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16/08/2008

La République fautive.

J’étais mercredi après-midi à Paris pour charger ma voiture (la fameuse « roycomobile »…) de journaux et d’affiches monarchistes en prévision de mon séjour en Bretagne. J’en ai profité pour flâner au Quartier latin et le long des quais de la Seine, quelques bouquins sous le bras comme à l’accoutumée, respirant l’air des vacances et la légèreté du moment. Mais toujours à l’affût : un militant ne dort jamais vraiment, dit-on… C’est d’autant plus vrai pour un chouan !

A la sortie d’une bouche de métro, non loin de la tour Saint-Jacques, un militant trotskiste vendait à la criée le journal « Rouge ». Je me suis arrêté pour discuter quelques minutes avec lui, sans cacher mon appartenance à une autre tradition politique que la sienne, ce qui, à défaut de le satisfaire bien sûr, n’eut pas l’heur de le choquer, au contraire : notre discussion, fort sympathique, sans aucune animosité de part et d’autre, porta vite sur les raisons du militantisme plus que sur les clivages politiques classiques. J’appris ainsi qu’il était d’origine berbère, arrivé en France il y a plusieurs décennies sans connaître un traître mot de français et, qu’à l’école, on l’avait d’abord mis au fond de la classe sans lui accorder beaucoup d’importance… Néanmoins, en quatre ans, il s’installait aux premières places de sa classe : en somme, son intégration scolaire s’était nourrie de son exclusion ou de sa marginalisation des débuts… Cette situation n’avait sans doute pas compté pour rien dans son engagement politique : ainsi, la République, si vertueuse dans ses principes pétrifiés au fronton des mairies, n’avait pas su reconnaître en lui les capacités d’inclusion et s’était contentée d’un service minimum qui, en définitive, l’avait prédisposé à s’engager dans les rangs contestataires et « internationalistes ».

Ce n’est pas la première fois, loin s’en faut, que je rencontre cette histoire et ce cas de figure : j’en veux énormément à la République de n’avoir pas rempli, ou pas assez (car il y a aussi de beaux cas d’intégration qui sont le fait de l’école, ne le méconnaissons pas !), ses devoirs « nationaux », en particulier depuis les années soixante. Sans doute est-ce aussi dû à cet état d’esprit hérité de Jules Ferry qui magnifiait les valeurs de la République au détriment des cultures provinciales (et de celles étrangères à la métropole au temps des colonies : pensons à la fameuse déclaration de Ferry sur les « races inférieures »…) ainsi qu’au détriment de l’histoire de France, au risque de brouiller l’image et la réalité de la nation française, diverse et pourtant unie autour d’un Etat auquel, en République, il manquait (et manque toujours) un principe d’incarnation autre que celui d’une Marianne en plâtre visible sur les couvertures des manuels scolaires ou dans les salles municipales… La décomposition de cette République et de son autorité après Mai 68, conjuguée à l’imposition de la société de consommation (par nature mondialisée et antipolitique), a amoindri la faculté d’incorporation individuelle des enfants, qu’ils soient « de souche » ou d’installation plus récente en France, par l’école.

D’autre part, la mise en avant de plus en plus prégnante de « l’Europe » a aussi troublé l’intégration à la « seule » France, ravalée de plus en plus à un rôle de province administrative d’une Europe (voire d’un Occident…) destinée à être le « nouvel horizon d’expression du politique », au dessus des réalités d’Etat et nationales des citoyens, au risque de fragiliser l’équilibre intérieur de notre pays : à voir trop grand, on oublie que la force des espaces politiques ne tient pas seulement (voire rarement) dans leurs dimensions mais dans leur volonté et leurs capacités à penser le concret et à rayonner. Et cela passe par le politique, par l’Etat et son exercice pratique, mais aussi par sa capacité ontologique à être et durer, à transmettre et à « parler au monde », à être un passage du singulier à l’universel… La République semble l’avoir bien oubliée…

Voilà ce que je n’ai pas eu entièrement le temps de dire à mon interlocuteur d’un instant : car, il n’est pas impossible de le penser, son engagement n’est peut-être pas autre chose qu’un regret de n’avoir pas été accueilli, par une nation à laquelle il participe désormais, autrement que comme un « passager ».

La nécessité d’un « nationalisme d’inclusion » ne m’en paraît ainsi que plus urgente, pour éviter les malentendus qui poussent certains de nos nouveaux compatriotes dans les rangs de mouvances politiques ou religieuses peu compatibles avec les traditions et les nécessités françaises…