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01/01/2010

Espérance, malgré les menaces.

La nouvelle année qui s’ouvre est toujours l’occasion de présenter ses vœux et ses espérances, pour ses amis et soi-même, et, d’une année à l’autre, il me semble qu’elles varient assez peu : la paix fait, par exemple, partie de ce que l’on espère en cette soirée de la Saint-Sylvestre lorsque les bouchons de champagne (ou de cidre…) sautent au plafond avec ce petit bruit d’explosion sympathique ! La paix… C’est une espérance fragile qui mérite d’être préservée, et je ne cesse, d’année en année, d’en clamer l’importance, au moment même où la guerre redevient une obsession, une angoisse et, parfois, une réalité que nos concitoyens contemporains cherchent à ignorer pour se rassurer à bon compte.

 

La paix… Ce bien si précieux n’est-il pas aujourd’hui menacé par le « lâche soulagement » de nos démocraties qui s’imaginent qu’il suffit de l’évoquer pour la faire vivre et perdurer ? Bertrand Renouvin, dans un récent numéro de « Royaliste », trouve, à la suite du journaliste Jean-Dominique Merchet (dont il faut absolument lire le dernier ouvrage, court et précis : « Défense européenne, la grande illusion »), les mots justes pour définir la situation des pays européens face à l’histoire qui n’est jamais finie et continue d’agiter le monde (tant que l’homme sera l’homme…) : « Aujourd’hui les oligarques européens  rejettent l’Europe puissance. Jean-Dominique Merchet montre que leur véritable rêve, c’est une grande Helvétie, pacifiste et prospère comme la Suisse. (…) Bien des dirigeants et des penseurs allemands voudraient sortir de l’histoire et la plupart des oligarques européens voudraient faire de l’Europe un grand marché intégré dans l’ensemble atlantique.

 

« C’est une illusion dangereuse. Jean-Dominique Merchet rappelle que l’histoire continue, comme toujours tragique. La guerre est une menace, à laquelle l’Union européenne ne peut ni ne veut faire face. C’est pourquoi elle s’en remet à l’Otan (aux Américains) pour sa sécurité : protection illusoire en cas de crise majeure car à l’âge nucléaire une nation, aussi puissante soit-elle, ne met pas en jeu son existence pour défendre des alliés. Conclusion : renforçons l’Armée française, modernisons notre armement nucléaire pour garantir, dans tous les cas, notre liberté. »

 

Notre liberté… C’est là l’autre grande espérance que nos vœux de nouvelle année mettent en avant, dans cette société où la Consommation se veut de plus en plus la seule finalité et l’Argent la seule valeur ! Liberté d’exister, de penser et de parler, de faire, de prier éventuellement. Liberté plurielle, non pas illimitée et envahissante mais vivante et active, profondément humaine…

 

L’espérance c’est le désespoir surmonté, disait Bernanos, ce royaliste fidèle qui connaissait le prix (parfois élevé et douloureux) de la paix et de la liberté… Il savait que ces biens précieux, plus précieux que toutes les mines d’or du Pérou, doivent être gardés, non pas surveillés mais protégés (ce qui n’a pas le même sens), et qu’ils ne doivent pas être abandonnés « aux autres » quand il ne tient qu’à nous de les faire vivre, quotidiennement, habituellement, forcément !

 

Espérance, donc, pour cette nouvelle année qui s’ouvre sous le regard, au-delà du temps, du roi Henri IV qui est le « patron » de l’année 2010 en France… Un exemple à méditer, non pour le simple plaisir de la commémoration mais pour les nécessités de l’action politique et géopolitique dans ce monde de menaces multiformes qu’il serait vain et illusoire de négliger…

 

Espérance, forte espérance, celle qui n’empêche ni la colère ni la joie…

17/11/2009

La France en Afghanistan.

Depuis dimanche matin, 700 soldats français sont engagés dans une vaste opération militaire pour prendre le contrôle d’une zone talibane en Afghanistan (la vallée de Tagab, à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Kaboul), zone dont sont partis, ces dernières semaines, plusieurs « kamikazes » et qui sert de refuge aux groupes islamistes radicaux.

Là-bas, on ne commémore pas encore : on combat, on tue et on meurt…

Je n’aime pas la guerre et je la crains : mais, lorsqu’elle est là, il faut la faire, comme le rappelait le général de Gaulle. Le débat sur la présence française en Afghanistan n’est pas un faux débat, loin de là, et je ne suis pas sûr qu’il fallait « y aller » : mais, la France y est, et il serait pire, aujourd’hui, de quitter le terrain sur ce qui apparaîtrait alors comme une défaite, un recul…

Il faut rappeler aussi que la solution à la « question talibane » n’est pas seulement militaire, mais avant tout politique. Dans cette affaire, pourtant bien engagée à l’origine (à l’automne 2001), les Etats-Unis ont manqué de sens politique et ont méconnu l’histoire de l’Afghanistan comme ses traditions (toutes ne sont pas pour autant honorables…), préférant placer un de leurs féaux à la tête du pays plutôt que celui qui pouvait, de par son histoire personnelle et de sa charge symbolique, réconcilier les uns et les autres, ou au moins calmer les craintes de la majorité ethnique pachtoune : Zaher Chah, le roi (jadis renversé par son cousin républicain, façon Fronde nobiliaire…), aujourd’hui décédé, semblait aux Afghans eux-mêmes le « recours » et la possibilité de retrouver une certaine visibilité politique pour l’Afghanistan sans renoncer à sa liberté nationale. Les Etats-Unis n’en ont pas voulu et ont humilié les chefs traditionnels de tribus par leur refus d’une solution « à l’afghane ». On connaît la suite, et il est difficile de ressusciter Zaher Chah…

Il est vain de se lamenter sur ce qu’il aurait fallu faire, puisque cela n’a pas été fait. Mais il faut se prémunir contre les conséquences des erreurs des Etats-Unis qui, s’étant placé à la tête de la coalition occidentale en 2001, nous ont engagés sans beaucoup de précautions dans ce guêpier afghan.

Désormais, le rôle de la France en Afghanistan est d’aider à la formation d’une véritable armée afghane, mais aussi de permettre la fondation et le fonctionnement d’écoles ouvertes aux garçons comme aux filles, de centres culturels, d’aider l’économie afghane à s’autonomiser de l’aide internationale, etc.

Certains parleront de « néocolonialisme » ou d’ingérence dans les affaires d’un pays étranger : sans doute faut-il y voir plutôt l’application d’un « devoir d’assistance à nation en danger », pour éviter le pire, pour les Afghans comme pour leurs voisins, mais aussi pour les pays européens qui, en cas de victoire des talibans, pourraient difficilement refuser d’accorder l’asile aux centaines de milliers de réfugiés afghans qui fuiraient la dictature islamiste…

Après la guerre, qu’il faut gagner, la France et ses alliés dans cette affaire ne doivent pas oublier que c’est la paix qu’il faut aussi, voire plus encore, gagner : rien n’est pire qu’une paix bâclée, forcément grosse de conflits futurs !

L’histoire de la « guerre de trente ans » selon l’expression d’Henri Massis, celle qui dura de 1914 à 1945 sur le continent européen et bien au-delà, ne doit pas être oubliée : le pire serait la commémoration rituelle sans la vive mémoire

24/03/2009

Henri IV.

J’étais dimanche à Paris pour la commémoration de l’entrée du roi Henri IV, le 22 mars 1594, dans cette ville qui ne l’avait pas accepté naturellement et lui avait même fait la guerre, avant de se laisser séduire par ce monarque d’origine protestante qui avait été assez politique pour ne pas la brusquer.

 

Ainsi, nous étions une délégation d’une bonne vingtaine de monarchistes, drapeaux au vent, dont celui, nouveau, des Volontaires et Camelots du Roi, émanation du Groupe d’Action Royaliste auquel je participe depuis sa création, il y a quelques mois. Mon ami Frédéric, que je connais depuis 1981, a rappelé en quelques mots l’importance du roi Henri dans le processus de réconciliation des Français entre eux, au sortir de la pire des guerres qui soient, la guerre civile. Le Navarrais, surnommé aussi « le vert galant », aurait-il pu réussir s’il n’avait eu une haute idée et conscience de la fonction royale, de cette fonction d’arbitrage qui manque tant aujourd’hui à la tête de l’Etat ? C’est douteux.

 

Le mérite de l’institution royale est d’offrir, dans son principe de succession héréditaire à la magistrature suprême de l’Etat, la capacité d’un tel arbitrage car elle ne doit son pouvoir et sa légitimité que d’une naissance qui est le fait le plus naturel qui soit et le moins controversé, en définitive, si on le compare aux joutes électorales présidentielles. Une succession qui, comme dans la vie des familles, peut, à un moment de son histoire, être moins simple parce que le souverain régnant n’a pas de descendant direct : c’était le cas à la mort de ce roi tant diffamé (à tort, le plus souvent) que fut Henri III, le dernier des Valois. Mais, là encore, sur son lit de mort, le Valois a respecté la règle et a rappelé que son successeur, qu’il le veuille ou non, que cela plaise ou non, c’était celui qui, par les liens familiaux, était le plus proche, soit Henri de Navarre, un prince protestant, rescapé du massacre de la Saint-Barthélémy…

 

Ah, s’il y avait eu, alors, un vote parmi les Français, très majoritairement catholiques et hostiles au souverain assassiné par le poignard du moine fanatique Clément, Henri de Navarre n’aurait pas atteint le deuxième tour ! Et pourtant, c’est celui-là, qui a du conquérir et a conquis le cœur de ses sujets : j’en profite pour souligner combien ce terme de « sujets » me semble, en définitive, heureux malgré son ambiguïté apparente, parce qu’il rappelle que, pour faire une phrase complète, il faut généralement aussi un verbe, rôle que tient symboliquement le souverain et qui donne tout son sens à la phrase…

 

Mais cette conquête des cœurs et des esprits, cette popularité chèrement acquise et qui lui a même valu les éloges des « hussards noirs de la république », Henri IV n’a pu la gagner que parce qu’il avait totalement intégré l’esprit de la royauté et du service, voire des sacrifices, qu’elle impose : l’indépendance de la magistrature suprême, l’arbitrage concret qu’elle permet, les devoirs qu’il entraîne, même contre l’amour propre du roi en exercice… Etre celui qui oublie les injures de ceux qui l’ont affrontés en d’autres temps, au motif qu’il était huguenot, donc une sorte d’ « infidèle » ; être celui qui embrasse son ennemi de la veille parce que la Couronne (et j’entends par là, au-delà même de la royauté, l’Etat, au sens le plus complet du terme) a besoin de toutes les compétences, sans forcément regarder d’où elles viennent : en somme, être un politique, au sens fort du terme, et qui mieux que le roi peut incarner ce politique fort, libre, arbitral (et non arbitraire) ?

 

Si la personnalité du premier roi Bourbon a été assez forte pour supporter les épreuves, cette véritable initiation royale au Pouvoir, elle n’aurait pas suffi pour retisser le manteau de l’unité française : c’est l’institution royale qui a donné du sens et du poids à son action, et qui lui a permis, en définitive, d’incarner la France et son destin, et de l’inscrire dans la durée. Henri IV n’est devenu roi que parce que les règles de succession échappaient aux choix des hommes et même à son propre choix… Ne pas choisir d’être roi, mais assumer : c’est la charge, parfois fort lourde, des rois de France, et que le risque de l’assassinat ne dissuade pas de ceindre la couronne qui est aussi parfois d’épines…

 

Henri IV aurait dit que Paris valait bien une messe : mais Henri IV valait bien, malgré le froid qui battait les flancs de son cheval de bronze sur le Pont-Neuf, une commémoration, quelques mots d’hommage, les paroles de cette chanson qui lui est dédiée et qui fut, au XIXe siècle, le chant des royalistes fidèles aux princes en exil…