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25/08/2018

Au-delà de l'affaire Benalla, la question du régime.

L'affaire Benalla a largement empoisonné l'été présidentiel et montré quelques failles du système de M. Macron : l'absence de relais véritablement enracinés dans le pays ; un personnel politicien et parlementaire macronien peu efficace, voire trop arrogant pour être entendu par l'opinion publique ; une communication élyséenne maladroite ; la fragilisation de l'image d'autorité du président, soupçonné d'autoritarisme et sa dégradation aux yeux des États étrangers, certains trop heureux de voir les difficultés de la magistrature suprême française occulter leurs propres faiblesses...

 

Il faut pourtant replacer cette affaire dans son contexte et ne pas en faire ce qu'elle n'est pas, dans une dérive qui reste une tendance lourde et facile des médias et des oppositions en régime démocratique d'opinion. L'affaire Benalla est un scandale qui touche la magistrature suprême de l’État, mais ce n'est pas, pour autant, une crise d’État comme certains ont pu le dire ou l'écrire : le régime ne va pas s'effondrer et la République n'a pas tremblé sur ses bases, qu'on le regrette ou non. En revanche, c'est bien plutôt une « crise d'état d'esprit », et, en cela, elle dépasse largement les seuls protagonistes de cette affaire : c'est aussi ce que voulait signifier le slogan popularisé par le Groupe d'Action Royaliste cet été : « Le Roi avait d'Artagnan, le Président a Benalla ! ». La comparaison entre les deux noms et les deux régimes a, d'ailleurs, fait mouche dans la rue et parmi ceux qui ont aperçu cette formule au hasard de leurs déplacements estivaux...

 

Un de nos interlocuteurs résumait par une autre formule (approchante) cette affaire : « Quand la Monarchie suscite le service et la fidélité, la République, elle, valorise les grands principes... et favorise les opportunistes ». Cela n'a pas empêché la Monarchie de connaître aussi des scandales et des courtisans, mais sa nature même empêchait les dérives inhérentes à la logique propre et à la pratique des institutions républicaines, et pouvait préserver l'autorité de l’État qui, non élu en sa magistrature suprême, ne dépendait pas des coteries ou des arrangements entre les plus puissants : un Nicolas Fouquet fit d'ailleurs les frais de cette politique d'indépendance de la Monarchie à l'égard des féodalités de l'Argent, et c'est d'Artagnan lui-même qui, sur ordre du roi Louis XIV, se chargea de l'arrêter au sortir d'un conseil des ministres. Cela paraît inenvisageable dans la République actuelle, et, au regard de l'histoire des cinq Républiques françaises, cela semble bien une constante depuis Danton, corrompu au plus haut point et qui, exception marquante et néanmoins sinistre, le payera de sa tête au nom d'une vertu républicaine que Robespierre incarnera dans le sang et qui fera regretter l'ancienne justice royale, plus mesurée en comparaison.

 

Néanmoins, la pression de l'opinion publique ou, plutôt, celle des médias et des réseaux sociaux, se fait désormais derrière des écrans, ce qui évite à la République d'avoir à affronter des manifestations de rue comme celles, tragiques en leur terme, des mois de janvier et février 1934, initiées et emmenées par l'Action Française et ses Camelots du Roi dont plusieurs seront alors tués par une République aux abois et toujours scandaleuse. Soyons précis : les affaires actuelles, pour ce que l'on en sait et ce qu'en feuilletonne Le Canard enchaîné avec gourmandise, sont bien mineures au regard de l'affaire Stavisky, du nom de cet autre « Monsieur Alexandre », ou de celles qui concernent les multinationales de la chimie (Monsanto, Bayer), de l'agroalimentaire ou des « GAFAM » états-uniens, celles-ci privant le budget de l’État de plusieurs milliards d'euros chaque année  ! En fait, Benalla, Kohler ou Nyssen, au-delà de leurs fautes respectives et évidemment condamnables, au moins politiquement et moralement, ne sont que des leurres qui, parfois, nous empêchent de voir le plus grave et le plus inquiétant, cette main-mise des féodalités financières et économiques sur nos sociétés et sur les États politiques contemporains, ce que dénonçait, dans une scène d'anthologie, le « Président Beaufort » (Jean Gabin) devant un parlement houleux et furieux de voir sa proximité avec les milieux d'affaires ainsi mise en lumière par celui qui paraît bien le seul homme libre de l'assemblée, ce que la République parlementaire ne peut, d'ailleurs, longtemps supporter... Que dirait-il aujourd'hui !

 

Depuis ses origines tumultueuses, la République a un vrai problème avec l'Argent, une forme d'addiction qui est la règle quand la Monarchie, elle, cherchait et réussissait souvent à ne pas en être dépendante, aidée en cela par le principe de la transmission héréditaire : « la naissance ne s'achète pas », diront les théoriciens royalistes du XXe siècle, ce qui assure, d'office, une véritable indépendance de la magistrature suprême de l’État à travers la personne du roi qui s'est « contenté » de naître « fils de roi » et qui doit attendre l'événement le plus triste qui soit, la mort de son prédécesseur, de son propre père le plus souvent, pour monter sur le trône. Cet avantage de la Monarchie repose aussi sur une approche liée à sa tradition plus politique que financière, et à sa compréhension de la fameuse formule issue de l'Antiquité romaine : « L'Argent est un bon serviteur mais un mauvais maître ». Le général de Gaulle avait, sous son règne présidentiel, traduit la citation par « L'intendance suivra » qui remettait l'Argent à sa place, qui ne doit pas être la première, mais cela ne dura que le temps des fondateurs de la Cinquième République.

 

Ce qui manque à la magistrature suprême de l’État aujourd'hui en République (même cinquième et malgré de Gaulle), c'est cette indépendance véritable à l'égard des puissances d'argent et cet enracinement dans le temps et l'histoire qui permettent la fidélité à l'Auctoritas et le service désintéressé de l’État : en cela, la République, hors quelques idéalistes, hommes d'honneur ou honnêtes commis, ne peut susciter ces d'Artagnan qui, pourtant et en ces temps de mondialisation déstabilisante, seraient fort utiles à la France...

 

 

 

 

 

 

 

20/02/2017

La tentation de l'argent en politique.

La Cinquième République vit une campagne présidentielle éprouvante et qui ressemble de plus en plus à une fin de régime, qu'on le veuille ou non. Certains y voient l'occasion de vanter une Sixième République, et en font le nouvel horizon des gauches, comme la promesse d'un changement radical et propre à remettre la France, ou l'idée qu'ils s'en font, en état de marche, voire « en État » tout court. Mais cette Sixième ressemble étrangement à la Quatrième, avec un Parlement trop puissant pour permettre à l’État de tenir son rang et jouer sa partition particulière dans le monde et en Europe. Elle risquerait bien de faire disparaître tout ce que la République, sous l'inspiration gaullienne, avait repris de la Monarchie capétienne, politiquement et diplomatiquement parlant, et qui faisait de la Cinquième une synthèse, plus ou moins réussie, entre deux traditions fortes de notre pays, la monarchique et la républicaine.

 

Il est vrai qu'il y a longtemps que l'esprit du fondateur de la Cinquième s'est évaporé dans les palais et les couloirs de la République : il n'en est resté, le plus souvent, que la triste et pitoyable caricature, et le service de l'Argent a parfois, souvent même, remplacé celui de l’État, de la nation et des peuples de France. Un service égoïste, pourrait-on dire si l'on considère les cas les plus récents de MM. Cahuzac, Morelle, Lamdaoui, Arif, Thévenoud, pour la gauche socialiste, ou ceux de MM. Balkany, Sarkozy et, évidemment, Fillon, pour la droite républicaine. « Nul ne peut servir deux maîtres », écrit saint Matthieu. « Car, ou il haïra l'un, et aimera l'autre ; ou il s'attachera à l'un, et méprisera l'autre ». De Gaulle, souvent invoqué mais peu suivi, considérait que la politique de la France ne pouvait se jouer à la Bourse et que l'argent ne pouvait être qu'un serviteur, non un maître : « l'intendance suivra », affirmait-il dans un réflexe que certains qualifiaient alors de « maurrassien » parce qu'il rappelait, par sa formule lapidaire, que c'était bien à l’État, au politique, de fixer les tâches de l'économie (et non l'inverse), de commander à l'Argent et non de se laisser commander par lui. N'était-ce pas là la politique des rois de France, par exemple d'un Louis XIV qui n'hésita pas à emprisonner l'homme le plus riche du royaume, jadis bon serviteur de l’État, mais qui avait cru que sa bonne fortune allait lui ouvrir toutes les portes et lui permettre d'aller plus haut que la magistrature suprême de l’État ? N'était-ce pas l'application du « Politique d'abord » cher à Maurras ?

 

Or, aujourd'hui et au-delà même de l'amour que nombre de personnalités politiques portent à l'argent (une passion fort humaine, sans doute, mais dont justement ceux qui se targuent de faire de la politique devraient faire l'économie, au moins quand ils sont censés servir l’État ou qu'ils en revendiquent l'honneur), c'est l'exercice même de l’État qui souffre de cette dépendance intellectuelle et morale des dirigeants de la République à l'Argent-Maître. Ne dit-on pas que c'est lui qui « fait » les élections ? Si cette idée me semble un peu réductrice, elle n'en révèle pas moins un fond de vérité, et l'on imagine pas un candidat, quel qu'il soit et à quelque scrutin qu'il se présente, qui puisse se passer de ce précieux allié, fût-il le meilleur orateur ou le plus fin des stratèges ès-élections. Le souci n'est pas, d'ailleurs, qu'il soit un allié mais trop souvent un tentateur et, bientôt, « le » maître, celui à qui l'on cède tout en croyant le maîtriser...

 

La corruption en politique est une réalité qu'il ne faut pas méconnaître. Que la République en soit autant la victime que l'inspiratrice ou l'instigatrice doit nous interpeller sur son incapacité notoire à la maîtriser, et cela depuis ses origines et malgré ses grands principes et sa vertu revendiquée : l'histoire de la Révolution, au travers de ses grandes figures, et en particulier celle de Danton, en est l'illustration éclairante mais pas vraiment satisfaisante sur le plan politique plus encore que moral.

 

La mission de la Monarchie « à la française », au jour de son inauguration, sera de rappeler la règle simple de l'honnêteté à ceux (et pour ceux) qui doivent servir le pays : non par « moralisme » mais pour incarner une exemplarité nécessaire aujourd'hui pour apparaître légitime et juste aux yeux des citoyens, et redonner crédibilité et autorité à l'action de l’État, qui en a bien besoin pour affronter nos temps incertains et les défis de demain...

 

 

 

 

19/09/2016

Impuissance de la République, et malheur social : le cas Alstom.

Dimanche dernier se tenait le banquet de rentrée du Groupe d’Action Royaliste, banquet qui avait pour thème « Nos raisons pour la Monarchie » : un titre qui ouvrait la voie à de nombreux discours (il y en eut six en tout), dont celui que je reproduis ci-dessous (sous la forme d’un résumé en deux parties) sur « l’affaire Alstom », affaire qui montre que la République n’est plus capable (si elle l’a jamais été…) de s’imposer aux féodalités économiques, à cette « Fortune anonyme et vagabonde » souvent cynique et avide, telle que la dénonce le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz. D’où l’urgence, aussi, de poser la question des institutions et de l’esprit de l’Etat, pour protéger au mieux ce qui doit l’être et préparer l’avenir « que tout esprit bien né souhaite à sa patrie », comme l’exprimait Maurras.

 

 

 

1ère partie : Constat de l’impuissance de la République.

 

 

L’affaire Alstom de Belfort nous rappelle que nous sommes dans une ère d’économie sauvage (que l’on peut appeler mondialisation pour faire simple), et qui se définit par la libre concurrence internationale sans limites, mais, qui est en fait une sorte de guerre économique de tous contre tous, dominée par quelques grandes multinationales milliardaires (comme on le voit avec le rachat de Monsanto par Bayer pour… 59 milliards d’euros !) et chapeautée par une « gouvernance » sans légitimité politique, qui veut déposséder le Politique de ses moyens face à l’Economique.

 

Beaucoup de nos compatriotes oublient cela (ou ne le savent pas ?) et sont persuadés que la situation affreuse des classes ouvrières au XIXe siècle en Europe et en Amérique du Nord n’était qu’un « moment nécessaire » ou un « malheur temporaire » qui a permis de « développer le monde » et d’accéder à la société de consommation. Peu réfléchissent aux conséquences sociales de cette société de consommation qui joue de la séduction, par la publicité et le crédit, pour se légitimer et perdurer : ainsi, elle est la forme la plus habile et la plus agréable, confortable pourrait-on dire, d’une « servitude volontaire » qui en appelle aux appétits plutôt qu’à l’esprit ou à l’intelligence… et dont les conséquences peuvent être les délocalisations industrielles, l’exploitation la plus infâme des ouvriers des pays du Sud et le chantage à l’emploi à l’égard de ceux du Nord, dont les salariés français.

 

Or, dans les démocraties contemporaines, le Pouvoir politique appartient aux séducteurs, aux charmeurs (à défaut de prince charmant…), à ceux qui sauront « se vendre » pour mieux conquérir ce Pouvoir (ou son apparence brillante) qu’ils n’auront de cesse, ensuite, de vouloir conserver à leur service, alors qu’il faudrait que cela soit l’inverse, c’est-à-dire qu’ils servent plutôt que de « se » servir.

 

Le royaliste en colère Georges Bernanos résumait en son temps cette situation par une formule vengeresse expliquant que la « Démocratie » n’était que la forme politique, institutionnelle, du capitalisme : se trompait-il, au regard de l’actualité présente ? Pas vraiment, malheureusement.

 

Le cas d’Alstom est, aujourd’hui, fort intéressant à étudier, au-delà même du nécessaire combat pour la sauvegarde de l’outil industriel à Belfort et des 400 emplois qui restent (quand il y en avait plus de 1.000 il y a encore une dizaine d’années).

 

Alstom est un de nos anciens fleurons industriels, en partie bradé à l’entreprise états-unienne « General Electric » en 2014, et aujourd’hui soumis, pour sa branche transports, aux oukases de ses clients étrangers et des intérêts de ses actionnaires, dont l’Etat qui ne semble pas, et c’est ce qu’on peut légitimement lui reprocher, prendre son rôle au sérieux jusqu’à ce que la catastrophe arrive !

 

Disons-le simplement : la République ne sait pas défendre l’intérêt public et celui des producteurs, entreprises comme ouvriers, et Alstom nous en donne, après Florange, après Clairoix, après tant d’autres exemples ces dernières années, une nouvelle preuve, terrible pour l’emploi à Belfort… Car si ces 400 emplois disparaissent, c’est une nouvelle étape dans la désindustrialisation accélérée du pays et dans le processus de mise sous dépendance (sous tutelle, devrait-on dire) de notre économie par les grandes féodalités internationales, au moment même où l’entreprise Alstom engrange de mirifiques contrats à l’étranger et qu’elle construit des usines… à l’étranger !

 

Le réveil de l’Etat, dans cette affaire, est bien tardif, sans doute insuffisant, et peu convaincant en cette période de campagne présidentielle qui se prête à de nombreuses promesses et à de grandes mascarades…

 

Mais le fait que la direction d’Alstom soit si peu disposée à obéir à l’Etat est aussi la marque de l’impuissance de la République à se faire respecter en tant qu’Etat quand, pourtant, il s’agit de secteurs stratégiques sur le plan économique et industriel : quel spectacle ! Quel triste spectacle ! Quelle absence, aussi, d’autorité et de vision à long terme !

 

Et, pour couronner le tout (si je puis dire), le gouvernement français est menacé par la Commission européenne de Bruxelles d’être poursuivi pour certaines de ses mesures de sauvegarde de l’emploi à Belfort (mesures annoncées par le secrétaire d’Etat aux transports, M. Vidalies), et cela au nom de la sacro-sainte « libre-concurrence non faussée », plus favorable, en définitive, aux actionnaires qu’aux travailleurs.

 

Quelques questions se posent alors, sans doute avec quelque colère : où est l’Etat ? Où est sa puissance, où est son autorité ?

 

La République semble ne plus être désormais qu’une sorte de « gouvernorat » au sein d’une Union Européenne qui n’écoute même plus les représentants de la France, comme on peut aussi le constater dans l’affaire du Traité transatlantique : quelques jours après que le secrétaire d’Etat français Matthias Fekl chargé du commerce extérieur ait annoncé que la France souhaitait l’arrêt des négociations entre l’UE et les Etats-Unis, M. Juncker, dans son discours à l’Union du 14 septembre, affirmait que ces mêmes négociations se poursuivraient et seraient menées à leur terme ! Mais, quand M. Juncker se moque ainsi ouvertement de la France, c’est aussi parce que la République, elle, se moque de nous, par son inconstance et son impéritie : ne s’est-elle pas, depuis longtemps, abandonnée aux griffes d’une « Europe » forcément atlantiste et libérale ?

 

Et pourtant ! Est-ce une fatalité ? Est-ce le sens obligatoire de l’histoire ? Ne peut-on rien faire ?

 

 

 

(à suivre : Propositions)