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04/07/2015

Le référendum grec et la démocratie directe, un débat déjà ancien.

La question grecque rappelle, d'une certaine manière, le débat autour de la Constitution européenne de 2005, avec les mêmes tensions, les mêmes slogans, les mêmes peurs... A lire ou entendre les européistes, le référendum grec est un scandale, voire une forfaiture, et certains parlent même de « déni de démocratie » : toujours le même problème de la définition et de la compréhension du terme de démocratie !

 

Quelques éclaircissements me semblent nécessaires pour comprendre de quoi l'on parle : l'étymologie du mot, d'origine grecque, et l'histoire même d'Athènes peuvent y aider. Le mot signifie « le pouvoir du peuple », nous dit-on dans les cours d'éducation civique, mais il faut préciser les choses : le grec « démos » désigne le peuple, mais non la population entière d'un lieu, seulement les citoyens de la cité, et ces derniers, dans l'histoire antique d'Athènes, dans le court laps de temps où elle se veut démocratie (environ un gros siècle), ne seront jamais plus de 15 % des habitants de l'Attique (les 85 % restants comprenant les femmes, les enfants, les étrangers pourvus du statut de « métèque », et les esclaves, moteurs de l'économie antique). Ainsi, la base de la démocratie athénienne est fort étroite, purement interne (ce que renforcera encore Périclès avec un droit du sang très restrictif). Mais elle est la source de tout pouvoir politique et de toute légitimité, pense-t-on alors, malgré la faible proportion de citoyens, et même de citoyens actifs, l'abstention étant déjà un problème que Périclès essaiera de résoudre en créant une indemnité, le misthos, qui devait permettre à tous (y compris les plus pauvres), dans l'idéal, de participer aux réunions de l'ecclésia (l'assemblée du peuple) et aux institutions politiques et judiciaires de la cité.

 

En fait, le verbe « kratein », qui forme l'autre partie du mot démocratie, est assez ambigu : il signifie « dominer » ou « l'emporter sur », si j'en crois les hellénistes, et non seulement « diriger » comme pourrait laisser entendre une traduction un peu trop rapide. Ce qui signifie que la démocratie, dans son sens littéral, serait « la domination du peuple des citoyens » : mais, sur quoi ? Sur la cité, certes, et donc sur sa ligne de conduite, sa stratégie, son destin. En ce sens, le référendum grec de dimanche ne déroge pas à la tradition issue de l'Athènes de Clisthène et Périclès, puisque c'est le corps électoral du pays (les électeurs autochtones), le « peuple des citoyens », qui va voter et décider de son propre destin, indépendamment des décisions prises à Bruxelles ou à Berlin par des experts, par des représentants des institutions européennes et par les représentants (parfois issus de votes démocratiques dans leur pays) des autres démocraties de l'Union européenne.

 

De plus, le référendum renvoie à la pratique démocratique ancienne d'Athènes du vote sur la Pnyx, cette colline qui recevait l'ecclésia et sur laquelle se prenaient, par un vote direct des citoyens présents, les décisions qui engageaient la cité, des grands travaux publics jusqu'à, même, la guerre ! Une forme de démocratie directe (fort différente de la démocratie représentative qui domine largement en Europe) qui, à dire vrai, n'a pas toujours été la plus lucide mais qui avait au moins le mérite de responsabiliser les citoyens et de leur donner l'impression (pas toujours fausse, loin de là) de détenir une part du pouvoir de la cité, au risque, aussi, d'en menacer même la pérennité : la démocratie d'Athènes a, disent quelques historiens, « consumé brillamment ce que les siècles aristocratiques avaient engrangé », consumé sans doute par une arrogance « démocratique » malvenue mais encore très répandue aujourd'hui dans nos propres démocraties, pourtant représentatives (c’est-à-dire, en fait, oligarchiques), persuadées d'avoir raison et d'être « le Bien absolu et universel ».

 

Néanmoins, cette forme de démocratie est indéniablement créatrice, qu'on le veuille ou non, d'une certaine légitimité, au moins populaire (même si celle-ci n'est ni la seule ni la plus sûre...) : d'ailleurs, peut-on gouverner sans que les citoyens soient, périodiquement, appelés à se prononcer sur tel ou tel aspect de la politique générale ? Personnellement, je ne le pense pas, surtout aujourd'hui. Cela étant, se prononcer ne veut pas forcément dire commander, et c’est aussi pour cela que je suis royaliste, pour établir un équilibre nécessaire entre l’Etat lui-même, arbitre suprême et grand décideur, et le peuple, que je souhaite co-souverain plutôt que souverain unique, en particulier par des institutions d’expression et de décision politiques largement « décentralisées ». Mais la démocratie directe, par le référendum, indique quelques tendances lourdes de l'Opinion ou quelques inquiétudes, plus rarement des propositions, qui sont plutôt l'apanage des politiques.

 

Aussi, même si la démocratie directe ne « fait » pas la vérité, elle créé ou incarne, au moins provisoirement, une réalité qui ne peut pas être si facilement contournée sans risquer d'affaiblir toute volonté ou toute pratique de l’État en place. Le danger serait d'y voir la source de toute légitimité ou de s'en servir comme moyen d'étouffer toute opposition : l'exemple napoléonien et la pratique hitlérienne, entre autres et aussi différents soient-ils (je ne confonds évidemment pas les deux époques, les deux hommes, les deux histoires !), ont montré que les citoyens peuvent aussi être tentés, en certaines circonstances, de valider des politiques qui se parent d'un « bouclier » démocratique pour faire accroire qu'elles sont justes... Là encore, la nature même de l’État (dictatorial ou représentatif, républicain ou monarchique, etc.) ou de l'organisation de la Cité « légitime », ou non, la démocratie directe et l'emploi de « l'appel au peuple ».

 

Pour ce qui est de la Grèce, le recours au référendum me semble tout à fait intéressant pour dénouer une situation, dans un sens ou un autre, et partir sur des bases qui ne méconnaissent pas les réalités humaines et sociales quand l'économique a trop prévalu et ensauvagé le dialogue politique : la colère des dirigeants de l'Union européenne et de ses institutions qui a accueillie l'annonce du référendum, l'autre jour, est très révélatrice de la peur qu'éprouve « l'Europe légale » à affronter les souffrances et les inquiétudes de « l'Europe réelle ».

 

Ce référendum va-t-il, pour autant, tout régler ? Évidemment non ! Mais il va peut-être bien forcer les élites et les peuples à repenser le politique au sein de l'Union européenne et de ses pays, et à refonder la politique à travers les États, les nations et les peuples... Et, sur ce sujet, les royalistes ont tant de choses à dire, à proposer, à faire, à fonder, qu'il serait dommage de ne pas les écouter : à eux, désormais, de se faire entendre !

 

 

 

 

 

(A suivre : 1. La démocratie directe et les royalistes ; 2. la démocratie directe possible en Monarchie)

 

 

 

06/11/2011

L'échec du "coup d'Etat" de M. Papandréou.

Ainsi, M. Papandréou a cédé aux pressions du couple Merkel-Sarkozy et renoncé à son idée de référendum en Grèce pour avaliser (ou non...) le plan de « sauvetage » (il semble bien que les guillemets s'imposent...) du 27 octobre dernier : le « coup d'Etat » a échoué... Assez étrangement, le déroulement des derniers jours me faisait penser, toutes proportions gardées bien sûr, au « putsch d'Alger » d'avril 1961 : un « coup de force » qui vient après une période de tensions extrêmes et pour débloquer, y compris sans grand espoir de réussite finale, une situation devenue ingérable et, surtout, socialement intenable.

 

Mais l'Union européenne a violemment réagi contre cet « appel au peuple » de M. Papandréou, appel tardif mais pas forcément scandaleux au contraire de ce qu'en ont dit les instances dirigeantes, autant gouvernementales qu'européennes. La brutalité de M. Sarkozy et son mépris à l'égard du premier ministre hellène, voire son incorrection, risquent de laisser une impression amère à ceux qui croyaient que la Construction européenne était destinée à accorder les peuples et non à les humilier ou à les contraindre. De plus, le refus de mêler les peuples aux décisions qui les concernent aussi, voire au premier chef, apparaît, à terme, dangereux pour l'harmonie sociale dans les pays européens : ce n'est pas seulement une question de « démocratie » (dont les derniers événements prouvent qu'il serait urgent de la redéfinir pour savoir de quoi l'on parle quand on l'évoque...), mais aussi et surtout de justice sociale ! Il est impossible d'imposer des mesures de rigueur (qu'elles soient justifiées ou non) aux populations sans qu'elles y soient associées, au moins symboliquement, au mieux par une « participation active » (ce qui est plus compliqué, sans doute, à susciter).

 

La tentative avortée de M. Papandréou a eu quelques mérites qu'il n'est pas inutile de signaler : elle a montré la profonde rupture entre « l'Europe légale » et « l'Europe réelle », rupture qui peut expliquer la montée des populismes et de l'europhobie ; elle a rappelé la fragilité de la monnaie unique qui, censée protéger les économies de la zone euro, les plombe désormais ; elle pousse aussi, pour résoudre le problème de l'endettement public, à penser de nouvelles solutions, au-delà des classiques mesures de rigueur qui, à plus ou moins long terme, sont condamnées à l'échec, et à repenser notre modèle de société, selon les valeurs de la mesure et en rupture avec « l'hubris » (encore un mot grec, qui signifie la démesure...) de la société de consommation.

 

Mais son échec montre aussi que le système « union européenne » n'est pas prêt à accepter les « dissidences » et les velléités d'indépendance des pays, en particulier des plus petits, et que la solidarité européenne n'existe pas vraiment dès qu'il s'agit d'aider financièrement les plus faibles : le récent refus de l'Allemagne d'apporter son aide au fonds alimentaire pour les plus démunis en Europe (quelques centaines de millions d'euros quand on en donne des milliards aux banques pour les recapitaliser) mais aussi les sondages démontrant qu'une large majorité de Français ne veut plus payer pour venir en aide aux Grecs sont des preuves tristes et irréfutables de cette « désolidarisation » contemporaine, certes compréhensible mais inquiétante. J'entends bien l'argument de la « tricherie grecque », ressassé par les médias à longueur de reportages et de colonnes, et la gabegie étatique hellène ne me plaît pas vraiment, mais il est tout aussi certain que ce n'est pas en punissant « ad vitam aeternam » les populations et l'Etat grec que l'on aidera l'un à se construire vraiment, les autres à adopter de nouveaux modes de travail et de consommation ! C'est d'ailleurs ce qu'a compris le premier ministre grec et qui permet de mieux comprendre les motivations de son « coup d'Etat » : son échec final ne résout rien, et, au contraire, ouvre grandes les portes de la désespérance sociale et, peut-être, du chaos...

 

Mais cela force aussi, et vite, à reposer la question du politique en Europe, en particulier face aux pressions des féodalités financières, qu'elles s'appellent agences de notation ou « marchés », entre autres... La prochaine décennie sera politique, ou l'Europe ne sera plus...

 

 

01/11/2011

Le référendum en Grèce : un "Coup d'Etat" démocratique ?

La décision du premier ministre grec d’organiser prochainement un référendum sur les décisions prises la semaine dernière à Bruxelles pour « sauver l’euro » est un coup de tonnerre dans un ciel européen qui ne cesse de s’obscurcir ces derniers mois. Certains y voient « un pari risqué » quand d’autres s’inquiètent de la forte probabilité d’un vote négatif des électeurs grecs qui entraînerait l’effondrement des « espérances » du Sommet du 26 octobre, espérances qui semblent bien fragiles et auxquelles, déjà, les marchés financiers, après une seule journée d’euphorie (d’ivresse ?), semblent ne plus croire !

 

En fait, cette annonce-surprise m’apparaît comme un véritable coup d’Etat contre l’Union européenne et ses institutions et, au-delà, le FMI, car l’Etat grec se pose, par cette question posée au peuple électoral, au « Démos » selon la formulation antique, comme le garant de la « volonté souveraine nationale » contre les décisions prises « d’en haut et de loin » par les responsables (financiers comme politiques) de la zone euro. Un coup d’Etat parce que le gouvernement grec préfère prendre le risque d’être désavoué par le résultat du vote que d’apparaître comme le simple exécutant des oukases bruxellois ou, plutôt, allemands.

 

C’est aussi une manière pour le premier ministre M. Papandréou de retrouver une certaine légitimité en Grèce, non par le résultat du référendum mais par le fait de l’avoir organisé, comme un acte d’indépendance nationale. Ainsi, le « coup d’Etat » de M. Papandréou semble-t-il s’accorder avec ce véritable soulèvement national des Grecs que vit le pays depuis plusieurs semaines : il n’est pas certain que l’Union européenne se sorte facilement ni de bonne manière de cette situation inédite, elle qui a, en fait, voulu établir la première « occupation administrative » d’un pays de la zone euro par une « troïka » (BCE, UE, FMI) composée de hauts fonctionnaires européens et internationaux !

 

En tout cas, la mère-patrie de la Démocratie en Europe rappelle ainsi, et de façon un peu brutale, que les citoyens et les peuples existent encore malgré les instances européennes qui ont souvent tendance à l’oublier, ou à le nier…