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06/11/2007

Les femmes manquent...

Depuis quelques années, j’évoque à mes élèves une forme de migrations encore inconnue des manuels scolaires mais rendue inévitable du fait des nouvelles données démographiques des principales puissances émergentes que sont la Chine et l’Inde : il s’agit des migrations sexuelles qui répondent au déséquilibre de plus en plus fort entre garçons et filles, au détriment de ces dernières. L’hebdomadaire Marianne vient d’y consacrer un très intéressant (et inquiétant) dossier qui rejoint mes propos et mes préoccupations sur ce sujet particulier, à travers (entre autres) un article de Luc Richard sur la situation démographique chinoise qui s’avère fort préoccupante : « La Chine aux 11 % de croissance manque de millions de femmes, ce qui précipite le pays dans une fracture démographique sans précédent. Le nombre de naissances est de 117 garçons pour 100 filles, selon les dernières statistiques. (…) Alors, à qui la faute ? A la politique autoritaire de l’enfant unique. Lancée en 1979 par le pouvoir communiste pour casser l’expansion démographique chinoise, elle limite à un seul le nombre d’enfant par couple, à l’exception des ruraux qui ont droit à un deuxième enfant si le premier est une fille. » Mais le problème du déséquilibre touche aussi les pays du « Nord » d’Asie comme la Corée du Sud ou Taïwan : « Dans ces sociétés asiatiques, qu’elles soient urbaines ou rurales, autoritaires ou non, la sélection s’exacerbe en cas de baisse de fécondité », en particulier parce que dans le monde asiatique, le garçon est valorisé comme le porteur du nom de la famille et « assurance » des vieux jours des parents. Et la modernité permet de choisir le sexe de l’enfant à venir ou, plus exactement, de savoir ce qu’il sera, dès les premiers temps de la grossesse : « C’est grâce aux techniques de l’échographie ou de l’amniocentèse, généralisées dans les années 80, qu’il est possible de connaître le sexe du fœtus. Bien qu’illégaux, les avortements sélectifs font disparaître chaque année environ 600 000 petites filles ». La science au service de la sélection humaine…

Ce dont s’inquiète aussi Martine Gozlan, qui voit au-delà même des tests prénataux les ravages d’une société scientiste digne, en définitive, du « Meilleur des mondes » d’Aldous Huxley : « Car les savants (…) inventent l’utérus artificiel. (…) L’ectogénèse en termes chics. Selon l’honorable biologiste Henri Atlan, « tout devra se passer dans une espèce d’incubateur assurant les fonctions normales d’un utérus, du placenta et de l’organisme maternel lui-même en tant qu’appareil nutritif et d’excrétion, ainsi que sources de stimulations diverses de plus en plus étudiées ». Et c’est pour quand, docteur ? « Dans un avenir pas très éloigné. » ». En bref, comment se passer, demain, des femmes puisque la reproduction même leur échappera…

Pour en revenir à la Chine et à l’Inde, elle aussi touchée par ce déséquilibre hommes-femmes, l’avenir se présente sous les couleurs d’une société « sans femmes », en particulier dans les campagnes : il n’est pas certain que cela soit une excellente chose et les frustrations risquent bien de déboucher sur de véritables crises, voire une explosion de la délinquance sexuelle et, surtout, sur ces fameuses migrations sexuelles que j’évoque comme l’une des formes en expansion des mobilités humaines… N’oublions pas que les pays touchés par le déséquilibre des sexes comptent, à eux seuls, plus d’un tiers de la population mondiale (environ 2,5 milliards de personnes).

En devenant une « ressource rare » (pardon pour ces termes que j’emprunte au vocabulaire économique, si frustre, et qui ne qualifie pas les femmes dans leur humanité propre), les femmes risquent de devenir un enjeu à la fois économique et géopolitique : une raison de guerre ? Si tel devait être le cas, cela nous ramènerait aux débuts de l’humanité, la technique atomique et les sciences en plus, avec les conséquences imaginables que cela peut entraîner… Il est temps de rappeler, haut et fort, contre les apprentis sorciers et la logique de Marché, que, selon l’adage chinois, « il faut un garçon et une fille pour que la paire soit complète », ce que notre civilisation, à travers sa propre littérature, a traduit en d’autres termes : « la femme est l’avenir de l’homme ». L’oublier, c’est condamner l’humanité toute entière et sortir de toute civilisation…

04/11/2007

Le plein, s'il vous plaît...

J’ai dévoré en une petite journée le livre de Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean intitulé « Le plein s’il vous plaît ! » consacré au problème de l’énergie et des moyens à envisager pour se libérer des sources d’énergie non renouvelables, c’est-à-dire principalement le pétrole. Cet ouvrage est passionnant car il détaille les éléments du problème et, ne se contentant pas des « yaka », propose quelques solutions concrètes, en particulier la « taxe » sur les produits pétroliers et gaziers, taxe progressive destinée à éviter un choc trop brutal lorsque les échéances seront arrivées, c’est-à-dire lorsque la raréfaction du pétrole entraînera une hausse mécanique et violente des prix, difficile à supporter pour les moins aisés : « L’argument essentiel pour augmenter les taxes est d’éviter des coûts futurs exorbitants, qu’ils soient sociaux (…) ou environnementaux (…). Avec l’argent tiré d’une hausse du prix de l’énergie fossile (de toues les énergies fossiles – essence et diesel, certes, mais aussi gaz naturel, fioul domestique, kérosène, charbon, et tout le reste), nous pourrions précisément financer des investissements qui aideraient à faire baisser la consommation d’hydrocarbures. (…) Nous pourrions ensuite utiliser cet argent pour aider tous les acteurs économiques (entreprises et ménages) à gérer l’inéluctable modification de l’urbanisme et du système de transport découlant d’une énergie progressivement plus chère. »

Effectivement, taxer, si cela est forcément impopulaire, semble nécessaire pour éviter, ou atténuer, la surconsommation de ressources dont la pérennité n’est plus assurée que pour quelques décennies, un délai qui pourrait se réduire encore si les demandes en énergie des pays en forte croissance (Chine, Inde, etc.) continuent d’augmenter au rythme actuel. D’autre part, les auteurs rappellent qu’il ne faut pas oublier le coût environnemental de la consommation par nos sociétés et ses individus, un coût de plus en plus lourd même s’il semble « invisible » au regard du PIB des pays : « Non seulement la majorité des atteintes à l’environnement ne sont pas comptabilisées dans le PIB, mais elles le font croître, en nourrissant des activités de prédation, ou en engendrant des besoins de dépollution ou de reconstruction qui mobilisent des paires de bras et créent des revenus. » Mais, comme le signalent les auteurs, le simple jeu démocratique ne suffit pas à diminuer les atteintes à l’environnement ou la pression de nos sociétés de consommation sur les réserves énergétiques de la planète : « La démocratie, ce n’est pas nécessairement la voix de la sagesse, c’est celle de la majorité. (…) En démocratie, nous serons perpétuellement insatisfaits de notre sort (…). Un sondage effectué en 2004, par exemple, donnait encore 85 % de nos concitoyens opposés à une hausse volontaire du prix des carburants. (…) La clé du problème se trouve dans la notion même de démocratie (…). La contrainte volontaire en démocratie, s’il n’existe ni sanctions ni pénalisation économique, ne pousse jamais à l’action résolue plus de 1 à 2 % de la population. » Ainsi les discours et les campagnes de sensibilisation ne sont pas encore suffisants pour agir sur les citoyens-consommateurs, « se souciant surtout de consommation, très peu du long terme, tout en reprochant à leurs élus de ne pas s’en soucier plus qu’eux. (…) Totalement obnubilés par notre « droit à consommer sans entraves », nous ne prenons absolument pas le chemin de la réduction volontaire de la consommation de combustibles fossiles ». De plus, laisser agir le seul mécanisme du Marché n’est guère plus probant, par le principe même du système économique actuel : « Comment des industriels pourraient-ils décider par eux-mêmes d’une contrainte significative dans un monde de plus en plus concurrentiel ? (…) Seule la puissance publique peut fixer de telles règles du jeu, conformément au bon sens et aux enseignements les plus solides des économistes ».

Les deux caractères de la politique à mener, selon les auteurs, sont « durée et progressivité ». « Les énergies fossiles doivent devenir de plus en plus chères, et ne jamais redevenir bon marché, du moins avec quelques milliards de consommateurs sur Terre. La durée, cela suppose encore que les élus ne remettent pas en cause cette hausse, et donc que s’installe un consensus au sein de la population, comme dans le cas de notre système de retraites ». Mais est-ce vraiment possible dans une République toujours coincée entre deux élections, qu’elles soient présidentielles, législatives ou régionales, et avec des politiciens qui en appellent plus aux sentiments des consommateurs qu’au civisme des citoyens, c’est-à-dire qui abandonnent le sens même de la volonté politique ? Le « consensus » à établir dépend, à mon sens, d’abord de l’exemple et de l’action de l’Etat et il me semble que l’un des avantages d’une Monarchie héréditaire est de libérer la magistrature suprême de l’Etat des « tendances consommatrices » et de garantir, au moins à la tête de l’Etat, cette durée nécessaire à la pérennisation d’une politique de l’énergie et de l’environnement considérée comme vitale pour assurer l’avenir des générations à venir. Je parle bien sûr d’une « Monarchie à la française », pas seulement constitutionnelle mais « politique et active » : il me semble même que cette double question énergétique et environnementale sera l’un des éléments de légitimation (ou d’échec, d’ailleurs) de la Monarchie dans sa phase d’instauration et d’enracinement…

02/11/2007

Argent, distraction et contestation.

Quelques universités s’agitent depuis la semaine dernière, sous l’impulsion de certains groupes politiques qui, défaits sur le terrain électoral, cherchent à se refaire une santé en soulevant une contestation étudiante contre les dispositions de la loi sur l’autonomie des universités adoptées l’été dernier. Dans une logique démocratique « intégrale », c’est le jeu et les mouvements étudiants, de quelque bord qu’il soit, y participent. Bien sûr, l’extrême gauche en profite, y voyant aussi l’occasion de recruter des troupes fraîches en annonçant « le grand soir » (toujours repoussé…). Quant à l’UNEF, syndicat étudiant marqué à gauche, c’est l’occasion de repérer les « jeunes pousses » qui, demain, seront intégrées à l’appareil du Parti socialiste : il est toujours amusant de voir la carrière de ceux qui, à l’automne 1986, promettaient la révolution et sont aujourd’hui, comme Darriulat (à l’époque dirigeant trotskyste), sénateurs ou députés socialistes.

 

Cela étant, la contestation qui monte est, en fait, au-delà même des raisons politiques ou politiciennes, un signe de l’agacement et de l’impuissance face à une manière de gouverner qui fait la part belle aux seuls critères économiques et semble vouée à favoriser les « déjà favorisés » au mépris du rôle propre du Politique qui se doit d’être indépendant des forces d’Argent pour être légitime ou, au moins, juste. Mais le président Sarkozy est à l’image de ce temps qui ne donne de valeur qu’à ceux qui réussissent financièrement, l’Argent ayant remplacé (en de nombreux cas) Dieu ou la patrie : en cela, il est aussi à l’unisson des autres dirigeants de la planète, imprégnés par cette « idéologie de l’Avoir » qui se conjugue avec une « Liberté » indexée sur l’Argent et non plus sur la vie des hommes. Mais il est aussi en phase avec une Opinion publique qui réclame plus sa « part de gâteau » que le renversement du Veau d’Or et qui raisonne d’abord en termes de consommation : j’en veux pour preuve les réactions à la hausse du prix de l’essence ou le désir de l’ouverture des magasins le dimanche, à rebours des acquis sociaux anciens…

 

Aussi, la contestation étudiante, si elle se cristallise dans les semaines prochaines au sein des facs et dans la rue, au-delà des conséquences sur les études de l’année universitaire, risque de ne pas poser les vrais problèmes et de n’être qu’une « distraction » dans une société qui a érigé la provocation et l’agitation en spectacle pour éviter toute remise en question plus fondamentale.

 

Cela ne doit pas empêcher de poser des vraies questions et de repenser le politique, de vouloir changer les rapports sociaux au profit d’une « philosophie de l’être », tout en ne se leurrant pas sur le spectacle que les uns ou les autres veulent faire jouer dans cette « comédie de l’affrontement » : s’il reste utile de discuter avec les uns et les autres, il nous appartient de refuser la fausse alternative que veulent mettre en avant les grévistes et qui ne peut que dévier toute contestation vers une impasse.

 

Quant à la loi qui donne l’occasion de cette agitation encore limitée (mais qui sait ?), il me faudra en reparler car elle n’est pas entièrement négative, loin de là, et elle réactualise une idée forte que les royalistes attachés aux libertés universitaires défendent depuis fort longtemps : l’autonomie des universités.