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20/07/2014

Qu'est-ce que le globalitarisme ?

Je profite des vacances estivales pour ranger un peu mes archives et préparer les travaux d’études historiques sur le royalisme français que j’entends mener ces prochaines années sur la période qui court de la fin du Second empire à nos jours : vaste projet, difficile sans doute mais exaltant ! En ouvrant les nombreuses boîtes qui renferment des documents fort divers dans leurs formes comme dans leurs contenus et dans leurs provenances, je me rends compte à nouveau de la richesse du patrimoine politique des royalistes, richesse dont ces derniers n’ont pas toujours conscience, ne serait-ce que parce que la mémoire royaliste de ce pays a été, à dessein, sous-évaluée et, surtout, négligée au point de la rendre invisible aux yeux de nos contemporains, quand elle n’a pas été, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, tout simplement condamnée ou diffamée, sachant que certains monarchistes eux-mêmes ont parfois contribué au discrédit des idées qu’ils étaient censés servir…

 

Je retrouve aussi mes propres archives personnelles, non celles que j’ai constituées au fur et à mesure de mes recherches et de mes achats, mais celles que j’ai produites au long de ma vie militante (pas encore achevée bien sûr !), depuis les années 1980 : tracts, maquettes d’affiches et d’autocollants, photographies, correspondances et « courriers des lecteurs », articles, etc. A relire certains de mes textes, je suis parfois surpris de ma propension, en particulier dans les années 1990-2000, à vouloir ouvrir de nouvelles pistes de réflexion idéologiques sans avoir, malheureusement, poussé plus loin dans certains cas, ce qui est, avec du recul, bien regrettable. Ainsi, la notion de « globalitarisme » que j’avais commencé à théoriser et à diffuser dès le début des années 1990… J’ai retrouvé quelques feuilles bien raturées sur lesquelles j’ai tracé des schémas et aligné des idées et des concepts, mais aussi quelques articles destinés à faire connaître, de façon très succincte, mes réflexions politiques et idéologiques.

 

Ainsi, cet article publié dans L’Action française en 1997 qui tente une définition de ce fameux globalitarisme et évoque sa « naissance » rennaise et royaliste, et que je reproduis ci-dessous, article qui mériterait une suite et un approfondissement car la dernière décennie a apporté beaucoup d’eau à mon moulin, et il serait dommage de ne pas l’exploiter…

 

 

 

Pour définir le globalitarisme

 

Le globalitarisme, c’est la mondialisation et la globalisation économique. C’est aussi la démocratie « individualiste de masse ».

 

Au printemps 1990, quelques mois après la chute du mur de Berlin, un groupe d’étudiants d’Action française ressentait la nécessité de qualifier cet autre totalitarisme, celui qui, après avoir conquis l’Europe occidentale, menaçait à son tour les anciens pays communistes. Fort différent dans ses formes, ou plutôt dans ses apparences, sa finalité idéologique n’était, dans la réalité, pas si éloignée des totalitarismes abrupts (nazisme et communisme) puisqu’il s’agissait toujours de finir l’histoire (pensons à la thèse de l’Américain Francis Fukuyama) par la création d’un homme nouveau.

 

Un texte d’Aldous Huxley résumait notre état d’esprit et nos inquiétudes succédant à la joie causée par l’effondrement du totalitarisme communiste : « Les démocraties changeront de nature. Les vieilles formes pittoresques – élections, parlements, hautes cours de justice – demeureront, mais la substance sous-jacente sera une nouvelle forme de totalitarisme non-violent. Toutes les appellations traditionnelles, tous les slogans consacrés resteront exactement ce qu’ils étaient au bon vieux temps, la démocratie et la liberté seront les thèmes de toutes les émissions radiodiffusées et de tous les éditoriaux (…) Entretemps, l’oligarchie au pouvoir et son élite hautement qualifiée de soldats, de policiers, de fabricants de pensée, de manipulateurs mentaux mènera tout et tout le monde comme bon lui semblera. » (1) Conjugué à une lecture attentive de L’avenir de l’intelligence de Maurras qui annonçait le « règne de l’Or » et à sa réflexion inquiète sur le triomphe possible – et final – de la démocratie dans la fameuse lettre de Pierre Boutang de 1951, ce texte nous incitait à approfondir les mécanismes du nouvel asservissement mondial.

 

Cette recherche sur l’autre totalitarisme que certains nommaient « soft totalitarisme » (en référence au livre de F.B. Huyghe intitulé La soft idéologie) ou « totalitarisme mou », notion en définitive ambiguë car elle obérait la logique finale de tout totalitarisme, nous a amenés tout naturellement à créer un nouveau terme. A travers sa formation et sa composition sémantique même, il nous semblait le mieux qualifier cette réalité idéologique qui prenait le monde entier, dans tous ses aspects et recoins (qu’elle voulait d’ailleurs éliminer, au nom de la « transparence » qui est surtout la disparition, voire l’interdiction, du secret, du mystère, du rêve même), dans toutes ses sphères, comme une globalité dont il devenait impossible de se démarquer, de s’échapper, sans courir le risque d’être politiquement, intellectuellement, économiquement, socialement, « exclu »… Ce mot nouveau, c’était le globalitarisme.

 

Ce terme, issu de notre petit cénacle maurrassien rennais, vient de bénéficier d’une reconnaissance imprévue (et bienvenue) sous la plume d’Ignacio Ramonet, dans Le Monde diplomatique de janvier 1997. Sous le titre Régimes globalitaires, l’éditorialiste du mensuel évoque la mondialisation économique et les régimes qui s’y plient, appliquant ainsi une politique libérale peu respectueuse des droits nationaux et sociaux : « Reposant sur les dogmes de la globalisation et de la pensée unique, ils (les régimes globalitaires) n’admettent aucune autre politique économique, subordonnent les droits sociaux du citoyen à la raison compétitive, et abandonnent aux marchés financiers la direction totale des activités de la société dominée. Dans nos sociétés déboussolées, nul n’ignore la puissance de ce nouveau totalitarisme (…) »

 

Mais Ignacio Ramonet limite la définition du régime globalitaire, bien qu’il ait eu la même intuition de base que les maurrassiens. Nous n’avons pas de ces timidités, maladroites mais compréhensibles pour un intellectuel qui a peur d’aboutir à des évidences si peu conformistes qu’elles risqueraient de lui aliéner une partie de son public habituel. Il faudra bien un jour écrire sur la force du tabou, c’est-à-dire sur la fonction paralysante (pour la pensée) de l’idéologie démocratique…

 

Notre définition du globalitarisme dépasse le simple cadre économique et social. C’est une définition politique pour un phénomène idéologique total. Si l’un des aspects du globalitarisme est la mondialisation et la globalisation économique, ce n’est qu’un aspect. Le globalitarisme, c’est aussi l’idéologie qui sous-tend ces aspects, c’est-à-dire la démocratie individualiste de masse elle-même – cette forme (qui se veut unique et seule tolérable) idéologique qui ne conçoit le monde que dans une perspective monohumaniste, c’est-à-dire globale : n’est-ce pas la conclusion logique de l’égalitarisme, de l’indifférentialisme démocratique ? « Un homme, une voix » débouche sur un monde unique et transposable (imposable même) à toutes les communautés humaines. George Orwell parlait d’ailleurs du « One World »…

 

Le rôle de l’Action française, rôle historique au sens intellectuel du terme, est de former l’armature intellectuelle de la résistance à ce processus liberticide : ainsi, notre nationalisme, raisonnable car raisonné, est-il la reconnaissance des besoins sociaux des hommes. Ceux-ci s’incarnent dans la famille, le quartier, la commune, la région, et, cadre protecteur, le « plus vaste des cercles communautaires humains », la nation.

 

Dénoncer le globalitarisme c’est préparer, sous de bons auspices, la nécessaire post-démocratie.

 

 

 

(1) Aldous Huxley : Retour au meilleur des mondes, 1958.

 

 

 

Post-scriptum : à l’époque, je militais à l’Action Française, et Pierre Pujo me laissait « libre plume » dans les colonnes du journal monarchiste. Aujourd’hui, c’est au sein du Groupe d’Action Royaliste que je développe mes réflexions dans le même esprit, toujours royaliste mais pas seulement maurrassien…

 

 

12/06/2014

Coupe du monde de balle au pied : la dictature de la Fifa.

 

La coupe du monde de balle-au-pied est une occasion de soulever quelques questions sur la société dans laquelle nous vivons, au-delà même de ce sport à la fois mobilisateur et révélateur. Ainsi, une question sur l'attitude des autorités politiques d'un Etat comme le Brésil qui ont fait voter, dès mars 2012, la « Lei Geral da Copa », c'est-à-dire la « loi générale de la Coupe » qui octroie des droits incroyables à la Fédération Internationale de Football (Fifa) et à ses partenaires économiques, y compris au détriment du droit du travail et aux dépens des commerçants locaux et des Brésiliens eux-mêmes. Sur le site du Figaro (11 juin 2014), on apprend que « grâce à ce texte, la Fifa a décroché le droit de vendre des billets sans tenir compte du demi-tarif pratiqué pour les étudiants et les retraités. Mais surtout, l'instance mondiale du football a obtenu l'autorisation de vendre de l'alcool dans les stades brésiliens afin de satisfaire le partenaire officel Anheuser-Busch, fabricant de la bière Budweiser. Cette interdiction datait de 2003 et servait à endiguer la violence dans les enceintes sportives. » Que ne ferait-on pas pour engranger de meilleurs profits, quand on est une multinationale et que l'on vante les mérites d'une mondialisation qui n'est, en somme, qu'une vaste marchandisation du monde ? D'ailleurs, les minutes publicitaires des marques partenaires de la Fifa sont, à ce sujet, très explicites, vantant une sorte de mondialisation heureuse qui gomme les différences spatiales, culturelles et sociales, et dont le sport serait la meilleure illustration, joyeuse et musicale... Ainsi, la mondialisation des multinationales remet au goût du jour la fameuse formule de Saint-Just pour qui « le bonheur est une idée neuve » (en fait éternellement neuve) désormais étendu à la planète entière, de façon quasi-obligatoire : qui ne sourit pas est donc un dangereux personnage dont le scepticisme ou le silence cache sûrement des secrets inavouables ! Les Saint-Just contemporains sont publicitaires, financiers ou marchands, sportifs ou dirigeants sportifs, et ils peuvent s'appeler Coca-Cola, Adidas ou Platini...

 

La Fifa n'a pas inventé la dictature ludique, « distractionnaire » comme l'écrirait Philippe Muray, mais elle en est, aujourd'hui, le bon petit soldat : souriez, ou disparaissez ; consommez, ou disparaissez ; payez, si vous en avez les moyens, ou endettez-vous... ou, sinon, disparaissez ! D'ailleurs, la mondialisation s'adresse à tous, mais pas de la même façon, selon que vous êtes « acteur majeur de la mondialisation » ou simple épicier, comme le souligne Le Figaro : « Une zone commerciale exclusive est déployée dans un rayon de 2 kilomètres autour des stades. Impossible pour les boutiques situées dans ces périmètres de commercialiser des produits autres que ceux des partenaires officiels. Les vendeurs ambulants seront pour leur part tout simplement bannis. Exit donc la libre concurrence.

 

En cas d'infraction à ces mesures ou en cas d'atteinte à l'image de la Fifa et de ses sponsors, ce qui est devenu un crime fédéral, le Brésil a décidé (…) de créer des tribunaux d'exception. Pourtant contraires à la Constitution brésilienne de 1988, puisque la justice n'est plus la même pour tous les citoyens, ils permettront de distribuer des sanctions en un temps record. » Non, vous ne rêvez pas, et ces informations sont tout ce qu'il y a de plus officielles et assumées par l'Etat brésilien, mais aussi par les instances sportives mondiales de la balle-au-pied : quant à nos démocraties, si promptes à brandir le flambeau de la liberté et à vanter à la fois les droits de l'homme et le libre marché sans entraves (ce qui ne me plaît guère généralement, pour ce dernier, au regard de la loi de la jungle qu'il peut engendrer...), elles sont bien discrètes... Hypocrisie à tous les étages ?

 

Et pourtant, les rencontres de balle-au-pied peuvent être un spectacle enchanteur... Souvenons-nous juste que ce n'est, pour autant, qu'un « village Potemkine » et que, derrière ces belles façades sportives, qu'il n'est pas interdit d'admirer (et tant mieux, d'ailleurs!), il y a des réalités parfois plus sinistres et, au-delà, tout le cynisme moralisateur de classes dominantes mondialisées, certaines de leur puissance et de leur impunité... Elles oublient que, dans un temps pas si lointain, un de ces vendeurs ambulants, empêché de vendre ces petites marchandises, s'est suicidé et qu'une révolution est née de cet « incident » : c'était en Tunisie, il y a un peu plus de 3 ans... L'histoire tient aussi, parfois, à ces « détails » qui en changent le cours...

 

 

 

 

 

17/02/2014

Une nouvelle agriculture pour demain (1ère partie : l'agriculture française en crise ?)

« Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France » : cette citation célèbre de Sully, ministre du roi Henri IV, a-t-elle encore un sens aujourd’hui ? Certes, le Salon de l’Agriculture remporte chaque année un succès populaire indéniable mais de plus en plus on le visite comme on irait au zoo, c’est-à-dire en quête d’exotisme plus que de racines ; certes, il reste environ un million de personnes qui travaillent dans le secteur agricole mais de moins en moins en relation avec les saisons et les paysages et de plus en plus en fonction des cours des produits agroalimentaires ; certes, les productions agricoles françaises se vendent et s’exportent encore bien mais elles ne constituent plus qu’une part dérisoire du PIB français (environ 4 %)…

 

En fait, l’agriculture française est en crise, mais surtout elle semble douter d’elle-même, presque négligée par un État qui ne la considère que sous le seul angle économique quand il faudrait la penser sous les angles sociaux, environnementaux, voire même politiques, dans le cadre d’une stratégie à long terme et d’une politique d’aménagement du territoire dont les terroirs, les paysages et les sociétés locales humaines ne peuvent être absentes. D’ailleurs, cette crise, qui provoque de nombreux drames dans le monde des exploitants agricoles (suicides nombreux, marginalisation sociale et isolement, endettements dangereux, arrachages d’arbres fruitiers ou abandon –et disparition- de cultures ou d’espèces végétales comme animales…), n’est que le prolongement ou la pratique d’une mondialisation qui uniformise plus encore qu’elle n’internationalise les produits tirés de l’activité agricole, et d’une logique agroalimentaire qui privilégie les profits et les grandes quantités, souvent (même si cela souffre quelques belles exceptions) au détriment de la qualité et des traditions des terroirs et des communautés. La logique de la société de consommation n’arrange rien en favorisant des formes de restauration rapide et bon marché qui dévalue les attitudes du bien manger et dévalorise la nourriture comme les arts de la table, les ramenant à une simple routine quantitative, trop sucrée, trop salée et trop grasse : du coup, les consommateurs sont peu sensibles, la plupart du temps, à la provenance ou à la qualité propre des produits alimentaires, n’en considérant que le prix ou le goût plaisant sans en mesurer les conséquences ni même les saveurs véritables…

 

Et pourtant ! La France est un pays d’une richesse absolument exceptionnelle, et ses terroirs, multiples et si variés, révèlent et recèlent des trésors qu’il serait dommage de laisser perdre ou s’oublier, que cela soit dans le domaine des vins, des fromages, des légumes ou des viandes, entre autres : la France est, disait-on jadis, un véritable jardin et ses 28 millions d’hectares de Surface agricole utile (mais quelques autres millions peuvent aussi permettre des activités agricoles, entre landes et forêts, par exemple) nous le rappellent, comme la diversité des produits qui en sont issus et que nous retrouvons, parfois, sur les marchés locaux. C’est une chance qu’il nous faut saisir ou, plutôt, ressaisir : le « pétrole vert » de la France, c’est bien l’agriculture ! Encore faut-il ne pas faire n’importe quoi, et ordonner les activités et les productions agricoles aux capacités et aux qualités des lieux, dans le respect des paysages et des climats qui sont, tout de même, les maîtres naturels d’une agriculture saine et appropriée à la pérennité des milieux. Cela nécessite de prêter plus d’attention aux modes de production eux-mêmes, et d’en limiter, autant que faire se peut, les inconvénients pour les terres comme pour les hommes.

 

Bien sûr, l’agriculture actuelle est productiviste et très mécanisée, très « chimique », mais ce n’est pas une fatalité et il est possible (et sans doute nécessaire, d’ailleurs) de la « désindustrialiser » sans pour autant faire s’effondrer les quantités produites nécessaires à la consommation nationale et à l’exportation : une réorientation de la formation professionnelle et de la production agricole est possible, comme l’a été, dans les années 50-60, la politique de modernisation qui, si elle a permis l’augmentation des quantités produites, a parfois négligé, gravement, les conséquences environnementales et culturales. Il s’agit, non d’un retour en arrière, mais d’une meilleure prise en compte des conditions nécessaires à la pérennisation des milieux et de la présence agricole en France, partout où la terre peut donner à nourrir, mais aussi à vêtir et à installer (construction et ameublement, etc.), les hommes.

 

 

 

(à suivre)