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24/09/2018

Le règne des partis, échec de la démocratie ?

Les partis politiques sont épuisés, si l'on en croit le nombre d'adhérents à jour de leur cotisation, et l'opposition, sous ses diverses étiquettes, ne semble pas mieux se porter que le mouvement du président actuel : la seule évocation du cas du parti des Républicains, qui est censé regrouper les restes des formations qui se réclamaient du gaullisme et de la droite conservatrice ou libérale, est éloquent, comme le démontre un article paru dans le quotidien L'Opinion ce lundi 24 septembre 2018, sous le titre « A Paris, à peine 6 % des adhérents LR ont moins de 30 ans » : sur 6.099 adhérents parisiens (pour une métropole de plus de 2 millions d'habitants...), certains arrondissements comptent moins d'une dizaine de membres anté-trentenaires ! Et pourtant, ce parti est considéré comme le parti modéré le plus représentatif de la Droite et celui qui peut être appelé à diriger à nouveau le pays dans quelques temps. Mais que dire, aussi, du Parti Socialiste, encore au pouvoir il y a deux ans, ou des autres partis dits de gouvernement ? Quant aux partis contestataires, leurs effectifs ont fortement diminué depuis leurs échecs respectifs de l'année 2017, année durant laquelle le « dégagisme » a porté M. Macron à la présidence de la République, sans troupes véritables mais avec des ambitions certaines.

 

Et pourtant ! La démocratie représentative contemporaine accorde aux partis une place prépondérante, au point que l'on peut supposer que, dans ce système, la démocratie est bel et bien, et uniquement, le règne des partis et de leurs servants, mais aussi de leurs financiers et commanditaires. Cela peut pourtant sembler exagéré et illogique au regard de la faible adhésion à ces partis et de la vacuité de leurs programmes, réécrits à la veille de chaque élection, au gré d'une adaptation permanente qui apparaît plus comme une nécessité électorale que comme un engagement vraiment politique... Il y a de quoi être perplexe devant les réunions d'avant-campagne durant lesquelles il est fait appel aux propositions des militants, celles-ci étant, en définitive, supplantées par des textes rédigés par des comités d'experts ou des technocrates, voire par des communicants pour lesquels la forme importe plus que le fond : en fait, il s'agit de conquérir le pouvoir, parfois sans idée précise de son exercice, ce que signalait, en son temps, François Mitterrand dont le livre fameux (et terriblement bien écrit tout autant qu'injuste pour le fondateur de la Cinquième République...) « Le coup d’État permanent » trouvera sa meilleure illustration durant le double septennat (1981-1995) de l'ancien lecteur de L'Action Française et rédacteur du bulletin royaliste L'Action angoumoise des années 30...

 

Le ras-le-bol français s'exprime souvent par une forme, plus verbale qu'active, d'antiparlementarisme et d'antipartisanisme qui, pour être compréhensible, n'en est pas moins proprement inefficace, et cela depuis fort longtemps, ne trouvant pas de débouché politique et confinant à une forme de désespérance qui, en définitive, permet au système d'éternellement perdurer sans trop d'inquiétude... L'abstention, que certains revendiquent comme une forme d'action politique de désaveu du système politicien, si elle peut être parfois fort sympathique et légitime, reste désespérément sans effet sur les politiques menées et les institutions : elle est juste révélatrice du malaise, et elle est évoquée en début de soirée électorale pour être totalement oubliée la minute d'après... Constatons qu'elle représente presque 60 % aux élections européennes sans que cela n'empêche ni la légitimation des élections ni les déclarations de victoire des partis, ni les élus de se déclarer les seuls représentants de la Vox populi, ceux ne votant pas (ou plus) étant renvoyés à leur « absence » et au silence.

 

La tradition royaliste ne refuse pas les partis, mais elle s'inquiète du règne de ceux-ci sur l’État, règne consubstantiel à la démocratie représentative : c'est une des raisons fortes de la nécessité royale pour la magistrature suprême de l’État, ainsi libérée des jeux de partis et des alliances politiciennes par la transmission héréditaire, la naissance ne s'achetant pas et le nouveau-né ne se choisissant pas plus que le jour de la mort de son prédécesseur n'est connu, a priori, de celui-ci et des autres... Cette « incertitude temporelle » qui est bien encadrée par des lois fondamentales de succession tout en restant profondément liée à la nature de l'homme elle-même, est sans doute une manière simple, la plus naturelle qui soit, de ne rien devoir aux partis et d'être le recours à ceux-ci lorsque la situation leur échappe et que le pays est menacé.

 

Ainsi, au regard de l'histoire tragique de la France au XXe siècle, s'il y a bien eu un de Gaulle en juin 1940 pour dépasser la défaite, il a manqué un roi en novembre 1918 pour gagner cette paix qui aurait permis d'éviter les malheurs du printemps 1940, malheurs dont les partis se sont vite exonérés en refilant le pouvoir défait à un vieux maréchal qu'ils étaient allés chercher dans son ambassade de Madrid...

 

Bien sûr, la Monarchie n'est pas un « sceptre magique », mais elle autorise à penser à une forme de démocratie qui ne doive pas tout aux partis, et qui n'en soit pas la prisonnière et, parfois, la victime expiatoire.

 

 

 

 

17/09/2018

L'Exécutif contre le Sénat.

 

L'affaire Benalla devrait être terminée et désormais laissée aux juges pour les faits qui sont reprochés à l'ancien garde du corps présidentiel et qui, somme toute, apparaissent assez anodins au regard des violences et incivilités quotidiennes vécues trop souvent par nos concitoyens. Je ne devrais plus en parler ni même avoir à en parler ! Et pourtant, elle est à nouveau sur toutes les lèvres et en agace plus d'un, partisan ou adversaire du pouvoir actuel, comme si les braises d'une grillade d'été s'étaient mises à rougeoyer à nouveau sous l'effet d'un vent taquin. Mais ce sont les partisans du président qui raniment la flamme, et même pas les opposants à M. Macron, plutôt discrets sur ce sujet depuis la rentrée et l'accumulation des dossiers sociaux, environnementaux ou européens qui suffisent aux oppositions pour exister et s'exprimer.

 

Ainsi, M. Castaner, secrétaire d’État aux relations avec le Parlement, et accessoirement délégué général du part présidentiel, et Mme Belloubet, garde des sceaux, s'en prennent-ils avec virulence au Sénat, accusé désormais de menacer les institutions républicaines par sa simple volonté d'entendre M. Benalla devant sa propre commission d'enquête parlementaire. Les arguments valorisés, les mots employés sonnent comme autant de menaces, sinon sur l'existence du Sénat, du moins sur ses pouvoirs et ses capacités à pouvoir les exercer librement sans risquer de représailles de l'exécutif.

 

En fait, les relations entre les sénateurs et le pouvoir politique en place n'ont pas toujours été sereines si l'on considère l'histoire même de la Cinquième République, et le général de Gaulle, président-fondateur de la nouvelle République de 1958, s'est souvent heurté à son président, qu'il s'appelle Gaston Monnerville ou Alain Poher, et à ses membres, tout comme Grévy, premier président vraiment républicain de la Troisième qui, malgré un Sénat majoritairement acquis dès 1879, y eut encore à affronter durant son mandat de fortes résistances monarchistes. Il est vrai que, par nature même et par la durée du mandat sénatorial (aujourd'hui de six ans après avoir été très longtemps de neuf ans), la Chambre haute apparaît plus ancrée dans un pays réel plus varié que le seul monde urbain majoritaire et versatile, voire opportuniste. Cela ne l'empêche pas d'appartenir à un pays légal parfois peu populaire et il lui est souvent fait reproche, non d'en être, mais d'apparaître comme un « doublon » de l'Assemblée nationale (ce qui n'est pas forcément exact) ou comme une assemblée inutile et trop coûteuse d'entretien comme d'existence : ces derniers qualificatifs peuvent s'entendre si l'on reste dans une logique strictement antiparlementaire, mais elle ne me semble ni sérieuse ni juste, même s'il me semble qu'est nécessaire une véritable réforme de son recrutement (sans remettre en cause la nature « diverse » de celui des sénateurs, mais en l'accentuant plutôt, par l'entrée d'élus issus du monde « professionnel » - corporatif, diraient certains -, entre autres) comme de son fonctionnement et de ses capacités dans le cadre d'une « démocratie des peuples, des territoires et des communes, des métiers et des idées » qu'il s'agit encore d'inventer et de fonder.

 

Dans cette affaire Benalla, il est tout de même étonnant que l'entourage politique du président apparaisse aussi agressif contre un Sénat qui, au moins en début de quinquennat, ne lui était pas fondamentalement hostile, malgré ses profondes réserves sur les projets territoriaux du candidat élu. Mais le climat s'est vite détérioré, il est vrai, sans doute parce que l'idéologie macronienne, autant que l'électorat qui l'a validée, est d'abord urbaine et « mondialiste », à rebours des tendances profondes de la plupart des sénateurs, dont le pas, souvent moqué pour sa lenteur, symbolise un temps moins pressé et des espaces plus proches, moins lointains donc.

 

Le Sénat, dans cette affaire, a le beau rôle et retrouve des couleurs, paradoxalement renforcé par l'adversité des macronistes et leur acharnement à défendre un M. Benalla dont les pouvoirs (et celui de nuisance en est sans doute fort redoutable pour l'actuel Chef de l'Etat...) semblent plus importants que ceux que sa fonction officielle lui conférait : en définitive, s'il y a scandale, c'est plutôt là qu'il réside ainsi que dans le système qu'il révèle. Dans cette configuration particulière, le Bien commun apparaît comme victime d'une République « personnalisée » ou, du moins, son otage... Là aussi, une libération s'impose, et elle passe par celle, initiale, de la magistrature suprême de l’État dont le fonctionnement institutionnel ne doit plus reposer sur la seule légalité électorale, impuissante à donner légitimité et force suffisantes pour s'imposer aux féodalités partisanes et économiques.

 

 

 

10/09/2018

La sauvegarde nécessaire du patrimoine français.

Le Loto du patrimoine se déroule cette semaine et devrait rapporter environ 15 à 20 millions d'euros pour participer à la restauration de 270 sites en péril : cela peut sembler dérisoire au regard des enjeux et de l'importance de ce qui fait nos paysages historiques et l'identité de la France tout autant que sa mémoire vive. Mais, même si les sommes restent beaucoup trop modestes, c'est toujours mieux que rien et, surtout, c'est l'occasion de mettre en valeur quelques éléments de la richesse française et de sa civilisation bimillénaire, et de rappeler à nos contemporains que nous sommes des héritiers, que nous le voulions ou non.

 

Cette opération intervient au moment où le Brésil pleure son patrimoine détruit lors de l'incendie de l'ancien palais impérial devenu Musée national à Rio de Janeiro. « Créé en 1818 par le roi portugais João VI, il abritait notamment le squelette de Luzia, plus ancien humain découvert dans le pays, datant d'environ 11.000 ans », rapporte Le Pélerin dans son édition du 6 septembre, et environ 20 millions de pièces conservées en cet endroit ont disparu en une seule nuit, n'en laissant que cendres et regrets, colère aussi. Les raisons qui expliquent, non pas l'incendie mais son ampleur et ses conséquences dévastatrices, sont éminemment politiques, comme « les coupes budgétaires décidées par le gouvernement libéral et affectant, entre autres, l'entretien du bâtiment ». Cela doit nous alerter sur la précarité de ce qui est face aux événements toujours possibles de l'incendie, du vandalisme ou du vol, et nous inciter à prendre quelques précautions et quelques initiatives pour préserver, entretenir et, surtout, valoriser ce que nous possédons comme patrimoine physique, mais sans jamais négliger « l'esprit des choses », ce patrimoine immatériel et symbolique qui donne du sens aux monuments et aux objets d'hier et d'avant-hier.

 

Dans cette période de mondialisation qui tend à uniformiser les pensées et à dénier les identités particulières des États pour imposer un modèle à la fois mondial (société de consommation ; libre-échange ; primat de l'économie ; multiculturalisme ; etc.) et communautariste (religieux ou ethnique), la préservation du patrimoine français va bien au-delà de la seule protection des vieilles pierres ou des ensembles admirables : il s'agit de sauvegarder et d'entretenir ce qui nous mène de la terre au ciel, nos racines, variées, familiales et provinciales, et ce tronc commun qui se nourrit de toutes et les réunit toutes, la nation française, lui même décoré et enrichi d'influences diverses et parfois extérieures, au fil d'une histoire qui n'est pas finie.

 

Il y a un « devoir de patrimoine », qui doit permettre à la mémoire de se perpétuer sans être un carcan mais bien plutôt « la possibilité d'un destin ». Si chacun de nous, et aussi tous les amoureux de la France et de ses mille couleurs, de la Bretagne à l'Alsace, de la Provence au pays d'Ouche, de Paris à Lancieux, peuvent être les gardiens attentifs et attentionnés de ce riche patrimoine, il appartient à l’État de jouer son rôle historique et politique qui est de garantir sa bonne santé et sa transmission aux générations futures, non en organisant tout et en intervenant partout mais en mobilisant les énergies disponibles et en appelant les capitaux et le mécénat là où c'est possible, et en n'hésitant pas à mettre la main à la poche quand cela est nécessaire, comme le firent les rois qui se sont succédé depuis François Ier, puis les quelques présidents soucieux d'art et de mémoire, comme MM. de Gaulle et Pompidou, entre autres. M. Macron, qui inaugura son règne quinquennal dans la cour du Louvre royal, ne doit pas oublier que le décor de sa victoire doit aussi à ce lointain passé qui, en définitive, n'est jamais complètement dépassé, source d'une mémoire active et encore vive d'une réflexion politique qui pose le temps comme un élément fondateur de toute puissance pérenne et visible.

 

L’État ne doit pas être un simple organe d'administration économique, comme le souhaiteraient les adeptes d'un libéralisme oublieux du Bien commun et partagé ; il se doit d'être le protecteur des arts et des pierres qui fondent la nation, avant que d'en être le financier ultime si besoin est. Cela implique aussi de ne pas laisser le passé nous commander mais d'en préserver les fondations solides sans lesquelles il n'est pas d'avenir souverain possible : la France n'est pas, ne doit pas être un musée. Mais elle doit être elle-même, libre, dans une logique permanente de « tradition critique » et de « fidélité créatrice ». Le bon usage de notre riche patrimoine peut en être une illustration utile et, en tout cas, nécessaire : oublier cela serait, non seulement un risque pour la pérennité de ce qui est, mais un péril pour ce que nous sommes au regard du monde et de l'histoire...