Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/06/2012

La retraite à 67 ans pour tous ? Non merci !

 

La question de l'âge du départ à la retraite risque de tourner à l'affrontement entre la France et l'Allemagne, si l'on comprend bien l'article du Figaro paru dans ses pages économiques du jeudi 14 juin 2012: en effet, « le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, estime que la décision de François Hollande de revenir à la retraite à 60 ans pour certains salariés n'est pas conforme aux choix européens »... Certains pourront être surpris de cette réaction allemande et y voir une scandaleuse intervention d'un Etat étranger dans la politique française dont la maîtrise, normalement, ne devrait appartenir qu'à elle-même, la France. Mais c'est oublier la logique actuelle de la Construction européenne, une logique de plus en plus fédérale et, en définitive, « à l'allemande » pour ce qui est du domaine économique.

 

 

 

Sur ce blogue, j'évoquais dès janvier 2011 la proposition du gouvernement allemand de généraliser l'âge de départ à la retraite à 67 ans pour toute la zone euro, voire l'Union européenne, au nom de « la nécessaire harmonisation européenne », information rapportée par Le Figaro du 19 janvier 2011 et reprise et développée par Jean Quatremer, spécialiste de l'Union européenne, sur son blogue (hébergé par Libération) le 28 janvier de la même année. Ce dernier expliquait un peu rudement mais fort honnêtement que « ce recul de l'âge de la retraite va concerner non seulement les Français, mais l'ensemble des Européens afin d'alléger les contraintes pesant sur les budgets de l'Union. C'est le prix à payer pour la solidarité financière que la zone euro a été obligée d'instaurer sous les coups de boutoir des marchés inquiets des dérives des finances publiques (…). L'Allemagne, la plus réticente face à cette véritable révolution de la gouvernance de la zone euro, s'est résolue à payer pour venir en aide aux États les plus fragiles, mais à condition qu'ils restaurent leur compétitivité, ce qui passe par une harmonisation sociale (par le bas, faute de moyens) et fiscale (afin de supprimer la concurrence fiscale). Un document interne du gouvernement allemand révélé aujourd'hui [28 janvier 2011] par l'agence de presse Reuters prône l'instauration d'un « pacte » qui imposerait, outre l'obligation constitutionnelle de l'équilibre budgétaire, un recul de l'âge de la retraite. « Vous ne pouvez avoir une monnaie unique et des systèmes sociaux complètement divergents », a martelé tout à l'heure au forum de Davos, la chancelière allemande Angela Merkel. ». C'était il y a plus d'un an, et l'Allemagne n'a pas reculé sur ce point, malgré l'isolement croissant de Madame Merkel en Europe. Au contraire, depuis l’article de Jean Quatremer, plusieurs pays ont adopté, par la voie parlementaire, la règle de la retraite légale à 67 ans : l’Espagne, la Grèce… et, plus récemment encore (à la fin mai 2012), la Pologne, pourtant pas encore dans la zone euro, tandis que l’Italie montait à… 69 ans !

 

 

 

La France apparaît désormais, avec sa retraite à 62 ans mise progressivement en place depuis l’automne 2010, comme une « exception » et même, pour certains, comme un scandale : autant dire que l’annonce d’un retour partiel à la retraite à 60 ans pour un certain nombre de personnes ayant travaillé tôt et cotisé plus d’une quarantaine d’années, avec, en prime, un petit coup de pouce pour les mères de famille, a provoqué l’ire d’un patronat de moins en moins social et, parfois, de plus en plus apatride et avide, prêt à délocaliser pour échapper à ses devoirs fiscaux et sociaux.

 

 

 

Mais ce recul exigé par Berlin, et soutenu par l’OCDE, n’est qu’une solution à courte vue, et déjà les industriels et économistes allemands réclament un relèvement encore plus important, parfois jusqu’à 69 ou 70 ans pour tous les pays de l’Union européenne… Jusqu’où ira-t-on, dans cette véritable fuite en avant qui risque de ne plus s’arrêter si l’on suit la double logique démographique (vieillissement des populations européennes) et économique (financement de plus en plus difficile d’un nombre grandissant de retraités), au moment même où l’on apprend que, si l’espérance de vie moyenne progresse encore un peu, celle d’une espérance de vie en « bonne santé », elle, diminue irrémédiablement (aujourd’hui, 62 ans en France) ?

 

 

 

Il ne s’agit pas, à l’inverse des oukases allemands, de forcer les salariés à s’arrêter de travailler avant 67 ans, et il faut permettre à ceux qui le souhaitent de poursuivre une activité professionnelle, y compris au-delà de l’âge légal officiel, en particulier dans le secteur public (ce qui est aujourd’hui impossible dans la fonction publique, dans les domaines de la Recherche et de l’Enseignement, au grand dam de nombreux professeurs et chercheurs).

 

 

 

Mais il faut refuser l’obligation de travailler jusqu’à 67 ans pour tous, mesure inéquitable et qui ne prend guère en compte la pénibilité fort différente des métiers et semble oublier que, aujourd’hui, l’espérance de vie d’un ouvrier de l’industrie est inférieure de 10 ans à celle d’un enseignant ou d’un cadre supérieur

 

 

 

Au lieu d’imposer cette absurde règle de l’âge minimal obligatoire de 67 ans pour le départ à la retraite, il vaudrait mieux travailler à diminuer le nombre de chômeurs et à initier de nouveaux modes de calcul des retraites, par exemple par un système « à points » socialement équitable et économiquement viable : un chantier à ouvrir, d’urgence, mais en prenant le temps de la réflexion et de la négociation constructive.

 

 

 

 

 

12/02/2012

Le malheur grec.

La Grèce n'en finit pas d'agoniser sous nos yeux, et nous voilà étonnés de voir un pays de la zone euro s'effondrer comme un château de cartes, agacés aussi de ce mauvais exemple au sein de cette Union européenne qui devait être une « zone de prospérité et de paix » (sic !) comme nous l'annonçaient les prophètes de « l'Europe » dans les années 1990-2000... J'écris « nous » mais je ne me sens pas vraiment concerné par ce « nous » généraliste : ceux qui m'écoutent et me lisent depuis quelques temps déjà savent combien,  en Cassandre irréductible, je prône la vigilance en ce domaine et je refuse l'idéologie européiste et libérale qui brouille la vision de tant de nos contemporains, persuadés que l'Histoire est linéaire et à sens unique quand elle nous prouve, encore et toujours, qu'elle est plus vive et retorse que les préjugés qui, eux, ont la peau dure à défaut d'avoir la mémoire longue...

 

Encore un plan de rigueur, encore des baisses de salaires (y compris le « salaire minimum »), des coupes sur les retraites, des ventes (à perte ?) d'entreprises publiques, des suppressions d'emplois, etc. ! Au nom du sauvetage d'une monnaie unique qui devait « faire le bonheur général des Européens » (sic !), le couple Merkel-Sarkozy, la Commission européenne, la Banque Centrale européenne, mais aussi le FMI et les banques, y compris celles qui ont joué avec le feu et incité la Grèce à s'endetter, tous ces acteurs d'une scène économique devenue champ de bataille et champs de ruines se liguent contre un petit pays coupable d'avoir triché quand le principe même de la Société de consommation est la tricherie, en particulier sur les capacités de la planète à supporter éternellement le traitement actuel d'exploitation qui lui est imposée, au risque de la voir s'épuiser irrémédiablement et de plus en plus rapidement !

 

Je ne méconnais pas les défauts ni les manœuvres passées des Grecs mais j'affirme que les abus, les défauts, les vices inhérents même à ce système consumériste sont les véritables responsables de ce désastre social que vivent les Grecs, avant que cela soit le tour des Portugais, des Espagnols et peut-être des Français dans quelques années, peut-être moins dans le pire des cas qui, malheureusement, n'est pas toujours improbable... La Société de consommation repose sur le principe « Consommer pour produire » qui nécessite de vendre des produits parfois complètement inutiles, et qui se perpétue et se diffuse par la publicité (séduire le client…) et le crédit (tenir le client par la dette…) ! Est-ce si raisonnable que cela ?

 

Les Grecs ont cru que l’Union européenne allait les faire accéder au Paradis de la Consommation, de la Marchandise et du Désir toujours renouvelé et assouvi : fatale erreur ! Dans un pays qui n’avait pour richesses que le soleil, la mer et l’huile d’olive (je résume de façon un peu caricaturale, mais sans le mépris avec lequel les Allemands parlent des « cueilleurs d’olive »…), il était évident que la Société de consommation n’était pas vraiment possible sans bousculer dangereusement les équilibres locaux, au risque de catastrophes sociales futures, comme cela a aussi été le cas dans tant de sociétés africaines déstabilisées par la « première mondialisation » du XIXème siècle (c’est-à-dire une colonisation qui s’est d’abord faite pour des raisons économiques : trouver et ouvrir de nouveaux marchés, et s’ouvrir les ressources minières et énergétiques des terres et des sous-sols ainsi conquis…) : l’Histoire éternellement recommencée, dont les Grecs sont aujourd’hui les victimes pour l’avoir oubliée, aveuglés par les lumières de « l’Europe » !

 

Ainsi, pour que le Système continue à fonctionner, il lui faut des victimes solvables : les Grecs ne le sont plus ? Qu’importe ! « Ils doivent payer », rétorquent calmement les fonctionnaires de la Troïka UE-BCE-FMI, insensibles aux souffrances des petites gens, des travailleurs assommés et littéralement exploités pour « redevenir compétitifs » (sic !), alors même que le patronat grec s’oppose à la diminution du salaire minimum voulue par Bruxelles et Merkozy ! Comme le disait ironiquement un économiste hétérodoxe, pour sauver la monnaie unique, il ne faut pas hésiter à poursuivre la cure d’appauvrissement « jusqu’au dernier Grec vivant »… Triste ? Pas seulement ! Révoltant, aussi !

 

Je suis révolté par ce que l’on fait subir aux Grecs les plus pauvres et aux classes moyennes de la patrie de Périclès et de Socrate, tandis que les plus riches continuent, en toute impunité, à placer leur argent dans des paradis fiscaux, y compris au sein d’une Union européenne qui a, définitivement, renoncé à être sociale et juste pour ne plus être que rigoriste (façon Merkel) et égoïste !

 

 

08/12/2010

L'immigration (1ère partie)

 

Dans le cadre des travaux du Groupe d'Action Royaliste et en vue de la publication prochaine d'un dossier sur l'immigration dans "L'Action Sociale Corporative", voici la première partie d'un article rédigé il y a déjà quelques années et que je m'emploie à réactualiser pour le rendre le plus compréhensible et le plus efficace possible sur une question qu'il est toujours délicat d'aborder en ces temps de confusion intellectuelle et d'uniformisation de la pensée...

 

 

Le débat sur l'immigration est un débat empoisonné en France : la société française semble incapable de penser les phénomènes migratoires et leurs conséquences autrement que sous l'angle de la passion ou de la condamnation et, souvent, de la confusion. En parler, c'est déjà s'engager, voire se compromettre...

 

Mais fuir ce débat serait nier les réalités et s'empêcher d'intervenir, en fonction d'elles, dans la vie publique. Car l'immigration (en tant que mouvement, déracinement et installation nouvelle) , pose la question même de l'équilibre (et de la cohésion) social et de la définition (et de la nécessaire protection) de la communauté nationale, du « cadre historique et civilisationnel constitué ».

 

En fait, l'immigration n'a pas toujours été considérée comme un problème, soit parce qu'elle était limitée dans le nombre et le temps, soit parce que la communauté nationale d'accueil n'en ressentait aucun malaise. Nous évoquons ici l'immigration d'origine étrangère et non l'immigration interne (exode rural, « aspiration parisienne », …), en précisant qu'il serait sans doute plus juste d'en parler au pluriel, car l'immigration sud-européenne n'a pas les mêmes formes ni les mêmes fonds culturels que l'immigration nord-africaine, par exemple.

 

L'immigration, comme phénomène social contemporain (et c'est celui-ci que nous allons évoquer ici), est le déplacement, volontaire ou non, de personnes ou plus exactement de populations atomisées; vers une « autre terre », vers un « autre » espace étatique (et socio-culturel dans la plus grande partie des cas) : c'est en fait un déracinement, parfois d'ailleurs souhaité ou ressenti comme une délivrance par les personnes concernées, et de plus en plus un déracinement définitif, depuis les mesures de regroupement familial décidées par le président Giscard d'Estaing lors de son septennat.

 

La visibilité de l'immigration tient en grande partie à l'entassement des populations d'origines étrangères dans des banlieues devenues rapidement ingérables et, par là-même, invivables ou associables. Mais elle tient aussi aux caractères « d'étrangeté » des immigrés eux-mêmes de par leur identité physique et culturelle, et ces caractères, difficilement effaçables, constituent une « marque » parfois mal vécue par les immigrés comme par les populations autochtones.

 

Il est nécessaire de préciser que les premiers concernés (et les premières victimes, donc ?) par l'immigration sont les immigrés eux-mêmes et leur proche descendance (la « deuxième » ou la « troisième génération », nées en France). D'abord parce que les premières vagues d'immigration ont été suscitées (appelées et organisées, parfois très officiellement, dès le XIXe siècle et plus encore durant les « trente glorieuses ») par des industriels désireux de trouver une main d'œuvre à la fois nombreuse et bon marché, dans le but de ne pas augmenter (ou le plus lentement possible...) les coûts salariaux, c'est-à-dire, concrètement, les salaires ouvriers... : on peut parler, sans exagération mais avec des nuances, d'une véritable traite humaine appliquée à des populations issues de pays pauvres ou encore nationalement instables (Italie, Pologne... au XIXe siècle par exemple ; Algérie, Côte d'Ivoire,etc. au XXe). Certains sociologues emploient même le terme de « déportation économique » pour signifier le transfert de populations étrangères de leur pays natal au pays d'accueil, riche donc attrayant (donc, aussi, sentimentalement attractif...), ce qui facilitait le travail des « rabatteurs » chargés de recruter cette main d'œuvre considérée aussi comme moins coûteuse que la mise en place d'une modernisation ou d'une automatisation des structures industrielles. Dans l'application de cette politique économique, qui découle aussi d'une philosophie individualiste du profit immédiat et de interchangeabilité des individus (un homme, une force de travail : formule de l'égalitarisme économique, négateur des appartenances communautaires), la dignité et l'identité culturelle des personnes ne sont pas prises en compte. D'où de nombreux suicides dans ces populations déplacées et, en tout cas et chez de nombreuses personnes immigrées, un profond sentiment de malaise, de frustration, parfois de honte, sentiment qui peut aussi tourner au ressentiment, en particulier contre la société d'accueil.

 

                                                                                     (à suivre)