14/10/2019
Pour un écologisme intégral, éminemment politique.
La semaine passée devait être la semaine de « l’insurrection civique pour le climat », promise et initiée par le groupe Extinction Rébellion, mais elle s’est plutôt soldée par un échec assez retentissant, malgré un soutien médiatique certain mais désormais un peu ironique, voire agacé : il semble que le discours « septembriseur » de Greta Thunberg à la tribune de l’ONU ait marqué la fin de la bienveillance à l’égard de sa croisade, pourtant honorable au regard de son ambition affichée d’alerte sur les questions environnementales, et que, désormais, le « reflux écologiste » soit prévisible malgré les dangers qui s’accumulent sur notre pauvre planète, bien mal en point depuis que les sociétés humaines ont basculé dans un consommatorisme débridé et « individualiste de masse ». Le fait que le prix Nobel de la Paix, que l’on annonçait comme destinée à la jeune militante suédoise dans cette semaine particulière, ne lui ait pas été attribuée malgré ces pronostics qui le lui offraient sans concurrence, est sans doute le symbole de ce reflux et de ce retournement en cours.
Faut-il se réjouir de la fin (provisoire ?) de cette illusion écologiste ? Je n’en suis pas certain, car il est à craindre que ce soit tout le souci environnemental et la réaction écologique tellement nécessaire à notre avenir et à celui de la beauté du monde, mais aussi à notre propre humanité aujourd’hui menacée par l’horreur transhumaniste, qui soient ainsi oubliés, en attendant de nouvelles catastrophes et pas seulement en Amazonie… Mais il faut repenser le combat écologique, et le raisonner sans forcément le dépassionner, l’ordonner sans le formater : en ce sens, l’écologie intégrale, si chère aux royalistes (et née dans leurs milieux au début des années 1980), est sans doute la meilleure proposition écologiste possible et la plus complète, même si elle n’est pas la plus facile et si ses formes peuvent être multiples, complexes et parfois encore mal définies, malgré les réflexions initiales de Jean-Charles Masson, premier théoricien de celle-ci (1), et celles de ses successeurs monarchistes (2), jusqu’aux catholiques lecteurs de l’encyclique Laudato Si’, le texte écologiste le plus lu et diffusé sur la planète.
L’écologie intégrale est la reconnaissance du « souci environnemental » comme étant celui, éminemment politique, de la recherche du bien commun des sociétés en lien avec leur environnement et avec la nature profonde des hommes, loin des définitions idéologiques qui réduisent les personnes à des individus égaux et interchangeables quand elles n’existent, en fait, que par leurs actions et interactions avec le milieu naturel qui les nourrit et qui les fait (et voit) vivre. Elle est autant défense de la biodiversité végétale et animale que de l’espèce humaine comme partie intégrante de celle-ci, avec cette particularité que cette dernière a la capacité de domination sur le reste de la Création, pour employer la terminologie religieuse commune aux religions du Livre, mais que cela lui donne le devoir de protéger tous les autres êtres vivants et leurs milieux, dans leur variété : protection des autres espèces (et de la sienne propre) et humilité devant les mystères et richesses de la vie, devant ses cycles et sans négliger d’en corriger les effets si ceux-ci risquent d’attenter à la pérennité de l’ensemble. C’est pourquoi l’écologie intégrale ne cherche pas à créer un « homme nouveau » mais considère ceux d’aujourd’hui tels qu’ils sont, non pas par impuissance car elle cherche à changer leurs comportements quand ils sont inappropriés au bien commun ou à l’équilibre écologique, et cela sans pour autant céder aux facilités du fatalisme…
Est-ce un hasard si l’écologisme intégral conclue à la Monarchie royale, pouvoir le plus « naturel » qui soit au regard de la transmission de la magistrature suprême de l’Etat, le fils succédant au père, avec tous les liens filiaux et les différences qu’il y a du père au fils, comme dans toutes les familles humaines ?
Notes : (1) : les premières occurrences de « l’écologisme intégral » apparaissent dans le mensuel Je Suis Français, publié par les royalistes marseillais d’Action Française, dans deux articles de 1984. Dans ceux-ci écologisme équivaut, plus largement, à écologie, même si, à bien y regarder, l’écologisme est ce qui doit permettre à l’écologie d’advenir et d’être une mise en pratique de la théorie par l’Etat politique.
(2) : en particulier Frédéric Winkler, ancien rédacteur de la revue Le Paysan biologiste dans les années 1980-90, et aujourd’hui dans les colonnes de Libertés, publication du Groupe d’Action Royaliste, et les jeunes plumes toulousaines de l’Action Française, entre autres…
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09/10/2019
Les programmes scolaires de 2019 et la nation façon jacobine.
La France de l’an 2019 n’est plus celle de 1914 ni celle de 1945, ni même celle de Mai 68 : parfois, du coup, nous, Vieux Français, avons du mal à la reconnaître, bercés que nous étions par une histoire qui puisait ses racines dans une France d’Ancien Régime pas encore morte dans les tranchées de Verdun, qui trouvait sa respiration dans les paysages familiers et si divers de ce cher et vieux pays ayant survécu aux tourments des révolutions et des empires, et qui se reconnaissait dans toute une galerie de personnages, héros ou salauds, dont nous étions les héritiers parfois infidèles. Or, ce qui formait une sorte de terreau commun aux Français dans leur être propre et au-delà de leurs préférences, semble se déliter ou s’effacer devant la mondialisation et son revers, les identitarismes agressifs et exclusifs : évoquer les périodes lointaines qui ont fait l’histoire de France semble ne plus rien réveiller au cœur de nombre d’élèves ou d’étudiants, et le frisson qui pouvait nous traverser jadis au souvenir des épopées antiques ou médiévales (ah, Alexandre, Duguesclin, Jeanne…) a laissé la place à une indifférence polie ou une concentration studieuse purement scolaire devant des programmes qui manquent de ce souffle que l’on pourrait attendre de toute œuvre formatrice des intelligences et fondatrices des rêves du lendemain…
Bien sûr, les nouveaux programmes d’histoire du lycée accordent visiblement plus de place à notre histoire nationale que les précédents, et le thème même de la nation prédomine dans l’étude de la Révolution française et de ses suites, jusqu’au grand cataclysme mondial de 14-18. Mais cela ressemble parfois plus à une autopsie qu’à la reconnaissance de la nation vivante au fil des siècles. Et la nation n’est guère évoquée autrement que sous sa définition et ses lourds oripeaux jacobins, négligeant son caractère pluriel d’avant 1789, un caractère qui a longtemps survécu à travers les langues de France, du breton au basque, et par les cultures locales qui n’étaient pas encore (dé)confites en folklores parfois bien artificiels. Cette réduction scolaire à une Nation idéologique, née des Lumières et codifiée sous la Révolution, explique alors que certains collègues enseignants se croient ainsi autorisés, excusés pourrait-on dire, à faire de 1789 la date de naissance d’une France qui ne serait plus qu’un cadre idéologique dans lequel la Nation servirait désormais de ciment mais aussi bientôt de clé de voûte en remplacement d’une dynastie violemment déposée en 1792 : l’identité nationale est née de la déconstruction de l’unité française qui, en perdant son incarnation royale, cherchait désormais à survivre en se figeant en un bloc « un et indivisible ».
Le drame de notre société contemporaine naît sans doute dans les affres des déchirements et des illusions de la période révolutionnaire, celle qui court de la Bastille à Waterloo, et les programmes scolaires cherchent à redonner du sens à ce qui en a perdu aux yeux des jeunes générations habituées à une mondialisation intrusive et « ouverte » à tous les vents de la mode et de la « consommation de possession », sans remettre en cause (ni officiellement le permettre) la doxa « républicaine » qui, en jacobinisant la nation, en a fait un monstre idéologique, sans doute aujourd’hui apaisé mais toujours pesant. Le refus répété de la République de reconnaître l’existence d’une pluralité provinciale inscrite dans l’histoire de la « fondation française » se marque jusqu’à l’absence de l’évocation des résistances ou des particularités régionales, dans des programmes « centralistes » qui oublient que la diversité française est, d’abord, « intérieure » avant que d’être issue de « l’extérieur ».
Que les jeunes générations actuelles connaissent quelques difficultés à saisir la richesse de l’héritage français peut ainsi aisément se comprendre quand le système éducatif officiel ne valorise que ce qui « doit être obéi » quand il faudrait que cela soit, d’abord, « la noble occasion du sentiment amoureux » : à quinze ans ou à vingt ans, une matière scolaire soumise à examen de contrôle ne suscite trop souvent que bachotage ou esprit de compétition, et non esprit de vie et, éventuellement, de sacrifice… Et la « nation enseignée et obligatoire » n’émeut guère quand la nation charnelle et sentimentale, intimement vécue, celle qui vibre sous nos pieds et nous rattache à des ancêtres lointains et si proches, parfois un peu légendaires et imaginaires, cette nation qui porte le nom de France avant que d’être une « idée », même « certaine », nous fait, par l’histoire et le rêve, ce que nous sommes, des Français issus d’une terre d’histoire, et fils d’histoires de terres et de terroirs…
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26/09/2019
"Notre maison brûle et nous regardons ailleurs"...
Cette semaine était placée sous le signe de l’écologie ou, du moins, du souci environnemental, mais l’échec du sommet de l’ONU sur le climat et les annonces peu rassurantes des scientifiques du GIEC sur l’état de santé des océans n’en font pas vraiment une semaine heureuse. Cette dégradation de notre cadre planétaire de vie, qui peut légitimement inquiéter et, même, encolérer, avait été dénoncée il y a déjà dix-sept ans par feu le président Jacques Chirac, dans son célèbre discours de Johannesburg, discours qu’il n’est pas inutile de relire avec ce recul des années qui lui confère désormais un statut de texte fondateur dans l’histoire du souci environnemental des Etats. Mais sa lecture peut aussi, a posteriori, nous inciter à une certaine indulgence face à la fureur mal maîtrisée de cette jeune Suédoise invitée à s’exprimer devant les membres de l’ONU en début de semaine, une fureur qui a peut-être desservi son message écologiste mais n’enlève rien à la pertinence de l’alerte, déjà mille fois répétée mais si peu écoutée et mal entendue.
Souvenons-nous : en 2002, la Terre compte environ 6 milliards d’habitants et le triomphe de la société de consommation semble total, en particulier depuis la chute des derniers régimes communistes de l’Europe orientale et la fin et l’absence (toute apparente, en fait) de toute « alternative » visible et crédible à la mondialisation libérale capitaliste. La fin de l’histoire, évoquée par le néoconservateur états-unien Francis Fukuyama au début des années 1990, semble se réaliser par la globalisation démocratique qui cache (mal) l’établissement d’une sorte de « globalitarisme » marchand et moralisateur ; les océans sont assaillis par des flottes de plus en plus nombreuses, entre porte-conteneurs chargés de produits fabriqués ailleurs et loin, et navires-usines chargés de tirer des mers toute vie économiquement négociable et monnayable pour emplir les assiettes des consommateurs de plus en plus gourmands ; les sociétés dites du « Sud » veulent se fondre dans le grand Tout consumériste et commencent, en leurs classes moyennes, à imiter leurs aînées du « Nord », suivant le modèle énergivore et polluant qui a fondé, par exemple, les fameuses et mal nommées « Trente Glorieuses » en France ; l’empreinte écologique des sociétés humaines explose malgré les mises en garde des spécialistes de la météorologie et des milieux naturels…
Il y a bien quelques écologistes dans les pays développés et des partis qui se revendiquent de cette préoccupation environnementale, certaines bonnes volontés et quelques doux rêveurs, quelques lanceurs d’alerte et militants (y compris dans les milieux royalistes qui, par exemple, évoquent la nécessité d’une « écologie intégrale »), mais cela semble ne pas dépasser un cercle plutôt socialement et électoralement restreint, et les Etats font, le plus souvent, la sourde oreille, au prétexte de l’économie et de son primat sur les autres considérations.
C’est le président Jacques Chirac qui, par quelques phrases d’un discours prononcé à Johannesburg, en Afrique du Sud, va appeler à une prise de conscience politique des questions environnementales, même si, en définitive, son discours restera plus un bel exercice oratoire qu’il ne sera suivi d’effets concrets et pérennes. Néanmoins, ce discours résume bien les enjeux d’une situation qui commence, sans qu’on le comprenne toujours, à échapper aux sociétés humaines, et sa première phrase ne peut laisser indifférents ceux qui s’inquiètent du bien commun et de l’avenir que tout esprit bien né souhaite à sa patrie comme à la Terre toute entière, ainsi qu’à tous ceux qui y vivent : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Cet été 2019 qui vient de s’achever nous en a donné la preuve éclatante, et de façon presque littérale : les grands incendies amazoniens, si dramatiques pour la faune et la végétation « historiques » comme pour les populations indiennes locales et pour les terres, désormais nues face aux aléas climatiques, ont vaguement attiré le regard des Occidentaux quelques semaines, mais pour des raisons qui, parfois, n’avaient que peu à voir avec le souci environnemental. Certains n’ont voulu voir et désigner qu’un coupable, facile à trouver et à critiquer sans grand danger : le président brésilien, si caricatural du mépris à l’égard de la nature et si représentatif de la volonté de mener à terme le « développement » au dépens de l’environnement, n’en a cure, et en a même profité pour renforcer un discours « anticolonialiste » qui préfigure l’argumentation prochaine des pays du Sud quand nous leur parlerons d’écologie nécessaire et du respect de l’environnement « chez eux »… De plus, la forêt n’a cessé de brûler en Afrique ou en Indonésie, sans que cela ne provoque de réactions notables du gouvernement français, soucieux de ne pas froisser des Etats parfois très susceptibles et qui auraient, pour le premier continent cité, dénoncé, là aussi, une politique colonialiste française pour mieux s’émanciper de leurs devoirs environnementaux… La puissance française, faute de s’assumer pleinement, semble ne plus savoir trouver le bon ton et les bonnes paroles pour inciter les Etats d’Afrique à préserver leurs propres trésors et atouts (et atours, aussi…), et pour initier un mode de développement local qui sache concilier l’accès à la prospérité avec le respect des équilibres environnementaux locaux.
« Nous regardons ailleurs »… La formule chiraquienne est apparemment désabusée quand, en définitive, elle renferme en elle une profonde colère et un appel à nous confronter aux réalités environnementales, y compris aux dépens de ce confort intellectuel dans lequel nos sociétés croient pouvoir nous enfermer par la séduction de la marchandise et la satisfaction immédiate et tarifée de nos désirs consuméristes. Et cette exclamation d’il y a dix-sept ans reste d’une triste actualité, aggravée par les conséquences cumulatives des « efforts de sobriété » qui n’ont pas été faits ! A-t-elle été vaine ? Peut-être pas totalement, et M. Chirac, malgré toutes les limites de son action et toutes les critiques que nous ne lui avons pas ménagées du temps de sa présidence, a au moins eu le mérite de poser quelques mots qui, désormais, trouvent un écho de plus en plus fort près de jeunes et de moins jeunes qui ont saisi que, comme l’écrivaient à tour de rôle le général de Gaulle et le comte de Paris dans les années 1960-80, « l’avenir dure longtemps », et qu’il faut donc le préparer pour en préserver toutes les potentialités et tous les bonheurs souhaitables. Si les paroles de M. Chirac me sont familières et sympathiques, c’est aussi parce que je ne conçois une action écologique utile que par son inscription dans la durée et, si possible, son enracinement dans la continuité monarchique qui peut permettre une écologie, non du spectaculaire et de la seule émotion, mais de l’Etat et du long terme.
23:05 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : planète, chirac, écologie, maison, climat.