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11/08/2011

La crise n'est pas finie...

La nouvelle crise financière qui est en train de dérouler ses effets sur les pays occidentaux en plein mois d'août n’est pas exactement une surprise, et feindre l’étonnement devant les récents événements et l’effondrement d’une part du système financier états-unien et européen serait faire preuve de cynisme ou de naïveté de la part des analystes et des hommes d'affaires qui ont tant participé à ce « système de crise », voire à ce que l'on pourrait nommer de façon plus simple « le Système », fait de globalisation, technophilie et société de consommation.

 

De multiples avertissements, ces dernières années mais aussi bien avant 2007 et la crise des « subprimes », ont été lancés dans une indifférence presque totale, et je n’ai pas été le dernier à évoquer la possibilité d’une crise qui ne soit pas que conjoncturelle mais aussi structurelle, même si je ne savais pas quelles formes exactes elle allait prendre, ni quand elle allait survenir en tant que telle : désormais, il est possible de prendre 2007 ou/et 2008 comme point de départ.

 

A force de jouer les éternels Cassandre, rôle ingrat et nécessaire mais qui ne ferme pas forcément la porte à l’espérance, une certaine fatigue teintée d’amertume peut parfois m’envahir : le danger serait de se réfugier dans une sorte de retraite méprisante et désabusée, impolitique et donc totalement négative. Or, faire de la politique, c’est refuser le fatalisme et chercher les voies institutionnelles d’une « sortie de crise », qu’elle qu’en soit le domaine.

 

Dans le cas spécifique et au regard de son histoire et de sa culture politique, il me semble indéniable que l’Etat a un rôle à jouer dans l’économie, non pour la diriger mais pour lui éviter de défaire ce qui doit être préservé, que cela soit l’environnement ou de justes rapports dans la société : le comte de Paris disait jadis que « la mission du Pouvoir est de rendre les gens heureux » et, au-delà d’une formulation qu’il faut, à mon avis, préciser, cela fait sens. J’avoue que, pendant longtemps, une stricte lecture maurrassienne me faisait rechigner à user du terme « bonheur » considéré comme trop moral ou trop vague pour être vraiment autre chose qu’une nuée, une abstraction saint-justinienne qui avait fait tant de mal dans l’Histoire, en particulier durant la Terreur ou au temps de l’Union soviétique… Mais, en fait, lorsque le comte de Paris écrit la formule évoquée, il ne s’agit pas pour lui de parler d’un « mythe » ou d’user d’une facilité de langage démagogique, mais de rappeler que l’Etat a pour devoir d’assurer le bien-être de ses citoyens ou, du moins, de le préserver du pire, de la défaite ou de la misère, de la toute-puissance des forces économiques et des injustices sociales qui résultent d’une application trop stricte de la « liberté économique », celle du « renard libre dans le poulailler libre » qui oublie les règles de l’équilibre de toute société.

 

L’Etat français, aujourd’hui encore et malgré la République, est conscient de cette tâche qui lui revient, non seulement de droit mais de devoir et de légitimité, et le président Nicolas Sarkozy, dans son discours de Toulon de 2008, rédigé par le gaulliste social Henri Guaino, avait alors pris le contrepied de ce qu’il avait dit quelques semaines auparavant, au risque même de contredire la lettre et l’esprit du traité de Lisbonne dont il se veut le « père » (de façon un peu exagérée, d’ailleurs) et qui est de stricte orthodoxie libérale… Son actuelle et indéniable activité politique face à la crise de la zone euro et sa proximité avec la chancelière allemande (proximité qui peut, sur certains points, être fort critiquable) montrent que deux Etats actifs et volontaires sont plus efficaces et plus engagés que les institutions officielles de la Commission mais aussi de la BCE, sans même parler du Parlement européen qui poursuit tranquillement ses vacances...

 

Il est d’ailleurs significatif que les propos récurrents de M. Guaino expliquant qu’il ne fallait pas hésiter, en cas de besoin, à passer par-dessus les critères de Maëstricht  (propos qui, jadis, firent scandale !) forment désormais la réalité concrète de la politique des deux grandes puissances de la zone euro. Pied de nez au libéralisme, d'une certaine façon !

 

Avoir eu raison trop tôt (mais je n’étais pas le seul, évidemment, à prévenir des risques d’un libéralisme sans garde-fou ni freins) ne me console pas vraiment, parce que, lorsque ce qui est annoncé arrive, c’est encore Cassandre qui est accusée d’avoir attiré le malheur sur la cité et que les retournements de veste, bruyants à défaut d’être complètement sincères, couvrent les paroles des justes augures.

 

Depuis plus de trois ans qu'elle est apparue visible, la crise n’est pas finie, et elle n’est, en fait et au-delà des péripéties multiples et quotidiennes, qu’une transition, un vaste transfert de richesses des classes moyennes du Nord vers celles, émergentes, de Chine et d’Inde, mais aussi, comme le montrent les déclarations des hauts responsables chinois (qui se payent le luxe de tancer les Etats-Unis et l’Union européenne pour leurs déficits…), un transfert de direction politique et économique des Etats occidentaux (désarmés et de plus en plus dépendants des oligarchies financières) aux Etats du « Sud conquérant », entre autres, comme je l’ai déjà dit maintes fois, sur ce blogue comme dans des discussions avec mes élèves ou mes collègues : le rôle de Cassandre, aujourd’hui, s’achève, et doit laisser la place aux actions concrètes des Politiques, à ceux à qui il revient de forger les boucliers mais aussi les épées de demain, à ceux qui doivent, l’espérance au cœur, agir pour les générations qui s’annoncent et celles qui sont encore lointaines. Dans son histoire, notre pays a traversé de multiples épreuves, il survivra à cette crise, sans doute, et cela même si l'euro monnaie unique disparaît, ce qui n’est pas tout à fait impossible  : mais, le « mettre en Monarchie » aurait comme vertu d’inscrire le long terme dans l’Etat, élément nécessaire de tout amortissement et de toute résolution de crise et condition de la justice sociale, garantie par la loi nationale plus sûrement que par les règles d’une Union européenne, aujourd’hui percluse de libéralisme comme d’autres le sont de rhumatismes…

 

 

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