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16/02/2017

La légalité ne fait pas la légitimité... ou l'erreur de M. Fillon.

Cette campagne présidentielle est une tragédie dans laquelle les surprises, les petits meurtres entre amis et les trahisons rythment le calendrier politique : le fumet de scandale agace les narines de l'opinion publique tout autant que l'odeur du sang excite les journalistes et les commentateurs...

 

Dans les cafés, à l'heure où le coq devrait chanter, les conversations vont bon train, mais sont rarement sympathiques à l'égard de ceux qui concourent au grand prix de l’Élysée : le comptoir du bistrot, ce « parlement du peuple » évoqué par Balzac, est aussi la tribune de la colère et du dépit, parfois mâtinés de quelques espérances illusoires, qu'elles s'appellent Le Pen ou Mélenchon, voire Macron... Mais François Fillon, lui, apparaît comme le véritable perdant de cette campagne présidentielle, avant même que les candidatures soient officialisées par le Conseil constitutionnel : à entendre les clients, de l'heure du café brûlant à celle de l'apéro, il est coupable de tous les maux de la planète et tout le monde semble avoir oublié que c'est bien la Gauche qui gouverne depuis 5 ans, et qu'elle est, mais oui !, encore au pouvoir aujourd'hui !

 

Ce qui a choqué les Français du comptoir, ce n'est pas forcément que Mme Fillon ait occupé un emploi plus ou moins fictif ou, en tout cas, fort discret, mais bien plutôt les salaires versés, cette démesure financière alors que plus de la moitié de nos concitoyens vivent avec moins de 1.600 euros par mois, et que 9 millions sont rangés dans la catégorie des pauvres. Cela apparaît d'autant plus choquant que M. Fillon demande, dans ses propos comme dans son programme, des efforts aux Français qu'il ne souhaitait, visiblement, pas s'appliquer à lui-même et à sa famille. En politique, il n'y a pas que les paroles qui comptent, il y a aussi l'exemplarité qui pèse dans la reconnaissance populaire : non que l'on demande aux hommes politiques et aux gouvernants d'être parfaits et transparents, mais il leur est demandé une certaine décence dans leur manière d'être, en particulier au regard de leur politique et de leurs promesses...

 

Certains diront qu'il est incompréhensible que l'on pardonne à Mme Le Pen, comme jadis à M. Pasqua, le détournement de fonds publics que l'on ne pardonne pas, même s'il n'est que supposé à l'heure qu'il est, à M. Fillon. En fait, les électeurs distinguent l'enrichissement individuel d'une famille et le financement d'un parti ou d'activités politiques, ce qui explique que Mme Le Pen (là encore comme M. Pasqua en son temps) ne souffre guère de ces accusations graves quand M. Fillon en paye le prix lourd...

 

Je ne connais pas la suite du film et je ne sais pas si M. Fillon abandonnera la course à l’Élysée avant même d'avoir pu rejoindre la ligne de départ. Mais je suis persuadé qu'il ne peut plus gagner cette élection qui semblait imperdable pour lui et son camp il y a à peine un mois, et que la Droite a de fortes (mal)chances d'être battue en juin, lors des prochaines législatives, ou de ne pas être « bien élue » si elle remportait, malgré les vents contraires, la majorité des sièges à l'assemblée nationale. Et si je me trompais et que M. Fillon devenait locataire de l’Élysée, son quinquennat serait un long calvaire, inauguré par un concert de casseroles et empêché dans son action par une faiblesse congénitale liée à son « illégitimité », la légalité fût-elle de son côté...

 

Sans doute aurait-il fallu conseiller, bien avant cette année, la lecture de l'Antigone de Sophocle à l'élu de Sablé-sur-Sarthe, car cela lui aurait évité bien des déboires et des incompréhensions : il aurait compris que, aux yeux de nos concitoyens comme des Thébains de l'Antiquité, la légitimité importe plus que la légalité invoquée à tout instant par M. Fillon comme par Créon avant lui. Inconsciemment, le Français, dans son essence, dans son esprit éminemment politique, préfère celui (ou celle) qui lui parle d'idéal, de grandeur, de l'histoire, plutôt que celui qui lui rappelle constamment la loi en croyant, à tort, que celle-ci pourrait fonder sa légitimité ou sa popularité. De Gaulle, qui avait été hors-la-loi et condamné à mort (par contumace) pour cela, l'avait bien compris, quitte à, parfois, outrepasser ce que la légalité institutionnelle lui permettait réellement de faire et de dire, pour imposer ses vues : le référendum même, cet appel direct au peuple électeur, était un bon moyen de dépasser les lois et les habitudes politiques en cours jusqu'alors. M. Fillon, qui se revendique gaulliste, aurait dû méditer l'exemple de celui dont il se réclame... Est-il trop tard ? Sans doute, car le vent a tourné et souffle désormais en tempête sur les terres fillonistes, dévastant les situations et les positions qui semblaient les mieux établies... Il est vrai aussi que, depuis l'an dernier, et pas seulement en France, Éole a bousculé bien des certitudes, et ensablé et enterré bien des carrières et des statues du paysage politique, déstabilisant sans le faire tomber ce que d'aucuns nomment, sans trop le définir, « le Système ».

 

Dans les mairies de France, il est un buste qui doit commencer à sentir la brise de plus en plus forte lui caresser le plâtre au risque de l'effriter : il n'est pas sûr, en effet, que la République sorte grandie de cette campagne présidentielle... Dans un café de Bourgogne, ce matin, un client s'est emporté contre ce régime désormais ancien, en fait usé et discrédité : en voyant le titre d'une revue qui était posée devant moi, sur la table et à côté de la tasse, il se mit à murmurer, dans une sorte de grommellement sourd : « Et puis, m... ! Un roi, ça nous changerait de tout ça ! ».

 

Je n'ai rien dit, mais j'ai souri : il est des tempêtes porteuses de quelques belles promesses, tout compte fait... Ne dit-on pas : « Après la pluie, le beau temps » ? J'en accepte l'augure, sous les murs de Cluny, là où, aussi, souffle l'esprit...

 

 

02/01/2017

Quand la monnaie disparaît peu à peu... (le cas grec)

La Grèce connaît un long calvaire depuis sept ans, et il ne semble pas que celui-ci puisse s'achever prochainement : l'Union européenne, dominée par une Allemagne puissante et revancharde, poursuit sa politique qui tient à la fois de Gribouille et du Père Fouettard, et elle paraît n'avoir tirée aucune leçon de l'histoire. Le réveil pourrait bien être terrible et finir de mettre à mal une construction européenne aujourd'hui contestée par les peuples mais aussi aveugle aux véritables enjeux géopolitiques et sociaux du siècle qui vient. Comme si le vote du Brexit n'avait pas suffi et au moment même où un institut économique allemand très influent évoque (en le souhaitant) une mise à l'écart de l'Italie par son expulsion de la zone euro, les institutions européennes ne veulent pas desserrer l'étreinte sur la Grèce et font montre d'une grande indifférence aux souffrances d'une population grecque qui se sent abandonnée par tous, y compris par son gouvernement et ses partis politiques.

 

Face à une situation de plus en plus absurde et révoltante, les Grecs s'organisent économiquement de façon parfois surprenante, parfois à leur corps défendant : ainsi, sur cette terre d'Europe qui a vu à la fois la naissance du mot Europe et celle de la monnaie, sans oublier celles de la politique et de la philosophie, la disette monétaire remet en cause l'existence même de... la monnaie, ou, du moins, son monopole. Le Figaro économie du lundi 2 janvier 2017 nous explique ainsi que « le manque de liquidités amène de plus en plus d'entreprises à payer une partie des salaires en bons d'achat » : « (…) Plus de 200.000 employés du secteur privé voient, entre 20 à 25 % de leur salaire rétribué en « tickets de rationnement ». Nombre de multinationales le pratiquent déjà depuis plus d'un an, d'autres les proposent uniquement aux nouveaux salariés. » Ces coupons, qui se développent de façon exponentielle dans le secteur privé, mais aussi, de façon plus discrète, dans le secteur public, remettent en cause le principe même de la monnaie et rappellent en les renouvelant les anciennes pratiques de troc, c'est-à-dire d'échanges non-monétaires. De nombreux économistes et professionnels locaux s'en inquiètent parce que ces coupons « poussent vers (des) solutions moins légales » et qui échappent, évidemment, aux taxations de plus en plus lourdes qui touchent tous les secteurs d'activités économiques : « la politique fiscale imposée à la Grèce par ses créanciers n'apporte ni résultats ni investissements dans le pays. Les jeunes peinent à trouver un emploi, le chômage des 24-40 ans atteint les 35 % et ceux qui ont un travail préfèrent être payés au noir, pour ne pas avoir de coupons à la fin du mois ! ». Ainsi, voilà les résultats de la politique de l'Union européenne, et cela ne plaide pas pour elle...

 

Néanmoins, peut-on penser « au-delà de l'argent », au regard de cette politique des coupons aujourd'hui promue par des multinationales qui, elles, ne manquent généralement pas de liquidités financières et, cyniquement, utilisent en fait ce moyen des tickets de rationnement pour rester « compétitifs » dans le cadre d'une mondialisation de plus en plus agressive et de moins en moins sociale (si cela était encore possible...) ? Et si cette pratique s'émancipait des seules préoccupations économiques et financières (et, aussi et surtout, des multinationales qui la promeuvent pour leur seul profit), et devenait une politique pensée et développée par le gouvernement grec avant que de trouver de nouveaux débouchés en d'autres pays et, pourquoi pas, en France ? L'échange de services et de biens sans l'intermédiaire de l'argent a toujours existé, et aujourd'hui encore, dans des sociétés traditionnelles comme dans notre propre société, en particulier dans le monde rural ou dans celui des quartiers. Bien sûr, cela ne plaît guère aux États qui cherchent à contrôler tous les échanges, y compris les plus petits, pour en tirer quelques ressources fiscales. Pourtant, n'est-ce pas aussi, appliqué à l'échelle locale (quartier, commune, par exemple), un moyen de limiter l'endettement public comme privé et de retrouver, concrètement, la voie d'une certaine solidarité « sans compter » ? La question mérite, au moins, d'être posée...

 

 

 

 

 

17:57 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : monnaie, euro, grèce, échange, argent.

01/07/2016

Le procès LuxLeaks et l'hypocrisie de l'Union européenne.

C’est un procès qui est passé (presque) inaperçu, peut-être parce qu’il se déroulait au Luxembourg. Bien qu’un journaliste français ait été poursuivi dans cette affaire, le verdict n’a guère ému le pouvoir ni les partis politiques français qui, depuis quelques jours, ne cessent de déplorer le peu d’amour des citoyens envers l’Union européenne. Pourtant, il aurait dû, si la logique (ou la morale ?) avait été respectée : l’UE ne se veut-elle pas un modèle de justice et de transparence, un Etat de Droit (sans Etat propre d’ailleurs, mais plutôt un ensemble d’Etats) et la terre d’accueil de tous ceux qui fuient les traitements et les jugements inéquitables ?

 

En fait, le procès concernait ce que l’on appelle des « lanceurs d’alerte » qui avaient signalé un système de fraude généralisée qui a coûté des dizaines de milliards d’euros aux Etats de l’UE au profit de quelques multinationales et banques peu délicates et oublieuses de leur devoir fiscal de solidarité, mais aussi au profit du Luxembourg, membre de l’Union. Trois personnes étaient ainsi traînées devant le tribunal du Luxembourg au nom du « secret professionnel et du secret des affaires », et deux d’entre elles ont été condamnées pour « vol de données, fraude informatique et divulgation du secret des affaires », tandis que le journaliste français était acquitté : comme le signale Le Monde dans son édition du vendredi 1er juillet « Edouard Perrin n’a fait que son travail de journaliste (pour l’émission « Cash investigation » d’Elise Lucet), conclut le jugement du tribunal. Une vision que le parquet du Luxembourg ne partageait pas, estimant que « la liberté d’expression journalistique » ne devait pas primer sur le respect « du secret professionnel », quand bien même il serait le témoin de « pratiques douteuses ». » Ironie du propos du parquet, à l’heure où les administrations et les Etats, mais aussi les banques et les réseaux sociaux ne laissent plus rien de « secret » à la vie privée des familles et des personnes, malgré les protestations de nombreuses personnes qui souhaiteraient conserver un peu de discrétion, voire de pudeur, dans ce monde hyperconnecté…

 

La condamnation des deux lanceurs d’alerte, elle, nous rappelle aussi que, dans cette Union européenne, ce qui compte d’abord, c’est le profit, l’Argent, les intérêts privés de quelques grandes sociétés ou des actionnaires, plutôt que le bien-être des peuples, la solidarité fiscale et la simple justice sociale.

 

Est-ce un hasard si cette affaire, débutée il y a quelques années et que l’on a nommée « LuxLeaks », avait « provoqué un vaste scandale qui avait touché jusqu’à Jean-Claude Juncker, l’ancien premier ministre luxembourgeois et actuel président de la Commission européenne » ? C’est ce qu’évoque un livre publié il y a peu sous la signature de Mme Eva Joly et intitulé « Le loup dans la bergerie », livre qui met en cause celui qui est effectivement le président de la Commission européenne alors qu’il devrait être, peut-être en prison, au moins à l’écart des institutions européennes si l’on veut qu’elles aient quelque crédit près des contribuables qui sont aussi des citoyens…

 

« Le jugement « LuxLeaks » est d’autant plus intéressant qu’il revient sur le débat qui avait opposé, en avril, la société civile à la directive sur le secret des affaires débattue à Strasbourg. Les ONG avaient vivement dénoncé un texte qui menaçait, selon eux, les lanceurs d’alerte. Le tribunal du Luxembourg semble leur donner raison. « La nouvelle proposition de directive sur le secret d’affaires adoptée par le Parlement européen entend encore resserrer le cadre de cette protection du lanceur d’alerte et augmenter la protection du secret d’affaires au niveau européen. » » Ainsi, non seulement la Commission européenne est présidée par un escroc notoire qui a coûté des milliards d’euros aux budgets nationaux des pays de l’Union, mais le Parlement européen, issu du vote des citoyens de l’Union (malgré une forte abstention récurrente), s’en fait le complice en durcissant la protection du secret d’affaires, non pour éviter l’espionnage industriel ou le délit d’initié, mais pour préserver les intérêts de quelques aigrefins de la Finance…

 

De plus, comme le souligne l’article du quotidien Le Monde, « si ni le droit luxembourgeois ni le droit français ne protègent les lanceurs d’alerte, les juges (du tribunal du Luxembourg) estiment que le droit européen ne le fait, aujourd’hui, pas davantage » : n’est-ce pas incroyable ? Pourtant, c’est bien la réalité et celle-ci ne profite pas au plus grand nombre des Européens…

 

Cette affaire et ce jugement sont terriblement révélateurs des failles, voire des fautes de l’Union européenne ou, du moins, des institutions qui la régentent. Tant qu’il n’y sera pas mis bon ordre, par l’action des Etats au travers du Conseil européen, ou par celle des parlementaires de Bruxelles et de Strasbourg (mais le veulent-ils vraiment ? Rien n’est moins sûr…), l’Union européenne apparaîtra toujours comme le règne des Puissants et de l’Argent-Maître, et elle ne sera pas aimée des peuples et des travailleurs, de ces gens honnêtes qui peuvent soutenir ou à l’inverse, par leur colère électorale, assommer les institutions et leurs servants, comme vient de le démontrer le récent vote des Britanniques…