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04/11/2008

Renault.

Renault n’a pas besoin de la France, désormais, pour exister puisque, effectivement, sa clientèle française est forcément limitée au regard du monde actuel, et ce n’est pas, en fait, quelque chose de nouveau. Bien sûr, cela est une bonne affaire que Renault ne se limite pas au marché français, et il en a toujours été ainsi dans un monde d’échanges et de commerce. Ce n’est pas cela que je remets en cause mais le fait que, désormais, nos entreprises automobiles pratiquent des délocalisations spéculatives et pas seulement des délocalisations pour vendre sur le marché du pays dans lequel l’entreprise fabrique, celles-ci n’étant pas forcément choquantes en elles-mêmes, puisqu’elles rapprochent la production de la consommation, ce qui, argument écologiste entre autre, limite les déplacements et les rejets de gaz à effet de serre : « économie de proximité » qu’il s’agit de généraliser autant que faire se peut…

Ce qui est choquant, dans le cas des délocalisation spéculatives (une des formes les plus détestables de la mondialisation des productions et des échanges), d’une part, c’est de fabriquer ailleurs ce que l’on peut produire ici, même si le coût en est plus élevé du fait des salaires : mais faut-il se plaindre que les ouvriers français soient mieux payés et considérés qu’en Chine, par exemple ? Ne faut-il pas, par ailleurs, plaindre les ouvriers des pays émergents considérés comme du bétail humain, véritable honte planétaire ?

D’autre part, ce qui me gêne aussi, c’est que les entreprises automobiles françaises vendent des voitures « françaises » fabriquées loin d’ici, aux dépens des lois sociales que notre pays, lui, garantit sur son territoire, tout en continuant à jouer sur la réputation de qualité acquise par ces mêmes marques lorsqu’elles produisaient en France : il y a là une forme de malhonnêteté qui, pour être discrète, n’en est pas moins réelle…

De plus, Renault, désormais transnationale, si elle permet à la France de toucher quelques dividendes et recettes fiscales, ne remplit plus le rôle que l’on pourrait attendre d’une entreprise française, celui de fournir du travail sur le territoire de son siège social et, donc, de participer au maintien d’un niveau de vie acceptable pour de nombreux compatriotes : fermer des usines est, dans ce contexte, un mauvais signe, sachant que, en France, la voiture, à tort ou à raison, reste un élément important de la vie sociale de nos concitoyens.

Le problème est que, comme toute entreprise cotée en Bourse, Renault doit satisfaire des actionnaires pour qui la dimension sociale d’une entreprise ne compte pas : seuls comptent les intérêts financiers, et cela quels que soient les moyens mis en œuvre pour les obtenir. Triste, et loin de l’idée d’une économie au service de tous les hommes

D’ailleurs, cette politique d’entreprise à court terme peut être, à plus ou moins longue échéance, néfaste pour l’avenir même de celle-ci : c’est ainsi que les entreprises automobiles françaises ont laissé échapper quelques unes des inventions faites par des ingénieurs français, inventions qui s’inscrivent pourtant dans la logique de l’épuisement des ressources pétrolières et dans celle d’un plus grand respect de l’environnement, et qui ont été récupérées (rachetées) par des entreprises étrangères comme Tata, en Inde…

Faudra-t-il que l’Etat « nationalise » Renault pour empêcher la délocalisation complète et définitive de cette entreprise ? Je ne le pense pas, a priori. Mais sans doute faut-il que l’Etat, par les moyens qui lui sont propres, favorise le maintien des emplois sur le territoire national, pour des raisons qui ne sont pas qu’industrielles. Sans doute faut-il aussi une certaine « révolution des esprits » pour cesser de considérer que c’est en faisant de plus gros bénéfices que l’on pèse le plus sur la scène économique mondiale et que c’est, ainsi, l’Argent qui mène le monde : j’avoue que cette « révolution » n’est pas forcément la plus proche mais , là encore, effectivement, il faut penser que ce que nous faisons aujourd’hui, ce pour quoi nous nous battons (et la justice sociale nécessite d’autant plus d’ardeur qu’elle n’est pas incarnée au sommet de la société ni de l’Etat en notre République actuelle…), profitera « à ceux d’après ». Inscrire ainsi son action dans le long terme, et cela passe aussi, pour mon compte, par l’incarnation du long terme par l’Etat royal, « multigénérationnel » par le biais de la transmission héréditaire de la magistrature suprême de l’Etat en France. Je ne suis pas royaliste par hasard…

09/10/2008

La crise, transfert de richesses vers l'Asie.

La crise financière continue à se développer sans que l’on sache combien de temps elle va durer et quelles en seront toutes les conséquences. La dégringolade des places boursières donne l’impression d’une vaste panique incontrôlée et d’une perte de confiance généralisée dans le système financier mondial. Mais, au-delà des évènements, il me semble important de chercher à comprendre ce qui se passe, condition indispensable à toute stratégie économique crédible et à toute réponse politique.

En fait, il n’est pas inutile de se rappeler que le terme même de crise est la traduction française du mot grec « krisis » qui signifie « séparation » : c’est bien de cela dont il s’agit, une séparation entre un avant et un après, une forme de transition en somme entre deux situations, deux réalités, deux mondes.

Ainsi, nous assistons au « passage de témoin » de la puissance financière et économique, des pays du Nord (Etats-Unis, pays européens, principalement) à certaines nations d’Asie, en particulier l’Inde et la Chine, ce que soulignent quelques (rares) articles qui évitent de tomber dans le piège d’une lecture simpliste et seulement idéologique, pas toujours suffisante pour comprendre la situation présente : si crise du capitalisme il y a, cela ne signifie pas la fin de celui-ci mais son transfert dans de nouveaux espaces dominants, dans de nouvelles zones de réalisation et d’expansion. Le centre du monde se déplace vers l’Asie et, comme tout déracinement de ce que l’on a cru éternel et inexpugnable, cela se fait dans de grands craquements et dans la poussière soulevée par ces grands arbres qui s’abattent sur un sol devenu aride… L’argent est désormais ailleurs que dans nos pays qui, en caricaturant un peu, se contentent juste de consommer des produits fabriqués en Asie, serrant par là-même la corde autour du cou de nos économies.

La question posée dans « Le Monde 2 » dans son édition du samedi 4 octobre : « Au décours de cette crise, les actuels maîtres du monde seront-ils toujours ceux de demain ? » trouve ainsi sa réponse dans un autre article du « Monde » du même jour : « La crise renforcera l’Asie », article de l’économiste Jean-Raphaël Chaponniere qu’il conviendrait de découper et de conserver dans son portefeuille, non comme un talisman mais comme un avertissement, et qui confirme mes prévisions déjà anciennes.

Ainsi, est-il expliqué que « la crise financière, la plus grave depuis 1929, accélérera le glissement du centre du monde vers l’Asie », glissement commencé depuis les années 80-90 et freiné par la crise de 1997. « Cependant, tous les pays asiatiques ont tiré les leçons de la crise de 1997 et ont accumulé des réserves pour se protéger. Investis en bons du Trésor américain, elles ont permis aux Etats-Unis de maintenir des taux d’intérêt bas et aux ménages américains de s’endetter davantage. L’Asie a ainsi profité de la boulimie de consommation aux Etats-Unis. Ces excès ont conduit à la crise. (…)

Depuis l’été 2007, les Etats-Unis souffrent de la grippe des subprimes et, si les marchés asiatiques ont souffert, les économies réelles ont été épargnées. En 2009, elles seront bien sûr affectées par la récession qui s’annonce. Pour autant, elles connaîtront un rythme de croissance supérieur à celui des économies américaines, européennes et japonaises.

(…) L’attention portée aux échanges occulte l’essentiel : la croissance asiatique repose bien davantage sur la demande domestique. L’investissement et la consommation sont les principaux ressorts de ces pays. Ils ne seront affectés qu’à la marge par la crise. (…)

Les Etats et les ménages asiatiques qui en ont les moyens financiers continueront d’investir et de consommer. S’ils ont pâti de la crise financière, les fonds souverains asiatiques vont quant à eux probablement saisir cette opportunité pour acquérir des actifs aux Etats-Unis et en Europe.

(…) En accélérant le basculement vers l’Asie, la crise actuelle accouchera d’un monde multipolaire. ».

Comprendre ce transfert de richesses et de puissance économique, c’est en prévenir aussi les conséquences et en amortir le choc : le capitalisme libéral, s’il se retire de nos terres pour aller fleurir ailleurs, pourrait bien laisser la place à de nouvelles formes, traditionnelles ou inédites, d’économie et de société, mieux orientées vers le partage et la sobriété. Pour en finir, non pas avec l’Argent, mais avec son règne indécent et cruel…

 

20/03/2008

Jeux olympiques en Chine.

Le Tibet occupe le devant de l’actualité internationale depuis quelques jours et les discours diplomatiques se succèdent pour appeler les autorités chinoises « à la retenue » tandis que les autorités sportives olympiques s’inquiètent surtout de la bonne tenue des jeux, en dehors de toute considération politique ou humanitaire. Certains s’offusquent d’une telle « indifférence » de la part des instances de l’olympisme mais sans doute faut-il y voir là une réalité que semblent oublier nos modernes critiques : le sport est, aujourd’hui, un élément majeur de la société du spectacle, de ce que Philippe Murray nommait « la société distractionnaire ». Les équipes nationales dépendent désormais plus de leurs sponsors que des autorités politiques du pays dont elles brandissent le drapeau, et leurs commanditaires financiers ont trop d’intérêts économiques en Chine pour pouvoir risquer une absence de leurs couleurs à l’événement mondial que constitue, encore et toujours, les Jeux olympiques. D’ailleurs, ce sont bien des arguments économiques qui ont prévalu il y a quelques années quand l’organisation des JO a échu à la Chine dont le régime politique, pourtant, n’était pas exactement un modèle de démocratie ou de respect des droits et des libertés des personnes et des communautés…

 

Certains hommes politiques français, fort maladroitement, proposent que nos sportifs portent sur leur tenue de compétition ou de défilé un écusson reproduisant le drapeau tibétain : ils semblent oublier que le règlement olympique interdit, en tout cas pour les sportifs, toute manifestation ou propagande politique sous peine d’exclusion : là encore, quel sportif, aussi humaniste soit-il, risquera la disqualification –et la perte de ses contrats avec les sponsors- pour quelques Tibétains perdus dans les montagnes d’Asie ? Je crains que l’honneur ne soit pas ici en cause mais bien plutôt la simple raison : pourquoi les sportifs qui vivent d’abord de leur gloire conquise, parfois durement, sur les stades, se sacrifieraient-ils quand les politiques, eux, ont depuis longtemps renoncé à leurs responsabilités et se contentent de discours moraux qui masquent leur impuissance face à un empire qui, désormais, peut dicter ses conditions à ses « clients » devenus depuis longtemps ses débiteurs ?

 

En fait, le piège ne s’est-il pas refermé sur les pays occidentaux qui, par recherche du plus grand profit, se sont engagés jusqu’à la garde dans une Chine dont il leur est devenu impossible de se dégager sans menacer leur propre croissance ? En effet, on n’imagine mal nos concitoyens se passer de chaussures ou de ticheurtes à bas prix, désormais produits en masse dans « l’atelier du monde »… Alors, que faire ? Commencer, peut-être, à reconquérir notre indépendance économique ou, du moins, à ne pas nous livrer pieds et poings liés à des empires qui raisonnent en termes de puissance quand nos sociétés pensent, pour notre malheur, en termes de jouissance…