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02/10/2017

Pour la Monarchie sociale. Partie 1 : Ni libéralisme, ni socialisme, malgré tout.

La question sociale n’a pas été résolue en France sous l’effet de la société de consommation, loin de là, mais elle a sans doute pris de nouvelles formes depuis le XIXe siècle, sans effacer complètement les anciennes : si le prolétariat, au sens le plus misérable du terme, peut paraître avoir disparu de notre pays, le précariat n’a cessé de prendre de l’ampleur ces dernières années, malgré les amortisseurs sociaux créés tout au long du XXe siècle, au fil d’une histoire chaotique et parfois brutale. Durant cette dernière, le rapport de forces entre classes dominantes et classes ouvrières ou productives, jusque là défavorable aux travailleurs, avait été rééquilibré par la seule puissance évocatrice du communisme symbolisée par une Union Soviétique inquiétante, mais aussi par l’influence encore prégnante d’une Eglise catholique soucieuse d’améliorer la condition ouvrière, plus discrètement que les socialistes revendiqués. La société de consommation elle-même, suivant la logique d’Henry Ford, avait aussi « enrichi » les classes populaires pour entretenir le système capitaliste, transformant l’exploitation ouvrière la plus aveugle en une « aliénation » à la marchandise, « séduisante » grâce à la publicité et au crédit, et grâce aux tentations permanentes diffusées par les médias et par l’école (1)… En ce sens, comme le sociologue royaliste Pierre Debray le signalait dès les années 1960, Ford a été encore plus fort que Marx et Lénine, et la fin du Mur de Berlin n’a fait que confirmer ce sentiment et cette vérité.

 

Aujourd’hui, c’est pourtant le marxisme édulcoré de La France insoumise de MM. Mélenchon et Corbière qui joue le rôle d’opposant officiel au libéralisme du Président actuel et de son gouvernement, impression encore confirmée par le débat courtois de l’autre jour entre le tribun populiste « néochaviste » et le Premier ministre Edouard Philippe. N’y a-t-il pas là un malentendu, voire un malaise ? Le vieux royaliste que je suis n’apprécie guère les « raccourcis » idéologiques qui ne sont, souvent, que des leurres ou des erreurs susceptibles d’éloigner les citoyens et les producteurs d’une réflexion plus complète sur les questions économique, sociale et politique. Dans la ligne de La Tour du Pin, penseur économique royaliste trop méconnu même s’il fut pourtant lu et reconnu par le fondateur de la Cinquième République, je reste persuadé que libéralisme et socialisme sont plus des frères ennemis, les deux faces d’une même pièce forgée du siècle des Lumières et de la Révolution française, d’inspiration anglo-saxonne et franklinienne, que des ennemis irréconciliables : Marx était plus hostile aux traditions (et aux traditionalistes qu’il moquait) qu’à une bourgeoisie dont il vantait les qualités révolutionnaires et qui, selon lui, devait céder la place à plus révolutionnaire qu’elle, dans une sorte de sens unique de l’histoire qui devait mener (ramener ?) à une société sans classes ni Etats, sorte de retour à un paradis originel mais dans lequel se serait invitée la Technique et l’Energie… Mais, paradoxe ou, au contraire, logique terrible et ironique, c’est bien le libéralisme qui accomplit aujourd’hui le rêve de Marx qui n’a jamais cessé d’être le but ultime des libéraux libertaires : un monde sans classes dans lequel seuls les consommateurs en tant que tels seraient reconnus et valorisés (et non plus les classes économiques ou sociales, de producteurs en particulier) et sans entraves nationales, sans frontières ni Etats susceptibles de les reconnaître et de faire respecter les droits de leurs travailleurs dans leurs pays respectifs…

 

Je ne suis donc ni libéral (au sens économique du terme) ni « socialiste », même si la plasticité de ce dernier terme pourrait autoriser toutes les récupérations et toutes les théories, ce qui risque plus de brouiller les lignes que de résoudre les problèmes sociaux. Bien sûr, je connais l’existence de ce fameux Mouvement Socialiste Monarchiste des années 1944-46 et j’ai lu les articles et les brochures de Jean-Marc Bourquin sur son « Socialisme Monarchique », et je n’en suis, intellectuellement, pas très éloigné ; bien sûr, je suis un lecteur attentif de Jack London et de George Orwell, et je ne suis pas insensible à leurs argumentations ; bien sûr, j’ai lu Proudhon et j’apprécie une belle part de sa réflexion, politique comme sociale. Mais justement : c’est parce que je souhaite que les meilleurs éléments de l’héritage des uns et des autres soient étudiés, valorisés et, pourquoi pas, pratiqués, que je ne peux me dire socialiste, mais que je me revendique, au-delà du socialisme et parfois contre certains de ses aspects les moins glorieux, comme royaliste, d’abord, encore et toujours.

 

Car c’est bien d’une Monarchie sociale dont la France a besoin, et non d’un régime qui se proclame libéral ou socialiste sans que l’on sache exactement s’il s’agit d’une simple manœuvre sémantique ou d’un engagement philosophique absolu.

 

 

 

 

 

(à suivre : Aspects et atouts de la Monarchie sociale)

 

 

 

Note : (1) : Pour éviter toute mauvaise interprétation de mes propos, je rappelle que, si je suis très critique à l’égard du système de la société de consommation, je ne suis pas ennemi de la prospérité, surtout quand, de diverses manières, elle peut être profitable à tous, dans le respect de l’environnement, des traditions et de la juste mesure, trois éléments que n’estime guère, par principe autant que par pratique, la société de consommation elle-même…

 

 

 

 

23/12/2007

Le familistère de Godin.

La fin de trimestre a été rude et j’ai passé le plus clair de mon temps à corriger des copies, en plus de préparer des cours sur les perspectives géopolitiques en Europe mais aussi sur l’Espagne (cours de 1ère ES désormais prêt pour la rentrée). Vendredi, en l’avant-dernière journée de cours, nous sommes partis, deux de mes collègues et moi, à Guise visiter avec des élèves de Première le familistère créé par Jean-Baptiste Godin dans les années 1860, dans la lignée des « utopies socialistes » et de Charles Fourier.

 

Godin avait fondé une manufacture (qui existe toujours) de poêles en fonte de fer et il avait accompagné cette activité industrielle de la mise en pratique de ses idées inspirées de Fourier : ainsi le familistère qui, selon son créateur, était conçu comme un « palais social »  où les familles des ouvriers vivaient en communauté. Cela était dans la logique du socialisme français originel, celui dont Pierre Leroux (« l’inventeur » du terme) disait qu’il était la critique et l’opposé de l’individualisme social symbolisé par les lois révolutionnaires (et économiquement libérales) de 1791 (d’Allarde et Le Chapelier).

 

« La cité édifiée à côté de la fonderie (…) devait offrir « les équivalents de la richesse » aux familles des employés de l’usine. Le Palais comprend d’étonnants pavillons d’habitation collective et de nombreux équipements de service : des magasins, une buanderie et une piscine, un jardin et des promenades, une crèche, des écoles, un merveilleux théâtre. (…) Au sein de l’Association coopérative du Capital et du Travail, les travailleurs participent à la gestion et aux décisions ; ils deviennent propriétaires de l’usine et du Palais ».

 

Le paradoxe de cette expérience unique d’une véritable « autogestion » par les employés de l’usine de leur cadre de vie et de travail est qu’elle a disparu en … 1968, l’année même où les idées mises en pratique par Godin et ses ouvriers étaient mises en avant par des étudiants contestataires…

 

La visite de ce familistère nous a montré combien cette cité n’était pas livrée à l’anarchie mais qu’elle reposait sur des principes clairs de respect de chacun et d’organisation, symbolisés par l’existence d’un règlement intérieur rigoureux et obligatoire, avec des sanctions en cas de violation de celui-ci. Bien sûr, cette utopie réalisée d’une forme de « contrat social » ne laissait pas de place à la religion en tant que telle (même si Godin était personnellement très croyant), ce qui a sans doute empêché la jonction avec les catholiques et royalistes sociaux de l’époque. D’autre part, il n’est pas impossible de penser que cette vie collective pouvait être pesante à certains, en particulier dans un monde et une époque où le matérialisme et l’individualisme progressaient sous la forme d’une « société de consommation » qui accordait moins de place au « service » et aux devoirs des uns envers les autres. Mais cette idée d’association du Capital et du Travail que Godin réalise à travers son familistère, cette forme de « république du travail », n’est pas, en définitive et avec le recul, si éloignée que cela des idées avancées par un La Tour du Pin ou un De Mun. Au-delà de la question de la religion et de sa place dans la société et son encadrement, c’est peut-être celle de la décision (sociale ou économique) et de la forme de ses instances au sein de la société qui a pesé dans le débat (s’il a eu lieu…), tout comme cette pression, ce « regard de tous sur tous » que d’une certaine manière cette forme d’habitat suppose.

 

Néanmoins, cette « république du travail » me semble une expérience à méditer pour ceux qui veulent penser la question sociale au-delà de l’alternative piégée « étatisme ou libéralisme » : les royalistes sociaux d’aujourd’hui auraient tort de méconnaître cette « république » qui pourrait facilement trouver sa place dans une « Monarchie fédérative des peuples et républiques de France ». « Sub rege, rei publicae », disait-on jadis : et pourquoi pas demain ?