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09/07/2011

Je refuse d'être payé pour mes corrections du bac 2011.

Comme à chaque fois (depuis 2007) que je corrige le bac, je refuse d’être payé pour mes corrections (60 copies cette année, soit environ une vingtaine d’heures de travail). Cela peut surprendre mais j’assume complètement, au risque de déplaire à quelques collègues qui craignent que mon attitude soit un argument pour le Ministère pour supprimer cette prime, ce que je ne crois pas : si elle disparaît, l’argument sera financier (« la réduction des déficits exigée par l’Union européenne et le Pacte pour l’euro »…) et non éthique !

 

Je refuse d’être payé pour mes corrections car, cette année plus encore que les précédentes, le bac a été une mascarade (et je le regrette, ne serait-ce que pour tous ceux qui l’ont travaillé et espéré avec tant d’ardeur, en particulier dans des zones d’enseignement moins favorisées que mon lycée…), comme l’a d’ailleurs souligné dans les mêmes termes un article du « Nouvel Observateur » il y a quelques semaines. C’est aussi « l’examen le plus cher au monde » ce qui est paradoxal au regard de sa valeur réelle et reconnue ! La journaliste du « Nouvel Obs’ » évoque une « addition des plus salées (entre 150 et 300 millions d’euros selon les calculs) » alors que, en définitive, « tout se joue en réalité, avant le bac » pour ce qui est des orientations post-Terminales : les dossiers de Prépas ne prennent pas en compte le bac lui-même mais les résultats de la Classe de Première et les deux premiers trimestres de la classe de Terminale, et tout se décide avant même le jour des épreuves de Sciences (pour les classes de S), ce que complète aussi l’article pour cette année : « Dès le 9 juin dernier, les futurs candidats avaient reçu une première proposition d’orientation dans le supérieur qui n’est pas conditionnée à cet examen. » Dès le 9 juin, quand les épreuves commençaient le 16…

 

C’est donc aussi pour dénoncer cette hypocrisie d’un baccalauréat qui ressemble à un examen sans véritablement en être un, que je refuse d’être payé, et pour « alléger » le déficit public, devrais-je souligner ironiquement…

 

J’ai, en 2007 et 2009, motivé ce refus aux services financiers de la Maison des Examens, barrant la première année les feuilles destinées au « remboursement des frais » et autres « indemnités d’examens » (je ne me souviens plus des termes administratifs exacts) et m’abstenant (la deuxième année) de m’inscrire sur le site internet de ces mêmes services, site répondant au doux nom de Stephanie (là encore, je ne garantis pas l’orthographe de ce service…), ce qui normalement aurait dû suffire pour ne pas être payé puisque ni ma signature ni ma « validation électronique » n’apparaissaient ! Eh bien, et l’on tombe là dans le Kafka ou l’Orwell, comme on voudra, j’ai quand même été payé, dans l’un et l’autre des cas ! Ce qui signifie que tout ce que l’on impose aux professeurs comme procédures administratives en leur disant que s’ils ne les font pas en temps et en heure, en passant par le site dédié et obligatoire au traitement de leurs indemnités, cela sera préjudiciable au paiement de cette prime, n’est qu’un leurre infantilisant : je n’ai rien signé, je ne me suis pas inscrit sur leurs listes, je n’ai pas envoyé de RIB comme ces services me le demandent à chaque fois, et, malgré tous mes refus et mes « oublis » volontaires, je suis tout de même payé ! Pire que cela, en 2009, alors même que j’avais envoyé un courrier aux services financiers de la Maison des Examens en suivant la voie hiérarchique, j’ai été l’un des premiers payés alors même que certains collègues qui, eux, avaient tout fait normalement au bon moment et sans barguigner, n’étaient payés qu’à la veille de la session suivante ! Cherchez l’erreur…

 

Cette année, j’ai renoncé à écrire ma lettre pour les services financiers mais je n’ai ni rempli les documents du nouveau système de paiement (« l’administrateur fonctionnel Imagin », selon le vocabulaire administratif), ni signé ni validé électroniquement quoi que ce soit : ai-je une chance, cette fois, de ne pas être payé, comme je le demande ? Réponse dans quelques mois…

 

Une dernière chose : ce refus d’être payé est une forme de contestation individuelle qui ne gêne ni les élèves ni les parents, et c’est aussi le moyen de ne pas les « prendre en otages » (sic !) (formule exagérée que j’entends malheureusement régulièrement dans les médias et chez les parents d’élèves aussi…), de ne pas perdre une heure de cours, de ne pas pénaliser ceux pour qui, en définitive, nous travaillons et enseignons…

 

Alors, quelle utilité, direz-vous ? Celle de montrer que, décidément, ce n’est pas l’argent qui motive ce qui, pour moi, est une vocation, et que ce n’est pas le bon moyen, pour quelque gouvernement ou administration que ce soit, de faire pression sur les enseignants : « ils valent mieux que l’argent qui sert à les payer », disait un de mes vieux professeurs dont je loue, plus de trente ans après, cette liberté d’esprit et d’expression qui est, je le crois, devenue aussi mienne…

 

 

 

11/06/2008

Bulletins scolaires détournés de leur fonction.

Dans la Drôme, des professeurs se sont servis des bulletins trimestriels pour mettre, en guise d’appréciation, des remarques purement et simplement politiques contre la réforme Darcos, comme « Nous ne sommes pas responsables des conséquences que les réformes mises en place auront sur l’avenir de vos enfants ». Cette action a évidemment provoqué la colère des administrations rectorales et de la fédération de parents d’élèves PEEP, ce qui me semble logique et justifié.

 

Bien sûr, la situation est rentrée dans l’ordre quelques jours après, mais parce que le rectorat a menacé de conseils de discipline les enseignants usant d’un tel procédé…

 

Personnellement, en tant que professeur, je trouve cette action malhabile, voire déplacée, car elle se sert des lycéens comme des supports (malgré eux…) du mécontentement enseignant, au risque d’oublier que les bulletins scolaires ne sont pas totalement anodins pour la suite des études des élèves. D’autre part, cette action décrédibilise les enseignants en les montrant sous un jour assez détestable au lieu de chercher à faire comprendre leur malaise, bien réel, face aux changements en cours et aux projets dont la commission Pochard a évoqué les principaux thèmes et propositions.

 

Si la République sarkozienne, qui reste la République contrairement à ce que certains tentent de faire accroire, a des velléités de transformer la nature de l’enseignement et d’abaisser la culture générale au niveau le plus bas, celui de la seule « efficacité » économique ou de la seule nécessité consumériste, elle ne doit pas être combattue par une autre forme de bêtise, mais par une action réfléchie qui montre tout l’intérêt d’un enseignement qui élève au lieu d’abaisser au « plus petit commun dénominateur » scolaire. Ce combat pour l’intelligence et pour la curiosité (sans laquelle aucun savoir ne saurait exister, comme l’affirmait Maurras) ne doit pas être négligé et doit user de moyens appropriés, comme un travail d’influence près des acteurs sociaux et politiques, ou comme des actions permettant de montrer toute l’importance des professeurs et de leur savoir-faire dans la formation des élites et des générations actuelles et prochaines.

 

Certains critiqueront mes propos en y voyant une attaque facile et une absence de propositions concrètes… Erreur ! Je suis le premier à participer à des actions d’influence, mais parfois la discrétion est de mise, d’une part, et, d’autre part, le mieux pour se faire entendre n’est pas de contester tout le temps mais de travailler sérieusement, d’en faire « plus » que ce qui est demandé (et payé…), et d’acquérir un droit à la parole (une véritable légitimité à parler) près des administrations et des acteurs du champ public par sa bonne volonté pour lancer des projets éducatifs, pour peser sur les décisions : quand la seule opposition à tout changement apparaît de plus en plus comme un refus de « bouger les choses », c’est en prenant des initiatives pour améliorer, par le fait, les résultats scolaires (cours supplémentaires sur tel ou tel thème ; soutiens scolaires ; projets d’intégration scolaire ; etc. : liste non limitative et ouverte à l’imagination et à la bonne volonté…), pour mettre un peu d’huile dans les rouages d’une Education nationale aujourd’hui victime de sa « réputation » et de son « bilan » (mais aussi de l’attitude de certains collègues qui oublient de « servir » avant de revendiquer), pour redorer son blason près d’une Opinion de plus en plus critique à l’égard d’un système éducatif considéré comme « bloqué » (ce qu’il est !) et « inefficace » (ce qui n’est pas vraiment exact…), que l’on pourra sauver ce qui doit l’être et permettre ce qui est nécessaire.

 

L’éducation des jeunes générations est un enjeu important pour le système républicain, pour cette société démocratique et « distractionnaire » (selon l’expression terrible de Philippe Muray) qui, à l’image de l’actuel président-gouverneur, n’aime pas « la princesse de Clèves » et préfèrerait faire de simples consommateurs que des « hommes libres » que, d’ailleurs, il n’appartient à aucun Etat de faire comme le rappelait opportunément Bernanos… Le vrai combat pour l’intelligence se gagnera par « l’intelligence politique d’abord », et non par des actions inconsidérées et vaines qui discréditent les profs et rendent plus difficilement acceptables leurs inquiétudes…