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03/06/2019

Drame social à Belfort : que fait l'Etat ?

 

Les élections sont passées et les plans dits sociaux reprennent, à peine gênés par les déclarations martiales d’un gouvernement qui semble ne plus être qu’un Etat-ambulance quand il faudrait un Etat politique, actif, voire directif, capable de s’imposer aux féodalités financières et économiques : en fait, nous sommes bien loin de la formule célèbre du général de Gaulle qui considérait que la politique de la France ne se faisait pas à la Corbeille, et qui fixait le cap pour la France sans avoir besoin d’étatiser l’économie. En cela, il pratiquait une politique que n’aurait pas renié un La Tour du Pin, ce royaliste social soucieux d’une forme d’« économie d’entente » qui ne laisse pas les puissances patronales s’émanciper de leurs devoirs sociaux. Mais aujourd’hui l’Etat est faible quand les féodalités sont fortes et arrogantes, fixant leur calendrier selon le temps des actionnaires et non selon les intérêts des travailleurs, simples rouages productifs d’une Machine-Marché qui les dépasse et, plus certainement encore, les méprise.

 

C’est aujourd’hui Belfort qui est témoin de cette suffisance d’une multinationale, en l’occurrence General Electric, celle-là même qui a mis la main sur la branche énergie d’Alstom en promettant des créations d’emplois auxquelles le gouvernement socialiste de l’époque fit semblant de croire mais qui ne vinrent jamais en réalité : « les promesses n’engagent que ceux qui y croient », disait Charles Pasqua, et ce qu’il formulait pour les élections s’avère tout aussi vrai pour les affaires économiques. Toujours est-il que désormais mille emplois directs sont condamnés et que c’est toute une ville qui est concernée et blessée, encore une fois : ce mouvement entamé à la fin des années 1970 semble sans fin, et rien ne semble pouvoir tenir tête à ce rouleau compresseur de la mondialisation qui déshabille Paul en France pour rhabiller (souvent moins bien encore) Pierre dans des pays aux faibles coûts salariaux, et qui, en définitive, profite toujours plus aux détenteurs du capital et des actions qu’aux ouvriers.

 

Dans cette nouvelle affaire, il est néanmoins un élément qui frappe l’observateur, c’est la discrétion des médias qui n’y consacrent que quelques lignes et quelques minutes vite oubliées, et les découpes de presse sur ce dossier tiennent peu de place sur le bureau, comme si, déjà entendue, la cause ne valait pas plus qu’un grand article en pages intérieures, même pas annoncé en couverture. Cette indifférence à ce nouveau drame social est fort révélatrice de cette accoutumance aux mauvais us et coutumes de notre modèle économique dominant et mondialisé, et elle n’a rien de rassurant ! Et si, par malheur et dans un moment de dépit fort compréhensible, des ouvriers brisent quelques vitres et séquestrent quelques dirigeants indélicats, ils seront dénoncés comme d’odieux factieux qui méritent bien ce qui leur arrive ! Le cynisme de cette République si peu sociale (à rebours des souhaits d’un de Gaulle, si marqué par le catholicisme social qu’il rêva d’en faire une politique sous le nom de « participation ») me navre et m’encolère, mais elle ne me surprend plus. Mais doit-on se contenter de ces sentiments-là, de ces poings serrés de rage et de ces jurons lancés à la face de multinationales qui s’en moquent bien ?

 

La réponse à ces drames sociaux mille fois renouvelés est politique, éminemment politique ! Il faut en finir avec ce fatalisme d’Etat et renouer avec une volonté politique qui sache poser et imposer, par la décision rigoureuse mais réfléchie, par une stratégie de politique économique qui place les hommes et leur travail avant les seuls profits des actionnaires ou des dirigeants d’entreprise. Il ne s’agit pas de faire du socialisme mais d’être « social ». Et l’Etat a, depuis les Capétiens, un devoir qui est de protéger ses sujets qui ne sont pas des objets jetables : s’il doit le faire sur le plan de la sécurité civile et nationale, il doit aussi l’assumer sur le plan social. C’est un devoir régalien, et à celui-ci, il faut un pouvoir régalien véritable : en France, malgré Clemenceau ou de Gaulle, régalien signifie royal, rien de plus mais rien de moins…

 

 

11/03/2019

Ford à Blanquefort : le scandale d'une République qui ne défend pas les travailleurs.

Il y a de quoi désespérer lorsque se répètent, année après année, les mêmes scénarios pour les mêmes abandons industriels avec les mêmes conséquences sociales et les mêmes discours impuissants, et toujours les mêmes excuses et arguments à cette impuissance qui, à défaut d’être organisée, semble acceptée comme une fatalité obligatoire de la mondialisation. Moulinex jadis, comme Ford aujourd’hui, comme Ascoval hier, comme les Fonderies du Poitou aujourd’hui encore : c’est une litanie sans fin d’usines qui ferment, de travailleurs jetés à la rue, souvent pour complaire à des actionnaires lointains qui se moquent bien de la détresse humaine et de la justice sociale. Et toujours la même comédie de l’Etat républicain qui menace les multinationales avant de, piteusement, rentrer à la niche avec des « engagements » de la part de ces sociétés monstrueuses qui se moquent bien de les honorer ! A Blanquefort comme ailleurs, la République montre là toute son inefficacité et, plus grave, son fatalisme profond : le « Que faire ? » d’un Le Maire, après celui d’un Jospin ou d’un… Macron sous Hollande, n’est pas un appel à faire comme a pu l’être celui de Lénine, terriblement efficace (pas forcément pour le meilleur…), mais plutôt la formule d’un abandon, voire d’un reniement.

 

J’en serre les poings de rage à chaque fois, et je maudis cette République qui a oublié ses volontés « capétiennes » de l’époque de Gaulle, voire Pompidou : où sont les grands projets industriels de long terme, les stratégies ambitieuses et ces succès qui permettaient à la France de faire entendre la langue française sur tous les continents et sur nombre de chantiers internationaux ? Dans le dernier numéro de Marianne, sa directrice Natacha Polony dresse un constat sévère de la situation : « La France s’illustre par son impuissance absolue. Face aux multinationales d’abord. Ford n’est que la dernière d’une longue série. CICE, plan de sauvegarde de l’emploi, subventions diverses et variées… Et l’on s’en va en faisant en sorte que le site, surtout, ne puisse être repris par un éventuel concurrent. » Pour Ford, les contribuables français ont beaucoup dépensé par le biais de l’Etat et des collectivités locales, comme le souligne Alexis Moreau dans le même journal : « Combien Ford a-t-il empoché au total ? Environ 20 millions d’euros, si l’on s’en tient aux subventions versées par l’Etat et les collectivités dans le cadre de l’accord de 2013. Beaucoup plus, si l’on comptabilise l’ensemble des aides : près de 8 millions d’euros au titre du Crédit d’impôt compétitivité emploi et 27 millions d’euros au titre du chômage partiel (…). Soit une ardoise globale de quelque 55 millions d’euros. (…) Ford pourra toucher une ultime ristourne, malgré la fermeture : en 2019, elle devrait bénéficier du CICE, au titre de l’année 2018. Soit un chèque de 1,1 million d’euros (…). » N’y a-t-il pas là de quoi se révolter contre un système absurde qui semble accorder une prime aux salauds ?

 

Cette indécence capitaliste n’est possible que parce que la République s’est laissé lier les mains par les féodalités financières et par une Construction européenne qui n’a jamais eu grand-chose de « sociale », et cela depuis ses douteuses origines que, d’ailleurs, Pierre Mendès-France avait, en homme de gauche idéaliste, remarquées et dénoncées en s’opposant au Traité de Rome de 1957, rejoignant en cela ses vieux adversaires de l’Action Française… Madame Polony y voit aussi un effet de la naïveté des dirigeants français sur les questions industrielles et économiques, dans une mondialisation qui n’est que « la guerre de tous contre tous », en définitive : « Les Français sont les seuls à croire qu’un géant finlandais absorbant un groupe français ne privilégiera pas les intérêts finlandais au détriment des emplois en France. Trente ans d’idéologie technocratique du dépassement de la nation ont abouti, dans les élites françaises, au bisounoursisme généralisé. (…) Et comme nous n’avons que des alliés et des amis, inutile de développer l’intelligence économique pour anticiper ce genre de réveil nationaliste. » Derrière l’ironie de la dernière phrase, il y a une forte réalité : on nous parlait d’Europe à construire, de la paix pour toujours et de bonne gouvernance grâce à l’euro, de mondialisation heureuse, du règne des experts et de la société civile, et l’on laissait (et on laisse toujours) les loups piller sans vergogne notre bergerie nationale… Les Pangloss de la République mériteraient quelque bonne fessée pour cette peine qu’ils ont fait à l’économie française et à ses producteurs locaux, et pour les larmes de tous ces travailleurs sacrifiés sur l’autel du profit !

 

Nous pourrions nous contenter de ce triste constat : « Manque l’essentiel : la puissance d’un poing qui frappe sur la table », s’exclame Natacha Polony, et elle a (presque) tout dit ! Mais, quel Etat peut redonner au poing français sa force nécessaire pour, à la fois, se dresser face aux féodaux et aux empires, et faire trembler ceux qui s’invitent au banquet français sans payer leur festin ?

 

Dans notre histoire, le poing nu brandi vers le ciel ne marque que la colère et, même si elle s’avère parfois nécessaire, elle n’est pas suffisante pour fonder une politique digne de ce nom et un Etat fort devant les puissants pour préserver les faibles et les autres. Sans doute faudra-t-il, faute d’un de Gaulle qui n’est jamais qu’un bref moment dans l’histoire de l’Etat, remettre dans ce poing français le sceptre royal qui marque à la fois la souveraineté et la décision libre de notre pays, pour le pays et les nôtres, tout simplement…

 

 

 

15/03/2009

Ne plus subir la crise, mais la dépasser.

Alors que je dînais ce dimanche soir dans un petit restaurant de Versailles, j’ai surpris la conversation de mes voisins de tablée qui portait sur leur avenir professionnel : à les entendre, celui-ci était bien sombre… Mais l’ironie du sort voulait qu’ils soient amenés à travailler pour former ceux qui allaient les remplacer, non pas en France mais en… Inde ! En fait, ils n’avaient pas le choix : ils étaient payés tant qu’ils travaillaient et c’était leur dernier travail au sein de l’entreprise (une multinationale), travail qui devait durer encore quelques mois avant que leur boîte ne délocalise ses activités de dessin industriel…

 

Terrible logique d’un capitalisme toujours à la recherche du moindre coût et du meilleur profit, sans beaucoup d’égards pour ceux qui, pourtant, sont à l’origine de la création de valeurs, de richesses : il y a de quoi se révolter !

 

Je pense que cette histoire malheureusement vraie (on aimerait que ce soit juste un scénario de film…) n’est pas unique : cela marque aussi, au-delà du drame social, combien un libéralisme « sans frontières » profite surtout à cette « fortune anonyme et vagabonde » qui ne s’embarrasse guère des personnes, considérées comme de simples pions interchangeables ou de petites variables d’ajustement. Ce qui est le plus agaçant, c’est que les mêmes qui tiennent de grands discours moraux sur l’économie et sur la nécessaire « sagesse des salariés » s’en viennent dénoncer les « réactions protectionnistes » beaucoup plus vertement que les licenciements spéculatifs, en définitive acceptés pour ne pas « gêner la relance » comme l’affirmait un « expert » il y a quelques jours sur une chaîne de radio économique… Il y a des coups de pieds au derrière qui se perdent, me semble-t-il !

 

Cela étant, après ces remarques, que faire, que proposer ? Sans doute faut-il favoriser le renforcement et la création de petites et moyennes entreprises qui reprennent en leur sein ces techniciens, ingénieurs, chercheurs, etc. qui sont notre capital économique en définitive le plus précieux, cette matière grise qui reste notre meilleur atout dans les tempêtes qui s’annoncent et, déjà, soufflent fort sur notre société. Il serait dommage de ne pas utiliser toutes ces compétences rendues disponibles par la spéculation des grands groupes et qui, aujourd’hui, cherchent à s’employer.

 

Le statut de « l’auto-entrepreneur » est aussi un moyen à exploiter, une chance supplémentaire à saisir : c’est même une des rares initiatives intéressantes mises en place par l’actuel gouvernement.

 

Ainsi, la crise, qui revêt souvent les habits sombres et sanglants de la tragédie sociale, peut permettre, a contrario, un renouveau de l’initiative privée mais aussi collective : le rôle de l’Etat, mais aussi des Régions et des Communes, c’est de promouvoir cette réaction des volontés et des compétences, de les soutenir, éventuellement de les coordonner sans pour autant tomber dans l’étatisme stérile et paralysant. En somme, remettre la France au travail, non plus en attendant des indemnités, mais en suscitant « le désir de faire », la reprise en main de leur destin par tous ceux qui ne veulent plus subir les oukases des actionnaires ou des multinationales. Pour que les travailleurs redeviennent propriétaires de leur métier !

 

Les chantiers possibles sont immenses : ouvrons-les, maintenant !