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15/01/2009

Bicentenaire de la naissance de Proudhon.

Pierre-Joseph Proudhon est né le 15 janvier 1809, il y a deux siècles, mais son nom, aujourd’hui, ne suscite guère autre chose que de l’indifférence dans le meilleur des cas : cela me semble éminemment regrettable, au regard de ce qu’il a apporté à la pensée politique du socialisme français, et à la pensée politique tout court.

Bien sûr, certains s’étonneront qu’un royaliste « traditionaliste » (ou « transmissionniste », concept qu’il conviendra que je définisse à nouveau plus clairement un autre jour) puisse s’intéresser à un personnage plus connu pour ses penchants révolutionnaires et sa filiation avec le courant anarchiste que pour un éventuel attachement à la monarchie que je prône fidèlement depuis presque trente ans… D’autres, au contraire, y verront cette éternelle attirance des monarchistes fédéralistes et antiparlementaires envers celui qui revendiquait un antijacobinisme virulent ou une défiance presque viscérale envers la « démocratie bourgeoise », y compris en ses pires aspects (je parle de sa défiance…) et avec des mots injustes. Après tout, n’y a-t-il pas eu, à la veille de la Première Guerre mondiale un « Cercle Proudhon » qui, sous le patronage de ce socialiste franc-comtois, rassemblaient des nationalistes maurrassiens fidèles au roi de France et des syndicalistes antidémocrates inspirés par la pensée de Georges Sorel ? Et, de loin en loin, des évocations « récupératrices » (?) dans la presse monarchiste, en particulier dans celle qui se veut « révolutionnaire » ou « anticonformiste » ? Et, si l’on glisse la main sur le clavier, un site monarchiste préoccupé de « social » qui a repris ce patronage de Proudhon sans timidité : www.alternative.new.fr ?

En fait, l’absence d’articles importants dans la presse française (à part un long et assez intéressant papier dans l’édition de janvier du « Monde diplomatique ») sur cet anniversaire me semble fort révélateur d’une absence d’intérêt pour les penseurs et, au-delà, pour les pensées politiques qui sortent de l’alternative « Marx ou Marché »… Aujourd’hui, la mode est, avec quelques raisons d’ailleurs, à Keynes qui, avec la crise, a retrouvé une certaine actualité aux yeux de ceux qui ne croient pas en les vertus miraculeuses de la seule « main invisible du Marché ». Mais Proudhon n’a-t-il pas lui aussi à nous suggérer quelques pistes de réflexion, et quelques unes de ses préoccupations ne sont-elles pas aussi les nôtres ? La question des libertés communales, provinciales et professionnelles, le mutuellisme, la dénonciation du rousseauisme idéologique comme celle du règne de l’Or sacré par le système clientéliste d’une certaine démocratie partisane, etc. Tout cela n’est pas encore clos, ni oublié pour qui pense politique.

Proudhon n’a jamais été de mes maîtres, mais sa lecture n’est pas inutile et j’y ai trouvé parfois quelques échos à mes propres interrogations, voire quelques réflexions (parfois désabusées, il faut bien le dire, car j’ai l’impression que Proudhon ne fut pas un homme d’espérance…) fort intéressantes. Je me souviens aussi que, lors d’un débat radiophonique au Mans, quelques semaines après une réunion royaliste qui avait tourné à l’affrontement entre militants monarchistes et manifestants d’extrême-gauche (en 1991), c’est Proudhon qui m’avait permis de désarçonner des contradicteurs qui me reprochaient d’oser m’y référer : j’avais alors lu une citation du penseur socialiste qui, en somme, trouvait quelque avantage à la monarchie par rapport au système républicain (ce qui n’en faisait pas pour autant un apologiste de celle-ci, loin de là), et cela avait littéralement abasourdi des débatteurs qui s’étaient persuadés qu’un royaliste se contentait de lire « Point de Vue » et les aventures du « Prince Eric » de Serge Dalens et de citer Stéphane Bern ou Thierry Ardisson (ce que je fais aussi, d’ailleurs)…

Au fait, quelle était cette citation ? Etait-ce celle-ci : « Un homme qui travaille à assurer sa dynastie, qui bâtit pour l’éternité, est moins à craindre que des parvenus pressés de s’enrichir et de signaler leur passage par quelque action d’éclat » ? Je n’en ai pas le souvenir mais celle-ci me semble tout à fait convenir pour terminer, sur une note éminemment royaliste, ce  petit article du soir…

12/01/2009

Le gagneur, figure du libéralisme.

J’ai profité des dernières vacances de Noël pour m’acheter sur la Toile quelques ouvrages utiles pour compléter ma bibliothèque royaliste et, au-delà, politique. Ces jours derniers, la boîte aux lettres recueille quotidiennement ces grosses enveloppes ou ces paquets solidement scotchés qui, une fois ouverts, dévoilent quelques petits trésors dont je suis friand…

Ainsi, ce samedi 10 janvier, avec l’arrivée d’un bel exemplaire, fort bien conservé, de « la revue du siècle », dirigée par le catholique monarchiste Jean de Fabrègues, daté de l’année 1934 et consacré au penseur social René de La Tour du Pin (1834-1924), à l’occasion du centenaire de sa naissance.

Il faudrait citer toutes les pages de l’article de Jean de Fabrègues mais aussi celles de Jean Terral et de Jacques Saint-Germain, car, au-delà du contexte propre à cette époque des années trente, elles restent d’une criante actualité : la question sociale, non seulement n’est pas résolue aujourd’hui mais, même, elle redevient, en ces temps de crise, brûlante. Ce qui est intéressant dans l’approche de La Tour du Pin et de ses jeunes disciples de « la revue du siècle », c’est le fait de poser la question, non pas seulement ni d’abord en termes d’économie, mais d’abord en termes de civilisation, sans en méconnaître l’aspect politique.

« Il a osé rappeler, en un siècle de conformisme bourgeois, que la dignité de l’homme et le souci de son destin sont les premières valeurs, les seules, et que rien ne vaut contre elles. Il a osé dire, dans le silence ou la réprobation, que l’économie dite « libérale » avait livré l’homme enchaîné à la puissance matérielle du capital. » Non, ce ne sont pas les « valeurs démocratiques » que La Tour du Pin et Fabrègues mettent en avant, ces fameuses valeurs qui se contentent souvent d’être l’alibi de la « bonne conscience » de ceux qui, en définitive, ne veulent pas remettre en cause les causes profondes de l’injustice sociale, mais les valeurs éternelles qui reconnaissent en l’homme, non pas un simple consommateur dont il faudrait satisfaire à tout prix « la liberté de consommer », mais un être pensant, souffrant ou satisfait, un être de chair et de sang dont le destin n’est pas de subir mais d’agir, de réfléchir et de décider, avec ses compagnons et dans ses cadres sociaux, en citoyen et en sujet de droit (et non en simple objet de celui-ci…).

Ce rappel de l’éminente dignité de l’homme est, aujourd’hui, encore plus nécessaire quand celle-ci est moquée par cette société dite « libérale » qui abaisse la valeur de l’être à ce qu’il peut consommer ou matériellement posséder, au risque de ne plus voir ce qui différencie l’homme de la « bête à gaver ». La course indigne au profit a valorisé le « gagneur », prêt à tout pour arriver à ses fins et qui fait de la « liberté » un usage sans morale ni conscience, au détriment du « meilleur » pour qui tout n’est pas permis et qui se doit aux autres, qui sait servir et non uniquement se servir, qui a conscience que sa position lui donne plus de devoirs que de droits… Quand le gagneur ne pense qu’en termes de compétitions économiques, de valeurs financières, sonnantes et trébuchantes, le meilleur pense en termes de valeurs humaines, en termes d’honneur et de victoire sans haine ni mépris.

Mais dans notre société matérialiste, quelle chance le message de La Tour du Pin a-t-il d’être entendu et compris ? Et par qui ?

Sans doute la remise en cause du modèle consumériste et individualiste, critique qui pointe désormais au cœur même de notre pays, sous le bitume des métropoles comme sur les bancs des universités, offre-t-elle de nouvelles occasions aux pensées de La Tour du Pin de retrouver une audience parmi une jeunesse qui ne se satisfait plus de courir après un taux de croissance dont, au grand jamais, personne ne sera jamais amoureux…

Surpopulation ou surconsommation ?

J’ai évoqué il y a quelques jours l’agacement que je ressentais devant la poussée de fièvre malthusienne qui s’est exprimée bruyamment à l’occasion de l’annonce des chiffres du dernier recensement en France : or, il se trouve que « Le Monde 2 », dans son édition du samedi 10 janvier 2009, publie un long article qui démonte quelques uns des arguments des néo-malthusiens, avec un à-propos tout à fait bienvenu…

Tout d’abord, il faut remarquer que les pays du Sud, en quelques années, ont vu leur taux de fécondité diminuer de façon impressionnante comme, par exemple l’Iran qui, d’un taux de 6,5 enfants par femme en 1985, en est désormais à 2, même s’il faut relativiser ce chiffre en soulignant que celui-ci est aussi le résultat d’un recul de l’âge de la maternité et signaler aussi que le principe de l’inertie démographique fait que les populations des pays du Sud vont continuer à fortement croître dans les deux ou trois prochaines décennies.

D’autre part, l’augmentation des niveaux de vie dans de nombreux pays aura, semble-t-il, tendance à freiner encore, dans le demi-siècle qui vient, l’accroissement naturel car les populations en voie d’enrichissement, par un réflexe souvent inconscient d’épargne (pour éviter la dispersion de leurs nouveaux patrimoines), limitent alors le nombre de leurs naissances. Sans oublier les politiques de contrainte comme celle de « l’enfant unique » en Chine qui, au-delà du coup de frein démographique, a entraîné un déséquilibre des naissances au grand détriment des populations féminines (100 femmes pour 117 hommes, déséquilibre qui se manifeste aussi en Inde dans des proportions pratiquement similaires).

Bien sûr, les prévisions pour 2050 tournent autour de 9 milliards d’habitants soit plus de 2 milliards supplémentaires par rapport à 2009 sur une planète qui, aujourd’hui, peine encore à réduire la sous-alimentation. Mais, et c’est ce que souligne avec pertinence l’article du « Monde 2 », sur le conseil d’experts démographes de l’OCDE, « la population ne pose pas un problème en soi. Les pressions exercées sur les ressources naturelles et l’environnement ne proviennent pas du nombre d’habitants mais de leurs habitudes de consommation. »

Ainsi, ce qui pose problème, c’est bien le principe d’une société de consommation, que l’on pourrait qualifier de « consumation », qui, de par son essence (« consommer pour produire »…), ne parvient pas à réfréner ses appétits, au risque de gaspiller les ressources animales, végétales et minérales, en quelques décennies prochaines. Comme le conclue l’article : « A nouveau, les politiques sont en cause. Pas le nombre d’habitants ».

Il faudra bien poser, un jour ou l’autre, la question de la « décroissance » (et non celle de la « dépopulation ») qui n’est rien d’autre, au-delà de l’économie ou du développement, que la grande question de la civilisation, et de ce que nous souhaitons transmettre à nos enfants : des problèmes ou des bienfaits ?