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17/09/2018

L'Exécutif contre le Sénat.

 

L'affaire Benalla devrait être terminée et désormais laissée aux juges pour les faits qui sont reprochés à l'ancien garde du corps présidentiel et qui, somme toute, apparaissent assez anodins au regard des violences et incivilités quotidiennes vécues trop souvent par nos concitoyens. Je ne devrais plus en parler ni même avoir à en parler ! Et pourtant, elle est à nouveau sur toutes les lèvres et en agace plus d'un, partisan ou adversaire du pouvoir actuel, comme si les braises d'une grillade d'été s'étaient mises à rougeoyer à nouveau sous l'effet d'un vent taquin. Mais ce sont les partisans du président qui raniment la flamme, et même pas les opposants à M. Macron, plutôt discrets sur ce sujet depuis la rentrée et l'accumulation des dossiers sociaux, environnementaux ou européens qui suffisent aux oppositions pour exister et s'exprimer.

 

Ainsi, M. Castaner, secrétaire d’État aux relations avec le Parlement, et accessoirement délégué général du part présidentiel, et Mme Belloubet, garde des sceaux, s'en prennent-ils avec virulence au Sénat, accusé désormais de menacer les institutions républicaines par sa simple volonté d'entendre M. Benalla devant sa propre commission d'enquête parlementaire. Les arguments valorisés, les mots employés sonnent comme autant de menaces, sinon sur l'existence du Sénat, du moins sur ses pouvoirs et ses capacités à pouvoir les exercer librement sans risquer de représailles de l'exécutif.

 

En fait, les relations entre les sénateurs et le pouvoir politique en place n'ont pas toujours été sereines si l'on considère l'histoire même de la Cinquième République, et le général de Gaulle, président-fondateur de la nouvelle République de 1958, s'est souvent heurté à son président, qu'il s'appelle Gaston Monnerville ou Alain Poher, et à ses membres, tout comme Grévy, premier président vraiment républicain de la Troisième qui, malgré un Sénat majoritairement acquis dès 1879, y eut encore à affronter durant son mandat de fortes résistances monarchistes. Il est vrai que, par nature même et par la durée du mandat sénatorial (aujourd'hui de six ans après avoir été très longtemps de neuf ans), la Chambre haute apparaît plus ancrée dans un pays réel plus varié que le seul monde urbain majoritaire et versatile, voire opportuniste. Cela ne l'empêche pas d'appartenir à un pays légal parfois peu populaire et il lui est souvent fait reproche, non d'en être, mais d'apparaître comme un « doublon » de l'Assemblée nationale (ce qui n'est pas forcément exact) ou comme une assemblée inutile et trop coûteuse d'entretien comme d'existence : ces derniers qualificatifs peuvent s'entendre si l'on reste dans une logique strictement antiparlementaire, mais elle ne me semble ni sérieuse ni juste, même s'il me semble qu'est nécessaire une véritable réforme de son recrutement (sans remettre en cause la nature « diverse » de celui des sénateurs, mais en l'accentuant plutôt, par l'entrée d'élus issus du monde « professionnel » - corporatif, diraient certains -, entre autres) comme de son fonctionnement et de ses capacités dans le cadre d'une « démocratie des peuples, des territoires et des communes, des métiers et des idées » qu'il s'agit encore d'inventer et de fonder.

 

Dans cette affaire Benalla, il est tout de même étonnant que l'entourage politique du président apparaisse aussi agressif contre un Sénat qui, au moins en début de quinquennat, ne lui était pas fondamentalement hostile, malgré ses profondes réserves sur les projets territoriaux du candidat élu. Mais le climat s'est vite détérioré, il est vrai, sans doute parce que l'idéologie macronienne, autant que l'électorat qui l'a validée, est d'abord urbaine et « mondialiste », à rebours des tendances profondes de la plupart des sénateurs, dont le pas, souvent moqué pour sa lenteur, symbolise un temps moins pressé et des espaces plus proches, moins lointains donc.

 

Le Sénat, dans cette affaire, a le beau rôle et retrouve des couleurs, paradoxalement renforcé par l'adversité des macronistes et leur acharnement à défendre un M. Benalla dont les pouvoirs (et celui de nuisance en est sans doute fort redoutable pour l'actuel Chef de l'Etat...) semblent plus importants que ceux que sa fonction officielle lui conférait : en définitive, s'il y a scandale, c'est plutôt là qu'il réside ainsi que dans le système qu'il révèle. Dans cette configuration particulière, le Bien commun apparaît comme victime d'une République « personnalisée » ou, du moins, son otage... Là aussi, une libération s'impose, et elle passe par celle, initiale, de la magistrature suprême de l’État dont le fonctionnement institutionnel ne doit plus reposer sur la seule légalité électorale, impuissante à donner légitimité et force suffisantes pour s'imposer aux féodalités partisanes et économiques.

 

 

 

14/02/2015

Le coût de la République et celui des monarchies.

 

Depuis toujours (ou presque) j'entends l'argument qui se veut définitif et qui a largement imprégné les opinions publiques et les générations successives des XXe et XXIe siècles en France et dans la plupart des pays européens : « la Monarchie coûte cher », sous-entendant, par le même mouvement, que la République serait moins dispendieuse, si ce n'est frugale à suivre le modèle d'un Robespierre et de son régime austère (voire austéritaire...) ! Un argument qui, pourtant, ne tient pas vraiment au regard de notre histoire nationale et de l'actualité européenne, comme Stéphane Bern a eu de nombreuses occasions de le rappeler depuis les années 1980, et comme un récent article paru sur le site du quotidien Le Figaro (11 février 2015) le souligne à propos de la monarchie espagnole : « Lors de son intronisation en juin dernier, il avait promis d'avoir une conduite « honnête et transparente ». Felipe VI d'Espagne a fait mardi un nouveau geste en ce sens en dévoilant un budget gelé et en diminuant son salaire de 20 %. Le souverain recevra cette année 234.204 euros. » Le budget global du fonctionnement de la Maison royale atteint la somme de 7,7 millions d'euros pour 2015, soit « seize centimes par habitant, le plus faible d'Europe », comme le résume Le Figaro !

 

Autre exemple : la monarchie britannique : selon Jérôme Szczepanski dans un article paru sur le site de l'Alliance Royale du Nord-Pas-de-Calais, « celle-ci a coûté à ses contribuables 49,5 millions d'euros en 2014. Cela représente environ un coût de 75 centimes par personne au Royaume-Uni. » Pas vraiment excessif si l'on considère que cela couvre les dépenses de représentation de l’État assurée par la reine et sa famille, véritables « incarnations » du Royaume-Uni et, au-delà de son présent, d'une histoire et d'un destin nationaux : rappelons-nous, par exemple, combien la souveraine anglaise a su incarner, plus que tout autre, le souvenir de la résistance au nazisme lors de la commémoration du débarquement du 6 juin 1944 en Normandie. Elle n'était, d'ailleurs, pas seulement l'ancienne ambulancière des années 1940, fille du roi George, et la reine en exercice : elle était aussi le roi son père lui-même, ce George VI qui permit à Churchill d'être ce Richelieu qui manqua tant à la République française du printemps 1940. Elle était ceux qui avaient été, et elle annonçait, par son principe même, ceux qui seront : Charles, William, George...

 

La République, qui n'a pas le même pouvoir d'incarnation, si ce n'est de façon (trop) éphémère et le plus souvent dans des moments de grand désarroi, et qui se veut « la » démocratie en oubliant qu'elle ne l'a ni créée, ni respectée durant les heures sombres des années 1792 et suivantes, n'est pas gratuite, bien sûr, mais, surtout, elle coûte beaucoup plus cher qu'une monarchie sans que l'on soit bien sûr d'y gagner, ni politiquement ni économiquement ni socialement. Les chiffres parlent mieux qu'une longue démonstration et il suffit de consulter le site de la Présidence de la République et de les compléter par les analyses serrées du député socialiste de l'Aisne René Dosière pour le constater par soi-même et sans être taxé de « partialité » monarchique (que j'assume néanmoins sans souci...).

 

Ainsi, le budget de l’Élysée et de son fonctionnement de « Maison » de la République s'élève-t-il à 100 millions d'euros pour 2015 (en baisse depuis 2012), soit environ 1,55 euros par habitant, presque 10 fois ce que coûte la monarchie espagnole en sa magistrature suprême, et le double de celle d'Outre-Manche. Mais les comptes de la République ne s'arrêtent pas là : il faut y rajouter le coût des anciens locataires de l'ancien palais de la marquise de Pompadour, soit environ 6,2 millions d'euros à la charge de l’État (2,5 millions pour M. Giscard d'Estaing ; 2,2 millions pour M. Sarkozy ; 1,5 millions pour M. Chirac). Est-ce tout ? Mais non, car il ne faudrait pas oublier le coût des campagnes électorales présidentielles qui, si l'on en croit l'ancien membre du Conseil constitutionnel Roland Dumas, ont parfois crevé les plafonds autorisés en 1995 et, à suivre les déboires de l'ancien candidat Nicolas Sarkozy l'an dernier, ont largement dépassé les sommes annoncées officiellement, ce qui a valu à son parti UMP un véritable Trafalgar financier... Si l'on suit les instructions officielles actuelles, un candidat ne peut dépasser pour ses frais de campagne la somme de... 16,851 millions pour le premier tour et 21,509 millions pour le second : sachant qu'il y a deux candidats pour le second et un peu plus pour le premier ; que, évidemment, tous n'ont pas les mêmes disponibilités financières mais que deux au moins peuvent les assumer ; que cet argent peut être en partie remboursé, et cela sur les caisses de l’État selon les résultats obtenus (pour les candidats ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés en 2012 au premier tour : 8 millions environ ; pour les candidats du second tour : près de 10,7 millions d'euros...)... Au bout du compte, ce n'est pas vraiment négligeable ! Et il n'est pas certain que les contribuables électeurs en aient pour leur argent ! Et cela recommence tous les 5 ans... A vos calculettes !

 

Au regard de tous ces chiffres, il me semble que, décidément, la Monarchie a quelques avantages sur la République, et qu'elle est, définitivement, beaucoup plus économique que le régime de Marianne :il serait bienheureux d'en tirer quelques conséquences, non seulement financières mais aussi politiques...