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25/09/2015

Entretien sur l'écologie (partie 2).

Voici la suite de l’entretien publié dans L’Action française de cette semaine sur la grande question de l’écologie, entretien qui mériterait quelques approfondissements, qui viendront sans doute dans les semaines prochaines…

 

 

 

 

Les grands acteurs économiques n’ont d’ailleurs eu d’autre souci que leurs intérêts particuliers, partisans et même individuels. Est-ce une fatalité ?

 

Non, mais c’est un problème. Il y a une esquive permanente, on fuittoute politique écologique, qui est vécue comme un obstacle. Certains agriculteurs, par exemple, y verront un obstacle à la survie de leurs exploitations, trop industrialisées. Ils sont bloqués par un système, la société démocratique de consommation, qui a beaucoup promis aux consommateurs comme aux producteurs, mais les a surtout rendus dépendants et n’a posé aucune limite à l’activité humaine. L’agriculture ne s’est engagée sur le terrain du productivisme que dans les années 50-60. C’est à ce moment qu’on a parlé (et on en parle encore) de « modernisation », mais une modernisation pensée dans le sens de la ville : la logique de la société de consommation était une logique de massification urbaine qui a abouti à l’exode rural, la campagne, monde sauvage, n’étant que la « cambrousse » dont parlait déjà Jules Ferry, dont l’homme devait être soustrait.

 

L’encyclique Laudato Si’ arrive donc à point nommé, par rapport à ces interrogations partagées par tous. Les catholiques sont-ils légitimes à s’emparer de la question écologique ?

 

Oui, sans doute, car il y a l’idée de la Création, des limites de la nature, du respect de la création de Dieu – même si un certain anthropocentrisme, à la Renaissance, place l’homme au milieu d’un tout et lui fait oublier qu’il n’est qu’une partie de ce tout, même s’il s’en veut le centre. Il y a aussi un basculement terriblement significatif de civilisation quand les propriétaires anglais font tirer, par l’État, sur les tisserands luddites qui défendent leur métier contre les machines. 1811 est une date fondamentale dans les sociétés industrielles : une machine a désormais plus d’importance qu’un homme !

 

Les catholiques sont d’autant plus légitimes à parler d’écologie que les premières grandes interrogations sur la société industrielle, les premières inquiétudes, les premières oppositions viennent du monde catholique et, en France spécifiquement, du monde légitimiste. On le voit à travers Chateaubriand, Paul Bourget, Barbey d’Aurevilly, Bernanos, ou, au-delà de nos frontières, avec Tolkien, catholique qui s’en prend à une société de la Machine et du machinisme. Les catholiques sont légitimes, donc, et les papes sont intervenus régulièrement, mais avec un bémol : si l’Église a compris la nécessité d’un message de sauvegarde de l’environnement, il n’en est pas de même de nombreux catholiques. La Jeunesse Agricole Catholique (JAC), dans les années 60, a participé à l’industrialisation, à la “modernisation”, à la destruction des campagnes, au nom du progrès – ce qu’a dénoncé le royaliste et journaliste agricole Jean-Clair Davesnes dans son livre L’Agriculture assassinée.

 

L’écologie est-elle “naturellement” royaliste ?

 

Les royalistes pensent que le temps doit être un allié, et cela contre Benjamin Franklin et son détestable « le temps c’est de l’argent », formule de la logique capitaliste contemporaine. Les royalistes pensent qu’il fait « laisser du temps au temps », comme disait un autre François ! La république et la démocratie ne peuvent pas prendre en compte ce temps qui n’est pas celui de la satisfaction personnelle immédiate. Il est beaucoup plus logique que les monarchistes, qui pensent le temps dans la durée et la continuité (« le roi est mort, vive le roi »), se retrouvent dans l’enracinement, la défense de l’environnement, le refus d’une logique économique qui voudrait forcer les limites nécessaires du temps, des espaces, de la nature.

 

Comment aboutir à une écologie intégrale, exigeante dans sa mise en œuvre ? Car l’organisation du capital et du travail, dans nos sociétés de consommation, rend utopique la réalisation d’un bien commun écologique.

 

Remarquons tout d’abord que la notion d’écologie intégrale est née dans les milieux royalistes d’Action française : dans les années 80, Jean-Charles Masson évoquait à l’Union royaliste provençale « l’écologisme intégral ». Le GAR (Groupe d’Action Royaliste), dans sa revue Action Sociale Corporative, a titré il y a quelques années sur l’écologisme intégral ! Il est intéressant de constater que feu le Comte de Paris avait un véritable penseur de l’écologie parmi ses conseillers, Bertrand de Jouvenel…

 

Et aujourd’hui ? Il faut une révolution des esprits – qui ne suffira pas. La société de consommation est une société de séduction qui s’impose à tout le monde, qui propose une logique illimitée et individualiste de jouissance. Il faut donc une conquête des intelligences, d’une partie active de l’opinion qui comprendra que l’écologie n’est pas une tactique partisane mais une éthique, et presque une “civilisation”. Mais Politique d’abord, comme disait Maurras ! Je suis aussi très « maurrassien » sur « la révolution par le haut » dont Maurras parlait : en France, c’est par un Etat écologique qu’on peut changer véritablement les choses. La république n’en est pas capable comme l’ont montré les deux derniers siècles. Il faut une politique d’État écologique, et non pas seulement une politique écologique d’État. Un État écologique qui soit par définition du côté de l’enracinement, qui incarne la transmission, et conserve ce que veut conserver l’écologie.  Avec la république, l’économique sera toujours mis au-dessus, voire contre l’écologique. 

 

 

Jean-Philippe Chauvin est vice-président du Groupe d’Action Royaliste (GAR)

 

Propos recueillis par Philippe Mesnard

 

 

 

 

16/07/2011

Réarmer le pouvoir politique, ou l'éditorial maurrassien de "Libération".

 

La crise de la zone euro n’en finit pas de bousculer l’Europe et d’affoler les compteurs économiques comme idéologiques, avec ce risque d’une surenchère eurofédéraliste de mauvais aloi, cette sorte d’entêtement à vouloir faire triompher l’européisme alors même qu’il a échoué à éviter « le pire » dans lequel nos pays se débattent, cherchant à sauver ce qui peut encore l’être…

 

Cette crise majeure de l’Union européenne, dont il n’est pas certain qu’elle soit ultime, suscite aussi des réactions parfois surprenantes, non pas tant qu’en elles-mêmes, mais par ceux qui les développent : ainsi, dans son éditorial de « Libération » du 13 juillet dernier, Nicolas Demorand, d’ordinaire plus consensuel ou plus conformiste (ces deux qualificatifs n’étant pas toujours péjoratifs, d’ailleurs), écrit ce qu’en d’autres temps un Charles Maurras aurait sans doute lui-même écrit (avec quelques références antiques en plus, sans doute…) et pensé, sous le titre « Réarmer », titre que Maurras n’a cessé de décliner à tous les temps (ou presque) de l’indicatif et sur de nombreux sujets, pas seulement militaires…

 

Il faudrait citer tout l’article de Demorand, qui traite là, en somme, de la question de l’Etat face aux acteurs financiers et économiques : sa question initiale, « Le pouvoir politique a-t-il du pouvoir ? » (pouvoir qu’il est aussi possible de ne pas résumer au seul Etat, bien sûr), suivie d’une autre, encore plus inquiétante, « En est-il même encore un ? », est « la » question politique majeure de notre temps, me semble-t-il, la même qui n’a cessé de préoccuper Maurras qui craignait que l’Etat ne soit plus capable d’agir et donc d’être, au sens fort du terme.

 

« En voyant se propager la crise au sein de la zone euro, la foudre frapper des pays exsangues et d’autres en train de se noyer, asphyxiés par les plans de rigueur, la réponse est aussi claire que dramatique : non. Les banquiers et les marchés financiers dictent leur loi, déterminent d’autorité les politiques publiques, le mode de vie et l’avenir de millions de citoyens. Et se moquent du difficile art de gouverner et du rythme propre à la démocratie. Bref, ils jouissent d’une surpuissance qu’aucun contrepouvoir n’en est en mesure de limiter, les classiques outils d’intervention des Etats ayant été quasiment neutralisés. » Cette dénonciation de la « surpuissance » des banquiers et des marchés financiers reprend le discours traditionnel de la dénonciation des féodalités, ici financières et économiques, dénonciation coutumière chez un Maurras mais aussi chez un La Tour du Pin ou un de Gaulle, chez tous ces membres du « parti des politiques » qui, depuis l’Ancien régime, n’acceptent pas que l’Etat soit soumis à des factions particularistes ou à des groupes de pressions, à ces féodaux des temps modernes et contemporains. Toute l’œuvre d’un Maurras, malgré ses outrances et, parfois, ses délires sémantiques et antisémites (que je condamne évidemment), vise justement à empêcher que cette surpuissance féodale ne soumette l’Etat et la société (dans le cas de la France en particulier) au risque de revenir à cette ère antépolitique qu’il qualifie de « barbarie », qu’elle soit économique ou même « nationaliste » ou « nationalitaire », et pendant laquelle régnait une « loi de la jungle », cette « anarchie féodale » qui brimait les libertés au nom du plus fort ou du plus sauvage : cette condamnation de ce que l’on nommerait aujourd’hui « néolibéralisme » ou, même, « mondialisation libérale », voire « mondialisation » tout court (mauvaise traduction, d’ailleurs, du terme anglosaxon « globalization ») se voulait aussi « obligation », celle de restaurer un Etat politique digne de ce nom et susceptible de s’imposer aux féodalités, parfois avec une certaine vigueur… Maurras pensait le politique comme un moyen (et non comme une fin), comme un levier au service de l’équilibre social, et il le pensait à travers l’existence d’un Etat qui « est » l’expression majeure du politique sans être toutes les expressions de celui-ci et de celle-là, la politique… Ce qui est redit, en d’autres heures et sous d’autres formes sémantiques, par M. Demorand quand il écrit, et je souligne : « (le) difficile art de gouverner et (le) rythme propre de la démocratie », rythme qui est proprement national (voire européen, une fois tous les cinq ans), mais aussi régional et municipal, et s’accorde parfois bien mal avec les exigences des marchés financiers…

 

Quand M. Demorand se plaint que les Etats aient été, en somme, désarmés par la neutralisation de leurs outils d’intervention classiques, on croit entendre, là encore, le vieux grognard de l’Action Française qui y voyait la victoire de l’Economique sur le Politique quand il eut fallu, au contraire, que Politique et Economique s’accordent, sur le plan du Bien commun, pour permettre au Social de prospérerMaurras ne séparait pas les uns des autres, mais les ordonnait au Bien à atteindre, à l’équilibre nécessaire et capable d’éviter « l’hubris » de l’un ou de l’autre qui aurait entraîné, qui entraîne l’injustice ou la paralysie, ce que constate désormais l’éditorialiste de « Libération ». Mais Maurras en revenait toujours au « Politique d’abord », là encore non comme fin, mais comme moyen, comme, expliquait-il, il faut d’abord bander l’arc pour tirer la flèche et atteindre la cible visée !

 

Dans le reste de son article, Nicolas Demorand s’en prend à « la grande poussée dérégulatrice entamée par les Etats dans les années 80 », ce que l’on pourrait appeler le « désarmement de l’Etat » et qui n’est pas moins dangereux en temps de paix qu’il n’est suicidaire en temps de guerre lorsque l’on évoque la question militaire. Et Demorand d’espérer (d’appeler ?) un réarmement du pouvoir politique en ses dernières lignes, comme Charles Maurras en son temps face aux défis de l’Allemagne hitlérienne et qui finissait nombre d’éditoriaux de son quotidien monarchiste par la formule, mille fois répétée : « Armons, armons, armons ! », et pas seulement sur le plan militaire !

 

Oui, Nicolas Demorand a raison : il est nécessaire de redonner au pouvoir politique, à l’Etat, des moyens de réagir aux oukases des marchés financiers dans cette crise de la dette qui est aussi une véritable guerre des féodaux financiers et économiques contre les peuples et contre les traditions d’équilibre et de justice sociale de notre pays !

 

Cet éditorial de « Libération », si éminemment maurrassien, mérite d’être médité, mais aussi complété et, pourquoi pas, dans l’espérance, là aussi maurrassienne, d’une magistrature suprême de l’Etat libre et solide, pour laquelle « la politique de la France ne se joue pas à la Bourse » (comme le disait le général de Gaulle devenu président de la République tout en gardant quelques espoirs du côté du comte de Paris)… En somme, d’une Monarchie politique, active et forte pour protéger la société et ses citoyens, quels que soient leurs fonctions et leurs rangs dans la grande Communauté française

En tout cas, merci à M. Demorand pour ses quelques lignes d’un maurrassisme intelligent !