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26/06/2009

La mascarade du bac 2009.

Hier jeudi, en début d’après-midi, je suis allé chercher mon paquet de copies de bac dans un lycée de Saint-Germain-en-Laye : me voilà avec une cinquantaine de devoirs à corriger et à rendre à l’administration du lycée le vendredi 3 juillet ! J’ai déjà, dès l’après-midi, noté cinq copies, de 12 à 17, en trois heures bien tapées. Et, en feuilletant le reste du paquet, j’ai eu l’impression que je n’aurai que peu de mauvaises notes : tant mieux pour les élèves !

 

Mais je suis quand même en colère, et j’ai montré ma mauvaise humeur au coordonnateur d’histoire-géo de mon jury de bac en refusant d’assister à la réunion « d’entente » (ou « d’harmonisation ») prévue officiellement avant la remise des copies aux correcteurs, tout comme j’ai refusé de lui laisser mes coordonnées téléphoniques et autres, simplement pour être libre de toute tentative de pressions à mon égard sur mes corrections et mes notes. Pourquoi cette attitude qui peut paraître étrange ou farouche ? Pour protester contre cette immense hypocrisie qui couvre aujourd’hui le baccalauréat et, en somme, décrédibilise le travail des enseignants ainsi que les matières qu’ils enseignent.

 

En veut-on un simple exemple ? Voici celui qui m’a été rapporté par une collègue qui participait, à contrecœur d’ailleurs, à l’une de ces réunions d’entente organisées partout en France, dans les lycées centres d’examens : la coordonnatrice a annoncé aux professeurs présents que la note minimale susceptible d’être donnée était… 10 ! Oui, la moins bonne copie doit tout de même être gratifiée de la « moyenne »… Et cette coordonnatrice d’ajouter que le jury et elle-même, à qui les collègues devaient rapporter leurs notes au fur et à mesure des corrections par téléphone ou par courriel, se réservaient le droit d’augmenter les notes qui ne correspondraient pas à cette exigence ! Je trouve que cette attitude est insultante autant pour les profs correcteurs désormais soumis (sans évidemment que l’éducation nationale n’assume cette position par un écrit officiel) à cette « obligation de résultats » (si l’on peut dire…) que pour les élèves à qui l’on fait croire que le bac est une chose sérieuse quand elle n’est plus qu’une mascarade, coûteuse et maintenant honteuse : quel gâchis !

 

Je signale qu’il y a deux ans, l’un des inspecteurs d’histoire-géographie de l’académie de Versailles, M. St., avait tenu le même type de discours démagogique sur les notes que cette coordonnatrice, devant mon jury, à Saint-Cyr-L’école…

 

De plus, cela permet sans doute de mieux comprendre pourquoi M. Xavier Darcos, alors encore ministre de l’éducation nationale, annonçait le premier jour des épreuves, jeudi de la semaine dernière, que le taux de réussite serait de 85 % cette année… Evidemment, avec de telles consignes…

 

Cette hypocrisie, ajoutée aux multiples incidents de cette année dans l’organisation des épreuves, les erreurs à répétition et les changements de sujets (pour cause de « fuites »…), me révulse. Les élèves en sont d’ailleurs les premières victimes car, du coup, la bonne réputation de « leur » bac est absolument défaite, et il suffit d’entendre ce qui se dit au comptoir des cafés et dans les salles de profs pour bien le saisir. Résultat : la véritable sélection se fait après le bac, dans des conditions qui laissent alors les « exclus » sur le carreau avec la terrible impression de trahison.

 

Oui, vraiment, quel gâchis !

16/12/2008

Réforme Darcos.

Le ministre de l’Education Nationale Xavier Darcos a annoncé hier lundi le report de sa réforme sur l’organisation du lycée, quelques jours seulement après avoir déclaré qu’il ne serait pas le ministre de « l’hésitation nationale »… Faut-il en conclure que cette réforme est enterrée, comme croient le savoir de nombreux journalistes, ou qu’elle n’est que reportée, comme le prétendent le ministre et son président ?

En fait, le plus important n’est pas là : l’Ecole en France souffre d’une crise endémique et les réformes purement scolaires n’y changeront, en définitive, pas grand-chose, se contentant trop souvent d’accompagner des tendances de la société au lieu, parfois, de s’en démarquer et, donc, de les précéder, voire de les susciter. Ce n’était peut-être pas vrai au XIXe siècle (il y a débat sur ce thème…), mais c’est devenu une réalité très criante aujourd’hui : il suffit de constater, par exemple, combien les programmes d’histoire-géo (je parle d’abord de ce que je connais pour le constater chaque année) sont dépendants, avec toujours un large temps de retard, des idéologies et des « actualités » dominantes, à tort ou à raison, d’ailleurs. C’est quelque chose qu’il m’arrive de faire constater à mes élèves de classes de Seconde et de Première, en leur signalant la frilosité des programmes et des thèmes retenus : ainsi, en Seconde, je souligne combien des thèmes d’importance en géographie, comme « les énergies et leurs enjeux » par exemple, sont toujours absents des programmes et qu’ils n’apparaîtront que dans quelques années, quand ce thème se sera déjà imposé dans les enjeux économiques, politiques et géopolitiques depuis fort longtemps. Idem pour « la géopolitique », dont le terme même n’apparaît pas dans les manuels (ou alors de manière fort discrète…) alors que le chapitre 1 du programme de géo évoque les Etats et les frontières

Ce qui est vrai pour les programmes l’est aussi souvent pour les méthodes et les idéologies elles-mêmes : l’Ecole était encore marxisante quand le mur de Berlin finissait de s’écrouler, elle est aujourd’hui européiste quand le sentiment européen est plus idéologique que réel et qu’il se banalise en même temps qu’il s’étiole ; elle est encore très marquée par les pédagogismes de tout genre quand ces méthodes d’apprentissage scolaire sont désormais reconnues plus déstructurantes qu’efficaces, etc.

L’Ecole ne doit pas être le reflet des modes, quelles qu’elles soient, mais elle doit former les esprits et les êtres à affronter les défis d’un monde changeant, non pas en singeant l’actualité mais en s’appuyant sur des principes simples, des connaissances qui en appellent autant à la culture générale qu’aux nouveaux savoirs et savoirs faire, des méthodes qui privilégient l’humilité devant les réalités mais aussi l’esprit de conquête (qui n’est pas exactement l’esprit de compétition mais plutôt la volonté d’aller plus loin dans la connaissance et la réflexion) et la curiosité, etc. Cela me rappelle d’ailleurs un propos de Maurras qui expliquait que la liberté n’est pas à « l’origine » mais à « la fleur »… L’Ecole peut (doit ?) aider à cette floraison.

Au-delà des annonces sur l’organisation de la scolarité au lycée, la réforme Darcos était plus une réforme de comptable que d’Etat et, en ce sens, elle ne pouvait que manquer de souffle et d’ambition : elle avait d’ailleurs un côté « démago » qui déplaisait fortement aux syndicalistes enseignants « de droite » (je pense au SNALC, qui grognait fortement contre le libéralisme libertaire de cette réforme avortée, comme le prouvent ses circulaires).

Mais la vraie réforme qui pourra permettre d’aborder les autres dans de bonnes conditions, autant pour la mise en place que pour la réussite, c’est celle des institutions, celle qui les inscrira dans la durée et permettra l’indépendance de la magistrature suprême de l’Etat, cette « révolution politique » qui a pour symbole la fleur de lys…

03/11/2008

Histoire réelle contre histoire scolaire ?

Il y a quelques jours, M. Darcos, ministre de l’Education nationale, a fait la proposition de soumettre au Parlement ce qui devait être enseigné dans la matière « sensible » de l’histoire, pour éviter, disait-il, des contestations et des querelles… C’est plutôt cette proposition qui les a soulevées, c’est le moins que l’on puisse dire ! En effet, comme le souligne « Marianne » (1er au 7 novembre 2008) : « De cette manière, l’histoire pourrait changer, en fonction des majorités. La méthode a fait ses preuves, en Union soviétique, où les manuels d’histoire devaient être conformes à la juste ligne définie par le comité central ». En fait, pas besoin d’aller si loin : si les programmes, aujourd’hui, ne sont pas encore décidés au Parlement, ils reflètent néanmoins toujours l’idéologie dominante ou celle du régime en place, sans beaucoup d’égards parfois pour la simple vérité historique, et la lecture des manuels scolaires est fort édifiante à ce propos. J’ai déjà évoqué (mais j’y reviens !) dans des notes précédentes le programme de Seconde qui, par exemple, valorise la démocratie athénienne et « efface » étrangement, là où il y aurait pu y avoir confrontation ou simple comparaison, Sparte et Rome (cette dernière étant néanmoins abordée à travers l’étude des premiers temps du christianisme mais pas exactement sous l’angle des institutions démocratiques) : cet effacement n’est pas le fruit du hasard mais la simple conséquence du fait que le programme doit être l’occasion de montrer ce « sens (unique ?) de l’histoire » qui nous mène, invariablement et « logiquement » (sic !) à la démocratie libérale et européenne, celle des « valeurs de la République » et de l’Union européenne… Comprenez moi bien : je ne remets pas en cause, loin de là, le fait d’étudier la démocratie athénienne, thème d’ailleurs tout à fait passionnant et beaucoup plus riche qu’on ne pourrait le croire au seul intitulé. Mais je trouve toujours curieux que l’on néglige celle qui fut sa principale concurrente à l’époque antique en Grèce, Sparte, d’autant plus qu’elle fut la référence principale des hommes de la Première République qui y voyaient, étrangement, la réalisation de leur rêve égalitaire et « républicain » : il n’est pas simple de comprendre certaines attitudes et pensées démocratiques, mais aussi débats au sein des révolutionnaires, sans une référence, même rapide, aux modèles auxquels ils se référaient à l’époque, avec la violence de la passion et les « raisons (bonnes ou mauvaises, d’ailleurs) de l’histoire ».

Cette hémiplégie historique actuelle n’est pas le fruit du hasard mais d’une volonté de limiter la réflexion ou de l’orienter vers la seule « démocratie libérale » qui trouverait dans Athènes son acte de naissance et son inspiration première. Cela ne signifie pas pour autant que, pour équilibrer les points de vue, il faille alourdir les programmes, bien sûr, et il me faudra un jour revenir sur ce sujet.

En fait, l’Education nationale a pour rôle de former ces citoyens qui sont la base officielle (la souveraineté populaire) de la démocratie républicaine (en particulier sur le plan électoral), et elle le fait en privilégiant ce qui lui permet d’asseoir son pouvoir, sa légitimité, sa domination idéologique, ce qui lui semble, de son point de vue et dans sa démarche, normal. Les monarchistes d’Action française l’ont souvent évoquée comme une « matrice républicaine » dont il faudrait se libérer pour fonder une nouvelle politique et un nouveau régime, mais ont parfois négligé de dire comment la remplacer ou l’amender, ce qui affaiblit la démonstration ou la rend parfois trop abstraite.

En tout cas, les programmes scolaires ont toujours été des enjeux importants et aucune de nos Républiques (ni même de nos Monarchies ou Empires, ou encore Vichy) n’a oublié cette donnée, même si les professeurs, à la base, ont eu plus ou moins de latitude pour « adapter » ce message, voire pour le « dépasser » ou, même, le « subvertir »… Les manuels scolaires ont toujours été de loyaux « livrets de propagande » du régime en place, pour reprendre les propos désabusés et ironiques de Marcel Pagnol. Ainsi, dans une société qui accorde de moins en moins de place au Travail et à la Terre, est-il logique de voir disparaître, parfois complètement, le monde rural (pourtant majoritaire en France jusque dans les années 1940) dans les manuels d’histoire de Première, ou de constater la réduction de la questions ouvrière à la portion la plus congrue qui soit…

La proposition de M. Darcos, si elle semble choquante, n’est pourtant que le triste rappel que l’histoire à l’école n’a pas pour vocation, en République, à être neutre, mais qu’elle est, qu’elle reste la « matrice » primordiale, même si elle est de plus en plus dépassée dans cette fonction par les divers moyens techniques des médias contemporains, beaucoup plus efficaces sans doute et qui, le plus souvent, dépolitisent aussi à merveille , par le « ludique » et le consumérisme, les nouvelles générations, plus enclines ainsi à « profiter » individuellement qu’à s’engager collectivement…

Mais, ce que l’histoire nous enseigne, malgré les manuels scolaires, c’est qu’elle n’est jamais finie… Source d’inquiétude pour certains, d’espérance pour d’autres : l’histoire réelle ne connaît pas le sens unique.