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14/11/2009

De la possibilité pour les écrivains de critiquer, malgré tout...

Léon Daudet fut un des membres les plus éminents et remuants de l’Académie Goncourt, mais aussi le plus virulent et mordant des polémistes de l’Action Française : ses bons mots, ses outrances verbales, ses accusations parfois terribles, mettaient souvent du sel sur les plaies d’une République qu’il jugeait indigne de notre pays et qu’il dénonçait à longueurs de colonnes et d’années. Lui demander un « devoir de réserve » à l’égard du régime qui gouvernait alors la France aurait déclenché chez lui un rire sonore et provoqué la honte de celui qui aurait invoqué ce principe lié au fonctionnariat républicain (la monarchie lui préfère la « loyauté », tout simplement…).

 

Autant dire que le patriote intransigeant et l’écrivain libre qu’il était n’aurait guère apprécié la dernière sortie du député Eric Raoult à propos de la lauréate du Goncourt 2009 : je crois même qu’il en aurait rajouté dans la provocation en accusant le maître de M. Raoult d’être le déshonneur de la France, voire pire !

 

Les écrivains écrivent parfois des bêtises et ils doivent eux aussi accepter la critique, la plus juste comme la plus injuste : mais vouloir brider leur plume n’est guère raisonnable et peu conforme à l’idée que je me fais de la liberté de l’esprit. Je trouve qu’il y a déjà assez de censure comme cela, en particulier sous le joug du « politiquement correct » pour ne pas apprécier que l’on veuille encore en appeler à Anastasie et à ses ciseaux… Et, comme ma devise personnelle le clame : « La liberté, ça ne se renifle pas, ça se respire ! »

 

D’autre part, la France ne se limite pas, Dieu merci, à ses maîtres de passage : son histoire plus que millénaire a d’autres modèles à nous offrir que ceux de M. Sarkozy et de M. Raoult, et je ne la confonds pas non plus avec la République, née d’une usurpation ancienne et contre laquelle je n’en ai pas encore fini… Là encore, nous ne sommes pas loin du débat sur « l’identité française » et, plus largement, sur la définition même de la nation française, si différente, qu’on le veuille ou non, des autres nations d’Europe. Quand, à son tour, M. Sarkozy passera, la France restera : non pas qu’elle soit immortelle (et Paul Valéry nous a mis en garde contre cette possible illusion), mais elle a le « devoir de vivre », pour elle-même comme pour le monde ! Et les écrivains français participent aussi, parfois à leur corps défendant, à cette vie française dans le monde et dans le temps… Léon Daudet, comme son éternel adversaire Edouard Herriot, maire radical de Lyon et écrivain lui-même, en ont, malgré leur querelle politique permanente, convenu ! Miracle de la France, sans doute, miracle éternellement renouvelé, y compris par la littérature, si riche et diverse en la langue (et la patrie) de Molière.

 

04/09/2009

La curiosité.

J’ai fait la connaissance de la plupart de mes classes de l’année en ces deux derniers jours : c’est parti pour presque dix mois de cours, de questions, de discussions, de corrections, etc. Chaque année nouvelle me force à revoir mes cours, à les modifier ou à les aborder de façon différente, à les actualiser pour ne pas être dépassé ou contredit par les réalités : d’où l’importance que j’accorde à la lecture, à l’écoute et à la recherche, mais aussi le conseil donné aux élèves de cultiver ce qui doit être une qualité ordonnée, c’est-à-dire la curiosité, condition aussi de l’apprentissage des connaissances, de la formation des intelligences et de la liberté d’esprit, liberté à laquelle j’attache une grande importance.

 

Mais la curiosité que je vante aux élèves ne doit pas être confondue avec le voyeurisme de la « société du spectacle » dénoncée par Debord et Baudrillard, ou avec le conformisme médiatique, prompt à s’enflammer, à dénoncer ou à exalter selon les cas ! La curiosité est d’abord l’art de ne pas se contenter de ce qui est communément dit ou accepté : c’est le refus des évidences obligatoires mises en avant par les grandes institutions de communication ou d’enseignement, par ce que l’on pourrait appeler aussi l’idéologie dominante, issue de la « Matrice » historique des Lumières et de la Révolution française, mais aussi de cette fameuse formule de Benjamin Franklin, « Time is money », dont on sous-estime à tort l’importance et la profondeur « révolutionnaire » (au sens d’un véritable renversement de valeurs).

 

La curiosité est parfois un chemin difficile à tracer quand on se rend compte que certains faits ou certaines idées que l’on croyait avérés ou acceptés par tous se retrouvent défaits par l’enquête et la découverte d’éléments nouveaux, de vérités cachées ou simplement négligées, parfois par une simple paresse d’esprit. Les exemples sont nombreux, tant sur le plan historique que géopolitique…

 

La curiosité est le meilleur moyen de ne pas être abusé : elle est un bon remède contre les mensonges et sans doute contre diverses manipulations. Bien sûr, elle ne suffit pas et elle ne doit pas s’abstenir de la réflexion, au risque d’être stérile. Mais elle est la première démarche vers la liberté de pensée, vers cette liberté de l’esprit qui ne se trouve pas toujours dans les manuels d’Histoire de nos lycées, ces manuels que Marcel Pagnol, lui-même fils d’instituteur, dénonçait comme « les livrets de propagande au service des gouvernements »…

 

La curiosité, aussi, pour sortir de la Matrice…

30/08/2009

Libertés.

Le ouiquende qui s’achève a été fort bien rempli, royalistement parlant… A peine revenu de mon séjour breton, sur la côte d’émeraude, j’assistais à l’Université d’été de l’Alliance Royale, parti royaliste qui m’a accueilli sur sa liste de l’Ouest aux dernières élections européennes : le thème d’études portait sur les libertés mais il a aussi été beaucoup question de stratégie et d’action politiques. En somme, comment faire passer le message monarchiste sur les libertés ? Comment expliquer aux gens que la Monarchie est le moyen politique par excellence de garantir les libertés publiques, concrètes, réelles, mais aussi, au-delà, de reconquérir, par les personnes (qui ne sont pas que des numéros de carte d’électeur) elles-mêmes, leurs « pouvoirs », synonymes de « libertés » ?

 

Il est vrai que la République a, depuis ses origines sanglantes de 1792 (accouchement difficile ou rite sacrificiel ?), imposé une idée de la Liberté avec un « L » majuscule qui ne souffre ni le débat et encore moins la contestation : combien de fois ai-je entendu, dans des discussions parfois à peine passionnées, l’argument, historiquement faux, que la République a « ouvert le règne de la Liberté » et « rompu avec les ténèbres antérieures » ? Ces soi-disant « ténèbres », cette France d’Ancien régime que les voyageurs étrangers décrivaient comme « hérissée de libertés » donnait pourtant plus de pouvoirs aux provinces, à travers leurs « privilèges » (qui signifient, en fait, « lois privées », mais non pas forcément au sens individualiste du terme, mais dans un sens collectif, communautaire : professions, villes, familles…), pouvoirs de « dire non », dans certains cas, à l’Etat royal, que l’Etat centralisé jacobin et napoléonien qui lui a succédé…

 

Ces libertés concrètes de l’Ancienne France, parfois confisquées par certains corps provinciaux mais bien réelles face à un Etat central bien obligé de s’en accommoder (ou de les contourner…), ont été remplacées par une illusoire liberté électorale de décider, ou plutôt de départager des partis ou des candidats de plus en plus politiciens et de moins en moins politiques au fil des deux derniers siècles. D’ailleurs, l’actualité récente nous le rappelle, d’une manière ironique, par la proposition, aujourd’hui défendue par une partie de la Gauche, de « primaires » pour désigner « le » candidat destiné à affronter M. Sarkozy en 2012. En creux, cela signifie que la liberté de voter aux deux tours de l’élection présidentielle pour tel ou tel candidat devait plus aux jeux d’appareil qu’à l’exercice d’une citoyenneté politique véritable des électeurs conviés à la « finale »… Ce qui permet de mieux comprendre les frustrations d’un corps électoral largement désabusé à la veille comme au soir du deuxième tour de 2007 !

 

Dans la crise actuelle des valeurs que nous traversons, le risque serait de se réfugier dans une forme de refus nihiliste de toute élection ou dans une abstention qui doit plus à l’indifférence qu’à la liberté ou à la remise en cause du système en place. Le rôle des royalistes doit être, entre autres, de réveiller la citoyenneté et de ranimer l’esprit de liberté conjugué à celui d’une maîtrise raisonnée de son destin, maîtrise qui doit tenter, autant que faire se peut, de reconnaître et respecter les notions de Bien commun et de justice sociale.

 

Sans négliger le fait, historique comme politique, qu’il n’y a de libertés réelles qu’à l’ombre d’une Autorité assez ferme pour en imposer aux « féodalités », celles des partis mais surtout celles de l’Argent, aujourd’hui maîtresses du jeu et oublieuses des règles du « vivre ensemble » et de l’équité.

 

En somme, « l’arbre de l’autorité accueille les nids de libertés »… : la définition même de la Monarchie capétienne !