Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/07/2021

La nation française, tentative d'une définition. Partie 2 : La naissance d'une nation, bien avant 1789.

 

Sous l’Ancien régime, la nation française existe sans que la notion soit toujours précisée en tant que telle : pour faire simple, il est possible de dire que, si l’État de France naît avec l’élection en 987 du roi Hugues Capet (et sans que le nom de France ne soit, d’ailleurs, accolé au titre de roi, ce qui n’adviendra qu’à partir de Philippe-Auguste), la nation française, elle, apparaît d’une certaine manière en 1214 avec la victoire de Bouvines et le soutien des bourgeois des villes aux armées royales de celui qui, alors, passe du statut de suzerain (« le roi des nobles », en somme) à celui de souverain (« le roi de France » et, désormais, des Français au-delà des simples liens féodaux). Mais la France est déjà la France, quelles qu’en soient les frontières et l’espace du moment considéré, et c’est en cela aussi qu’il est crédible de la qualifier de « nation », c’est-à-dire de cadre dans lequel est reconnue (sinon acceptée…) une autorité temporelle (politique) suprême, parfois sans beaucoup de pouvoir(s), et qui s’incarne alors dans « le » roi, qu’il faut comprendre au double sens de personne physique inscrite dans une suite familiale (qualifiée de dynastie) et de magistrature suprême de l’État, résumée à « l’État », terme employable ici dans le sens de l’instance de décision politique « supérieure » du royaume, au-delà des centres de décision locaux, féodaux ou communaux.

 

Au Moyen âge et jusqu’en 1789, la Monarchie construit la nation comme espace politique et géopolitique, inaliénable ou revendiqué comme tel (ce qu’évoquent les fameuses lois fondamentales du royaume, véritable constitution coutumière et traditionnelle), et sur lequel s’exerce la souveraineté de l’État royal sans, pour autant, supprimer toutes les autres instances de décision du pays, qu’elles soient politiques, administratives ou religieuses (mais aussi sociales et corporatives). « Les rois ont fait la France », affirmait un vieux chant royaliste (en l’occurrence « la Royale », hymne de l’Action Française depuis les années 1920), et ce n’est pas faux, si l’on précise bien le sens du verbe « faire » en cette occasion historique. Faire la France, c’est-à-dire en « construire » les contours territoriaux mais aussi fonder une culture politique d’Etat particulière, former une unité qui, au-delà des différences et des diversités (termes qu’il convient d’accorder pour que ce qu’ils recouvrent ne deviennent pas antagonistes), ordonne l’ensemble en un équilibre supérieur et « reconnaissable » autant à l’intérieur que pour l’étranger.

 

C’est l’espace de la Cité France (au sens de la « polis » tel que les Athéniens l’ont définie il y a 2500 ans) qui se construit au fil des siècles et qui permet, en 1789, d’avoir les frontières métropolitaines que nous connaissons encore aujourd’hui, à quelques exceptions et ajouts près (la Sarre en moins ; Avignon, Nice et la Savoie en plus), et qui forment « l’hexagone » identifiable sur les cartes depuis le XVIIIe siècle. Mais la nation n’est-elle qu’un pays, un territoire ? Bien sûr que non : elle est aussi une « unité » (terme préférable à « identité » qui renvoie trop à l’uniformité et à l’égalité jacobines) incarnée et garantie par l’autorité royale jusqu’à la Révolution, une « histoire d’histoires » dominée par celle de l’État royal (qu’il met en scène, d’ailleurs, par volonté d’une légitimation fondée sur les temps passés et la « gloire du roi ») mais complétée par une histoire « sainte » (autour de l’Église, de ses rites et doctrines, de ses saints parfois très locaux et de ses traditions enracinées dans des terroirs, y compris sous forme de superstitions ancestrales…) et des histoires « communautaires », mélanges de mémoires ethniques, « provinciales » (les provinces étant, d’une certaine manière, une « invention » de l’État royal unificateur et incorporateur pour garantir un sentiment d’appartenance à l’ensemble sans trancher les racines de mondes anciens parfois immobiles) et villageoises.

 

L’effort multiséculaire de la Monarchie pour « faire France » se traduit, au-delà de la conquête, du traité, du mariage ou de l’héritage, par la mise en place d’un appareil d’État (qui s’appuie aussi sur « l’apparat d’État » depuis les rois de la Renaissance et particulièrement le roi-mécène François 1er jusqu’aux rois versaillais) et d’une culture royale qui, bientôt, se fait nationale, en particulier à travers l’édit de Villers-Cotterêts qui fait de la langue du roi (la langue française) la langue des actes administratifs (en remplacement du latin, et non des langues locales) et la création du Collège des lecteurs royaux (aujourd’hui Collège de France), mais aussi l’Académie française. La Révolution, dans son surgissement et ses rugissements, croira faire œuvre originale en remodelant le pays selon un schéma rationnel et presque clinique, et cela au nom d’une conception idéologique de la nation (qui se doit d’être « une » comme la « volonté nationale » qui doit en être l’unique législatrice pour l’ensemble des territoires qui, eux-mêmes, se doivent d’être « égalisés », selon la conception des constituants de 1789-1795) ; en rompant avec ce qui avait fait, justement, la particularité (sans être forcément originale, à bien y regarder) de la nation française depuis les premiers capétiens, c’est-à-dire l’acceptation et l’incorporation des histoires et des enracinements immémoriaux, de ces multiples « traditions critiques » au sein d’un ensemble pluriel. La richesse culturelle de la France, de cette France aux mille blasons, sera fortement dépréciée par le jacobinisme d’État hérité de la Révolution et de l’Empire… Mais elle survivra, « malgré la République ». Et c’est aussi elle qui permet à notre pays d’être, jusqu’à la crise sanitaire, la première destination touristique mondiale…

 

 

 

(à suivre)

 

 

 

27/09/2009

La vengeance de Nicolas Fouquet.

L’affaire Clearstream m’est complètement incompréhensible et je ne vois dans le procès qui se déroule depuis quelques jours que de tristes règlements de compte et la vengeance d’un homme qui n’a ni le sens de l’Etat ni celui de l’honneur, et cela malgré le poste qu’il occupe et qui devrait l’obliger. Mais, après tout, et comme le disait Maurras avec une pointe d’amertume : « tant vaut l’Etat, tant vaut sa raison ». On devrait parler ici de déraison, d’ailleurs, tant l’acharnement de M. Sarkozy sur celui qui fut son Premier ministre de tutelle et son rival véritable ressemble plus à une psychose qu’à la recherche d’une hypothétique vérité…

 

Triste spectacle que nous donne la République, et qui a, une fois de plus, le prétoire comme théâtre : la pièce est-elle complètement écrite ? Là encore, je n’en sais rien, et j’ai le souvenir de procès qui n’ont pas tourné, au regard de l’Histoire, à l’avantage de ceux qui les avaient initiés… Mais il est vrai que l’appareil politique et judiciaire de la Monocratie sarkozienne est tout entier mobilisé dans la vendetta contre celui qui, pourtant, fut, un jour de l’hiver 2003, la voix et l’honneur de la France, celui qui reprit les accents gaulliens pour marquer la liberté et la fierté de la France, envers et contre l’Empire étoilé, et pour rappeler au monde que la Force brute et déraisonnable ne pouvait être le remède véritable à une tyrannie orientale qui, au moins, parvenait à contenir des forces bien pires encore que celles incarnées par Saddam Hussein…

 

Il est vrai qu’à l’époque M. Bernard Kouchner, actuel ministre des Affaires étrangères, était favorable à la guerre de M. Bush, et que M. Sarkozy, s’il n’a pas contredit alors la politique chiraco-villepiniste, rongeait son frein en attendant de pouvoir défaire ce que ses prédécesseurs avaient engagé.

 

Ce procès n’est pas le procès de quelques fausses listes et de leur utilisation abusive, dans la plus pure tradition barbouzarde chère à notre République, de Robespierre à nos jours : il est juste l’élimination d’un clan par un autre, ou du moins sa tentative !

 

Comment pourrait-il en être autrement dans une République qui est en « présidentielle permanente » et qui ne vit que de la victoire d’un parti sur un autre, d’une faction sur une autre, d’un intrigant sur un autre ? Ce que le septennat avait limité, le quinquennat l’a libéré, et cela n’a fait qu’amplifier un mal qui est consubstantiel à la République, la lutte des Féodaux pour la première place, au risque de dévaloriser l’Etat et sa magistrature suprême et de diminuer le crédit de la France à l’étranger.

 

Oui, décidément, la France mérite mieux que cette République des clans et de leur lutte pour le Pouvoir ! Il serait temps de penser à libérer l’Etat de ces Nicolas « Fouquet’s » comme le roi Louis XIV l’a libéré de l’avide Nicolas Fouquet en 1661. Rendre à la magistrature suprême de l’Etat sa dignité et son rang au-dessus des querelles de factions passe par un mode de désignation et de transmission qui ne doive rien à l’élection et à ses calculs, voire à ses fraudes… N’est-ce pas l’un des grands avantages et mérites de la Monarchie successorale ?