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08/01/2009

Faire la paix.

L’intervention israélienne dans la bande de Gaza soulève les passions, y compris en France : cela m’inquiète, au regard des tensions intercommunautaires qui peuvent se révéler et dégénérer, comme quelques incidents heureusement isolés et marginaux le rappellent. Même dans les classes du lycée, on peut parfois, au détour d’une tentative d’explication de la situation complexe de la région, constater que certains se laissent emporter par une argumentation qui reflète plus une position communautaire que nationale française. Or, et je l’ai rappelé aux élèves, la France n’est pas militairement impliquée dans le conflit et elle ne doit pas devenir le champ de bataille « délocalisé » et par communautés interposées d’une guerre lointaine, même si les images vues à la télé ou sur la Toile nous rapprochent presque de façon impudique et voyeuse des événements tragiques de Gaza.

Bien sûr, on peut s’indigner des violences et rechercher les causes, en discuter, voire se quereller sur les moyens pour la diplomatie française d’agir pour la paix dans la région. Mais prendre parti pour un camp ou pour un autre en prenant à partie d’autres Français qui, par leurs racines ou leur religion, seraient dans le camp opposé est risqué et déplacé : il est bien l’heure de dire « France d’abord ! », c’est-à-dire que les Français, quelles que soient leurs appartenances, leurs choix ou leurs intérêts, ne doivent pas juger autrement qu’en fonction des intérêts français et de ceux de la simple humanité que la France a pour vocation de défendre et de rappeler (même si elle ne répond pas toujours à cette exigence…).

C’est d’ailleurs à cette condition que les manifestations en France pour la paix et l’arrêt des violences pourront avoir une chance d’être crédibles et acceptables pour les deux camps : ce n’est pas autrement, dans ce cas précis (qui n’est pas forcément le cas général), que l’on pourra peser sans aviver les tensions ou les ressentiments. En prônant « la paix des braves » (qui est une formule qui a le mérite de contenter chacun des camps qui peut se reconnaître, à tort ou à raison d’ailleurs, dans cette appréciation, comme l’a pensé en son temps le général de Gaulle) et, donc, un arrêt des combats qui ne pourrait s’accompagner que de la forte pression internationale nécessaire pour imposer de véritables négociations entre les belligérants ou, plus exactement, leurs représentants « légaux » (même si la légalité peut être sujette à caution…).

Certains me diront que je fais peu de cas des horreurs commises par les uns ou par les autres, chacun des camps se jetant des cadavres à la figure et se rejetant la responsabilité du commencement des hostilités. Je n’oublie rien en tant qu’historien, mais il est des heures où ce n’est pas la vengeance ni même la « justice » ou le « bon droit » qui comptent, mais bien le but à atteindre : l’extinction des feux et, au-delà, « par delà la mémoire et l’oubli », l’établissement d’une paix durable et profitable à tous. Sinon, jamais la guerre ne s’arrêtera, ni la volonté de « faire payer à l’autre » les souffrances qu’il vous a fait endurer.

Je pense en ce moment à la réconciliation franco-allemande, qui n’aurait jamais été possible si le général de Gaulle n’avait pas eu à la fois la légitimité historique (l’homme du 18 juin, le symbole du refus de l’occupation allemande) et la « capacité d’oubli » (qui n’est pas exactement de l’amnésie mais bien plutôt la capacité à « oublier » ce qui fâche ou divise lorsque l’enjeu impose le dépassement des « anciennes querelles ») qui marque les grands hommes d’Etat soucieux de préparer demain et non pas de ressasser hier. Si elle a été possible, c’est parce que, aussi, le politique primait sur le sentiment ou le religieux. C’était d’ailleurs aussi la politique, souvent incomprise des populations, des rois de France, tel « le renversement des alliances » imposé (malgré son impopularité) par Louis XV et qui rapprochait, y compris par le symbole d’un mariage entre le jeune prince Louis et l’archiduchesse autrichienne Marie-Antoinette, deux Etats adversaires pendant presque trois siècles…

La paix est un bien précieux : s’il est difficile de la faire advenir, elle n’est pas moins souhaitable, forcément nécessaire… Pour que les oliviers palestiniens abritent les colombes israéliennes, et que, à défaut de se connaître, les peuples israélien et palestinien acceptent de se reconnaître

11/11/2008

11 novembre.

Ce mardi matin, le soleil brille sur la campagne hier balayée par la tempête et les monuments aux morts sont tous fleuris, en présence de quelques drapeaux et des édiles locaux, mais aussi de quelques jeunes chargés de représenter les nouvelles générations, celles qui n’ont pas connues la guerre et pour lesquelles elle est une réalité lointaine, voire une simple virtualité vécue à travers un écran de télévision ou de jeu électronique. Et pourtant, la guerre n’est malheureusement pas si loin et un général rappelait ce matin sur France Culture que 12.000 soldats français étaient, de par le monde, engagés dans des opérations de guerre, en particulier en Afghanistan. Mais l’éloignement du champ de bataille, assez similaire à celui que connurent les générations du siècle de Louis XIV (les guerres louisquatorziennes se déroulant au-delà des frontières de notre pays, comme celles de Louis XV d’ailleurs, et touchaient peu, concrètement, les populations, hormis par les impôts), nous garantit une grande impression de paix et de calme, et les guerres picrocholines au sein du Parti socialiste n’y changent évidemment rien…

La guerre s’est certes et heureusement éloignée, spatialement parlant, de l’Europe de l’Ouest, et la réconciliation franco-allemande a scellée une amitié qui, jadis, pouvait sembler improbable, voire impossible. On doit d’ailleurs beaucoup plus cette réconciliation aux gestes des Etats eux-mêmes qu’à cette « Europe » dont on voudrait nous faire croire que c’est sa simple construction qui a fait reculer le danger de la guerre : De Gaulle et Adenauer, Mitterrand et Kohl, ont plus fait pour la paix et l’entente entre les peuples (parce qu’ils ne les niaient pas, ni l’histoire qu’ils avaient fait ou vécu) que Monnet ou Schuman, guidés par une sorte de millénarisme européiste, par une idéologie qui négligeait les faits et les sentiments des nations et de leurs peuples…

Eric Zemmour faisait aussi remarquer il y a quelques années que c’était « la paix qui a permis la construction européenne » et non l’inverse comme on voudrait nous le faire avaler pour des raisons pas toutes louables…

L’histoire n’est pas qu’une matière scolaire ou une science, elle est aussi une tragédie, avec ses drames et ses espoirs, ses erreurs et ses vérités, ses acteurs et ses victimes : elle s’inscrit aussi bien sur les pages des livres que sur le marbre des tombeaux, dans le cœur des hommes que dans leur mémoire parfois incertaine ou rancunière…

Ce matin, au soleil de novembre, je relis ces quelques mots anodins et pleins d’espoir d’un soldat qui va mourir quelques heures après et qui ne le sait pas… Au cœur de la guerre, il y a toujours l’espérance de la vie, du lendemain, du soleil. Et, aujourd’hui, au cœur d’une paix qui n’est jamais totalement certaine, le souvenir de ceux qui nous permettent, par leur sacrifice lointain et parfois oublié, d’être ce que nous sommes, d’être une nation libre : « De toutes les libertés humaines, la plus précieuse est l’indépendance de la patrie », affirmait avec raison Charles Maurras. Sans cette liberté de la nation, de la Cité au sens grec du terme, aurions-nous, pourrions nous exercer les autres ? Les périodes sombres des défaites et des occupations nous répondent par la négative. Nous devons beaucoup aux Français d’hier, y compris parfois leurs erreurs… Il nous reste à inscrire dans l’Etat, non pas le ressentiment toujours belligène, mais la liberté que peuvent donner la durée incarnée et l’indépendance héritée. Un Etat couronné qui assume le passé, toutes les mémoires de la nation, et qui regarde vers le lointain et vers le lendemain, en veilleur protecteur et bienveillant envers les siens…