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04/04/2016

Cette contestation qui vient (partie 6) Le 31 mars, et ce qui peut en naître...

Comment interpréter la journée du 31 mars ? Quand certains la voient comme le début d'un vaste mouvement qui pourrait bien emporter le gouvernement lui-même, d'autres, au contraire, croient à l'inverse que les violences de la journée, d'un bout à l'autre de la France, marquent en fait l'épuisement de la contestation. En cette affaire, la prudence est de mise, et les semaines qui viennent répondront sans doute à cette question de la pérennité ou de l'extinction sans pour autant résoudre la grande question du travail et de ses formes et limites du siècle à venir, plus importante encore.

 

Néanmoins, l'occupation nocturne et répétée de la place de la République, qui pourrait bien devenir une nouvelle ZAD si le gouvernement n'y prend garde, semble indiquer une volonté d'élargir le sens du mouvement, en prenant la forme jadis initiée par les Indignés espagnols et par les Veilleurs opposés au « Mariage pour tous », même si les références ne sont pas forcément les mêmes. Bien sûr, au petit matin, quand les CRS évacuent la place, ils ne sont plus que quelques dizaines à hanter les lieux. Mais ils ne sont plus seuls : les médias s'intéressent à eux, les interrogent, et, même, les valorisent, au grand dam d'un gouvernement et d'un Parti Socialiste qui ont visiblement fait leur deuil d'une jeunesse qui, désormais, les boude et les conspue sans beaucoup d'égards...

 

Une nouvelle journée d'action de protestation contre la loi El Khomry a lieu mardi 5 avril, à l'initiative des syndicats, en particulier étudiants : là encore, verra-t-on des lycées fermés ou bloqués, des pancartes de moins en moins sympathiques à l'égard des ministres, du gouvernement et, qui sait, du président lui-même ? Pour l'heure, les lycéens ne demandent « que » le retrait du projet de loi El Khomry mais, l'exaspération s'exacerbant au fil d'un temps de plus en plus lourd, il n'est pas impossible que la contestation se fasse plus générale et plus politique, voire institutionnelle. Si l'on a bien entendu quelques rares « Valls démission ! » ces jours derniers, rien ne serait pire pour la gauche gouvernementale que d'entendre des milliers de jeunes poumons scander « Hollande démission ! ». Nous n'en sommes pas là, certes, et le gouvernement espère bien que le temps joue pour lui, une partie de la France scolaire étant déjà en vacances et la zone parisienne dans moins de deux semaines : après les congés, approchent les examens, le baccalauréat, et de multiples concours, de quoi désarmer tranquillement toute contestation de la part d'une jeunesse condamnée, si l'on suit les préceptes et les habitudes de la République héritée de Jules Ferry, à obtenir bonnes notes et diplômes pour espérer un avenir radieux... Ce calcul politique et social est sans doute peu glorieux mais il est le plus efficace contre tout risque de révolte prolongée des lycéens et étudiants !

 

Que l'on me comprenne bien : je ne suis pas un anarchiste qui se réjouirait du désordre dans la rue et du blocage des établissements scolaires ou des usines, mais je dénonce le premier désordre qui est celui des institutions et de l'esprit qui le sous-tend, ce « désordre établi » déjà épinglé en son temps par Emmanuel Mounier, ce désordre géré par le Pays légal quand le Pays réel s'en trouve prisonnier et parfois transformé en « victime consentante » grâce au « consommatorisme » officiel de la mondialisation dite, à tort, « heureuse ».

 

Que des jeunes gens, confusément, ressentent ce malaise que j'éprouve depuis des décennies devant cette société, sa République et les injustices manifestes de ce monde-là, et qu'ils tentent, maladroitement, de se rebiffer, parfois avec des mots, des attitudes et des idées qui ne sont pas miennes, tout cela m'intéresse, mais je ne m'en contente pas et je ne perds pas conscience de ce qui est et de ce qui n'est pas ! Tant d'idées (d'illusions ?) agitées par les révoltés du jour me sont étrangères, et je les combats, aujourd'hui comme hier et demain, qu'il s'agisse d'un égalitarisme béat ou d'un angélisme dévastateur, entre autres : mais si le vieux royaliste que je suis ne savait plus écouter le désarroi d'une part de la jeunesse (qui n'est pas « une et indivisible »), s'il renonçait à lui parler et à lui montrer les chemins qui pourraient mener à « autre chose », à cette alternative que j'appelle de mes vœux depuis mon adolescence, si j'abandonnais le terrain aux joueurs de flûte des utopies dévastatrices ou aux charlatans du globalitarisme, à quoi mes années de lecture, d'études, de combats aussi, auraient-elles servi ? Lire Bernanos, ou Boutang, ou Clavel, ou même Maurras (qui fut et reste pour moi, malgré la distance que je peux désormais avoir avec lui, une sorte d'éveilleur à la politique et à sa complexité), se revendiquer de la geste des rois de France et du combat de Jeanne d'Arc et des chouans, et, dans le même temps, regarder les trains de l'histoire passer en maugréant qu'ils abîment le paysage mais sans rien faire pour les détourner, voilà qui est inconvenant et ridicule, voire criminel !

 

J'entendais ce matin un jeune déplorer les conséquences supposées de la loi El Khomry avec des mots maladroits, et son propos était plutôt confus : en fait, à bien l'écouter, je comprenais surtout qu'il posait, à travers sa manifestation, des questions... Y répondre et bien répondre, proposer des pistes de réflexion et ébaucher des chemins de pensée, instruire et débattre, encore et toujours : voici le sens de mon action, éminemment royaliste, politique et sociale !

 

Dans ses premières années d'Action Française, Maurras expliquait qu'il s'adressait en premier lieu aux insatisfaits de la situation présente mais aussi aux « Français actifs », ceux qui ne se contentaient pas des malheurs ou des fatalités du moment, et qui souhaitaient changer le cours des choses sans méconnaître les leçons de l'histoire et le bien général du pays, ces derniers éléments devant être, parfois, redéfinis et expliqués aux publics concernés : en ce printemps dont les fleurs et les fruits n'apparaissent pas encore clairement, il n'est pas inutile de suivre cette feuille de route, en toute conscience politique...

 

 

 

(à suivre)

 

 

30/03/2016

Cette contestation qui vient (partie 5) Ces fermetures de lycées si révélatrices...

Jeudi 31 mars, plus d'une vingtaine de lycées seront fermés à Paris et dans la région parisienne, et cela par décision des proviseurs inquiets devant le risque d'incidents tels que ceux qui ont éclatés la semaine dernière, en particulier devant le lycée Bergson devenu, bien malgré lui, le symbole des violences du moment. Ainsi, comme le signale le journal Le Monde sur son site informatique, même le lycée Jean de la Fontaine (XVIe arrondissement, près du parc des Princes) « pas franchement l'un des lycées coutumiers des blocages » annonce, sur sa page d'accueil internet, sa fermeture « afin d'éviter que les élèves et les personnels ne soient exposés à des débordements et de la violence »... Cela n'est guère rassurant, en particulier pour le gouvernement qui craint que les lycéens sans cours se retrouvent dans la rue, et rejoignent les cortèges contestataires, surtout si la météo est favorable ! De plus, les fermetures d'établissements ne sont pas si fréquentes et, selon le porte-parole national du SNPDEN-UNSA, principal syndicat de chefs d'établissement, « on a connu des fermetures, ponctuellement, mais un mouvement collectif de cette nature, je crois que c'est la première fois dans l'histoire ». Cela traduit aussi, comme le souligne Myriam Honnorat, représentante des proviseurs au Syndicat National des personnels de direction, « un sentiment d'impuissance » devant la violence de quelques jeunes, peut-être pas si minoritaires que cela si l'on en croit les images des attaques de deux commissariats et de l'invasion d'un supermarché dans les environs du lycée Bergson.

 

La réponse du ministère de l’Éducation nationale à ces fermetures et aux risques d'incidents est à l'image de cette République de plus en plus coupée des réalités, c'est-à-dire indigne et irresponsable : « Un lycée ne peut pas être fermé par anticipation. Une fermeture ne peut être envisagée que le jour même pour des raisons de sécurité avérées, en accord avec le recteur ». En somme, c'est un « débrouillez-vous » général adressé aux chefs d'établissement, ceux-là mêmes à qui l'on refuse une véritable autonomie de fonctionnement et les moyens de garantir la sécurité des usagers comme des personnels en temps normal ! Comme si le ministère souhaitait la survenue des incidents, et non leur prévention, même si cette dernière doit en passer par quelques heures de suspension des cours... En fait, je le répète, ces consignes de l’Éducation nationale n'ont d'autre fin que de faire assurer par les établissements scolaires un ordre public que l’État actuel ne semble plus en mesure d'assumer et d'assurer lui-même. A moins que le ministère ne souhaite des affrontements aux portes des lycées pour mieux dénoncer ensuite « l'irresponsabilité » du mouvement de contestation et le décrédibiliser aux yeux du grand public : une stratégie somme toute classique, mais pas toujours efficace, au regard de l'histoire des mouvements sociaux dans notre pays et ailleurs.

 

Ce qui est certain et sans préjuger des événements de jeudi, c'est l'embarras du gouvernement face à une situation qu'il croyait, hier encore, bien contrôler.

 

Qu'en sera-t-il, ainsi, ce 31 mars ? Le mouvement de contestation, pourtant bien essoufflé ces deux dernières semaines, peut-il reprendre la main et faire douter le gouvernement, à défaut de le faire céder, ce qui, à l'heure actuelle, semble difficile (sans être, pour autant, impossible...) ? La rue peut-elle imposer « son » (sic!) point de vue au Pays légal ? Les multiples colères françaises, attisées par le mépris gouvernemental à l'égard de ses opposants (et cela depuis le début du quinquennat) et l'arrogance de quelques grands oligarques comme MM. Gattaz ou Tavares, peuvent-elles déborder en une révolte sociale aux conséquences forcément imprévisibles, autant pour le meilleur (s'il en est un) que pour le pire ?

 

Georges Bernanos, ce royaliste éternellement encoléré et profondément humain, affirmait qu'il ne fallait pas hésiter à courir le risque d'une révolte ouvrière pour ébranler une société d'injustice(s) : peut-on attendre la même chose d'une émeute lycéenne, de ce « péril jeune » évoqué désormais (mais en d'autres termes, plus prudents...) par la Gauche de gouvernement ? Il y faudrait des raisons supérieures et une direction « souveraine », une « pensée Antigone » qui n'apparaît pas encore clairement, pour faire que du mal d'un désordre de rue naisse le bien reconnu de la Cité. Il est tard, mais il n'est pas trop tard pour y penser, et y travailler...

 

 

 

 

(à suivre : les désordres de la rue et le désordre de l’État ; le « Que faire ? » des royalistes en temps de colère ; les propositions royalistes pour le monde du travail ; le « tiers-pouvoir lycéen et étudiant » ; etc.)

 

 

03/03/2016

Cette contestation qui vient... (partie 1)

Le projet de loi de Mme El Khomry a ouvert la boîte de Pandore d'une contestation dont il est difficile aujourd'hui de prévoir le destin et les conséquences, et la date du 9 mars est devenue celle que certains redoutent tandis que d'autres espèrent qu'elle sera le début d'une crise politique qui mettrait le gouvernement en difficulté.

 

Ce n'est pas le projet de loi lui-même qui a, aujourd'hui, le plus d'importance, et il semble bien qu'il devienne vite, quelles que soient les modifications qui y seront apportées, un simple épouvantail pour les uns tandis qu'il sera un étendard, sans doute bien effiloché, pour les autres : à ce moment-là, les faits et le texte lui-même comptent moins que les intentions qu'on lui prête ! Quant à sa contestation, elle peut vite devenir un simple point de départ pour une contestation plus large et plurielle : assistera-t-on alors à une sorte de « convergence des luttes » qui n'aurait plus comme objectif que de dézinguer le gouvernement Valls-Macron (ou simplement Valls...) ? C'est fort probable, au regard des rancœurs accumulées et des haines recuites à l'égard du Premier ministre et de sa politique social-libérale ou, plus exactement, euro-libérale, en laquelle beaucoup ne veulent voir que le libéralisme et non l'européisme qui la sous-tend...

 

La grande crainte du gouvernement est, évidemment, que les jeunes (en fait, des minorités actives -les minorités énergiques évoquées par Maurras- entraînant des étudiants et lycéens aux motivations parfois bien peu politiques, surtout s'il fait soleil...) descendent dans la rue et l'occupent, la monopolisent aux yeux des médias, au risque d'affrontements violents et répétés avec les forces de l'ordre, dans une geste renouvelée des grandes heures de Mai 68, véritable mythe urbain d'une gauche qui n'a, depuis les années 1980, plus guère d'idéal...

 

Bien sûr, l'extrême-gauche est à la manœuvre, et les Jeunes Socialistes tentent d'organiser la contestation pour mieux la contrôler et, en fait, la stériliser, comme en de multiples occasions ces dernières décennies. Je me souviens encore de ce responsable trotskiste qui, en novembre 1986, apparaissait régulièrement devant les caméras, et qui « représentait » les étudiants en colère contre le projet de loi Devaquet sur l'Université, avec des mots qui fleuraient bon la lutte des classes et le souvenir du cuirassé Potemkine : il s'appelait (et s'appelle toujours) David Assouline et il est aujourd'hui sénateur socialiste et a même été porte-parole du Parti Socialiste de 2012 à 2014... Mais je pourrai aussi évoquer Henri Weber, l'un des dirigeants de la contestation en Mai 68 et ancien responsable de la Ligue Communiste de Krivine, devenu lui aussi sénateur, puis député européen jusqu'en 2014, et toujours ponte du même Parti Socialiste. Sans oublier l'inénarrable Daniel Cohn-Bendit, responsable anarchiste à Nanterre devenu symbole de Mai 68, devenu cet homme politique « libéral-libertaire » et symbole fort de ce « politiquement correct » qui cherche à étouffer toute pensée « dissidente » (même si je fais crédit à Cohn-Bendit d'accepter toujours le débat, y compris avec les adversaires de ses opinions)... Et combien d'autres responsables lycéens et étudiants récupérés par un système politique qu'ils prétendaient dénoncer, d'Isabelle Thomas à Bruno Julliard en passant par Nasser Ramdane pour les trois dernières décennies... Ces trois cités sont aujourd'hui des responsables et élus politiques du Parti Socialiste : étonnant, non ? Pas vraiment, en fait...

 

C'est pour cela que je reste un brin sceptique sur cette contestation qui monte et cherche à s'affirmer dans la rue, mais qui est, sans le savoir, prisonnière des petits jeux politiciens propres au Parti Socialiste et, plus largement, à cette République des apparences et des faux-semblants. Après tout, pourquoi servir de faire-valoir à quelques futurs politiciens qui voient dans les événements contestataires une simple occasion de rentrer de plain-pied dans une République dont ils espèrent quelque reconnaissance politicienne ou financière (l'une n'empêchant pas l'autre, d'ailleurs) ?

 

Mais, ces réserves mises à part, ne doit-on pas profiter de l'occasion pour faire entendre une véritable voix dissidente et éminemment politique sans être politicienne ? « Le Diable porte pierre », pourrait-on dire...

 

 

 

(à suivre : les limites de la contestation de gauche, et comment les dépasser ; pourquoi le 9 mars peut être une heureuse occasion ; le « Que faire » des royalistes en ce mois de mars 2016 ; la notion de « tiers-pouvoir lycéen et étudiant » ; etc.)