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30/03/2008

Financer l'école.

Depuis quelques jours, plusieurs lycées de la région parisienne sont régulièrement bloqués par des élèves et, parfois, des professeurs, comme au lycée Jean-Monnet de La-Queue-lez-Yvelines ou au lycée Condorcet de Limay. Cet accès de fièvre s’explique par les suppressions nombreuses de postes d’enseignants, mais aussi parfois d’assistants d’éducation et de CPE, décidées pour des raisons budgétaires par le Ministère de l’éducation nationale. Mais ces mesures s’inscrivent souvent dans une logique plus comptable que pédagogique, et signifient, pour ce qui est des classes de langue, des effectifs d’une trentaine d’élèves là où ils étaient une vingtaine auparavant : pas facile dans ces conditions de faire progresser le niveau linguistique dans notre pays dont les « décideurs » ne cessent pourtant de moquer le « retard » en ce domaine.

 

Dans cette affaire, on se heurte à plusieurs difficultés, en particulier financières : comment continuer à payer pour l’enseignement public dans un Etat qui avoue un déficit de plus de 1.000 milliards d’euros ? Ainsi le problème du financement est-il le plus déterminant dans la prise de décision du Ministère et dans ses arbitrages, souvent cruels et, plus grave encore, injustes. Que proposer ? Un impôt nouveau et circonstanciel pour financer l’école des prochaines années, comme il a existé un « impôt sécheresse » certaines années de canicule ? Après tout, pourquoi ne pas faire appel à la solidarité nationale pour cette cause d’importance ? Mais la contestation risque d’être vive dans une population qui, aujourd’hui, peine à amortir le choc de l’inflation et à surmonter le sentiment (qui rejoint d’ailleurs la réalité…) d’une érosion du pouvoir d’achat. D’autre part, j’ai pu constater que, en de maints endroits, les professeurs ne sont guère populaires, accusés parfois des pires maux et de tous les défauts de l’Education nationale. Aussi, un tel impôt risquerait bien de « plomber » un peu plus les relations entre les citoyens et les enseignants…

 

Une autre proposition (je préfère employer ce terme à celui de « solution », peut-être trop présomptueux) serait de taxer les « stocks option » des grandes entreprises ou les bénéfices boursiers pour aider au financement de l’école, mais certains évoqueraient alors « l’inquisition fiscale » et le risque de « fuite des capitaux » pourtant nécessaires à l’économie française : doit-on, peut-on en prendre le risque ? Au risque de passer, à tort, pour un odieux « collectiviste », ma réponse est clairement positive. Mais je l’accompagne d’une nuance ou, plutôt, d’un complément, d’une condition : une telle taxe doit être expliquée et être aussi l’occasion de repenser les rapports du monde de l’entreprise et de la finance avec l’école. Pourquoi ne pas penser une plus grande implication des acteurs économiques dans les structures mêmes de l’Education nationale, par le biais de partenariats et de financements d’origine privée de certaines activités scolaires, comme les « classes à projets » ou les voyages scolaires ?

 

Bien sûr, certains qui veulent plus d’argent pour l’école mais se crispent sur l’idée, aujourd’hui peu crédible, d’un financement uniquement « public », vont hurler à la mort contre cette dernière proposition (j’en ai d’autres, encore plus « choquantes », et je n’en suis pas désolé…) en évoquant l’entrée du loup dans la bergerie. Dois-je leur rappeler que la principale exigence des parents d’élèves à l’égard de l’école est d’assurer à leurs enfants une insertion la plus profitable possible dans le monde professionnel, celui-là même dont je demande l’intervention, ou l’implication dans le financement des établissements et activités scolaires ? Il ne s’agit pas de faire des collèges et lycées des annexes des entreprises mais de trouver un moyen réaliste et pérenne de financer leur fonctionnement et leur développement, sous le double contrôle des conseils d’administration et de l’Etat. J’ai là aussi quelques idées sur l’organisation des structures à mettre en place dans ce cadre.

 

Cette proposition n’en est qu’une parmi beaucoup d’autres que je pourrai faire, ayant (depuis quelques années) beaucoup réfléchi sur ce sujet et, surtout, ne voulant pas critiquer sans proposer, attitude qui me semble contre-productive et stérile. Mais je constate que cette proposition de plurifinancement de l’école, idée que je défends depuis près de 25 ans (de l’Université à l’enseignement, mes tracts depuis 1982 en faisant foi…), avec des aménagements selon les cadres envisagés et les conditions contemporaines, a encore du mal à être acceptée par certains syndicats ou partis qui voudraient, semble-t-il, « le beurre et l’argent du beurre » en oubliant que l’argent ne tombe pas du ciel et qu’il nous faut penser au meilleur moyen de concilier l’intérêt public et les fonds publics…

 

Cela étant, dans l’urgence actuelle, il me semble nécessaire de rappeler au Ministère et à l’Etat actuels que l’éducation justifie des moyens importants et que l’on se batte intelligemment pour elle sans rogner tout le temps sur ce qui est la condition d’avenir de notre pays : la principale richesse de la France c’est la « matière grise » et la négliger serait criminel. En détruisant des postes et en « désarmant l’école » au lieu de la dégraisser et de la muscler, la République sarkozienne (qui reste bien la République, quoiqu’en disent certains qui semblent oublier le sens des mots) étouffe l’enseignement. Desserrer cette mortelle étreinte s’impose : mais, soyons prudents, car s’agiter dans le désordre et la panique risque d’étrangler un peu plus ce qu’il s’agit de sauver…

 

10/02/2008

Travailler plus, dans l'enseignement.

« Travailler plus pour gagner plus » semble être un beau slogan, alléchant dans son principe mais ce n’est, en définitive, qu’un effet d’annonce et un leurre, en particulier en ce qui concerne l’enseignement. D’ailleurs, « les caisses sont vides », ne cesse-t-on de nous dire pour expliquer la suppression de nombreux postes d’enseignants, y compris dans le lycée où j’exerce ce qui reste, pour moi, le plus beau métier du monde.

 

Même des projets importants préparés par des collègues volontaires sont parfois abandonnés, faute d’autorisation mais surtout de crédits, y compris celui d’une « classe européenne » à l’heure où l’on nous serine sur tous les tons l’importance des langues et « l’ouverture » sur les autres pays du continent… Le Ministère n’est pas à une contradiction près. Quant aux classes qui comptaient, pour certaines d’entre elles, un nombre moins lourd d’élèves à des heures spécifiques (et n’est-ce pas ce qui permet un meilleur apprentissage des langues, en permettant aux élèves de parler plus fréquemment durant l’heure de cours ?), les voilà toutes remplies au maximum, à cause de la suppression de nombreuses heures allouées au lycée dans la fameuse « dotation globale horaire » de cette année.

 

Personnellement, je ne suis pas hostile au fait de « travailler plus » et, par exemple, de faire du « soutien scolaire » à quelques élèves en difficulté ou des « cours libres » sur l’histoire des institutions, de préparer des entraînements aux concours, etc. Encore faudrait-il que cela soit dans des conditions favorables et que l’on permette, d’abord, de le faire, tout simplement : il y a de multiples projets qui pourraient voir le jour dans les lycées de France s’il y avait moins de contraintes administratives et plus de soutien (ne serait-ce que moral…) de la part des rectorats et des inspections académiques… Or, visiblement, nous ne sommes pas dans cet état d’esprit-là, à mon grand regret.

 

Puisque c’est l’argent qui semble poser problème, pourquoi ne pas permettre aux établissements scolaires, en plus des crédits normalement alloués par l’Etat, de lever des fonds en faisant appel aux initiatives privées mais aussi communales, par exemple ? Le plurifinancement des lycées et des collèges, mais aussi des universités, me paraît le meilleur moyen (financier) de maintenir une qualité satisfaisante des enseignements dispensés. Je ne verrai rien de choquant à ce qu’une entreprise de BTP participe au paiement d’heures de soutien scolaire ou qu’un office de tourisme subventionne une activité de « découverte du patrimoine » (et des cours d’histoire-géographie, ce qui est assez logique), en plus, bien sûr, des cours obligatoires toujours payés par l’Etat ou les Pouvoirs publics.

 

Ce qui est certain, c’est qu’il faut, par contre, refuser une simple logique comptable ou « de rentabilité » qui oublierait les rôles traditionnels de transmission des savoirs et connaissances et d’épanouissement des intelligences en sacrifiant la qualité à la quantité…