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17/05/2015

L'égalité, escroquerie républicaine...

La fin d'année scolaire approche et c'est le temps de la préparation des derniers cours de Seconde : entre deux paquets de copies et quelques lectures des journaux du jour, je suis en train de compléter ceux qui porteront sur la Révolution française. Autant dire que je me régale, même si la période n'est pas forcément la plus heureuse de l'histoire de France... En fait, elle est l'une des plus denses et des plus agitées, et m'apparaît de plus en plus comme la trahison des espérances populaires et la prise de pouvoir d'une « classe », d'ailleurs pas du tout homogène, ni dans ses formes ni dans ses idées, que l'on pourrait qualifier, par facilité plus que par réel discernement, de « bourgeoise », à rebours de ce que pensait Maurras (et tant de conservateurs de son temps), qui voulait sauver la bourgeoisie de cette sorte de péché originel révolutionnaire : il y voyait plutôt le fait de déclassés et d'esprits rousseauistes, sans convaincre totalement. Bernanos était plus sévère, et plus lucide, sans doute, sur cette question.

 

Je me souviens d'une préface de Pierre Chaunu au livre magistral de Victor Nguyen intitulé « Aux origines de l'Action française » dans laquelle il chiffrait aux alentours de « 80.000 » les personnes ayant tiré un profit économique et financier de la Révolution française, ce qui, en définitive, n'est pas beaucoup au regard du sang versé et des souffrances endurées jusqu'au retour des Bourbons sur le trône, en 1814 puis 1815, et cela « sans que 20 millions de paysans ne récoltent mieux qu'une broutille ». Pour une Révolution qui se voulait égalitaire, quel drôle de bilan !

 

En fait, l'égalité proclamée par les révolutionnaires de 1789 et « appliquée » durant la Terreur de 1793, n'était pas celle des fortunes ni celle des conditions mais devait se comprendre comme, d'une part un grand mouvement d'unification (d'uniformisation ?) au sein de la Nation (celle qui se voulait « Une et indivisible ») qui en finissait avec les « privilèges » provinciaux ou professionnels, d'autre part un mouvement visant à l'égalité de traitement des individus, en particulier par -et devant- la loi, ce qui, pour ce dernier, n'a rien pour me choquer, même si la réalité sera, en ces temps-là, beaucoup moins favorable...

 

Là où je considère qu'il y a escroquerie, c'est que cet idéal d'égalité cache, le plus souvent, une forme malsaine et détestable de jalousie sociale, et qui pourra se traduire par une terreur (avant même qu'elle ne devienne majusculaire), un vandalisme et un brutalisme (dans le sens que lui donne, sur le plan architectural, le prince Charles d'Angleterre) sans égale mesure dans l'histoire de notre pays jusqu'alors, sauf peut-être au moment des guerres de religion. Il suffit de se promener en France et de constater que, lors des visites de monastères ou de cathédrales, de châteaux ou de beffrois, l'on n'échappe pas à une évocation, parfois discrète et un peu gênée, des « destructions de la période révolutionnaire », quand il serait plus simple et historiquement plus juste de parler des « destructions de la Révolution » elle-même ! La rage égalitaire qui motivait les saccages et les pillages au nom d'une « table rase » qualifiée de « républicaine » m'a toujours effrayé, et je suis d'autant plus sensible aux massacres archéologiques actuels qui ravagent le patrimoine de la Syrie et de l'Irak, que j'y aperçois, à deux siècles de distance, la même fureur contre un passé pourtant millénaire, la même détestation de ce qui n'est pas « l'ordre nouveau » du moment, républicain ou islamiste, la même haine contre les « inégalités protectrices » que sont les diversités familiales, sociales, religieuses ou communautaires.

 

L'égalité est trop souvent la négation des différences, de l'altérité et des libertés, et non la correction des injustices qu'elle se prétend être, ou que prétendent ceux qui parlent pour elle. Durant la période révolutionnaire, elle fut aussi le paravent d'une confiscation et d'un détournement des fortunes, non pour le partage mais pour la rapine de quelques uns. Quand Balzac s'écriait que « derrière chaque grande fortune, il y a un grand crime », sans doute avait-il à l'esprit ce qui s'était passé dans les années 1790, et que dénonçait Pierre Chaunu : « La Révolution, c'est la distribution d'une bonne partie de la propriété noble (…) à un taux truqué (entre 7,5 et 12,5 % de la valeur du marché de 1789) à 80.000 apparatchiks et affidés. (…) La Révolution c'est aussi le vol ! Et le non-dit. La redistribution au profit d'une nouvelle couche dirigeante d'une catégorie de notables qui comprend les anciens et majoritairement des nouveaux (…). » L'on sait aussi que les grands hommes de la Révolution (hormis les incorruptibles de la Terreur, du moins ceux qui disparurent brutalement de la scène politique en Thermidor) aimaient l'argent, comme Danton qui passe désormais pour le modèle-type du corrompu, ou Fouché, et quelques autres au républicanisme si bien avéré qu'on les vantait jadis dans les manuels d'histoire de la IIIe République...

 

Deux siècles après, l'on mesure mieux, sans doute, l'imposture égalitaire de la Révolution : l'égalité a beau être inscrite au fronton des mairies et des écoles primaires, il n'y jamais eu autant d'injustices, en particulier sociales, et les citoyens, se sentant trahis, désertent les partis qui se réclament trop bruyamment d'une République qui, en définitive, n'a pas su répondre aux intérêts de tous, une République prisonnière des féodalités de l'Argent qui, désormais, font les élections présidentielles...

 

Dans le même temps, à défaut de favoriser une certaine et nécessaire justice sociale, la République pratique un égalitarisme niveleur des intelligences, non pour assurer l'égalité des chances mais pour « égaliser » des élèves qui, pourtant, ne demanderaient pas mieux, au moins pour une partie d'entre eux, d'aller plus loin dans l'acquisition de nouvelles connaissances ou dans la curiosité intellectuelle : alors qu'il faudrait se mettre à la portée des élèves et leur donner à la fois l'envie et les moyens de s'élever, l’Éducation nationale, par ses réformes « néopédagogistes » préfère que les professeurs se mettent à leur niveau (ce qui n'est pas du tout la même chose) par des pédagogies « ludiques » ou « informatiques » qui négligent l'effort et la réflexion personnels... Là encore, l'égalité sera un leurre pour les générations futures, juste une « valeur de la République » que l'on apprendra en « éducation à la citoyenneté » (ou « à la laïcité », selon la titulature du moment...), et qui tentera de cacher l'échec d'un système éducatif déjà bien malade...

 

A moins que... Mais cela, c'est déjà, au double sens du terme, une autre histoire !

 

 

 

 

 

22/06/2011

Changer les profs ?

 

Les corrections des copies du bac session 2011 ont commencé depuis déjà quelques jours mais plusieurs milliers de copies de philosophie (3.000 selon la presse) n’ont pas de correcteurs attitrés, ce qui provoque une certaine panique dans les milieux du rectorat de Versailles, entre autres : ainsi, des professeurs enseignant aujourd’hui dans les classes préparatoires ont-ils été appelés, parfois d’un ton suppliant par l’administration, pour pallier à ce déficit bien ennuyeux de correcteurs officiels… D’autres, déjà les bras chargés de plus de 130 copies, ont été purement et simplement démarchés dans les centres d’examens, le principal argument avancé par les quémandeurs étant… financier, chaque copie corrigée étant payée 5 euros : quelques collègues s’y sont laissés prendre, selon un témoin de la scène avec lequel je discutais mardi midi.

 

Cette affaire est tout à fait significative de la situation actuelle, au-delà même de la question du baccalauréat : après des années de suppression de postes en philosophie (mais ce n’est évidemment pas la seule matière touchée), le nombre de professeurs susceptibles de corriger les épreuves de fin d’études secondaires s’avère désormais insuffisant, quoi que l’on fasse par ailleurs pour pallier temporairement à ce déficit de correcteurs.

 

Mais quelles sont les réactions des parents d’élèves à cette affaire ? Evidemment, beaucoup se plaignent du risque d’une absence de correction pour leurs propres enfants mais j’ai constaté avec une certaine amertume que la faute est souvent attribuée aux professeurs eux-mêmes, alors même qu’ils se retrouvent otages d’une situation qu’ils n’ont pas souhaitée… Même sur les sites de la presse dite « progressiste », de nombreux commentaires dénoncent « la mauvaise volonté des profs », et s’en prennent parfois au corps enseignant dans son ensemble avec quelques arguments fort révélateurs de la mauvaise réputation des professeurs aujourd’hui et de la technophilie ambiante : certains vont même jusqu’à annoncer (visiblement en s’en réjouissant) « la fin prochaine des profs », désormais « dépassés » par des ordinateurs dotés d’une plus grande mémoire et d’une disponibilité permanente…

 

Au même moment et alors que l’on annonce encore la suppression de postes dans l’Education nationale, une campagne publicitaire est engagée par cette même institution pour embaucher 17.000 nouveaux enseignants ! Mais sur des bases essentiellement contractuelles et éminemment, quoique l’on en dise, précaires : au point de susciter cette réaction chez certains étudiants des classes préparatoires de mon établissement de ne plus voir dans l’enseignement qu’un « petit boulot » comme les autres, forcément temporaire et dévalorisé… Quelle claque pour nous, les profs, qui, pour la plupart, avons la vocation de transmettre et travaillé dur pour obtenir nos concours pour avoir le droit, justement, de professer ! A quoi cela a-t-il servi puisque, demain, nous pourrons être remplacés par des personnes, parfois de bonne volonté, mais qui n’auront pas forcément la même motivation mais juste la nécessité de trouver un « petit boulot » pour financer, par exemple, leurs propres études ? Ne parlons même pas des compétences et des savoirs qui pourront être remplacés par la simple maîtrise de l’outil informatique et de la recherche, parfois sans recul ni discernement véritable, d’informations sur le thème étudié dans la matière enseignée… « Wikipedia » à la place des professeurs ?

 

« Le métier d’enseignant change », nous avait prévenu le ministre actuel de l’Education nationale, M. Chatel : il oublie juste que la technique, aussi développée soit-elle, ne peut remplacer la passion de transmettre, la curiosité et la matière grise… Cette « école des robots du savoir » que l’on nous annonce avec gourmandise n’arrivera sans doute à faire que « des petits singes savants » ou, selon l’expression de Georges Bernanos, « des cornichons sans sève »… Ce n’est pas ce que je souhaite aux générations qui viennent !

 

 

15/03/2010

L'abstention de Droite.

J’ai passé une partie de la soirée électorale dans ma voiture, quelque part entre Paris et Dreux, et la radio m’a servi de fil conducteur, au rythme des analyses et des déclarations des politiques, toujours soucieux de bien placer leurs « éléments de langage », formule de novlangue pour signifier la communication façon « langue de bois » des partis et des candidats.

 

Ainsi, les dirigeants de l’UMP arguaient de la forte abstention pour signifier que le vote n’était pas vraiment significatif tandis que les socialistes triomphaient à bon compte en tendant négligemment la main aux listes d’Europe-écologie qui, elles, se félicitaient d’un enracinement que les Verts espèrent, cette fois, pérenne, tout en réaffirmant, plus haut et fort qu’à la veille des élections, leur attachement à la Gauche… Et le Modem, dont la plupart des cadres se sont discrètement (ou pas, d’ailleurs…) retiré, continue sa descente aux enfers quand le Front National, lui, resurgit du bois au grand dam des sarkozystes qui redoutent des triangulaires qui leur interdisent tout espoir de victoire dans l’état actuel des choses : j’ai bien écrit « état actuel » car l’expérience nous rappelle qu’une élection n’est jamais gagnée ou perdue avant le résultat final et qu’il vaut mieux éviter, par prudence, « d’insulter l’avenir » ou de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir complètement occis !

 

Que penser de tout cela ?

 

Tout d’abord, l’abstention, la plus forte pour une élection régionale : elle n’a pas un seul sens mais bien plusieurs et les motivations des abstentionnistes peuvent être fort diverses, même s’il est tentant de vouloir simplifier cette tendance de plus en plus lourde de la vie politique contemporaine. Les gens de Droite qui ne se déplacent pas pour voter marquent ainsi leur désarroi devant une présidence plus « libérale-libertaire » que « traditionnelle », gaulliste ou « conservatrice » : le fait de la nomination de personnalités de la Gauche, d’ailleurs souvent brillantes et parfois plaisantes même aux yeux des royalistes comme moi, à des postes importants de l’Etat ou de l’Administration, a eu pour conséquence de désorienter et de décevoir des électeurs de Droite qui en ont logiquement, sinon légitimement, conclu que leurs idées étaient désavouées par le Président Sarkozy ou que celui-ci ne semblait pas (ou ne voulait pas) trouver de personnes compétentes parmi ceux qui l’avaient « fait Président ».

 

De plus, les électeurs de Droite de tradition intellectuelle ne peuvent qu’être déçus par les réformes démagogiques et si peu qualitatives (car répondant à de simples calculs comptables ou à des motivations égalitaristes-communautaristes) touchant l’Enseignement et inspirées par un Richard Descoings : la réduction des heures de Philosophie en Terminale ; la suppression de l’enseignement obligatoire de l’Histoire-géographie en Terminale S ; la dévalorisation de la Culture générale, désormais accusée de « favoriser la discrimination sociale » (sic !) ; etc. La grogne réelle qui s’exprime dans les salles de profs n’est pas l’apanage des syndicalistes de Gauche, loin de là, mais tourne parfois à la colère parmi les collègues dits « de Droite » ou traditionalistes, dont la plupart se refusent, dans la Région parisienne, à apporter leur suffrage personnel à la ministre Valérie Pécresse, celle-là même qui évoquait, dans un lointain entretien au journal « Le Monde », que sa personnalité française préférée était… Coluche ! On aurait pu s’attendre à De Gaulle ou à Charles de Foucauld de la part de cette Versaillaise bon teint mais il s’agissait de « faire peuple » (sic !, encore une fois !), semble-t-il… Rien de plus énervant pour un électeur de Droite qui a, souvent, d’autres références plus historiques et politiques. Cela n’enlève rien, d’ailleurs, aux qualités artistiques ou généreuses de Coluche, mais ce n’est pas faire injure à sa mémoire que de ne pas voir en lui la principale référence historique ou culturelle française !

 

C’est ce genre de démagogie facile de la part de certains politiciens de Droite qui détourne les électeurs « traditionnels » de Droite du vote UMP. Mais, après tout, cela nous rappelle que le président Sarkozy n’aime guère la littérature ni la culture classique, et qu’il s’en était pris à « La princesse de Clèves », œuvre de Marie-Madeleine de La Fayette, en des termes qui n’auraient pas déplu en d’autres temps aux soixante-huitards dénonciateurs de la « culture bourgeoise » (sic !)…

 

 

 

 

(à suivre).