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13/07/2015

Le bilan (temporaire) d'une crise.

Les derniers jours ont été éprouvants pour qui considère que la vie des sociétés et des personnes ne se limite pas à un taux de croissance ou à quelques statistiques, et pour qui suit le dramatique feuilleton grec ou, plus largement et exactement, européen. La volonté de quelques États de la zone euro, dont le plus puissant est incontestablement l'Allemagne, de briser la souveraineté grecque pour se venger de celui, M. Tsipras, qui a cherché à desserrer la mâchoire de fer de l'ordo-libéralisme, a rendu plus visible que jamais le côté « tyrannique » d'une Union européenne construite « hors-peuples » et plutôt amnésique quand cela l'arrange... Le rappel de la chance donnée à l'Allemagne en 1953 par la remise d'une grande partie de sa dette publique n'a guère ébranlé les gouvernements européens, et, même, les a agacés : pour beaucoup d'européistes, se souvenir de cette histoire-là et prôner une même solution pour l’État hellène, adaptée aux temps actuels et à ce pays précis, apparaît presque comme une sorte de revanchisme belligène ! Ce blocage mental de la part de l'Union qui se prétend européenne n'est guère rassurant, et ferait frémir un Bainville qui avait cette longue mémoire et cette compréhension intime d'une histoire qui ne doit pas se contenter d'être le récit des temps anciens.

 

Néanmoins, l'histoire est cruelle et elle a tendance à se venger de qui la néglige : la France pourrait bien en faire les frais d'ici peu de temps, si elle n'y prend garde !

 

Pour l'heure, c'est la Grèce qui souffrira un peu plus encore, et si la politique allemande semble triompher, c'est plus largement le libéralisme et l'économique qui motivent les eurocrates de Bruxelles, aux dépens des États et des peuples, selon la logique dont on me sait l'ennemi acharné, ce franklinisme qui énonce gravement, cléricalement même, « Time is money » : mais quand l'Argent devient la seule valeur dominante en économie, que le travail en devient l'esclave et que les personnes en sont « les variables d'ajustement », c'est trop souvent l'injustice sociale qui s'invite au bal ! Trop souvent, mais pas forcément automatiquement : si les États restent forts, sûrs d'eux-mêmes, volontaires mais aussi soucieux de leurs devoirs sociaux, ils peuvent encore agir et préserver les intérêts de la nation et de leurs citoyens ; mais s'ils sont affaiblis, ou qu'ils doutent d'eux-mêmes et se contentent d'être des administrations ou de simples relais des féodalités économiques ou financières, ils deviennent détestables et aussi tatillons qu'ils sont politiquement impuissants...

 

Les événements récents m'ont renforcé dans mon royalisme, s'il en était encore possible, et ils m'incitent à souhaiter, encore plus ardemment, l'instauration, en France, d'une magistrature suprême de l’État au-delà des partis et des acteurs économiques et financiers, c'est-à-dire monarchique, héréditaire et successible. Pour ne pas laisser les Fouquet prendre le pouvoir et imposer leur règne de fer et d'acier, encore faut-il un État digne de ce nom et de sa fonction, éminemment politique et qui puisse « faire de la force », comme le demandait Maurras quand Bernanos le pensait, d'abord et tout aussi sûrement, source et garantie de justice. Pour que la France ne connaisse pas le sort tragique d'une Grèce qui s'apprête, après une résistance honorable et solitaire, à entamer un nouveau cycle d'austérité pour les prochaines années, voire décennies, dans l’indifférence malvenue d’une Europe fatiguée de sa propre histoire, encore faut-il que la volonté politique s’incarne en une dynastie enracinée et décidée à faire tenir son rang à la France, dans le monde et, parfois, face aux autres

 

Mais le temps presse, et il n'est pas certain que notre entrée en période électorale, en ce régime qui vit en « présidentielle permanente », soit de bon aloi pour relever les défis que la Grèce nous annonce et que la mondialisation, mais aussi l’Allemagne, nous imposent...

 

 

 

 

 

 

24/12/2011

L'argent dans les actualités de la semaine...

 

Les vacances scolaires ne sont pas des vacances pour l'actualité, semble-t-il... Entre les 489 milliards d'euros avancés aux banques européennes par la Banque centrale européenne, les suppressions de poste dans l'Education nationale annoncées la veille des départs ou la grève des agents de sécurité dans les aéroports, pas le temps de s'ennuyer... Le point commun à ces trois informations, c'est l'argent : celui que l'on prête, celui que l'on économise, celui que l'on réclame...

 

 

 

L'argent que l'on prête : 489 milliards d'euros avancés à 523 banques européennes, à un taux d'intérêt de... 1 % par an ! Le but officiel de cette démarche est d'inciter les banques à prêter elles-mêmes aux petites et moyennes entreprises et certains souhaitent qu'elles rachètent aussi de la dette souveraine des États européens en difficulté, mais les banques vont-elles vraiment le faire ? Rien n'est sûr, loin de là... Ces milliards encore avancés aux banques laissent, il faut bien le dire, un goût amer aux citoyens qui se demandent si cet argent n'aurait pu être prêté directement, soit aux États soit aux entreprises et aux ménages... L'impression générale, sensible au comptoir des cafés (véritable thermomètre des opinions du moment, parfois aux températures plus élevées que dans les médias...), est que « l'on ne prête qu'aux riches », à ceux qui n'en ont pas forcément le plus besoin... Ce n'est pas le meilleur signal que l'Union européenne puisse envoyer à des populations qui ne croient déjà plus guère en elle !

 

 

 

L'argent que l'on économise : l'Education nationale a annoncé la suppression de plusieurs milliers de postes d'enseignants à peine quelques heures après une grève qui n'a eu aucun impact, sinon négatif sur l'impression que nos concitoyens ressentent à l'égard des professeurs... Ces milliers de postes supprimés vont-ils vraiment permettre des économies ? En fait, j'en doute, non par un simple réflexe « corporatiste », mais par une série d'observations faciles à faire : d'abord, le nombre d'élèves scolarisés continue à croître et le maintien d'un taux de fécondité plutôt élevé au regard des autres pays européens permet de prévoir des besoins persistants pour la formation, autant primaire que secondaire et supérieure ; ensuite, la rurbanisation et l'étalement urbain, s'ils sont bien maîtrisés (ce qui n'est pas forcément assuré, il faut bien le dire...), nécessitent des besoins scolaires supplémentaires ou, au moins, maintenus dans ces zones parfois de plus en plus éloignées des centres urbains, besoins principalement concentrés dans le primaire ; d'autre part, le nombre d'élèves par classe va logiquement augmenter sans que, pour autant, l'autorité et la crédibilité des enseignants soient renforcées, au risque ainsi de décourager un peu plus un corps professoral qui se plaint déjà de ne plus avoir l'écoute ni le respect de jeunes qui s'ennuient à l'école et qui, du coup, s'émancipent des règles de celle-ci et de la société... Du coup, les économies escomptées des réductions de postes d'enseignants risquent bien d'être annihilées par les conséquences mêmes de ces suppressions, mal venues aujourd'hui pour les raisons susdites...

 

 

 

L'argent que l'on réclame : la grève des agents de sûreté des aéroports français, dont le préavis a été déposé plus d'une semaine avant les départs en vacances, est un moyen utilisé par ce que l'on peut qualifier sans exagération de prolétariat (au regard de la situation sociale française et dans le cadre du monde du travail, hors chômage) pour obtenir des augmentations de salaires qui, en fait, sont plutôt légitimes et qui valent mieux que d'aléatoires primes. Que le gouvernement parle de « prise d'otages » est assez indigne, ne serait-ce que pour des raisons morales : peut-on ainsi comparer des vacanciers retardés dans leur départ à nos compatriotes retenus prisonniers de par le monde par des groupes terroristes ou des bandes de rançonneurs ? Cet abus de langage est tout aussi exagéré et illégitime que les propos de certains ministres étrangers accusant la France de « génocide » durant la guerre d'Algérie... « Savoir raison garder » est une vieille formule capétienne que les uns et les autres feraient bien de méditer avant de parler sans discernement !

 

 

 

Ce qui est certain, c'est que l'argent n'a pas la même signification ni le même « prix » selon le point de vue des uns ou des autres. Ce qui est non moins certain, c'est que nos sociétés ne doivent pas oublier que le partage est encore le meilleur moyen de faire que l'argent ne devienne pas un tyran, et que l'argent ne doit être qu'un moyen et non une finalité en soi...

 

 

 

Au-delà d'une philosophie de la vie qui remet l'argent à sa place, il n'est pas inutile de rappeler qu'il importe pour le politique et les institutions de retrouver ou de garder l'indépendance à l'égard des féodalités financières ou économiques, et qu'il n'est pas certain, au regard de l'histoire et de l'actualité, que la République à présidentielle quinquennale soit capable d'une telle liberté...

 

 

 

 

 

19/12/2011

Le scandale du cargo échoué.

La tempête Joachim a frappé l'Ouest de la France cette semaine, arrachant des centaines d'arbres et privant temporairement d'électricité plus de 330.000 foyers. Mais ce qui restera dans les mémoires, c'est surtout l'image de ce cargo échoué sur la plage de Kerminihy, planté dans le sable et battu à chaque marée montante par les vagues.

 

Ce n'est pas l'épave qui, d'ailleurs, est inquiétante et je me souviens de toutes ces coques brisées, parfois gardant encore l'apparence de ce qu'elles avaient été jadis, qui servaient de cachette à nos jeux d'enfants sur les plages de Lancieux, en particulier non loin du pont qui mène à Saint-Briac. Les épaves, lorsqu'elles sont immergées, sont aussi des repaires protecteurs pour de multiples espèces de crustacés et de poissons, la nature s'appropriant ce que la société humaine lui a laissée sous forme de pourboire...

 

Mais les navires modernes ont dans leurs soutes des poisons certains, sources et revers tout à la fois de notre confort moderne, à l'image du mazout qui donne la vitesse et la puissance aux bateaux mais englue les oiseaux et asphyxie les poissons lorsqu'il s'écoule dans la mer, après une déchirure dans la coque ou un naufrage impromptu.

 

Certes, il n'y a pas de risque zéro, et les tempêtes existeront toujours, sans doute même de plus en plus fréquentes et violentes si l'on en croit les climatologues. Mais il est simple d'en éviter, sinon toutes, du moins certaines de leurs conséquences, et ce naufrage d'un cargo aux cuves pleines de plus de 180 tonnes de poison noir n'aurait pas dû arriver si la cupidité et la bêtise ne s'en étaient pas mêlées !

 

Cupidité puisque, selon la presse, le capitaine aurait pris la décision d'ancrer le navire hors du port de Lorient pour ne pas avoir à payer de frais d'amarrage dans celui-ci et se mettre « gratuitement » à l'abri non loin des côtes morbihannaises, et repartir plus vite lorsque les vents seraient retombés : « Le temps, c'est de l'argent », n'est-ce pas ? Triste formule qui explique trop des malheurs environnementaux (entre autres...) de notre planète...

 

Bêtise puisque le capitaine n'a pas été en mesure de rétablir à temps la situation et a tardé à faire appel aux autorités maritimes, là encore pour des raisons financières, au risque d'un pire qui a fini, fatalement, par arriver !

 

Conséquences : un navire échoué, des tonnes de mazout déversées dans l'eau, une pollution qui menace l'équilibre écologique du lieu et les exploitations ostréicoles toutes proches, au moment même de l'année où celles-ci ont leurs plus importantes activités. Un sacré gâchis dont il est rageant de se redire qu'il n'aurait pas dû arriver !

 

Bien sûr, on peut encore renforcer les mesures de précaution et de répression pour éviter cela, et il faudra sans doute y songer : mais cela ne suffira évidemment pas, car le problème est beaucoup plus large qu'une simple histoire de législation maritime, et il porte sur le sens même de la Société de consommation et de son idéologie, de ses fondements idéologiques comme le capitalisme, plus sauvage aujourd'hui qu'équilibré, et sur sa fameuse doctrine du « Time is money », si anglo-saxonne que la traduction française (que j'évoque souvent néanmoins) n'en rend pas toute la force maléfique et les échos, parfois destructeurs et déshumanisateurs.

 

Sur la coque de ce navire échoué, nous inscrirons symboliquement : « On ne commande à la nature qu'en lui obéissant », et, plus loin, en lettres de mazout : « Il faut laisser du temps au temps si l'on ne veut pas être broyé par son inexorable victoire : même l'argent le plus brillant ne peut vaincre ce qu'il ne pourra jamais réduire à la seule quantité. ». Bon, je sais, c'est un peu long, et certains resteront perplexes devant ces deux formules : mais, au regard des photos de ce cargo échoué, il semble bien qu'il y ait de la place sur sa coque désormais condamnée au démembrement honteux...