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15/07/2015

Un article contre-révolutionnaire, en 1989.

Au printemps 1989, j'étais en maîtrise d'histoire à l'université Rennes2, plus communément appelée Villejean, et je hantais quotidiennement ses couloirs, passant d'un amphi à l'autre, de la cafétéria du grand hall à la bibliothèque universitaire, mais aussi les cafés du centre-ville, particulièrement La Paix que je fréquente toujours, y compris pour rédiger les articles de ce site... Militant royaliste d'Action Française, j'avais fort à faire en cette année du bicentenaire de 1789, et les affichages précédaient les réunions, tandis que, dans le même temps, je travaillais sur mon mémoire de maîtrise d'histoire contemporaine portant sur les royalistes d'AF de Mai 68 au printemps 1971. Pourtant, l'heure était surtout aux cours, colloques, débats et commémorations autour de la Révolution française, et je dévorais tout, ou presque, de ce qui sortait sur ce thème, avec un farouche appétit et une envie non moins grande d'en découdre avec les conformismes du moment...

 

Rennes2 abritait quelques spécialistes de la période commémorée et discutée (voire disputée...), comme François Lebrun et Roger Dupuy, et l'UFR d'histoire, dont le couloir servait de panneau d'affichage aux tracts du Cercle Jacques Bainville (nom de la section royaliste locale), disposait d'un petit bulletin de liaison rédigé par quelques amis et intitulé Ulysse... En rangeant quelques papiers, j'ai retrouvé le numéro consacré à la Révolution française, dans lequel j'avais eu droit à une tribune d'une demi-page sur ce thème. En voici ci-dessous le texte original, qui mériterait d'être complété, mais que je ne renie évidemment pas, même s'il me semble, avec le recul, incomplet et un peu maladroit dans son expression :

 

 

« Commémorer ne veut pas dire louer, mais réfléchir, retrouver la mémoire ». Cette phrase du philosophe Pierre Boutang prend tout son sens en cette année de bicentenaire d'une Révolution avec laquelle nous n'en avons pas entièrement fini.

 

« Retrouver la mémoire » : ne pas oublier ni les grands élans des premiers révolutionnaires pleins d'une sincérité devenue certitude, ni les horreurs sacrificielles d'une Révolution devenue folle d'avoir trop voulu avoir raison. Cette mémoire nous fait mal, comme un déchirement, celui du manteau fleur-de-lysé de l'unité sans l'uniformité. La mémoire est cruelle pour les mythes fondateurs de notre démocratie, et nous savons, comme Charles Maurras l'a si justement énoncé, que « l'expérience de l'histoire est pleine des charniers de la liberté et des cimetières de l'égalité ».

 

Dans notre Bretagne, il est des traces de la tourmente : combien d'églises violées, au mobilier et à la statuaire brûlés en un autodafé qu'on voulait « purificateur » ? Combien de noms rayés du champ de vie sous le « sabre de la Liberté » ? Tout cela pour parvenir à quoi ? A une cicatrice toujours ouverte. A une province peu à peu vidée de son âme après avoir été privée de sa langue. A un règne despotique de l'Argent-Dieu. A cette soumission de l'intelligence au pouvoir des « bien-pensants », au nom des « Droits de l'Homme », légalisation de la loi de la jungle...

 

Réfléchir sur la mémoire de la Révolution non en termes de bilan, mais en termes d'actualité. Notre société contemporaine découle de l'application des « principes de 1789 ». Il faut en être conscient. L'Histoire n'est pas une « grande chose morte », elle est cette « tradition critique » qui ouvre la voie à toute « fidélité créatrice ».

 

 

 

Jean-Philippe Chauvin

 

(extrait d'Ulysse, bulletin de liaison de l'UFR d'Histoire, avril 1989, numéro 6)

 

 

 

28/02/2015

L'iconoclasme de "l'Etat islamique".

Lorsque j'étais enfant, j'étais passionné par l'archéologie et les civilisations anciennes, et je trouvais dans la bibliothèque familiale de quoi assouvir ma saine curiosité, en particulier dans les anciens manuels scolaires de 6ème que mes parents avaient reçus en « spécimen » lorsqu'ils étaient professeurs de lycée : il y était fait large étalage des pharaons de l’Égypte ancienne, des Hébreux et de leurs aventures bibliques, des Perses et de leurs « Immortels », mais aussi des civilisations et empires qui s'étaient succédé en Mésopotamie il y a plusieurs millénaires... Dans mon livre préféré de cette époque heureuse de mon enfance, intitulé « Aventure et découverte de l'archéologie » et richement illustré de dessins colorés, un livre que j'ai encore près de moi et que je feuillette tout en rédigeant cette note, je peux admirer « Nébo, l'une des quatre divinités assyriennes, la seule qui ait une figure humaine », comme le signale la légende de l'image : je reconnais là l'une des statues que les partisans de « l’État islamique » ont détruit à coup de masse et de marteau-piqueur ces jours derniers, devant leurs caméras et pour leurs clips de propagande !

 

Le sentiment que j'éprouve face à ces destructions est un mélange de tristesse et de colère : tristesse devant la disparition brutale d'un patrimoine (re)découvert au XIXème siècle (en particulier par l'explorateur anglais Austen Henry Layard) et dont, heureusement, une large part se trouve dans les musées européens, en particulier londonien et parisien ; colère devant cet iconoclasme qui peut aussi nous rappeler les pires heures de la Révolution française quand le marteau vengeur et républicain s'abattait sur les rois de Juda de la façade de Notre-Dame ou sur les tombeaux des rois de France à Saint-Denis, sur les statues des saints de la cathédrale Saint-Corentin de Quimper, au nom d'une « table rase » qui devait permettre à la République de s'établir et de se pérenniser...

 

Mais il faut aller au-delà de ce premier sentiment et saisir de quoi il retourne vraiment : en détruisant ces merveilles archéologiques d'un temps lointain et, surtout, anté-islamique, les islamistes poursuivent plusieurs objectifs : d'abord, détruire tout ce qui n'est pas « eux » et leurs conceptions religieuses, et déraciner toute autre forme de civilisation et de rapport au monde, ce qui est, en somme, classique au regard des enjeux idéologiques et de la volonté de créer un « ordre nouveau » et de l'imposer aux populations tombées sous leur coupe ; ensuite, prouver aux historiens et archéologues qu'ils n'hésitent pas à s'en prendre à « la mémoire des peuples » symbolisée par des statues ou des monuments anciens parfois uniques, pour imposer leur « seule histoire » en effaçant toute trace d'un « avant », impie selon eux : c'est aussi un moyen de chantage et de marchandage, car ils savent que, du coup, ces œuvres anciennes prennent une valeur d'autant plus importante aux yeux de ceux qui voudraient les sauver, de quoi les négocier au prix fort sur le marché des œuvres d'art, en particulier en son secteur clandestin, mais aussi sur le plan politique... De plus, les islamistes de Daech, qui tiennent le devant de la scène ce vendredi soir encore sur les médias, savent aussi que nos sociétés ont besoin d'un « spectacle quotidien » et toujours renouvelé et que la Terreur, fût-elle artistique ou archéologique, est le meilleur moyen pour eux d'effrayer leurs adversaires, surtout lointains, et de leur imposer une forme de dépendance en les plaçant sur le terrain que ces islamistes occupent déjà. D'ailleurs, au regard du nombre d'expositions de dessins de presse supprimées en Europe (en Belgique, en France, etc.), la dernière au Mémorial de Caen, toujours « au nom de la sécurité » ou du « risque de provocation », mais aussi des séances de présentation annulées (parfois sur « conseils » de la DCRI...) du film « l'Apôtre » (qui raconte l'histoire d'un jeune musulman qui se convertit au christianisme), on pourrait bien en conclure que les terroristes ont déjà remporté, sinon la guerre, au moins quelques batailles... Rien de très rassurant, en somme !

 

Cela nous rappelle que, pour vaincre, il faut être sûr de soi et de ses raisons, et que nos sociétés, en se transformant  en sociétés de consommation motivées par le « Time is money » de Benjamin Franklin, en ont oublié leurs racines, celles qui leur permettaient de résister aux tempêtes du monde et du temps... Il n'est pas trop tard pour les retrouver et refaire de notre mémoire, non un carcan de vieilleries, mais un moteur de notre volonté de vivre tels que nous sommes, héritiers d'un temps long et des générations qui nous ont précédées, non pour les imiter, mais pour suivre notre voie au fil de cette « étoile du nord » que l'on appelle la civilisation française, avec ses multiples formes sentimentales et ses diversités provinciales...

 

« L'avenir dure longtemps », disaient à leur tour le général de Gaulle et le comte de Paris : en être conscient, dans tous ses aspects, et le faire savoir, c'est encore le meilleur moyen intellectuel de combattre cet « État islamique » qui vit de nos faiblesses spirituelles et s'en nourrit pour grandir. Mais il faudra aussi le moyen du politique pour incarner au mieux cette formule et la rendre fatale à ceux qui haïssent ce que nous sommes, intimement, c'est-à-dire des « insoumis » à leur ordre maudit, des hommes de cette France qui signifie, depuis que le nom existe, « la terre des hommes libres », ou « la liberté » tout simplement...

 

 

 

 

12/11/2014

Un passé sans importance ?

 

Le 11 novembre s'éloigne, pourrait-on dire... Alors que notre pays est entré dans un cycle de commémorations du centenaire de la Grande Guerre qui va durer une demi-décennie, les jeunes générations se sentent assez peu concernées, peut-être parce que les enjeux d'aujourd'hui paraissent ne pas être ceux d'hier, et que la mémoire nationale a tendance à s'effacer devant une immédiateté et un présentisme envahissants.

 

Aujourd'hui, les jeunes sont plus inquiets de leur avenir professionnel que du souvenir de ceux qui, hier, ont donné leur vie pour la liberté de notre pays, ou pour, au contraire, la lui enlever, selon le côté de la tranchée : les listes accrochées sur les panneaux de Pôle emploi sont plus lues et relues que celles, tragiques, de nos monuments aux morts désormais menacés de ruine comme le signale Le Parisien dans son édition de mardi. Au lycée Hoche, les élèves de Première que j'ai menés samedi devant les huit plaques de marbre blanc recouvertes des noms des anciens élèves, professeurs et autres personnels de l'établissement « morts pour la France » durant la Grande guerre, ne connaissaient pas, jusqu'alors, l'existence de ces listes macabres au sein du lycée même. Mais ces noms, qui étaient peut-être aussi les leurs (un arrière grand-père ? Un lointain cousin ?), étaient presque invisibles, et il fallait s'approcher au plus près pour pouvoir les déchiffrer... Le temps a fait son effet, sans doute, les plaques étant exposées à toutes ses rigueurs, sans protection particulière.

 

Bien sûr, cela me navre, autant la dégradation de la pierre que celle de la mémoire et de l'histoire de notre pays (ces deux dernières notions que je ne confonds pas, d'ailleurs), mais ce sont des faits et il ne sert à rien de s'en désoler : mieux vaut chercher à les comprendre et, dans le même temps, à préserver ce qui doit l'être, dans le souci d'éviter l'amnésie complète qui serait le pire des dangers et la porte ouverte à des périls nouveaux. L'erreur serait aussi de seulement cultiver une nostalgie pieuse qui empêcherait de voir les chances et les risques du lendemain : l'histoire est un champ qu'il convient de cultiver toujours, dans le respect de sa nature et du cycle des saisons, et non de laisser aux seules herbes folles ou de livrer aux bétonneurs de grisaille...