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18/04/2022

L'indécence sociale contre les travailleurs français.

 

J’appartiens à une famille de pensée « royaliste sociale » dans laquelle la question de l’argent n’est jamais première sans pour autant qu’elle soit négligée ou oubliée : simplement, l’argent est remis à sa place qui est de servir et non d’asservir. L’Eglise catholique enseignait jadis que l’argent peut être « un bon serviteur » mais qu’il est un « mauvais maître », et que toutes les richesses de Crésus, d’Harpagon et d’Onassis ne leur assuraient pas, en tant que telles, leur place au paradis. Ces leçons simples n’ont visiblement plus court dans un monde dominé, au sens fort du terme, par l’Argent avec un « A » majuscule, et c’est même l’hubris qui semble désormais tout écraser, avec le mépris envers les autres qui, le plus souvent, l’accompagne. J’en veux pour preuve deux informations de ces derniers jours, révélatrices, et qui concernent, même si cela semble en partie plus « mondialisé » que strictement national, notre pays, la France, celle que courtisent les deux finalistes de l’élection présidentielle…

 

La première est celle du salaire « astronomique » (selon l’expression consacrée) de Carlos Tavares, et que même le président-candidat a qualifié de « choquant et excessif », quasiment dans les mêmes termes que sa concurrente du 24 avril, sans que l’on sache bien (et cela a-t-il vraiment de l’importance ?) qui a « tiré le premier » sur ce symbole du capitalisme « sans frein » (selon les paroles du chant La Royale, l’hymne de l’Action Française). L’article du Parisien de ce jour (lundi 18 avril) nous donne quelques précisions : « Voici les chiffres, en espèces sonnantes et trébuchantes : Carlos Tavares touchera 19 millions d’euros pour 2021, dont 13 M d’euros de variable, et des dizaines de millions d’euros d’ici cinq ans si certains objectifs (sur le cours de Bourse notamment) sont atteints d’ici là… ». Bien sûr, certains diront que c’est moins que le salaire annuel du joueur de balle-au-pied Lionel Messi (environ 63 millions pour une année au Paris Saint-Germain, dont 41 millions nets de tout impôt) : cela n’en reste pas moins choquant au regard de la situation sociale actuelle, d’une part, et de la simple raison d’autre part (1). L’argument des néolibéraux selon lequel le salaire du patron de Stellantis serait inférieur à ceux des patrons d’Outre-Atlantique montre ainsi que l’impudence n’a pas de frontières mais il serait bon qu’ils se souviennent qu’à défendre l’inacceptable, ils se condamnent à n’être plus entendables par les populations de ce côté-ci de l’Atlantique… La CFTC (Confédération Française des Travailleurs Chrétiens) et les autres syndicats représentés dans les usines automobiles du groupe Stellantis (PSA-Citroën, Chrysler, Fiat) résument le scandale en quelques mots : « L’écart ne cesse d’augmenter entre les plus bas salaires et les plus hauts salaires, pointe Franck Don, le délégué syndical central CFTC. Tavares est un très bon capitaine d’industrie mais à un moment donné, il faut rester raisonnable. » Chez FO aussi, c’est « l’écart » avec la base qui est dénoncé. « Le groupe devrait mieux partager le gâteau, dans un contexte d’inflation galopante » (…) ». Ce qui rejoint la réaction de certains actionnaires de l’entreprise : « Pareils montants sont non seulement exagérés, mais par ailleurs totalement inacceptables dans une entreprise en pleine restructuration, tempête Denis Branche, le directeur général de Phitrust, une société de gestion, actionnaire minoritaire de Stellantis. Carlos Tavares fait du bon travail, mais ce n’est pas parce qu’il réussit qu’il doit être payé autant. Il n’a pas non plus inventé la voiture qui vole ! ». » Mais, malgré un vote négatif des actionnaires (52,12 % des votants), vote dont le Conseil d’Administration souligne qu’il n’est « que » consultatif, le salaire de M. Tavares a été validé, au motif que, selon le président de Stellantis John Elkann, l’état-major de l’entreprise avait choisi « d’opter pour la « méritocratie » et « de récompenser les performances » », ce qui laisse songeur, tout de même, sur cette drôle de « méritocratie » ainsi vantée et rémunérée… Qu’il soit normal de récompenser le directeur général pour avoir sauvé un groupe jadis en difficulté me semble évident mais, répétons-le, c’est la démesure de la somme qui laisse songeur au regard de la prime d’intéressement et de participation de 4.000 euros brut minimum concédée aux salariés, et de la hausse de 2,8 % des salaires ouvriers. D’autant plus que, si la tendance favorable à l’entreprise se démentait dans les années suivantes, ce sont les ouvriers qui, les premiers, en paieraient le prix le plus lourd quand la Direction, elle, verserait des « parachutes dorés » à ceux qui auraient mal mené le navire amiral…

 

La seconde information est l’absence d’accord sur les salaires entre la direction d’Amazon France et les syndicats de l’entreprise, et qui montre, là aussi, l’indécence sociale de certains grands groupes commerciaux et l’oubli de leurs devoirs sociaux, au détriment de ceux qui, pourtant, sont indispensables au fonctionnement de l’entreprise, à la base. « Alors qu’Amazon va facturer aux vendeurs une taxe de 5 % pour le carburant et l’inflation, la direction annonce ne vouloir augmenter nos salaires que de 3,5 % et nous dit clairement qu’elle n’ira pas plus haut », s’indignent [les syndicats]. La direction continue de nous mépriser, ne voyant que les intérêts plutôt que de penser à ses salariés qui peinent à vivre dignement. » L’intersyndicale réclamait une hausse des salaires de 5 % tandis que l’inflation, selon l’Insee, a atteint 4,5 % sur un an en rythme annuel. » (2). Bien sûr, l’entreprise argue de quelques mesures portant, à chaque fois et pour chaque salarié, sur quelques centaines d’euros (le doublement de la prime inflation, par exemple, à 200 euros), mais, là encore, c’est la démesure entre les profits du géant de la distribution et les salaires de ses employés qui peut, légitimement, choquer, surtout quand on constate, d’une part les difficiles conditions de travail dans ses entrepôts, d’autre part la position dominante (écrasante ?) de l’entreprise du commerce numérique dans le monde. Doit-on rappeler les chiffres d’Amazon, là aussi astronomiques, pour l’année 2021 : 470 milliards de dollars de chiffres d’affaires dans le monde, soit 22 % de plus que l’année précédente, et, ce qui est plus significatif pour ce qui nous intéresse, 33 milliards de dollars (soit environ 28 milliards d’euros) de profits, soit 57 % de plus qu’en 2020, dont très peu (et, disons-le, trop peu !) reviennent à ceux qui, là encore, sont une pièce maîtresse de ces résultats considérables, c’est-à-dire les simples salariés. Comme si le travail valait bien moins que la spéculation sur celui-ci, ce qui n’a rien de normal, au regard de la simple décence sociale, surtout quand on sait que la valorisation boursière de l’entreprise Amazon est de… 1.480 milliards de dollars (environ 1.370 milliards d’euros) !

 

Il est un point qui me semble révélateur de la faiblesse de la République face à l’Argent, c’est que ces deux informations paraissent alors que nous sommes entre les deux tours d’une élection présidentielle et que l’on pourrait penser qu’elle allait inciter les directions d’entreprise à une plus grande réserve ou prudence, ce qui visiblement n’est pas le cas, comme si elles avaient intégré le fait, avéré désormais, que, quoiqu’il en soit, l’Etat est impuissant à peser sur des décisions prises ailleurs et cela même si elles concernent des travailleurs français ou des sociétés liées à notre pays ou implantées sur son territoire. L’indignation du président-candidat n’a absolument pas impressionné le Conseil d’Administration de Stellantis et Amazon, selon Le Figaro économie, reste maître du jeu : « Si les syndicats ne signent pas, elle [l’entreprise] pourra passer outre ». Cela augure mal de la suite, mais cela démontre aussi qu’il est temps de renforcer l’Etat, non en l’engraissant mais en le musclant. Tout comme il est temps de redonner de la force aux salariés pour qu’ils puissent négocier dans de meilleures et plus saines conditions, non par la grève comme ils sont trop souvent poussés (ou réduits) à le faire, mais par la refondation d’institutions du Travail que l’on pourrait qualifier de « corporatives », institutions dans lesquelles le travail serait privilégié et reconnu à sa juste valeur, non à travers la seule « profitabilité » mais par sa qualité.

 

 

 

 

 

Notes : (1) : Lorsque les Royalistes sociaux du Groupe d’Action Royaliste dénoncèrent à l’été 2021 les 41 millions d’euros de salaire sans impôts de M. Messi en soulignant que cela représentait l’équivalent des salaires cumulés de 1.300 infirmières, de nombreux internautes nous saturèrent de commentaires fort peu sympathiques, voire injurieux, comme si nous avions commis un blasphème : les dieux du stade sont intouchables, semble-t-il… et leur maître suprême l’Argent ne peut être rappelé à la raison ! Quelques mois après, alors que les résultats sportifs du salarié millionnaire n’étaient pas à la hauteur des espérances des soutiens du club, les mêmes interpellateurs et injurieurs s’en prirent à lui avec des termes que les Royalistes sociaux n’avaient même pas formulés à son encontre…

 

(2) : Le Figaro-économie, vendredi 15 avril 2022.

 

 

 

 

06/11/2021

N'oublions pas la question sociale !

 

L’actuelle campagne présidentielle est-elle utile ? Au regard des outrances de certains médias et de leurs obsessions sur certaine personnalité pas encore officiellement candidate à ce jour, il ne serait pas illégitime de se poser cette question. Et pourtant ! Que le thème de la définition même de la nation française soit abordé ; qu’il alimente visiblement plus de craintes que de discussions posées et argumentées de la part d’un « pays légal » qui semble aux abois ; que la question sociale, qui est à mes yeux aussi déterminante que la question nationale et le souci environnemental, puisse être un élément des prochaines confrontations ; etc. Tout cela mérite l’intérêt, plus que les histoires d’ego et les querelles d’appareil, et il faudra bien que la campagne présidentielle apporte quelques pistes de réflexion et de réponses à ces différentes problématiques aujourd’hui parfois cachées par « le bruit et la fureur » autour du polémiste Zemmour. Ce dernier a eu l’immense mérite de bousculer le programme établi d’une présidentielle qui, depuis plus de quatre ans, nous était annoncée comme la vaine revanche du second tour de 2017, comme si rien n’avait changé depuis tout ce temps. Les Gilets jaunes de l’hiver 2018, la crise sanitaire des années 2020-2021 dont nous abordons bientôt la « saison 3 », l’accélération de la numérisation du monde… Ces dernières années n’ont pas été de tout repos, et il faudra sans doute évoquer, à mieux y regarder, une époque de « basculement du monde » dont les formes ne nous sont pas encore complétement visibles et éclaircies.

 

Mais, pour l’heure, puisque le temps du « grand déballage et du grand questionnement » est venu, il me semble nécessaire de « reposer », une fois de plus, la question sociale sur la table, et pas seulement à travers l’âge de départ en retraite ou les modalités de celle-ci. Oui, la question sociale mérite toute notre attention, au moment où la globalisation marchande et désormais numérique reprend son cours insolent et dévastateur. Quels emplois pour demain ? Quelles productions, et comment les concilier avec les enjeux climatiques et environnementaux, mais aussi sociaux et nationaux (voire provinciaux) ? Mais aussi quel sens donner aujourd’hui au travail, à l’heure où chômage récurrent et pénurie de main-d’œuvre dans nombre de domaines semblent cohabiter dans notre société de façon schizophrénique ? Ces questions ne sont pas, à mon sens, inséparables du débat politique et institutionnel, mais je les entends peu, si ce n’est par intermittence, quand une entreprise ferme une usine en France pour délocaliser sa production ou que des grèves éclatent pour réclamer des hausses de salaires, par exemple. Et pourtant ! La fermeture de nombreux services d’urgence dans les hôpitaux (comme à Laval cette semaine), la difficulté à recruter du personnel soignant ou à « repeupler » les déserts médicaux, ne sont pas des questions anodines et elles nécessitent, au-delà de quelques mesures d’urgence (c’est le cas de le dire…), une véritable stratégie d’ensemble que seul l’Etat peut engager ou susciter, non par étatisme malvenu ou dirigisme maladroit, mais par exigence politique de justice sociale qui, dans ce cas, peut se traduire par une politique d’aménagement intelligent des territoires (dans le cadre de « l’équité territoriale ») et de motivation des énergies humaines. S’il serait dangereux d’étatiser la Santé en France, il n’est pas inutile, en jouant sur les leviers de la formation et de l’incitation, de susciter des vocations médicales et infirmières, et de valoriser l’accueil de celles-ci, autant en ville que dans nos campagnes. La France, dans ce jeu particulier (et dans nombre d’autres), a un atout qu’elle semble parfois hésiter à utiliser, c’est celui de la « matière grise » : contrairement à ce que l’on pourrait croire au regard des classements internationaux des lieux d’enseignement et des matières enseignées, la France est le pays des inventeurs et des intelligences. Ce qui manque, c’est la volonté et la stratégie politiques nécessaires à la mise en ordre et en valeur des énergies humaines françaises, et cela explique la trop forte émigration de nombre de nos jeunes vers des pays plus accueillants ou meilleurs payeurs…

 

La question sociale en France, à travers l’exemple de la Santé évoqué ci-dessus, n’est pas insoluble. Mais elle nécessite aussi, au-delà de la volonté, de s’inscrire dans le long terme et non dans une sorte de « présentisme permanent » qui oublie le lendemain ce qui a été pensé la veille. Sans être un « sceptre magique », la Monarchie royale, par son enracinement dans le temps long et dans la suite dynastique des générations, pourrait offrir à notre société quelques solides bases pour mieux traiter cette question sociale qui, depuis plus de deux siècles, hante notre inconscient national et, parfois, déborde en colères, sinon toujours justes, du moins justifiées…

 

 

26/01/2020

La domination capitaliste des machines depuis 1812.

Les manuels d’histoire sont étrangement discrets sur ce qui peut gêner l’idéologie dominante, et il est très rare de lire une évocation des lois d’Allarde et Le Chapelier de 1791, entre autres, comme il est encore plus rare de trouver une référence à cette autre date tragique de l’histoire sociale, celle de février 1812, inconnue de la plupart des enseignants d’histoire que j’ai rencontrés dans ma vie. Et pourtant ! Elle mériterait des livres, des articles, voire des films, et elle passe totalement inaperçue alors qu’elle me semble l’une des plus significatives de l’ère industrielle européenne, et qu’elle ouvre ce règne dénoncé autant par le républicain Michelet que par le royaliste Bernanos, celui des Machines…

 

En 1811, alors que l’empire napoléonien domine, pour un temps bref, toute l’Europe continentale, l’Angleterre reste la seule puissance tenant tête à celui qu’elle surnomme « l’Ogre », et cela sur mer comme par l’industrie. Or, c’est le moment durant lequel les patrons du textile anglais équipent leurs usines de métiers à tisser qui, tout en favorisant une production de masse, concurrencent directement les tisserands indépendants des campagnes, les acculant à des horaires fous avant de les ruiner, au profit même d’un patronat qui, en plus, recrute à vil prix une main-d’œuvre issue des populations laborieuses désormais désargentées et dépossédées de leur utilité productive. Cela entraîne alors une véritable révolte contre les machines, détruites par ceux qui se rangent derrière un mystérieux général Ludd et demandent à voir reconnu par la société et l’Etat leur droit à vivre dignement de leur travail. Pour seule réponse, l’Angleterre envoie la troupe et le Parlement va adopter un « Bill » (une loi) punissant de mort ceux qui attentent aux machines : oui, vous avez bien lu, une loi condamnant à la pendaison les « briseurs de machines » ! C’est-à-dire que, à suivre cette loi, une machine de bois et de ferraille vaut plus que la vie d’un homme, ce que dénonce, dans un discours retentissant mais incompris, Lord Byron.

 

Or, malgré cet aspect que l’on peut humainement qualifier de « terrible » (au sens premier du terme), le règne des Machines ne sera pas entravé en ce XIXe siècle industrialiste, et se fera sous l’impulsion d’un patronat progressiste qui, en France, se fera républicain pour ne plus avoir à répondre de leurs responsabilités devant les corporations et l’Etat qui, pourtant, ne lui fera guère de remontrances sur ce point et cela quelle que soit sa forme institutionnelle. La « liberté » s’impose mais c’est la liberté de celui qui a les moyens d’acheter de coûteuses machines qui lui seront rentables par l’exploitation des ouvriers qu’il peut mettre derrière, au service exclusif de celles-ci : ce ne sont plus le Travail et l’intérêt des travailleurs qui priment désormais mais le profit que le Financier pourra en tirer, en plus de l’entrepreneur qui achète ces machines pour dégager de confortables bénéfices. Il ne s’agit pas, pour mon compte, de dénoncer les machines en tant que telles ou de méconnaître les progrès techniques et l’utilité qu’elles peuvent avoir, mais de regretter leur « sens » social dans le cadre d’un régime capitaliste qui, en lui-même, est et reste antisocial malgré tous les habillages dont l’on peut essayer de l’affubler : la machine de l’usine reste, encore et toujours, la propriété quasiment exclusive du patron, et l’ouvrier n’en est que le servant, toujours moins valorisé que le « monstre d’acier » qu’il sert…

 

Nous ne reviendrons pas sur ce qui a été aux XIXe et XXe siècles, simplement parce que ce n’est pas possible : ce qui est fait est fait, et c’est ainsi, même s’il n’est pas interdit de le regretter ! Mais cela ne doit pas empêcher de penser le lendemain, et d’évoquer une autre forme de propriété et d’usage des machines que celle de la propriété privée exclusive. Une « propriété corporative » est-elle possible, au moins dans quelques branches d’activité ? Une propriété qui associerait les ouvriers aux schémas de production et aux bénéfices de l’outil de production ? L’idée mise en avant par le général de Gaulle sous le nom de « participation » n’en était-elle pas une ébauche, vite écartée par son successeur issu de la Banque ?

 

La difficulté est évidemment que la mondialisation (qui n’est pas la simple internationalisation des échanges, mais bien plutôt l’imposition d’un modèle « à vocation mondiale » né de Franklin et de Ford, comme l’avait pressenti Aldous Huxley dès le début des années 1930) semble être un véritable rouleau compresseur qui ne sait plus s’arrêter, lancée dans une véritable fuite en avant, de plus en plus artificialisante (comme l’intelligence qui, désormais, est appelée à se « déshumaniser » pour mieux se « transhumaniser »…) et conquérante, intrusive et « obligatoire », et apparemment « acceptée », comme une sorte de fatalité, par nos compatriotes (mais moins par ceux-ci que par les autres populations encore aveuglées par les promesses de la modernité et de la société de consommation…) et les plus jeunes générations dépendantes à une Technique dans laquelle elles sont nées.

 

Là encore, il ne s’agit pas de jeter nos ordinateurs ou toutes ces machines du quotidien qui ont envahi nos maisons et nos écoles, nos rues et nos vies, mais de les maîtriser et de les ordonner, non au seul service des Féodalités financières et économiques contemporaines, mais au service de tous, et de manière mesurée, à la fois humainement et écologiquement : les machines doivent rester de simples moyens, et non nous imposer leur rythme franklinien au profit d’autres que nous et sans respect pour la nature humaine et les cadres nécessaires de la vie en société… Refuser la domination des machines, ce n’est pas refuser leur existence ni leur usage mais rester maîtres de nos propres vies et de nos propres réflexions, au-delà des machines et de leur univers… Il s’agit d’en finir avec la « technodépendance » pour retrouver le sens de notre humaine indépendance, celle qui nous permet de choisir l’honneur et le don de soi plutôt que la rentabilité et l’esclavage. Huxley, Tolkien et Bernanos, mais aussi Michelet à travers ce texte, « Le peuple », que ses propres thuriféraires semblent vouloir oublier et qu’il nous plaît de relire, nous rappellent ce devoir de liberté humaine qui ne se limite pas à « l’individu égal des autres » mais reconnaît l’éminente dignité des personnes à travers leurs particularités et leur pluralité sociale comme intellectuelle et culturelle.