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02/09/2017

La Monarchie et la mémoire d'une nation.

Quelques jours avant sa mort, qui surviendra le 1er septembre 1715, le roi Louis XIV s’adresse au futur régent : «  Vous allez voir un roi dans la tombe et un autre dans le berceau. Souvenez-vous toujours de la mémoire de l’un et des intérêts de l’autre ». En quelques mots forts, le roi mourant signale ainsi, pour l’éternité et pour les hommes qui savent entendre, toute la particularité de l’histoire d’un pays et de la nature d’un Etat digne de ce nom, et rappelle au duc d’Orléans les devoirs du magistrat suprême de l’Etat, y compris en l’absence provisoire de roi d’exercice, alors trop jeune pour régner (Louis XV n’a que cinq ans). Mais cette leçon est valable aujourd’hui encore, malgré la République et souvent contre elle, et les royalistes comme ceux qui ne le sont pas mais qui souhaitent la pérennité du pays et le bien-être de ses citoyens, peuvent s’en souvenir et, mieux que cela encore, la mettre en application.

 

« La mémoire de l’un », du prédécesseur, n’est pas une mémoire figée mais doit être soumise à ce devoir d’inventaire qui n’est pas forcément destruction de ce qui a été fait, mais « tradition critique », c’est-à-dire défalcation du passif et valorisation de l’actif utile et positif : il ne s’agit pas pour le souverain du présent de défaire l’œuvre du précédent mais d’en poursuivre les grandes politiques, avec son style personnel, et en n’hésitant pas, si le besoin s’en fait sentir, de revenir sur certains échecs ou incompréhensions du règne d’avant. Lorsque le chancelier prononce la formule rituelle qui finit un règne pour en ouvrir, immédiatement, un autre, le fameux « le roi est mort, vive le roi », il laisse déjà entendre que la politique du roi nouveau sera bien une politique du vivant, du long moment présent et en cours, et à venir, et non la redite froide du règne du feu roi. Tout règne est, en soi, unique.

 

Mais la transmission héréditaire de la magistrature suprême de l’Etat, propre à la Monarchie royale française (mais pas à elle seule, bien sûr), permet une continuité et pérennité de l’Etat, sans doute de plus en plus nécessaires dans un monde qui, aujourd’hui, se presse et s’empresse, au risque de déséquilibrer les sociétés et de leur faire perdre toute mesure et, parfois, toute raison d’être par elles-mêmes. La Monarchie royale permet aussi d’incarner la nation en une famille, et elle est ainsi, par son existence et son mode de succession même, la gardienne de la mémoire nationale, constituée elle-même de multiples mémoires locales, politiques, professionnelles, religieuses, familiales. Je me souviens ainsi que, lorsque feu le comte de Paris était venu s’entretenir avec les étudiants de l’université de Rennes-2, en l’année du Millénaire capétien (1987), l’amphithéâtre était comble et respectueux (malgré les cris d’orfraie de l’Union des Etudiants Communistes locale, qui se voulait – pas trop fort tout de même - robespierriste…), et que le président de l’université avait accueilli le prince comme le descendant bien vivant d’une histoire qui remontait au Moyen âge et qu’il poursuivait, à sa manière : la longue mémoire royale qui, tout ensemble, rappelle et transcende toutes les mémoires du pays, y compris au-delà même de la Révolution de 1789 et de ses avatars républicains des années et siècles suivants. Le comte de Paris avait d’ailleurs souligné qu’il n’était pas là pour régler des comptes avec l’histoire mais pour la poursuivre et la transmettre à ceux qui lui succéderaient. « L’avenir dure longtemps », disait le général de Gaulle…

 

C’est d’ailleurs cette capacité à incarner la mémoire nationale qui permet à la Monarchie royale d’oublier les offenses passées : Henri IV a connu la guerre civile religieuse, il en a été partie prenante, mais, une fois son pouvoir (r)établi, il n’a voulu connaître que les qualités des uns et des autres, amis comme adversaires, et il a représenté, aux yeux de tous et jusqu’à nos contemporains, le symbole de la réconciliation générale au-delà des appartenances religieuses hier antagonistes.

 

Mais un roi, ou quelque chef de l’Etat que ce soit digne de ce nom (même s’il n’est pas roi, mais c’est alors plus difficile et parfois, par principe, impossible) ne doit pas penser seulement à ce qui a été et à ce qui est ; il doit aussi se projeter dans l’avenir, autant que faire se peut, et, dans tous les cas, préserver les intérêts de celui qui lui succédera et des générations à venir, ce que rappelle là encore Louis XIV au futur régent. Le roi, « père du peuple », doit préparer l’avenir de ses enfants et particulièrement de son héritier putatif, tout en sachant que ceux-ci ne lui ressembleront pas forcément et que les temps, les mœurs, les enjeux ne seront peut-être pas les mêmes que ceux qu’il connaît lui-même, au moment où il règne. L’éducation du futur roi, c’est l’apprentissage de l’exercice de l’Etat et de ses devoirs, de ses charges, de ses difficultés : être roi, c’est bien un métier politique, et qui se transmet de génération en génération, au risque de l’histoire et de ses coups que le souverain doit apprendre à parer en veillant toujours à préserver l’essentiel, l’intérêt du pays et de ses habitants d’aujourd’hui et de demain sans oublier « la mémoire de leurs pères » sans laquelle il n’y a pas de fondations solides… Un intérêt qui n’est jamais aussi bien défendu que lorsque la dynastie est effectivement solide et sûre d’elle-même.

 

Dans une nation historique, la Monarchie fait fonction de colonne vertébrale : elle permet au pays d’être debout et de « se tenir » dans un monde tempétueux. Elle est tout à la fois la mémoire longue et le trait d’union entre les générations, elle est le souvenir sans être la rancune, et elle ne retranche pas telle ou telle partie de la mémoire nationale, fût-elle désagréable pour elle : il suffit de regarder au-delà des Pyrénées ou au-delà de la Manche pour s’en convaincre… Cela ne signifie pas qu’elle est parfaite ou toujours à l’aise avec le passé, voire avec le resurgissement des anciennes conflictualités, mais qu’elle a sans doute plus d’atouts, par sa propre nature politique, qu’une République qui préfère la dissimulation (comme pour les épisodes cruels de la Révolution dans les provinces de l’Ouest) ou la confusion, parfois savamment entretenues par l’Education nationale dans ses manuels scolaires ou ses programmes d’histoire, voire de géographie…

 

A l’heure où l’histoire est parfois réduite à un enjeu « mémoriel », il n’est pas inutile de rappeler que la Monarchie permet aussi d’apaiser les mémoires sans oublier l’histoire ni les défis et promesses de l’avenir…

 

 

 

06/05/2016

L'historique d'un slogan royaliste.

Dans les années 1960, les militants de l'Action Française collaient des bandeaux bicolores « Le roi, pourquoi pas ? » dont l'un des modèles, dans un hommage involontaire aux « Incroyables et Merveilleuses » de l'époque thermidorienne, avait oublié le « r » de « pourquoi », ce que ne remarquaient guère, en définitive, les colleurs ni les badauds... Au milieu des années 1970, il y eut une inflexion du message, moins anodine qu'on pourrait le penser, et la Documentation Royaliste (basée à Tours, et émanation de l'Union Royaliste de Touraine) imprima des milliers d'affiches jaunes « Je suis royaliste, pourquoi pas vous ? » qui, bientôt, furent collées aux quatre coins de la France. Elles attiraient l’œil, parce qu'elles reproduisaient le regard d'une femme qui semblait vous fixer quand vous passiez à proximité. Lorsque, vers 2008, le Groupe d'Action Royaliste fut créé, son premier modèle d'autocollant militant (bientôt reproduit en affiche grand format) reprit le slogan et le regard féminin, avant que, ces dernières semaines, l'Action Française affiche à son tour la même interrogation à l'occasion de son colloque annuel intitulé de même façon.

 

Cette interrogation n'est pas totalement incongrue en ces temps agités, même si j'aurai tendance à poser directement la véritable question qui n'est autre que celle, non d'un « isme » quelconque, mais bien plutôt des institutions nécessaires à la France. En fait, peut-être suis-je trop pressé...

 

Lorsque le Groupe d'Action Royaliste a commencé à (re)coller ce slogan sur les murs, de la Bretagne au Jura, de Dreux à Draguignan, de nuit comme de jour, il s'agissait bien de redonner une certaine visibilité au royalisme lui-même et de rappeler que, en notre République cinquième du nom, il existait un courant politique de longue mémoire qui revendiquait une « autre » histoire et, au-delà, une « nouvelle » politique, qui n'était ni une utopie ni une nostalgie mais une possibilité, une nécessité pour les temps présents et à venir, le passé ne nous intéressant qu'à titre d'expérience et non de regret (car il est trop tard pour changer ce qui a été, il faut s'en contenter, ou s'en « mécontenter »...). La question que posait l'affiche ne disait certes rien de ce qu'était le royalisme, mais elle se voulait une incitation à aller plus loin, et à se poser la question de l'identité politique à travers cette spécificité royaliste.

 

C'était aussi, et c'est toujours une question un peu provocatrice : être royaliste, ce n'est pas si simple à comprendre, à appréhender pour ceux qui ont été nourris au lait de l’Éducation nationale et qui imaginent les royalistes comme des nostalgiques des carrosses et des privilèges nobiliaires, ou comme des extrémistes ne pensant qu'à instaurer une tyrannie moralisatrice, voire théocratique... Mais poser la question, c'est, au moins, la susciter chez quelques personnes qui ne le sont pas encore mais pourraient bien y penser, déçus par les jeux politiciens qui donnent une si mauvaise image de la politique.

 

En apposant cette affiche du G.A.R. à Rennes, il y a quelques mois, avec les amis de l'Action Royaliste Rennaise, nous avons eu à plusieurs reprises l'agréable surprise d'entendre murmurer par dessus notre épaule : « Oui, après tout, pourquoi pas ? »... Mais, si devenir royaliste est une étape importante en politique, et plus il y aura de royalistes, mieux cela vaudra (sans que cela soit, en définitive, déterminant, la volonté et la stratégie comptant plus encore), ce n'est, rappelons-le, qu'une étape : la prochaine question qu'il faudra bien, alors, « imposer » aux esprits, les plus éclairés comme les plus simples (au sens noble du terme, à ne pas confondre avec simplistes, bien sûr), par l'intelligence mais sans omettre la puissance du sentiment, sera, évidemment : « le roi, pourquoi pas ? »...

 

 

21/03/2016

Cette mémoire qui gêne les bien-pensants...

Dimanche matin, il faisait bien froid et le printemps semblait prendre son temps pour mieux se faire désirer : cela n'a pas empêché une petite délégation du Groupe d'Action Royaliste de fleurir la statue parisienne du roi Henri IV, sur le Pont-neuf. Bien sûr, cet hommage discret peut faire sourire et certains peuvent se demander à quoi bon entretenir le souvenir d'une histoire forcément passée à l'heure de la connexion et de l'immédiateté, de la mondialisation et de la consommation, de la distraction et de la confusion universelles.

 

Et pourtant ! L'histoire n'est pas une grande chose morte, elle est un champ d'expériences toujours renouvelées et dont il serait dommage de ne retenir aucune leçon, et elle est le rappel toujours utile des risques que porte toute vie en société, mais aussi des motifs d'espérance au cœur des désastres, des possibilités du meilleur quand tout semble vain, des victoires qui se préparent et des nécessités de la résistance aux vents mauvais qui, parfois, balayent nos vieilles terres... En d'autres temps, pas si lointains, Jacques Bainville a apporté quelques preuves de l'importance de connaître bien l'histoire pour ne point en éprouver les retours malheureux ou les revanches dévastatrices : ses articles de l'après-guerre de 1918 sont des actes de prévention, malheureusement négligés par une IIIe République trop sûre d'elle-même et trop idéologique pour penser au-delà de ses seuls horizons électoraux, et l'on connaît la suite.

 

L'histoire nous offre aussi quelques hautes figures de courage, de bonté et de sens politique : Henri IV mais aussi Jeanne d'Arc, entre mille exemples possibles, sont de celles-ci, et il n'est pas inutile de s'en souvenir et, au-delà, d'en perpétuer le souvenir sans en méconnaître les côtés humains, dans leurs qualités comme dans leurs défauts. Si Henri IV mit fin aux guerres de religion, Jeanne d'Arc, elle, permit la reconquête du royaume de France par le roi légitime, même si celui-ci, après l'impulsion johannique, préféra suivre une autre stratégie militaire que celle de la jeune fille de Domrémy, et parce que, en définitive, les deux se retrouvaient dans la même logique d'un « Politique d'abord » qui pouvait admettre des chemins différents mais qui passaient tous par Reims...

 

Aussi, la mauvaise querelle cherchée à Philippe de Villiers par quelques journalistes et le silence de l’État et de sa magistrature suprême dans l'affaire de l'anneau de Jeanne d'Arc me semblent-ils révélateurs de cette attitude d'un Pays légal qui n'aime guère qu'on lui rappelle qu'il n'est rien sans ce Pays réel dont il se nourrit et qu'il méprise dans le même temps. L'anneau est-il authentique ? Je veux bien croire qu'il l'est, même si le doute peut subsister : mais le symbole est bien là, lui, et c'est cela qui compte. Et les foules qui s'empressaient au Puy du Fou, ce dimanche 20 mars, pour la présentation de l'anneau par ceux qui l'ont heureusement racheté lors d'une récente vente aux enchères en Angleterre, montrent bien que les peuples, au sens fort du terme, ont besoin de symbolique et pas seulement de « consommation » ou de matérialisme : en somme, ce supplément d'âme qui fait tant défaut à notre époque...

 

La République a, dans cette affaire, brillé par son absence : alors qu'elle s'était mobilisée, il y a quelques années, pour récupérer des manuscrits attribués à Maximilien Robespierre (celui-ci avait supprimé la particule d'origine de son nom en 1791, avant que de supprimer ses adversaires...), elle n'a pas bougé un cil lorsque l'annonce de la vente d'un anneau ayant appartenu, selon les vendeurs dignes de foi, à Jeanne d'Arc, a été portée à la connaissance du monde des historiens et des amateurs d'antiquités... Certes, le ministère de la Culture n'a plus le lustre et... la culture qu'il pouvait avoir du temps de son illustre premier locataire, André Malraux, mais tout de même ! Qui ne connaît Jeanne d'Arc ? Son histoire et sa destinée tragique, sa lutte pour la liberté du royaume et sa foi profonde, passionnée ? Il est vrai qu'elle a disparu des programmes scolaires depuis un certain temps déjà, au collège comme au lycée, et que son évocation apparaît à nombre de nos contemporains oublieux de la mémoire nationale comme un relent de nationalisme ou de militarisme, voire de fanatisme...

 

L'ironie des journalistes de Canal+ lundi midi et l'effroi de l'hebdomadaire L'Obs, ce même jour sur son site internet, sont les deux masques de cette grande peur des bien-pensants qui voient dans toute épopée nationale, fût-elle médiévale et, selon François Reynaert, « féodale » (comme si la « nation » ne puisait pas son histoire dans les époques qui ont précédé l'apparition tardive de ce terme né a posteriori pour signifier cette création originale et pas forcément jacobine...), un enracinement préjudiciable à une mondialisation qu'ils croient encore heureuse quand elle n'est plus qu'une idéologie des oligarchies et non des peuples...

 

D'ailleurs, la revendication (tardive) des Britanniques sur cet anneau tout d'un coup si précieux à leurs yeux alors qu'ils l'avaient laissé vendre il y a quelques semaines sur leur propre sol sans, à ce moment-là, réagir, en dit long sur le retour des mémoires qui s'opère en Europe et sur la volonté de certains États de renouer avec cette part d'eux-mêmes qu'ils avaient parfois oubliée. Bien sûr, la France ne devra rien céder et ne répondre à cette provocation anglaise que par un refus ferme mais courtois (voire « cordial »...) : mais c'est avec l'esprit de Jeanne d'Arc et avec celui du roi Henri IV qu'il lui faut, d'abord et politiquement comme intellectuellement, renouer... Non pour diviser en Europe mais pour unir, en France, et pour parler haut et fort dans le monde.