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17/08/2022

Quand le révolutionnaire Barras compare Monarchie et Empire.

Barras (1755-1829) fut un révolutionnaire de 1789, ardent républicain qui vota la mort du roi Louis XVI en 1793 et celle de Robespierre dont il craignait les foudres en 1794, puis cheville ouvrière du Directoire, avant de fuir la France après le coup d’État du général Bonaparte en 1799. Il a eu l'occasion, revenu en France sous Louis XVIII, d'apprécier tous les régimes et les hommes de cette époque. Aussi, son jugement n'est-il pas totalement insignifiant quand il écrit dans ses Mémoires : « Mieux vaut pour un peuple un roi chassant qu'un empereur belligérant »... Il est vrai que, entre un Louis XVI, chasseur invétéré et peu amoureux des choses militaires (sans les méconnaître, puisqu’il est l’artisan de l’intervention française qui va permettre la victoire des Insurgents américains face à la Couronne britannique), et un Napoléon 1er, conquérant et belliciste qui s’en alla jusqu’à Moscou par orgueil plus que stratégie réfléchie, et qui nous ramena les Russes à domicile en 1814, le choix de celui qui aime son pays est vite fait, le principal étant toujours d’éviter l’invasion militaire étrangère ! Sans oublier que Barras vécut sous la Restauration et vit l’œuvre de Louis XVIII et de Talleyrand pour préserver le pays et ses frontières et pour clore le cycle des guerres révolutionnaires et impériales débuté en 1792…

 

Voici donc une citation à dédier à tous ceux qui rêvent de l'homme providentiel (qu’il s’appelle M. Macron ou M. Mélenchon, par exemple) et se font de l'Autorité une idée fausse, la confondant avec la Dureté d’un Napoléon 1er ou avec l’aventurisme géopolitique qui, de la Libye au Mali, nous a fait tant de mal ces dernières décennies. Mais, en poursuivant la comparaison entre le roi et l’empereur, nous pouvons aller plus loin et rappeler, dans la foulée, que la Monarchie est l'Autorité incarnée nécessaire aux libertés et aux citoyens, celle qui se conjugue à la Justice, ainsi que l'a maintes fois évoquée feu le comte de Paris (1908-1999) dans ses écrits. Aussi, le roi n’est pas un Père Fouettard, mais un père tout court, un maillon dans la longue chaîne des temps qui s’incarne dans la dynastie, et qui a vocation à laisser un héritage, si possible enrichi par rapport à celui qu’il a lui-même reçu jadis : oublier cette part de la définition de la Monarchie royale serait commettre un impair, et l’oublier sciemment serait une malhonnêteté intellectuelle autant que politique.

 

 

 

 

 

24/08/2008

Vendée.

La Vendée dite « Militaire », beaucoup plus vaste que le département du même nom, a été le lieu d’une véritable guerre civile qui n’a pas cessé avec la mort de Robespierre contrairement à ce que l’on croit souvent : c’est ce que rappellent les musées consacrés à ces guerres de Vendée, à Cholet dans un cadre officiel et à Saint-Florent-le-Vieil dans un cadre plus rustique et mémorial, musées que j’ai visités vendredi dernier dans la foulée l’un de l’autre. Des souvenirs de cette terrible page d’histoire illustraient des panneaux expliquant les causes, les événements et les conséquences de « la Vendée » : ainsi, à Cholet, le crâne de l’un des chefs insurgés, Nicolas Stofflet, dont on retrouve le couvre-chef… à Saint-Florent ; des drapeaux fleurdelysés, des sacrés-cœurs rouges et des cocardes blanches des paysans et des notables royalistes en guerre contre les Bleus de cette République si peu amicale malgré la fraternité inscrite sur ses frontons ; d’immenses tableaux de facture romantique (typiques du début XIXe siècle) censés représenter les grands chefs vendéens et chouans (puisque Cadoudal s’y trouve aussi en majesté) placés dans une salle ronde de Cholet comme une sorte de panthéon monarchiste ; de multiples illustrations issues des deux camps et des proclamations des uns et des autres ; des maquettes reproduisant les batailles mais aussi des objets du « culte » vendéen, comme les beaux restes de la grande statue sculptée par Maxime Real del Sarte, endommagée par une bombe et par les déménagements successifs, statue qui représente un paysan vendéen brandissant vers le ciel un cœur surmonté d’une croix…

Cette page d’histoire cruelle et qui a tant divisé les Français est aujourd’hui presque oubliée, et je dois avouer que durant ma visite d’une heure au musée de Cholet, je n’ai croisé qu’un couple avec son enfant, tandis qu’à Saint-Florent, le jeune gardien des lieux m’indiquait qu’il n’y avait en moyenne guère plus d’une douzaine de visiteurs quotidiens… De plus, j’ai pu constater comment la mémoire de cette terre s’était perdue au fil des siècles, et en particulier du dernier achevé, sans doute à cause de l’école, si « pudique » dans le meilleur des cas sur cette révolte antirépublicaine, incompréhensible pour ceux qui croient que République et libertés sont synonymes (ce que dément l’Histoire, qu’on le regrette ou non), mais parfois si hargneuse contre ces « rebelles » coupables de ne pas apprécier les bienfaits de ce régime régicide : la lecture des manuels scolaires est souvent édifiante à cet égard… Mais les autres responsables de cet effacement de la mémoire, qui n’en est d’ailleurs pas un dépassement mais le remplacement par une autre, plus artificielle et « politiquement correcte », ce sont les curés qui, dans les années soixante, se sont faits les chantres d’une « nouvelle gauche », très inspirées des idées démocrates-chrétiennes et qui, pour faire accepter le message chrétien à un monde de plus en plus matérialiste et consumériste, ont préféré sacrifier des traditions « gênantes » car n’apparaissant pas dans le sens de l’Histoire, véritable croyance de l’époque… Je parle ici des traditions populaires historiques, enracinées, pas forcément des questions religieuses, mais, dans ce cas précis, elles étaient néanmoins pratiquement indissociables des pratiques sociales, voire politiques, des habitants de cet espace de la Vendée Militaire.

Ainsi, si cette Vendée est une histoire, si elle peut être une source de réflexions, y compris politiques, si son épopée mérite d’être appréciée et racontée, elle n’est pas une île en dehors du monde contemporain : au-delà des souvenirs, qu’il n’est pas inutile de rappeler et de perpétuer, car ils constituent aussi, bons ou mauvais, une part de l’identité historique royaliste, il faut penser ce qu’elle est aujourd’hui, et cela doit être, pour la France toute entière, dans ses diversités, une règle politique. C’est sans doute cela que Maurras appelait « l’empirisme organisateur », pour comprendre et agir sur le monde contemporain, sans nostalgie aucune mais sans oubli non plus : l’Histoire ne doit pas être un boulet mais un arc aux tensions mille fois renouvelées, aux flèches mille fois lancées ; un bel instrument et non des chaînes ou des regrets… Car la nostalgie ne fait pas une politique, elle n’en est que la paralysie dans un passé figé, incompréhensible sans porter autre chose que des plaintes ou des orgueils : la politique ce n’est pas vraiment cela, c’est bien plutôt ce que Maurras (encore lui !) évoquait comme « la tradition critique », la seule qui vaille pour ceux qui veulent servir la France sans forcément oublier ce qu’ils sont et d’où ils viennent.