Maurras dans un beau texte intitulé « Antigone, Vierge-mère de l’Ordre », ce n’est pas elle qui menace l’ordre de la cité et sa pérennité mais bien plutôt celui qui a alors le Pouvoir et qui croit être « la loi » quand il n’est plus, selon la formule mitterrandienne, que « la force injuste de la loi » : ce Créon qui porte aujourd’hui le nom du président Hollande et paraît comme le véritable « anarchiste destructeur de la cité » est, d’ailleurs, désigné par les foules de ce printemps 2013 comme celui qui a fauté… et qui doit partir ! Sans doute n’est-ce pas si simple mais, et sans attendre 2017, faut-il rappeler encore et toujours que ce qui fonde une cité est plus important que les lois de convenance et de circonstance destinées à satisfaire un électorat ou un groupe de pression au détriment du sens et de l’intérêt communs…

 

 

 

 

 

 

24/05/2013

Quand les citoyens n'ont plus confiance...

 

Les fins d’année scolaire sont toujours éprouvantes parce qu’elles affolent les professeurs soucieux de terminer les fameux programmes officiels quand les élèves, même à la veille du baccalauréat, sont beaucoup plus sereins et cherchent à profiter, malgré les échéances proches, des douceurs du printemps : mais cette année est décidément fort particulière ! Jamais il n’a fait aussi froid au mois de mai, jamais le soleil n’a été aussi discret tandis que les rues de Paris et les places de nos villes de France sont le théâtre de manifestations, de veilles, de discussions enflammées, voire de confrontations musclées et, malheureusement, pas toujours pacifiques ni de bon aloi, comme on a pu le constater lors des événements du Trocadéro, loin de la protestation contre la loi Taubira.

 

Ainsi, la promesse de M. Hollande de « réenchanter le rêve français » (sic !) a-t-elle tourné au cauchemar et à la division, profonde, de la société française : l’argument ancien avancé par la Gauche d’une fracture due au seul Nicolas Sarkozy est désormais dépassé et si personne ne l’a repris en tant que tel pour M. Hollande, c’est bien sa politique matrimoniale et familiale qui a mis le feu aux poudres en ce drôle de printemps et jeté tant de gens sur le pavé, effrayés de la remise en cause de ce qui était, jusqu’à présent, l’une des fondations solides de notre société et, au-delà, de la civilisation dont, que nous le voulions ou non, nous sommes les héritiers plus ou moins fidèles. Il semble bien que notre pays soit arrivé à ce moment délicat où le tissu social est si abîmé qu’il se déchire en haillons et que se multiplient les sujets de mécontentement et de colère : de Florange et des faux espoirs suscités par un candidat socialiste qui, devenu président, s’est empressé d’oublier ceux qui lui avaient fait confiance, aux Invalides qui voient, régulièrement, s’échouer les grandes vagues de la contestation du mariage homosexuel, des Français nombreux, aux aspirations parfois fort différentes, voire antagonistes, clament leur dépit et s’en prennent aux symboles et aux gardiens d’un Etat aujourd’hui confisqué (beaucoup plus qu’assumé…) par une faction politicienne plus préoccupée d’idéologie que de social.

 

La grande faute de la République, quel que soit le détenteur de la magistrature suprême sorti des urnes depuis quelques élections, c’est de diviser encore et toujours au lieu, non d’uniformiser, mais de rassembler, d’unir les diversités et les différences au profit d’une synergie nationale, au moment même où les défis de la mondialisation, désormais dangereuse pour les équilibres sociaux et les capacités productives et culturelles de la France, se font de plus en plus pressants, voire oppressants.

 

Là où il aurait fallu discuter et permettre à chacun de s’exprimer librement sans céder à la tentation de l’ostracisme pour qui ne partageait pas les vues du gouvernement en place, l’Etat, depuis quelques années, privilégie le passage en force : lorsque les électeurs français, en mai 2005, marquent leur refus d’une Constitution européenne qui semble ignorer les peuples et inscrire dans le marbre des règles économiques qui négligent la justice sociale, leur décision référendaire est méprisée et condamnée par les élites autoproclamées de l’Union européenne, élites qui profitent de l’élection d’un Nicolas Sarkozy pour contourner le vote français et faire adopter, par le Congrès assemblé à Versailles, ce que les urnes avaient rejeté deux ans plus tôt. Dans cette affaire peu honorable, socialistes et libéraux avaient fait cause commune, « au nom de l’Europe », nouvelle terre promise de l’ancien Occident médiéval et de ses marges, mais aussi alibi des renoncements du politique. Affront terrible fait aux citoyens qui, désormais, ont perdu confiance en une démocratie si peu respectueuse de ceux qu’elle est censée représenter et, éventuellement, défendre…

 

Même chose avec cette affaire de mariage homosexuel qui semble être devenu le seul marqueur identitaire d’une Gauche qui, faute d’être capable de résoudre la question sociale, se contente de faire du sociétal dans un sens libéral-libertaire et sans accorder aucune importance aux centaines de milliers de manifestants contestataires de l’automne, puis au million du mois de mars, au risque de cabrer et radicaliser les plus inquiets des opposants, persuadés d’être les victimes d’un « mépris d’Etat » fort préjudiciable à la confiance minimale nécessaire à l’Etat pour agir et faire accepter par tous son autorité à défaut de ses choix. Aujourd’hui, la désobéissance civique (réaction marquée par l’abstention, le vote protestataire ou la contestation permanente de l’Etat et de ses épigones), couplée à un désaveu moral (et l’affaire Cahuzac a évidemment accentué cette remise en cause de la croyance en la qualité de l’Etat…), fragilise la parole et la capacité à être respecté et simplement écouté, du Pouvoir en place.

 

Cette situation est préoccupante et il sera difficile, désormais, de recoudre le tissu français : sans doute, même, faudra-t-il le retisser… Il faudra recréer les conditions de la confiance et, donc, de l’autorité reconnue, à la fois arbitrale et engagée, pour sortir de cette sorte de « guerre civile froide » qui n’est rien d’autre que la crise de la citoyenneté et de ses modes d’expression dans une Europe désincarnée et une France désenchantée parce que trop souvent trompée par des « dirigeants de passage » quand il faudrait des hommes d’Etat, quand il faudrait, d’abord et surtout, un Etat digne de ce nom, libre et attentif…