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12/05/2020

La CGT et le MEDEF contre la solidarité française.

En cette période particulière, quelques efforts sont demandés à chacun d’entre nous, et cela dans tous les métiers et dans toutes les catégories sociales, ce qui n’est pas, au regard des enjeux, choquant en soi-même. D’autant plus que le temps du confinement, désormais dépassé, pourrait bien entraîner, si l’on ne s’en préserve, une véritable catastrophe économique et, au-delà, sociale : la crise est devant nous, affirment nombre d’acteurs et d’observateurs de la scène publique française, et le plus compliqué reste à venir. Et c’est la capacité de la « nation productrice » à aborder les temps qui viennent qui sera déterminante : résilience, bonne volonté et esprit de service devront prévaloir, et cela fait sens dans une société qui n’est pas qu’un agrégat d’individus interchangeables. Justement, le vieux pays qu’est et que reste la France fait sens, et elle incarne cette durée et cette possibilité, à échelle humaine et historique, de « l’éternité renouvelée ». Sur ces fondations-là, la crise peut, sinon être évitée, du moins être amortie et quelques mauvais coups déviés. Le fait de naître français, de le devenir, de l’être engage : l’oublier ou simplement le négliger aux heures sombres peut être, civiquement parlant (au sens athénien de la cité, de la « polis »), une forme de trahison qu’il s’agit, non de dénoncer, mais de combattre et de dépasser pour en éviter les sinistres conséquences.

 

Or, deux faits récents montrent que le bien commun n’est pas toujours envisagé par ceux-là mêmes dont ce serait le rôle de le défendre et de le promouvoir. Ils sont révélateurs de certaines maladies qui minent l’entente sociale nécessaire à la vie et à la prospérité raisonnée que chacun doit espérer, tout en y travaillant, pour sa communauté d’ensemble nationale, ce « plus vaste cercle communautaire qui soit, au temporel, solide et complet » et qui garantit la liberté et la survie de tous les autres. Le premier, c’est la politique d’obstruction du syndicat CGT à la reprise de la production dans l’usine automobile Renault de Sandouville (site de production de véhicules utilitaires), politique qui a abouti à l’arrêt complet de celle-ci, pourtant en cours de redémarrage la semaine dernière. Les raisons de cette obstruction, liée aux conditions de sécurité sanitaire au sein de l’usine ou, plutôt, aux procédures de convocation de la commission de santé et sécurité de l’établissement, sont, à bien regarder l’affaire, sans lien véritable avec la préservation de la santé des ouvriers, l’usine étant considérée comme l’une des plus exemplaires sur ce sujet sensible. Non, il s’agit juste d’une manœuvre assez indigne d’un syndicat qui, dans cette affaire, ne l’est pas moins et qui n’a agi que selon des considérations fort peu sociales, au risque de menacer l’existence même de nombreux emplois de Renault ! Après un tel mauvais coup, qui prive les salariés d’une reprise complète de l’activité sur le site prévue initialement pour cette semaine et désormais repoussée à quelques dizaines de jours, la CGT se retrouve isolée et décrédibilisée, au moment même où un syndicalisme fort et responsable serait absolument nécessaire pour participer au mouvement de redressement productif qu’il s’agit de favoriser et d’amplifier : avec une telle obstruction, « les clients ne risquent-ils pas de se tourner vers la concurrence si on ne peut plus produire ? », s’inquiète avec raison le délégué local de la CFE-CGC de l’entreprise. La CGT se comporte là en bien mauvais défenseur du monde ouvrier ! Là où il faudrait serrer les rangs (façon de parler, évidemment, en période de distanciation physique…) et se retrousser les manches, comme l’avaient commandé les prédécesseurs de M. Martinez aux ouvriers de 1945, cette centrale syndicale appelle à la démobilisation ou au blocage : Thorez et Frachon (secrétaire général de la CGT en 1945 et auteur du livre « La bataille de la production » que devraient utilement relire les cégétistes d’aujourd’hui...) doivent se retourner dans la tombe !

 

Les autres syndicats de l’usine de Sandouville avaient participé à un cycle de négociations entre la direction et les représentants des salariés, au niveau du groupe d’abord, de la France puis de chaque site de l’entreprise, dans le cadre d’un dialogue social largement apaisé au regard des circonstances particulières de la pandémie, un dialogue qu’il faut sans doute renforcer mais qui, pour le coup, était plutôt équilibré. Mieux vaut la conciliation sociale que l’antagonisme des acteurs de l’entreprise entre eux, sachant que, le plus souvent, le rapport de forces n’est pas favorable aux salariés, surtout dans le cadre d’une mondialisation qui valorise plus les « avantages comparatifs » que le « progrès social ». Mieux vaut l’unité de l’entreprise face à l’adversité concurrentielle que le rapport de forces permanent et destructeur de la justice sociale autant que de l’entreprise elle-même ! Avec cette obstruction totalement inappropriée, la CGT, au lieu de servir les salariés, risque bien d’accélérer le déclin de l’emploi dans les usines automobiles françaises : beau gâchis ! En l’espèce, la fameuse formule de Maurras, « la politique du pire est la pire des politiques », s’avère bien définir l’attitude funeste de la CGT locale…

 

Le deuxième fait que je qualifierai, là aussi, d’antisocial est le discours du MEDEF et de ses alliés d’experts libéraux qui ne raisonnent qu’en termes de croissance économique quand il faudrait, d’abord, penser en termes de prospérité, celle qui ne peut exister que si le social n’est pas négligé par l’économique. La croissance n’est pas toujours la prospérité, et la prospérité n’est pas qu’affaire de croissance : l’enjeu de l’avenir sera sans doute, justement, de penser « la prospérité sans la croissance », et de l’appliquer à ce monde, en procédant à un retournement de système (par la sortie de la société de consommation et de sa logique fordo-franklinienne). Ce qui est certain, c’est que le discours du « travailler plus d’heures et plus de jours dans l’année », et vouloir l’inscrire dans la loi, est plus que maladroit, c’est une faute sociale autant que stratégique : d’abord parce qu’il n’est pas utile de l’imposer par le biais législatif (ce qui paraît d’ailleurs contradictoire avec le libéralisme prôné qui, a priori, valorise plutôt la liberté que la contrainte…), les salariés, les indépendants et les chefs d’entreprise sachant bien que des efforts seront, évidemment, nécessaires pour sauver leur propre emploi et leur revenu ; d’autre part, pourquoi évoquer cela au moment où le confinement forcé et obligatoire pour nombre de travailleurs a été vécu, déjà, comme une contrainte plutôt que comme des vacances reposantes ? Bien sûr, les situations sont différentes d’un secteur d’activité à l’autre, mais le discours brutal du MEDEF a tendance à bloquer les bonnes volontés plutôt qu’à les susciter et à les soutenir. De plus, la réticence de ce même MEDEF à accepter quelques efforts financiers, en particulier par le moindre versement de dividendes aux grands actionnaires, et le chantage au départ fiscal de ceux qui pourraient être soumis à un ISF rénové, semblent prouver un comportement bien peu patriotique, au moment où l’État injecte tant d’argent, celui des contribuables (et pas des seuls actionnaires), dans l’économie réelle pour en éviter le collapsus. Dernier point : les chefs d’entreprise des grandes sociétés et les actionnaires les plus aisés (tous ne le sont pas, et le retraité qui compte sur quelques dividendes annuels pour améliorer un peu sa retraite ne peut être confondu avec les grands spéculateurs aux comportements de prédateurs) ne peuvent s’abstraire de leurs devoirs sociaux, au risque de ne plus être considérés que comme des profiteurs sans légitimité et s’attirer les foudres de l’opinion publique, à raison dans ce cas-là. La solidarité ne doit pas être un vain mot ou ne s’exprimer que dans le cadre de sa classe sociale d’appartenance : elle doit irriguer toute la société et ses catégories diverses, dans l’équité et la péréquation sociales.

 

Sans justice sociale, une société ne peut que se déchirer et compromettre son rétablissement économique. L’oublier, que l’on soit syndicaliste CGT à Sandouville ou libéral de l’Institut Montaigne ou du MEDEF, c’est manquer à ses obligations de solidarité française, celle qui permet de traverser les tempêtes sans briser le navire ni jeter ses passagers par-dessus bord…

 

 

05/01/2013

Depardieu et la République fiscale...

 

Ce qui est devenue l’affaire Depardieu ne cesse, depuis quelques semaines, d’enflammer la toile et le paysage politique français tout autant que le monde du cinéma qui révèle, à ceux qui ne s’en doutaient pas encore, toutes ses détestations et conflits internes. L’acteur Depardieu est devenu aux yeux des uns un véritable pestiféré, un traître qu’il convient de dénoncer et de clouer au pilori, pour les autres le symbole du ras-le-bol et de la fuite des capitaux hors de notre pays du fait de la trop grande pression fiscale actuelle… Mais ce n’est plus un film, c’est un feuilleton dont Depardieu est la tête d’affiche, peut-être bien à son corps défendant d’ailleurs !

 

Quelques remarques sur ce feuilleton, en lui-même fort révélateur, à la fois d’un certain état d’esprit de nos élites comme de nos gouvernants, mais aussi des contradictions des uns et des autres, et des défauts de cette République qui va aujourd’hui à vau-l’eau en attendant son discrédit final et, il faut le souhaiter pour elle, fatal…

 

Tout d’abord sur les motivations de l’exil fiscal de Gérard Depardieu : partir pour échapper à l’impôt de son pays me semble, en soi-même, peu honorable, et c’est faire peu de cas de la solidarité nationale que sont censés permettre taxes, redevances et impôts directs au profit de la communauté nationale toute entière, en de multiples secteurs, de l’enseignement à la santé. Malheureusement, Depardieu, aujourd’hui emblématique de cette désertion fiscale, a été précédé depuis bien longtemps par la plupart des grands entrepreneurs et financiers de ce pays, de nombreux acteurs et chanteurs, mais aussi par des sportifs qui, comble de l’ironie, portent les couleurs de la France dans les compétitions internationales, par exemple dans les sports de raquette ou de nage… D’autres, revenus en nos terres françaises, rechignent encore à régler leurs dettes envers l’Etat français, tels M. Noah, ancien sportif reconverti dans la chanson mais aussi soutien fervent de l’actuel président lors de la campagne électorale de 2012 !

 

Cela étant, rappelons l’adage bien connu que les socialistes semblent avoir oublié : « trop d’impôt tue l’impôt ». La pression sur les contribuables est forte en France et peut-être même mal répartie, et il semble que l’Etat n’a pas vraiment de stratégie fiscale à long terme, préférant aller à la facilité sans se poser la question des avantages et inconvénients (et pas seulement dans le cadre financier) de telle ou telle imposition (ou augmentation de celle-ci) et sans vraiment remettre en cause les véritables privilèges de certaines catégories, en particulier au sein de ce que l’on pourrait nommer « le pays légal », c’est-à-dire la classe politicienne et ses nombreux élus… Il est tout de même surprenant, pour ne pas dire choquant, que ceux-là mêmes qui sont tenus de voter la loi ou de la faire appliquer se prémunissent contre les effets de celle-ci quand elle pourrait leur imposer de participer un peu plus au bon fonctionnement de l’Etat… Les mêmes qui vouent Depardieu aux gémonies ont refusé, il y a quelques mois, de diminuer leur traitement de parlementaire (tout ceci dans un ensemble touchant et éminemment républicain, de Droite comme de Gauche, les principales exceptions se recrutant, d’ailleurs, à Droite…), et de renoncer à quelques  avantages fiscaux que leur situation d’élus leur assure, aux frais des finances publiques !

 

Il est aussi « amusant » de constater que les dénonciateurs de M. Depardieu en appellent à un « patriotisme fiscal » quand, dans le même temps, ils moquent le patriotisme économique ou s’enflamment contre le protectionnisme, et ne cessent de vanter les mérites de la « citoyenneté européenne » et de la libre circulation des biens et des personnes au sein de l’Union européenne, mais aussi au-delà, en arguant des bienfaits de la mondialisation qui va en finir avec les barrières et les frontières… Il y a là une contradiction, n’est-ce pas ? Car, comment peut-on reprocher à M. Depardieu de vouloir s’installer en Belgique (comme il le déclarait en décembre dernier), qui est bien un pays de l’Union européenne et de la zone euro, et dans le même temps, comme cela est le discours officiel depuis nombre d’années, prôner une Europe fédérale qui, si elle se faisait et appliquait l’harmonisation fiscale, entraînerait un véritable effondrement des ressources financières de l’ensemble français ? Terrible contradiction dans les discours de nos gouvernants qui, d’ailleurs, suscite l’amusement dans les milieux européistes et à Bruxelles, et agace un certain nombre de politiques et contribuables belges qui n’apprécient guère de voir leur pays pratiquement dénoncé comme un « paradis fiscal » par le grand pays voisin !

 

Bien sûr, M. Depardieu a tort de partir, que cela soit en Belgique ou en Russie ! Et je suis assez nationaliste pour dire que j’y vois une forme de trahison ! Mais c’est aussi parce que je suis nationaliste que je dénonce également une République qui n’est plus capable de faire aimer et respecter la France, une République qui passe son temps à fiscaliser quand il faudrait d’abord économiser, qui passe son temps à vanter « l’Europe, l’Europe, l’Europe » mais sans en accepter les conséquences, qui passe son temps à parler « mondialisation » (malgré M. Montebourg qui, au moins, a le courage de remettre en cause cette nouvelle idéologie dominante) sans en mesurer les conséquences sociales et environnementales…

 

M. Depardieu a individuellement tort mais c’est bien la République la principale responsable de cette désertion, et cette affaire n’en est que la triste illustration : au grand tribunal de l’histoire, c’est Danton, le fondateur même de ce Tribunal révolutionnaire qui le condamne à la mort, qui est guillotiné au temps de la Terreur mais c’est la Terreur, celle de la 1ère République, qui est néanmoins condamnée aux yeux des hommes et des générations qui suivent