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05/07/2011

Se mettre "au niveau" ou "à portée" des élèves ?

Cette année, j’ai corrigé une soixantaine de copies d’histoire-géo du baccalauréat : un rituel que j’accomplis aux terrasses des cafés, au bord de la mer parfois (à Dinard, au bar du casino, au-dessus de la plage…), dans la salle des profs de mon lycée ou, plus rarement, à mon bureau, véritable capharnaüm dans lequel j’ai du mal à me retrouver ! J’y mets beaucoup de sérieux, malgré mon agacement devant les sujets proposés et choisis, mais aussi face aux consignes « conciliantes » (c’est-à-dire démagogiques) des autorités de l’Education nationale qui tendent à faire du bac un simple « droit de l’homme » (sic !) ou un certificat de fin d’études secondaires sans enjeu ni véritable valeur…

 

Les incidents nombreux de cette session de juin 2011 ont porté un coup très rude au crédit d’un examen qui n’en avait déjà guère plus beaucoup avant même le commencement des épreuves. Le retentissement donné à la diffusion d’un exercice de mathématiques sur la toile à la veille de l’épreuve a caché d’autres fraudes autrement plus importantes et plus massives, comme celle des fuites autour de l’épreuve d’anglais ou l’usage des téléphones reliés à internet pour « vérifier » les croquis de géographie (petite opération rapide ayant généralement lieu dans les toilettes…). Sans compter que la disposition des tables dans les salles d’examen permettait parfois les coups d’œil curieux sur la copie des proches voisins…

 

Néanmoins, il ne faudrait tout de même pas que l’arbre des fraudes, aussi importantes aient-elles été cette année, cache la grande honnêteté de la plupart des concurrents, sérieux et soucieux de bien faire.

 

Cela étant, la question se pose avec une plus grande insistance encore désormais : que faire du baccalauréat ? A l’origine, celui-ci, premier diplôme et grade universitaire, était un véritable examen et rares étaient ceux qui arrivaient, après un parcours fort laborieux, à le décrocher : sa valeur tenait aussi au petit nombre des heureux (mais pas hasardeux !) bénéficiaires. Faut-il regretter cette époque ? Pas vraiment car ce petit nombre tenait aussi à ce que les études secondaires n’étaient ouvertes qu’à un nombre forcément restreint de jeunes Français. L’augmentation du nombre d’élèves des lycées n’est pas, en soi, une mauvaise chose, loin de là, et je ne suis pas favorable à sa limitation drastique que certains peuvent préconiser tandis que, en fait, les autorités pédagogiques de l’Education nationale, elles, s’acharnent à abaisser le niveau au nom d’une « démocratisation » démagogique et niveleuse. En fait, la grande erreur des pontes de l’Education nationale c’est de croire qu’il faut se mettre « au niveau » des élèves quand, en fait et de manière plus efficace, il s’agit de se mettre « à portée » des élèves, ce qui n’est pas du tout, mais alors pas du tout, la même chose !

 

Se mettre « au niveau », c’est abaisser celui-ci pour gonfler les scores du bac ou d’autres examens, quand se mettre « à portée », c’est, sans diminuer le niveau d’exigence, déployer tous les moyens possibles pour élever le niveau des élèves ! La deuxième attitude me semble plus honnête et plus intéressante que la première : enseigner l’histoire-géographie n’est pas seulement enseigner quelques thèmes « historiquement corrects » mais chercher à susciter la curiosité, à montrer les ressorts de l’histoire et comprendre ceux de la géopolitique, amener à réfléchir sur ce qui forme la vie des hommes et des sociétés, etc. Pour cela, la rigueur est tout aussi nécessaire que la distanciation et l’humilité (ce qui n’empêche pas la passion), et se pencher sur quelques grandes figures ou événements ne me semble pas négligeable. Sans oublier d’évoquer les grandes pistes de notre histoire nationale, non par chauvinisme mais par nécessité de savoir ce que nous sommes et quelles sont les potentialités de nos « traditions », au-delà de nos gloires et de nos erreurs françaises, de nos résistances et de nos faiblesses : si nous sommes des héritiers qui n’avons pas choisi ni notre naissance ni notre héritage, aussi lourd soit-il parfois, il n’est pas inutile de le connaître, dans l’esprit et l’espoir d’une « tradition critique »… Marx, à la suite d’ailleurs des traditionalistes français, n’avait pas tort d’affirmer que « celui qui ne connaît pas l’Histoire est condamné à la revivre », et le plus souvent, pour le pire !

  

 

 

(à suivre)

 

 

 

03/07/2009

Détails au bac d'histoire.

Je viens de finir les corrections des copies du bac, et je confirme mes propos sur la « mascarade du bac 2009 », ne serait-ce que parce que, cette année, au-delà des consignes malvenues de l’Education nationale déjà évoquées ici, les sujets de composition de géographie n’en étaient pas vraiment mais bien plutôt des thèmes, ce qui n’a évidemment ni le même sens ni la même portée… En somme, quelques connaissances suffisaient pour obtenir une note « satisfaisante », et aucun effort de réflexion n’était vraiment exigé, il suffisait juste de ressortir un cours appris dans l’année : bien sûr, ce n’est pas forcément négligeable mais cela dévalorise notablement l’exercice et le diplôme afférent.

 

Néanmoins, les copies du bac sont fort instructives pour saisir l’état d’esprit et, plus exactement, « l’idéologie dominante » qui est transmise dans le cadre de l’enseignement (public ou privé, il n’y a, en définitive, guère de différences) et retranscrite par les écrits des élèves : lire les copies des candidats est sans doute plus révélateur que bien des enquêtes sociologiques officielles !

 

Juste un petit exemple : le texte de la « mineure » de l’épreuve d’histoire-géographie était, cette année, un extrait des mémoires de l’ancien conseiller puis secrétaire d’Etat du président des Etats-Unis Richard Nixon, Henry Kissinger, extrait qui évoquait la présidence du général de Gaulle. L’une des questions posées portait sur « les principaux axes de la politique extérieure du général de Gaulle » et l’on pouvait logiquement attendre des candidats qu’ils évoquent « l’indépendance nationale » ou « l’indépendance française », ne serait-ce qu’à la lecture et l’explication du texte même de Kissinger.

 

Or, sur une quarantaine de copies ayant choisi cette explication de documents d’histoire, un seul (je dis bien : un seul !) a écrit le mot « indépendance », sans y rajouter, d’ailleurs, ni le qualificatif de « nationale » ou de « française »… Un détail ? Peut-être, mais évidemment révélateur ! Si le mot « indépendance » n’apparaît pas, même quand il nous paraît « évident », sous la plume des élèves, c’est sans doute parce qu’il ne leur parle pas directement et qu’il est absent de leur vocabulaire habituel, tout simplement ! Il y a là une nouvelle réalité qu’il serait bon que ceux qui s’acharnent à défendre la souveraineté française (et c’est un combat louable) saisissent pour pouvoir réagir : la langue, le vocabulaire, le sens des mots,… sont des éléments qu’il importe de ne pas négliger, et c’est par là que l’on gagne les batailles, ou qu’on les perd… Là encore, sans doute faut-il relire le maître-livre de George Orwell, « 1984 », et les pages qu’il consacre au « novlangue », pages absolument fondamentales pour comprendre la nature de ce qui constitue une « idéologie dominante » et pas seulement un totalitarisme…

 

Autre petit exemple, tiré des mêmes copies et du même sujet : à l’une des questions portant sur l’image donnée par Kissinger du général de Gaulle, une trentaine d’élève ont répondu que le conseiller de Nixon considérait le président français des années 60 comme un « héros », sans que la plupart des élèves ne sachent exactement expliquer pourquoi, sans doute du fait de l’actuelle disparition de « l’héroïsme » historique (j’insiste sur ce dernier terme, car il est d’autres formes d’héroïsme qui occupent le champ social, voire sociétal) du champ de l’enseignement même de l’Histoire (j’y reviendrai dans une note prochaine). Mais, tous ces élèves, sans exception, ont écrit « héro », en oubliant le « s » qui est la marque de ce mot en français. Pourquoi cette erreur commune à tous les candidats, pourtant issus de différents lycées, de classes elles aussi différentes ? Pourquoi ce mot a-t-il été écrit à l’anglo-saxonne ? Si cela avait été le fait de quelques uns, on aurait pu en sourire : mais c’était le fait de tous ! Détail ?

 

En tout cas, comme pour me remettre de ces petits détails (parfois déprimants, il faut bien le reconnaître) qui cachent tant de choses, je reprends, ce midi, le livre d’Etienne de Montety : « Honoré d’Estienne d’Orves, un héros français »…

 

 

 

 

 

 

(à suivre : l’idéologie dominante à travers les devoirs de géographie…)

06/07/2008

Baccalauréat.

Le baccalauréat est devenu, au fil des ans, un rite de passage en France qui marque la fin de l’adolescence et l’entrée dans le monde adulte, celui des longues études et du travail : il n’est pas certain qu’il soit autre chose, désormais, et j’ai déjà exprimé, sur mon premier blogue, mes réserves à l’égard de cette institution bicentenaire.

 

Chaque année apporte son lot d’anecdotes, de perles, de scandales, mais aussi de surprises et, il faut bien le dire, d’émotions, en particulier chez les parents et parfois plus que chez les lycéens eux-mêmes… J’ai ressenti cette émotion particulière il y a quelques jours, avec une issue heureuse, Dieu merci !

 

Cela étant, il va bien falloir envisager une réforme véritable du bac et, surtout, engager une réflexion sur ce que l’on veut en faire dans le cadre d’une rénovation de l’Enseignement français, rénovation qui ne doit pas être une simple « harmonisation européenne » destructrice des traditions françaises et inadaptée à nos réalités particulières locales. En finir avec l’hypocrisie et la désuétude d’un système ne doit pas signifier le remplacer par un autre tout aussi funeste

 

Doit-on privilégier le contrôle continu, ce qui aurait l’intérêt de diminuer le coût du bac et d’apparaître comme plus représentatif de la scolarité de l’élève ? Mais, dans ce cas-là, le bac ne perd-il pas de sa valeur symbolique, rituelle ? Ne serait-il pas, alors, plus simple d’aller jusqu’au bout de la logique et n’en faire que la sanction finale des études secondaires, sans passer par l’examen du mois de juin ? Pas certain que l’effet en soit positif, tout compte fait, et ce malgré toutes mes préventions à l’égard de l’examen actuel.

 

Faut-il supprimer le bac ? Je dois avouer que j’ai eu, ces dernières années (voire en un temps encore plus proche…), la forte tentation de militer pour cette solution. Mais, à bien y réfléchir, s’il faut en finir avec une hypocrisie bien réelle autour d’un examen aujourd’hui peu crédible, cette solution m’apparaît moins appropriée désormais.

 

Plusieurs pistes sont à explorer pour revaloriser, en attendant mieux, ce fameux bac : tout d’abord, en rehausser le niveau par des exigences plus marquées dans les épreuves majeures, cela pour éviter de donner la désagréable impression que « on le donne à tout le monde » (ce qui, d’ailleurs, n’est pas exact, surtout si l’on regarde les résultats dans certains établissements des quartiers moins favorisés). Faut-il, pour autant, en augmenter le nombre d’épreuves ? Cela ne me semble pas nécessaire, et le nombre actuel me semble fort convenable : n’oublions pas, que pour ce sujet comme pour d’autres, ce n’est pas le nombre qui importe mais ce que l’on met derrière (ou dans) chaque épreuve.

 

Remuscler le bac, c’est aussi en refaire le « premier diplôme universitaire », ce qu’il n’est plus, en fait, que pour l’administration et a provoqué un engorgement et une dévaluation grave (mortelle ?) des universités ouvertes à tous les bacheliers. Mais cette politique de réévaluation du bac n’est possible que si l’Etat ne recule pas devant les multiples pressions des « usagers » et devant le « politiquement correct » pour lesquels évoquer la « sélection » équivaut à un casus belli… Cela n’est possible aussi que si ce même Etat, accompagné des autres pouvoirs publics et des acteurs socio-professionnels, inscrit cette transformation dans une politique plus globale de l’Enseignement en France et d’insertion de l’Ecole dans les réalités françaises, sans méconnaître le fait, fondamental en France, que l’instruction et la culture ne sont pas réductibles au seul domaine économique et que l’Ecole ne doit pas avoir comme seule vocation de former des « professionnels », ce qui revient aussi aux différents corps de métier et entreprises, sans exclusive.

 

Mais l’Ecole doit instruire, former, orienter pour permettre à chacun de trouver sa place dans la société, selon ses compétences et ses aptitudes, mais sans négliger les vocations particulières lorsqu’elles sont motivées et assumées et qu’elles peuvent trouver à s’exercer dans notre société (ce qui n’est pas toujours le cas, pour des raisons diverses, souvent liées aux deux éléments évoqués précédemment…).

 

Il faut donc en finir avec cette idée perverse, idée qui est plus un préjugé qu’autre chose, que « le bac est un droit », et avec cette autre idée, non moins néfaste et parfois très illusoire, qu’il ouvre « toutes les portes » : mais, il ne faut pas oublier les « non bacheliers » pour qui de nouvelles possibilités, autant d’études que d’insertion dans le monde du travail, doivent être ouvertes. Revaloriser le bac en négligeant ceux qui ne l’auraient pas serait la pire des choses et ouvrirait la voie à des désespérances scolaires et sociales qui s’apparenteraient à un véritable gâchis humain. Or, n’oublions pas ce qu’écrivait avec raison Jean Bodin : « Il n’est de richesses que d’hommes », véritable formule d’un humanisme raisonné « à la française ».

 

 

Post-scriptum : toutes mes félicitations aux heureux bacheliers, qu’ils aient été mes élèves ou non… Vous fermez un chapitre pour en ouvrir un autre ! Bonne continuation ! Et bon courage à Igor et à Arthur pour les oraux de lundi, tous mes vœux vous accompagnent.