26/06/2013
La République de l'outrance.
« La République gouverne mal, mais elle se défend bien » : combien de fois ai-je écrit, crié, murmuré cette citation d'Anatole France, l'auteur d'un roman terrible sur la Terreur, « Les dieux ont soif » ? Mais, aujourd'hui, je la répète encore une fois et avec une sourde colère au regard des nombreuses interpellations, gardes à vue et procès qui frappent les opposants au mariage homosexuel, sanctions souvent sans grand discernement et dans l'injustice la plus certaine. Bien sûr, tout Etat doit se défendre et l'ordre public doit être préservé, au risque sinon de voir triompher la loi de la jungle qui n'est jamais que la loi des plus forts et des plus violents. Sans doute, toute contestation n'est pas bonne en soi... Mais l'on pourrait attendre d'un Etat comme la France, issu d'une longue et parfois douloureuse histoire, un plus grand sens de la mesure : mais la République, elle, surtout lorsqu'elle se pare de grands principes moraux, a tendance à cultiver l'hubris, cette outrance qui, en somme, détruit la légitimité de ce qu'elle est censée préserver !
Ainsi, cette affaire « Nicolas », prénom d'un jeune manifestant hostile à la loi Taubira, désormais promulguée et appliquée avec quelques conséquences collatérales sur le Code civil comme, entre autres, la disparition des termes de « père » et « mère » de ce texte fondamental du Droit français.
Ce jeune, Nicolas Bernard-Buss, incarcéré depuis la semaine dernière à Fleury-Mérogis, en fait, est plus encore un révélateur qu'un exemple comme l'aurait voulu un gouvernement aux abois qui ne sait plus comment en finir avec une opposition qui n'est pas « encartée » ou parlementaire mais plus concrète et remuante, moins partisane (au sens politicien du terme) et plus doctrinale. En faisant condamner ce jeune de 23 ans à une peine de prison ferme, le gouvernement (qui se défausse avec une certaine hypocrisie sur « l'indépendance de la Justice »...) espérait effrayer ces opposants qui « ne lâchent rien » comme ils le clament fièrement... Dans ce cas, je doute fortement de la « pédagogie » d'une telle condamnation et de ses arguments ! Bien au contraire, cela a remobilisé des jeunes (et des moins jeunes) qui, décidément, ne veulent plus quitter un pavé auquel ils ont pris goût, comme j'ai pu concrètement le constater encore dimanche dernier, entre la place Dauphine et la rue de Rennes, dans cette immense partie de cache-cache dans les rues de Paris avec des forces de l'ordre visiblement désabusées.
Révélatrice, donc, cette incarcération : au moment même où les casseurs du Trocadéro, même condamnés à des peines de prison ferme, semblent échapper plus facilement aux geôles républicaines ; révélatrice aussi, par les raisons évoquées pour un tel traitement, en particulier le « refus de prélèvement d'ADN » qui, désormais, est criminalisé pour tout citoyen désireux de maintenir son « anonymat génétique » (tant que cela est possible, malgré ce risque de sanction...) ; révélatrice également par ce brusque légalisme forcené d'une Gauche qui, pourtant, n'a de cesse, lorsqu'elle n'est pas au pouvoir, de dénoncer les « atteintes aux Droits de l'Homme » que constitue l'usage de la force contre des manifestants parfois beaucoup moins pacifiques que ceux issus des « Veilleurs » ou de « La Manif pour Tous »... Révélatrice également d'une volonté de criminaliser ceux qui ne pensent pas selon les canons de « l'idéologie dominante », suivant une logique un peu inquiétante et qui poussent certains, avec un brin d'exagération à évoquer une « dictature socialiste » quand il faudrait surtout y voir « la dictature du prêt-à-penser », beaucoup plus prégnante et, de toute façon, commune à une grande partie du monde politique et économique, entre libéralisme, social-démocratie et individualisme consumériste...
En voulant faire un exemple, le gouvernement a surtout révélé sa faiblesse profonde, une faiblesse qui se crispe en autoritarisme, cette caricature de l'autorité quand « l'ordre et la loi » de la République sont celles de la justice et de la légitimité, voire leurs exacts opposés !
Il est des révélateurs et des révélations qui ne peuvent laisser insensibles ceux qui se targuent de réfléchir sur les conditions politiques les plus propices à l'équilibre des sociétés.
Quant à ce jeune homme qui sert, à son corps défendant, de « révélateur » des faiblesses et des outrances de cette République, il faut souhaiter sa libération la plus rapide possible et, mieux, travailler à l'accélérer.
00:25 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : répression, politique, prisonnier politique, république, adn, condamnation.
12/06/2013
La République sans politique extérieure ?
Les voyages de M. Hollande sont-ils inutiles ? En tout cas, ils n’ont pas encore assuré au président de la République la stature internationale dont la France pourrait tirer profit et ils ont souvent laissé la drôle d’impression d’un certain amateurisme aux interlocuteurs du président ou aux observateurs et commentateurs, ce qui n’était évidemment pas le but recherché… D’autant plus que, dans la tradition de la Cinquième République, la politique étrangère est l’une des prérogatives les plus importantes du Chef de l’Etat ! Mais il est certain que la République française, en semblant aujourd’hui indécise sur le plan diplomatique, affaiblit ses positions et prête le flanc à la critique : « où est la France ? », demandent certaines capitales, déçues de l’absence apparente de stratégie française et d’un certain « dilettantisme » de la magistrature suprême sur quelques sujets brûlants comme la francophonie ou « la politique des mers ». M. Hollande, à rebours d’un de Gaulle ou d’un Mitterrand, voire de leurs successeurs (souvenons-nous du discours de M. de Villepin devant l’assemblée générale de l’ONU en 2003 face aux velléités bellicistes des Etats-Unis), semble bien « ne pas avoir de plan », là aussi, en politique étrangère : c’est regrettable, même si la réalité est sans doute moins simple. On peut murmurer la fameuse phrase d’Anatole France mise dans la bouche d’un de ses personnages de roman, à propos de la République et que Maurras avait mis en couverture de son essai « Kiel et Tanger », comme un avertissement à qui se ferait encore des illusions : « Ne sois pas de mauvaise foi : tu sais que nous n’en avons pas, de politique extérieure, et que nous ne pouvons pas en avoir. » La République hollandiste semble le confirmer, au grand dam des diplomates français eux-mêmes !
Ce constat d’Anatole France renouvelé en 2013 est l’occasion, a contrario, de rappeler que la France, née de la fondation et de l’action des Capétiens et de leurs successeurs Valois et Bourbon, trouverait plus d’avantage, en ce domaine, en la Monarchie « à la française » qu’en cette « absence de prince », définition que donnait ce même Anatole France de la République.
De plus, l'intérêt d'une monarchie politique pour la France est, par une présence diplomatique forte, de limiter les abus de l'économie sauvage en pesant lors des négociations internationales : en renforçant l'Etat à l'intérieur, vous lui donnez plus de poids à l'extérieur.
Enraciner un Etat politique dans la durée par une magistrature suprême qui ne doive rien aux forces économiques et aux promesses des puissants (puisqu'elle est héréditaire et que la naissance, contrairement aux élections, ne s'achète pas...), c'est le meilleur moyen de jouer un rôle de médiation efficace et de ne pas être soumis aux oukases des multinationales qui font tout, aujourd'hui, pour déposséder les Etats de leurs pouvoirs, parfois même en prônant l’idée d’une « gouvernance mondiale », véritable piège pour les Etats et leurs peuples...
14:23 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : monarchie, république, politique extérieure, anatole france, gouvernance.
10/04/2013
La naissance ne s'achète pas, mais l'élection présidentielle, si ! (2e version)
L’affaire Cahuzac et ses multiples rebondissements et conséquences n’en finissent pas d’empuantir la scène publique, au risque de dégoûter nos concitoyens et de renforcer le ressentiment à l’égard d’une classe politique qui apparaît de plus en plus (à tort ou à raison, d’ailleurs) comme une caste de parvenus coupée des réalités concrètes des populations et des territoires : en somme, un « pays légal » déconsidéré et incapable de répondre aux légitimes aspirations d’un « pays réel » soucieux de travailler et de vivre, tout simplement.
Dans les discussions au sein des familles ou sur les lieux de travail, au comptoir des cafés ou sur les quais du métro, on peut sentir monter une colère de moins en moins froide de Français qui se sentent abandonnés par un Etat qui a oublié de remplir ses devoirs à leur égard. Discussions de plus en plus animées, de moins en moins cordiales à l’égard des gouvernants et des parlementaires… « Les gens s’énervent », me soufflait il y a quelques jours un serveur du « Danton », à Paris, près de l’Odéon.
Cela étant, l’erreur serait de se réfugier dans l’abstention ou dans la seule dénonciation des élus : au contraire, il faut tout faire pour tirer des leçons politiques de ces affaires et travailler à la mise en place d’institutions qui libèrent l’Etat et le politique de l’influence de l’Argent et des milieux qui le manipulent ou le vantent.
Pour commencer, ne faut-il pas s’interroger sur le mode de désignation même du Chef de l’Etat ? Devant disposer d’un large soutien, à la fois financier et partisan pour gagner celui des électeurs, n’est-il pas à la merci de ceux qui « font » l’Opinion, des médias aux puissances financières et industrielles (en particulier par le biais de la publicité et des « conseils », autre nom des groupes de pression…), et cela au risque de devenir l’obligé de ses généreux « donateurs » ? Une élection présidentielle coûte cher, de plus en plus même si l’on en croit les chiffres des dernières éditions des années 2000 et suivantes… Elle est donc, qu’on le veuille ou non, réservée à ceux qui ont les plus gros moyens et qui appartiennent aux partis « crédibles » ou reconnus comme tels, parfois sans aller plus loin dans la réflexion, et seuls habilités à gouverner, à un moment ou à un autre, le pays. Sans l’argent, pas d’élection à la tête de l’Etat dans notre République cinquième du nom !
Il y a pourtant aujourd’hui encore une chose qui, elle, ne s’achète pas : la naissance au sein d’une famille reconnue comme telle et accueillante à l’enfant qui naît ! C’est par la naissance que l’indépendance de la magistrature suprême de l’Etat pourrait être, en définitive, le mieux assurée. Celle-ci ouvre la voie, le jour venu, lorsque le Chef de l’Etat alors en place s’éteint aux yeux des hommes, à une succession tranquille, naturelle, dynastique… Bien sûr, cela n’enlève rien à la difficulté de diriger un Etat, dans un monde qui ne cesse de bouger et de mettre à mal les équilibres traditionnels et socialement nécessaires, mais cela libère au moins l’Etat, en sa tête, des préoccupations financières et des promesses clientélistes aujourd’hui indispensables en République pour briguer la plus haute magistrature de l’Etat…
01:44 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : danton, cahuzac, république, succession, monarchie.