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06/06/2008

La France à la présidence de l'UE dans un mois.

La France va bientôt présider l’Union européenne pour six mois, et cela peut être l’occasion pour notre pays de retrouver du crédit près de nos partenaires et, plus largement, sur la scène internationale : encore faut-il que cette présidence ne soit pas gâchée par l’absence de vision à long terme qui semble actuellement être l’apanage de la diplomatie française, ou par les vaines rodomontades d’un président plus obnubilé par son image que par le service de l’Etat.

 

Et pourtant ! Notre pays a encore tant à dire, et tant à faire : il n’en est que plus rageant de le voir ainsi naviguer sans cap certain.

 

Les dossiers sur lesquels la France aurait possibilité d’agir pour faire avancer les projets en Europe sont multiples : l’agriculture et ses adaptations nécessaires aux nouvelles réalités contemporaines, aux défis alimentaires et environnementaux, aux attentes de qualité et de « naturel » des consommateurs, etc. ; l’écologie et la création de « trames bleues et vertes » dans le cadre de l’Union européenne, susceptibles de permettre la reproduction des espèces animales, terrestres ou marines, actuellement menacées ; les transports et les réseaux transnationaux, le ferroutage et les plateformes multimodales, etc.

 

Mais, à moins d’un mois de la présidence française, ce qui frappe l’observateur, c’est l’absence de paroles fortes et de propositions concrètes en ces domaines de la part de la France : comme si notre pays se contentait de quelques discours généraux et n’osait pas aborder les sujets qui fâchent ou ceux sur lesquels il faudrait s’engager durablement. De plus, il est vrai que la Commission européenne ne fait rien pour détendre l’atmosphère et motiver la France, menaçant constamment de condamner notre pays pour son non-respect des critères de Maëstricht sur la question des déficits budgétaires : cela agace et augure mal de la suite des événements, car on imagine l’impact négatif d’une condamnation européenne de la France au moment même où celle-ci assumerait la direction de l’UE… Cela risque de desservir l’Union européenne encore plus sûrement que la France qui, en définitive, ne croit plus vraiment que l’UE soit autre chose qu’une « superstructure » administrative et technocratique, et un vaste marché aux limites de plus en plus imprécises et de moins en moins historiques et politiques.

 

Décidément, à bien y regarder, la République, comme le signalait déjà dans un de ses romans Anatole France, n’a pas vraiment de politique étrangère crédible : malgré « l’intermède gaullien », ce demi-siècle qui a duré jusqu’à M. Chirac (avec des hauts et des bas, certes) et reprenait la tradition géopolitique capétienne, cette critique francienne est malheureusement redevenue d’actualité. En paraphrasant Maurras, on pourrait affirmer, sans crainte d’être contredit : « Tant vaut l’Etat, tant vaut sa diplomatie ». A l’heure où l’Europe a tant besoin de la France, quel dommage que celle-ci soit en République…

 

10/01/2008

La France et la construction européenne.

J’ai donné cette semaine à mes élèves de Première plusieurs sujets au choix pour le contrôle de Géographie comptant pour le 2nd trimestre : l’un d’entre eux portait sur « la France et la construction européenne, de 1950 à nos jours », thème qui reste d’actualité au moment où l’on commence à évoquer la prochaine ratification du traité « modificatif » constitutionnel de l’Union Européenne. Malheureusement, les copies rendues n’ont pas été à la hauteur de mes espérances, ni de celles des élèves concernés… L’Europe a beau être de plus en plus envahissante dans la vie quotidienne des citoyens français, elle reste encore largement méconnue, y compris des jeunes générations qui, pourtant, sont soumis depuis leur plus tendre enfance à la « pédagogie » (autre nom de la propagande…) européiste qui s’étale à longueur de colonnes dans les manuels d’histoire comme de géographie. Quant au rôle de la France dans la construction et dans l’Union européennes…

 

Pourtant, c’est en France qu’a été « lancée » la CECA (Communauté Economique du Charbon et de l’Acier) par la fameuse déclaration Schuman du 9 mai 1950, déclaration d’ailleurs rédigée par son ami et complice Jean Monnet. Mais c’est aussi la France qui, à plusieurs reprises, a freiné les dérives européistes : en 1954, par le vote parlementaire contre la CED (Communauté Européenne de Défense), vote qui montre l’hétérogénéité des oppositions à cette politique initiée par les démocrates-chrétiens puisque, au-delà des traditionnels contestataires gaullistes et communistes, une (courte) majorité des députés socialistes (53 contre 50) refuse cette ébauche de « défense européenne » ; en 1965, par la politique de « la chaise vide » pratiquée par la France gaullienne (bête noire des européistes) pour refuser l’idée d’une supranationalité qui condamnerait le pays à la soumission à une instance bureaucratique sans légitimité véritable ; en 2003, par la position particulière de la France face aux velléités états-uniennes d’intervention en Irak, intervention soutenue par la plupart des pays de l’UE et des futurs entrants de 2004 ; en 2005, par le référendum négatif sur le traité constitutionnel européen…

 

Cela a-t-il empêché la France de jouer un rôle de premier plan dans ce que l’on nomme la construction européenne ? Pas vraiment, et de Gaulle lui-même a pratiqué un « nationalisme pragmatique » qui ne refusait pas « l’Europe » mais entendait la faire sur les réalités, c’est-à-dire sur les nations historiques, avec les Etats politiques et non avec les seuls experts et banquiers ou autres idéologues qui font de l’Europe une nouvelle Parousie. Son idée d’une confédération européenne (et non d’Etats-Unis d’Europe, idée de Monnet) me semble encore possible et sans doute plus réaliste que les rêves d’un « Empire » commerçant et ludique, réglementaire et obligatoire, cette fameuse « Europe des cabris » qui l’exaspérait au plus haut point.

 

Les successeurs du général n’ont pas vraiment suivi son exemple et sa stratégie, faute de colonne vertébrale et, pour certains, de confiance en notre nation, considérée comme « trop petite » quand ils confondaient ainsi leur propre état d’esprit avec l’ambition nécessaire du pays qui, elle, ne souffre pas cette petitesse : de Gaulle avait bien compris que la France n’est elle-même que lorsqu’elle aspire à la grandeur, d’âme comme de politique, et que peu importe alors les plaintes des financiers et des actionnaires. « La politique de la France ne se fait pas à la Corbeille », rappelait-il avec raison.

 

La France a un grand rôle à jouer dans la construction européenne en cours mais elle n’est pas pour autant obligée de renoncer à ce qu’elle est, à ce qui fait sa particularité et sa liberté au regard de l’Histoire et de l’Europe : ce n’est pas en uniformisant que l’on créé l’unité d’un ensemble mais en permettant à chacun de développer ses propres qualités et d’en faire profiter ses partenaires. Il n’est pas certain que l’Union européenne actuelle soit à la hauteur des nécessités du moment comme de l’avenir à souhaiter… Ce n’est pas, en tout cas, en lui abandonnant notre destin de nation que l’on relèvera les défis contemporains.

 

29/12/2007

Irak et diplomatie française.

La barbarie ne prend jamais de repos en Irak, comme le rappelle « Marianne » dans sa dernière édition : « 42. C’est le nombre de femmes tuées depuis trois mois par les milices religieuses chiites à Bassora, pour être sorties maquillées ou sans voile. On a retrouvé leurs corps mutilés sur des monceaux d’ordures. C’est ce qui s’appelle l’Irak libéré ». Ainsi, ce pauvre pays est passé d’une tyrannie laïque à une démocratie islamiste sauvage : pas certain que cela soit un grand progrès… En tout cas, l’intervention états-unienne, cette « guerre démocratique » a ouvert une boîte de Pandore que personne ne sait comment refermer.

 

Cette maladresse criminelle de Washington, cette politique de la canonnière qui rappelle les « westerns » manichéens (bons cowboys, méchants Indiens…), doivent nous inciter à penser une diplomatie indépendante, non pas « contre les Etats-Unis » (ce qui serait ridicule) mais « au-delà » d’eux, sans qu’ils soient le seul point de repère de notre politique étrangère : c’est la politique capétienne reprise et assumée par de Gaulle dans les années 60 et qui ont refait alors de la France une puissance libre, capable de jouer son rôle actif d’arbitre et de médiatrice sans négliger pour autant ses propres intérêts.

 

Il est fort dommage que nos partenaires de l’Union Européenne aient choisi sans sourciller de sacrifier toute velléité d’indépendance militaire et diplomatique par le simple fait de mettre la Défense européenne sous le contrôle effectif de l’OTAN, comme l’indique la Constitution modifiée… Pendant ce temps, la Russie s’éloigne de l’Europe et se tourne de plus en plus vers l’Asie, en particulier vers la Chine : or, si la Russie abandonne l’Europe, cette dernière ne sera plus que l’appendice continental d’une sorte d’Union Occidentale ayant pour capitale décisionnaire Washington, et il n’est pas certain que, au regard des tempêtes qui se préparent en différents coins du monde, cela soit le meilleur moyen de préserver notre liberté, publique comme privée. Mais le pire n’est jamais certain et le « retour de la Russie » comme le « retournement turc » montre bien que, ainsi que le soulignait de Gaulle, « les alliances sont saisonnières » et, surtout, comme le rappelle Hubert Védrine dans un récent ouvrage, « l’Histoire continue »…

 

En attendant, les femmes d’Irak continuent de vivre dans la peur et les fanatiques islamistes n’attendent que le départ des derniers soldats occidentaux pour établir définitivement leur loi sur un pays ravagé et humilié… Quel gâchis !