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31/12/2018

Comment sortir de la crise "par le haut" ? Quelques propositions royalistes...

L’année 2018 se termine sur l’incertitude, l’inquiétude et l’espérance, dans une sorte de valse endiablée que nul ne semble en mesure d’arrêter : le « Mai jaune », inattendue commémoration du précédent Mai d’il y a cinquante ans, n’en finit pas de rebondir, sous des formes diverses et parfois « scandaleuses » au regard de la démocratie représentative, fort malmenée par les manifestants au nom d’une forme de démocratie directe rebaptisée, peut-être abusivement ou maladroitement, « RIC » (Référendum d’Initiative Citoyenne). L’incertitude devant la suite du mouvement des Gilets jaunes, l’inquiétude des classes dominantes souvent malmenées par les slogans des manifestants, mais aussi l’espérance, sous des formes diverses et des points de vue différents, d’une sortie de crise : une équation compliquée, qu’il ne s’agit pas de négliger mais dont il faut chercher, et tenter autant que faire se peut, la résolution sans trop tarder.

 

Le président Macron, légalement et démocratiquement élu il y a moins de deux ans, se retrouve dans la situation la plus inconfortable qui soit, celle de la souveraineté impopulaire, voire discréditée, avec le risque de la paralysie et de la lente agonie d’un quinquennat désormais ensablé dans les mécontentements. La foudre qu’il était censé commander, en bon Jupiter présidentiel, s’est retournée contre lui, dans une sorte d’électrocution politique générale, et ni le gouvernement ni ses oppositions parlementaires n’en sont sortis indemnes. La défiance envers le président est devenue méfiance à l’égard de toutes les institutions de la démocratie partisane légale (y compris syndicales), et ce qui, aux dernières consultations électorales, se transformait en vote protestataire ou en abstention s’est tout d’un coup paré de jaune, désormais couleur de la colère !

 

Cette colère, cette sorte de fureur sociale incontrôlable, largement soutenue par les classes moyennes déclassées ou en voie de précarisation, n’est pas facile à calmer et la « classe discutante » (selon le mot de Weber) apparaît mal armée, intellectuellement et sémantiquement parlant, pour la comprendre complètement et, surtout, pour se faire entendre des manifestants devenus parfois émeutiers. En quelques semaines, la production éditoriale, avant la production universitaire et littéraire qui traitera du phénomène avec quelque recul temporel, a rempli les boîtes-archives de tous ceux qui, participants ou contestataires du mouvement, veulent garder une trace et un souvenir de « l’histoire en cours », mais elle n’a pas vidé les rues ni apaisé les réseaux sociaux et les sites de discussion électroniques. J’ai rarement vu, depuis que la toile régit notre temps de débat, une telle effervescence et de tels affrontements, confinant parfois à une sorte de « guerre civile verbale » qui n’est pas, en soi, forcément rassurante…

 

La révolte débouchera-t-elle sur une révolution ? Une grande partie de la réponse dépend aussi de ce que l’on met sous le nom de révolution… S’il s’agit d’un changement d’état d’esprit, cela imposerait alors de rompre avec l’individualisme de masse et la société de consommation, avec cette « société distractionnaire » évoquée par Philippe Muray et cette « dissociété » dénoncée par le philosophe traditionaliste Marcel de Corte ; s’il s’agit d’un renversement des classes dominantes ou, mieux sans doute, de la fin de leurs féodalités financières et économiques, encore faudrait-il un Etat politique qui puisse assumer de recréer une forme de contrat social fondé sur les valeurs, non de jalousie et de ressentiment, mais de partage et d’équité, ce que certains nomment « justice sociale », et qui puisse imposer aux « puissants » d’intégrer un jeu social qui, sans renier leur liberté, leur rappelle leurs devoirs sociaux, comme cela pouvait être, en partie, le cas dans l’Athènes de Solon ; s’il s’agit d’un changement de régime politique, là encore la question de l’Etat est majeure, voire « première », et la nécessité de la sauvegarde et de la pérennisation du « pays ordonné » en relation, sans en être la vassale, avec les institutions internationales, d’Europe et d’ailleurs, s’imposerait…

 

En sommes-nous là ? Pas encore, sans doute, mais les révoltes accélèrent le temps et les processus, et il importe de savoir vers où elles peuvent mener, sans tabou, et vers quoi il serait bon qu’elles mènent ! En ce sens, le projet royaliste peut être un débouché intéressant et, surtout, positif autant qu’il peut nous sembler (mais je ne suis évidemment pas neutre, puisque « engagé car fidèle » selon la belle expression de Georges Bernanos) nécessaire : la Monarchie n’est-elle pas, en sa magistrature suprême, l’incarnation d’une autorité qui, aujourd’hui, manque au président, et d’une légitimité qui, désormais, ne se satisfait plus de la seule élection démocratique quinquennale ?

 

Renforcer l’Etat et sa force de dissuasion (et de persuasion) face aux grandes féodalités économiques, en particulier mondialisées ; décentraliser les pouvoirs, y compris législatifs, selon le principe intelligemment appliqué de la subsidiarité, et en rendre une partie aux citoyens par le biais de « votations » locales ou professionnelles, en s’inspirant, par exemple, de ce qui se fait en Suisse ; favoriser une économie de proximité, autant dans le cycle de production que dans celui de la distribution, et un redéploiement rural des populations et des activités ; mieux valoriser le travail et non la spéculation ; etc. Voici quelques pistes pour sortir « par le haut » de la crise, et pour aider à retrouver une concorde nationale, concorde aujourd’hui gravement menacée par le processus de désaffiliation dont mondialisation et métropolisation sont deux vecteurs importants sans être uniques.

 

Mais la République actuelle, tiraillée entre une tentation monarchique mal assumée et une tentation politicienne toujours vive, peut-elle répondre aux attentes, multiples, d’une France divisée et d’une société souvent conflictuelle ? Au regard des derniers quinquennats et des événements des dernières saisons, il est possible d’en douter. Le premier élément du projet royaliste, même s’il apparaît encore lointain (ce qui n’enlève rien à sa nécessité), est de « refaire l’unité française », entre bien commun accepté et convivialité sociale : il n’est pas certain que cela soit simple ou facile, mais c’est la condition première pour que la France sorte du cycle des révoltes et des crispations…

 

 

 

 

 

24/12/2018

Un Noël d'espérance au-delà des colères.

La fête de Noël n’est pas un moment ordinaire et le croyant y trouve aussi des raisons d’espérer quand l’incroyant la vit surtout comme le retour des joies et des plaisirs simples de la table et de la famille, mais c’est toujours, pour l’un comme pour l’autre, la joie de Noël qui s’exprime. Les enfants attendent la récompense de leur premier trimestre studieux, chantant parfois le soir autour de la crèche qui, elle, attend son principal personnage, déposé délicatement sur son lit de paille dans la nuit de la Nativité. Tant de souvenirs me remontent à la mémoire, en ce jour particulier qui s’annonce : autour de la grande crèche familiale, nous nous retrouvions le soir, à l’orée du coucher, et nous allumions les petites bougies colorées avant d’entonner quelques chants, invariablement clos par un vibrant et harmonieux « In excelsis Deo ». Ce rituel ne cessait pas lorsque j’étais chez mes grands-parents Lechaptois, mais la crèche était alors toute petite et en plastique, ce qui n’enlevait rien à ma ferveur enfantine et à celle de Mamé. Jours heureux…

 

Aujourd’hui, si je suis plus près de l’hiver que de l’enfance, je n’ai pas perdu mes espérances de Noël, même si les années passées ont effacé tant de visages familiers, les réduisant au souvenir parfois attristé, à cette nostalgie qui m’envahit parfois plus que de raison, celle d’un monde ancien qui était le mien avant que de devenir celui, incertain, des temps contemporains. Les événements récents n’incitent pas forcément à l’optimisme mais doivent susciter, dans le même temps, une espérance « raisonnable » mais aussi, sans être contradictoire, « passionnée ».

 

L’agitation automnale du pays, qui s’est couverte de jaune fluo, a étonné, effrayé parfois, suscité tant d’espoirs quand elle exprimait tant de colères, et ses éclats se sont fichés dans le mur des certitudes gouvernementales, au point d’en briller jusqu’aux palais lointains des puissants de ce monde-ci. Les ronds-points, lieux incontournables et pourtant négligés de notre société, ont été les espaces d’où les « personnes des recoins » ont crié leurs désespérances, leurs peurs, leurs émotions, leurs sentiments, mais aussi leurs résistances à l’air du temps, aux oukases venus « d’en haut », de Paris ou de Bruxelles… Les « perdants de la mondialisation » ont ensuite gagné la rue, et cela s’est vu et entendu, au point de réduire la République à s’enfermer dans le palais de Madame de Pompadour derrière des murailles de fer et d’acier gardées par des troupes nombreuses et casquées… « Quand l’ordre n’est plus dans l’ordre, il est dans la révolution », affirmait Robert Aron (et non son homonyme Raymond), et le samedi 1er décembre a semblé lui donner raison, au moins quelques heures, avant ce « retour à l’ordre » qui, derrière lui, a laissé gravats et ressentiments, mais aussi l’impression d’un nouveau rapport de forces, moins favorable au « Pays légal » et à sa République cinquième…

 

Ces événements, inattendus et largement inédits, ne peuvent laisser indifférent : s’il y a eu cette « grande peur des bien-pensants » qu’évoquait déjà le royaliste Bernanos en son temps et qui a parcouru les élites mondialisées et une part des bourgeoisies urbaines bousculées en leurs centres-villes par des foules de jaune vêtues, il y aussi eu des « moments d’espérance », parfois cachés par des violences (émeutières comme répressives) dont certaines étaient tout aussi inacceptables que le mépris des dominants à l’égard des Gilets jaunes et de leurs revendications, voire de leur être même. La convivialité observée sur les fameux ronds-points, le retour de solidarités anciennes que l’on croyait disparues, la joie de se retrouver comme communauté de destin malgré des situations fort différentes… Tout cela ne peut être négligé, et constitue déjà des milliers de souvenirs et d’histoires particulières qui s’entremêlent et s’embellissent parfois, sources d’une nouvelle mémoire populaire et, pour demain, d’une histoire qui ne sera pas la seule propriété des historiens.

 

De cela, surgit aussi une espérance passionnée, celle d’un changement, d’une rupture avec ce monde, cette mondialisation sans entraves ni racines, cette bétonisation des vies et des imaginaires, et d’une nouvelle prospérité, qui n’est pas forcément celle d’une croissance démesurée ou simplement économique. Est-elle réductible à l’espérance raisonnable, celle d’une amélioration du pouvoir d’achat compatible avec les règles économiques qui régentent notre pays et le monde contemporain ? Non, évidemment non, car « on n’est pas amoureux d’un taux de croissance », comme le clamait un slogan royaliste de la fin des années 1980 évoqué dans la publication d’alors des lycéens d’Action Française, Insurrection, titre provocateur pour une revue aux plumes alors prometteuses que l’on retrouve désormais dans quelques grands journaux d’aujourd’hui… Toute espérance dépasse la simple raison, autant raisonnement que sagesse : elle constitue une sorte d’au-delà des possibilités mais elle motive l’action et la réflexion, pour « rendre possible ce qui est nécessaire (ou ce qui est souhaitable »), et doit éviter l’hubris (la démesure), toujours dangereuse et perturbatrice. Ce sera sans doute l’enjeu des prochains mois, de la prochaine « saison » des Gilets jaunes ou de leurs successeurs. Il s’est levé, en ces temps incertains, une espérance qui, d’inquiète, est devenue vive, active, réactive… Il faut souhaiter qu’elle ne devienne pas cyclone destructeur mais qu’elle soit porteuse du meilleur possible pour notre pays et nos compatriotes, mais aussi pour ceux qui regardent la France avec amour ou simple curiosité. Bien évidemment, rien n’est sûr, mais le pire encore moins si les royalistes et les hommes de bonne volonté savent donner à l’espérance des formes heureuses et vigoureuses tout à la fois.

 

En tournant mes regards vers la crèche de cette veille de Noël, je discerne les visages des santons comme ceux des spectateurs du moment : tous semblent attendre, dans une sorte de patience tranquille… Croyants et incroyants, réunis dans l’espérance. L’espérance universelle de Noël, et particulière d’un Noël pour la France…

 

 

 

 

16/12/2018

Ce Système qu'il nous faut combattre.

En juin 1980, le journal Royaliste titrait, sur fond de Marianne vacillante : « Qui croit encore au système ? » : nous étions en pleine Giscardie, et les contestations restaient vives, dans le même temps que les Gauches s'apprêtaient à accéder au pouvoir, pour la première fois sous la Cinquième République, et soufflaient constamment sur les braises, s'enivrant de grands mots et de slogans qui se voulaient encore « révolutionnaires ». Les royalistes n'étaient pas les derniers à contester la présidence de « Foutriquet », selon le mot du philosophe Pierre Boutang, et à prôner un changement de tête, en attendant et en préparant un changement dans les institutions, certains en approfondissant celles de la Cinquième, « de la monarchie élective à la monarchie héréditaire et arbitrale » et d'autres, plus rudement, en renversant l'ordre centraliste, « de la République jacobine à la Royauté fédérale des peuples de France ». Mais tous pouvaient se reconnaître dans le titre de Royaliste, et, près de quarante ans après (ces fameux « quarante ans » que les Gilets jaunes évoquent comme un véritable mantra), après ces quatre décennies sans doute perdues pour la France (sauf peut-être sur la question de la décentralisation, avec les lois de 1982 et de 2004), ce titre paraît tout à fait adapté à la situation !

 

Bien sûr, il paraît nécessaire de définir ce que l'on peut nommer « système » pour éviter tout malentendu et toute illusion, et ne pas se tromper ni de cible ni d'enjeu. Le « système », c'est d'abord un état d'esprit libéral (au sens le plus extrême du terme) mis en pratique par le jeu d'institutions de moins en moins politiques et de plus asservies par les féodalités financières et économiques, de la République à l'Union européenne, et c'est surtout l'imposition d'une « gouvernance mondialisée » symbolisée et représentée par le pouvoir de grandes villes-monde ou d'immenses zones métropolisées qui n'ont plus guère de rapports avec les pays et les populations historiques sur lesquelles elles vivent, souvent à leur dépens, comme du temps de la romanisation antique. Le système, c'est ce carcan de la démocratie dite représentative de plus en plus lointaine pour ceux qu'elle prétend représenter sans leur laisser le droit à la libre parole, et qui est aux mains de partis et de notables de moins en moins représentatifs des réalités sociales de notre pays ; c'est ce que l'on pourrait nommer « le pays légal », celui des élus, des parlementaires (qualifiés souvent de « parlementeurs », comme en février 1934 ou dans les années 1950, avant le retour du général de Gaulle) et des ministres, mais aussi des syndicats, des médias ou des artistes de la société du spectacle, vitrine de la société de consommation.

 

Au regard des derniers événements, l'on peut aisément constater que ce système, qui porte aujourd'hui le nom « synthétique » de « République » et qui a peu à voir avec le sens premier de ce mot, la « Res publica » (la chose publique, ou la communauté publique, de la Cité), se défend bien à défaut de bien gouverner : la célèbre formule d'Anatole France, l'auteur du conte si peu républicain « L'île des pingouins », reste actuelle, et les méthodes du Sinistre de l'Intérieur, M. Castaner, démontrent à l'envi ces procédés de « basse police » qui vont si bien à ce système qui, à défaut d'être bien aimé, entend forcer les citoyens à l'accepter sans contester. Les diverses limitations de la liberté d'expression, les censures insidieuses ou les manipulations nombreuses, sans oublier les nouveaux moyens de la répression courante, des charges en moto (que j'avais, un des premiers, évoqué dans mon témoignage sur les événements parisiens du samedi 1er décembre) aux blocages de bus de manifestants bien en amont de Paris, de l'usage (inédit en ville depuis 2005) des blindés frappés de l'écusson de l'Union européenne (tout un symbole !) aux jets inconsidérés de gaz lacrymogène sur des manifestants un peu trop joyeux (comme place de l'Opéra samedi 15 décembre), sans oublier les projets ministériels et gouvernementaux de limitation légale du droit de manifester, tout cela marque une radicalisation d'un Système aux abois, furieux de s'être laissé bousculer par des « manants en gilets jaunes », sortis des profondeurs d'un « pays réel » négligé, voire oublié des « élites » (sic) tout d'un coup empêchées de « mondialiser en rond », selon l'heureuse expression d'un commentateur radiophonique...

 

En d'autres temps, Jean de La Varende, écrivain enraciné de Normandie, avait réhabilité le sens du mot « manant », en rappelant sa véritable et historique signification : « des manants, le beau mot qui réunissait gentilshommes et terriens... de maneo : je reste, je persévère et j'attends. Les autres pouvaient fuir ; pouvaient courir où l'on se divertit : à eux, les manants, de continuer, d'assurer. »

 

Alors, oui, en nous souvenant d'où nous venons et qui nous sommes, il nous est possible et fort légitime de revendiquer, face à un système féodal-libéral inquiet de ne plus être « la seule alternative » chère à Margaret Thatcher, d'être « les manants du roi », non pour détruire ce qui s'effondre, mais pour fonder un nouveau pacte social et politiquement royal, à l'écoute et au service de tous, cette alliance de l'Autorité nécessaire au sommet et des libertés garanties à la base, cette nouvelle arche française prête à affronter les tempêtes de ce « monde global » et de son « globalitarisme » néfaste pour les hommes comme pour la planète toute entière : pour ramener les Fouquet contemporains à la raison, il nous faut un « Louis XIV institutionnel », non un tyran mais un roi « protecteur des hommes et défenseur de la paix ».

 

La Monarchie n'a pas de sceptre magique, mais elle est la meilleure arme contre les spectres d'une mondialisation devenue folle d'avoir toujours eu tort...