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28/05/2020

Réindustrialisation et volonté politique : la piste monarchique.

Le déconfinement a commencé depuis déjà deux semaines, et nombre d’illusions sur « le monde d’après » sont déjà entrées au cimetière des bonnes intentions, peu aptes à survivre dans une société de consommation, mais aussi « distractionnaire » comme la qualifiait Philippe Muray avec une ironie un peu triste. Ainsi en va-t-il de l’idée, souvent émise au cours de la période de confinement, de la relocalisation des industries parties hier (un hier qui remonte parfois aux années 1990…) vers les pays asiatiques ou est-européens, idée qui est déjà démentie par les propos du commissaire européen au commerce, M. Phil Hogan, et que rappelle Serge Halimi dans son éditorial du Monde Diplomatique de juin 2020 : « Quelques entreprises sanitaires seront relocalisées sur le Vieux Continent, comment faire autrement ? « Mais il s’agit là d’une exception », nous avertit M. Hogan. Et, s’adressant à ceux qui parlent de circuits courts, de décroissance, il prévient : « En 2040, 50 % de la population mondiale vivra à moins de cinq heures de la Birmanie. (…) Il me semble évident que les entreprises européennes ne voudront pas se priver de cette manne d’activité. Ce serait complètement idiot. » Il sait d’ailleurs déjà à quoi il emploiera les prochains mois : « Nous devons approfondir nos accords de libre-échange existants - on en a avec quelque soixante-dix pays - et chercher à en contracter d’autres. »

 

Ainsi s’accélère la logique de mondialisation, et les désirs de « rattrapage » des dividendes perdus chez nombre d’actionnaires, de plus en plus asiatiques d’ailleurs, n’y seront pas non plus étrangers : d’ailleurs, même les actionnaires français sont sensibles à ce discours, d’autant plus que nombre d’entre eux, et il n’est pas interdit de le regretter, n’ont plus guère de sens patriotique, ce sens qui n’est rien d’autre, en économie, que la solidarité des plus aisés avec les autres classes sociales, une solidarité qui, pour être complète et efficace, doit évidemment fonctionner dans les deux sens, mais selon les critères reconnus et acceptés de la justice sociale, fondement majeur de toute harmonie nationale durable. Mais, doit-on s’accommoder de cette situation et de cette mentalité individualiste et « libéraliste » qui, si l’on n’y prend garde, pourraient bien mener notre pays à la perte de sa souveraineté économique, préambule ou accélérateur de celle de toute indépendance politique ?

 

En fait, il n’y a pas une seule réponse économique, mais bien plutôt une stratégie politique qui doit utiliser diverses propositions ou solutions économiques, avec la boussole nécessaire du bien commun et de la justice sociale, boussole qui n’est pas exactement celle de la seule logique du Marché et de sa pratique mondialisée. Cela implique un État qui ne soit pas forcément omnipotent mais, en revanche, fort et sûr, sinon de son fait (l’erreur est toujours possible, mais il faut éviter d’y persévérer…), au moins de sa légitimité pour s’imposer aux féodalités financières, actionnariales ou économiques. Il semble bien que la République, trop dépendante des puissances qui estiment n’avoir pas de comptes à lui rendre (ce que dénonçait Jean Gabin dans son fameux discours à la Chambre, dans le film - politiquement incorrect - « Le Président »…), n’arrive pas toujours à se faire entendre d’elles, au risque d’aggraver le discrédit de la fonction politique aux yeux de nos concitoyens, de plus en plus abstentionnistes, voire « inciviques » (ou « impolitiques »), et de la désarmer un peu plus encore…

 

Pour ce qui est de la relocalisation des entreprises, sans doute le terme, sympathique en lui-même, cache-t-il quelques ambiguïtés et faiblesses : relocaliser des entreprises automobiles qui produisent en Chine pour vendre dans ce même pays, n’aurait guère de sens et serait même peu responsable, ne serait-ce que pour des raisons écologiques ; mais relocaliser des usines, aujourd’hui asiatiques, dont les productions sont majoritairement destinées aux marchés français et européen, paraît beaucoup plus utile et efficace, même si les marges bénéficiaires des entreprises et les dividendes des actionnaires peuvent en être diminués sans être, pour autant, annihilés. Néanmoins, la relocalisation de quelques activités industrielles est-elle suffisante, au regard des enjeux contemporains, qu’ils soient industriels, économiques ou écologiques ? Louis Gallois, grand patron français, a des idées plus précises sur ce sujet quand il évoque, plutôt que la seule relocalisation (dont il complète la formule plutôt qu’il ne la rejette), la nécessaire réindustrialisation qui doit nous permettre de subvenir à nos propres besoins et de garantir cette souveraineté économique qui est l’une des clés (mais pas la seule…) de la capacité du politique à pouvoir se faire respecter face aux puissances de l’économique et sur la scène mondiale. Et quand il insiste sur trois domaines prioritaires de « relocalisations d’activités et de systèmes productifs », ceux de la Santé, de l’agro-alimentaire et du numérique (ce dernier domaine relevant, pour lui, de « l’Europe » - mais façon Airbus - plus que de la seule France, ce qui peut être discuté et, pourquoi pas, approuvé), il me semble bien qu’il a raison et qu’il faut l’entendre.

 

Mais, là encore, ses propositions (qu’il n’est pas impossible de compléter, dans une logique d’ententes européennes et de grands ensembles géopolitiques dans lesquelles la France aurait sa place à tenir, en tant que telle, et non comme une simple puissance « européenne » ou prisonnière de « l’Europe ») nécessitent une véritable volonté politique, au-delà même des moyens (c’est-à-dire la fameuse « intendance » évoquée par le général de Gaulle) de sa mise en pratique, . Or, la volonté politique ne se décrète pas, elle s’institue, c’est-à-dire qu’elle s’ancre dans un État, dans une forme politique qui lui assure d’être immédiatement reconnue et suivie d’effets. Après tout, la Cinquième République, quand elle se pensait comme une « monarchie républicaine » incarnée par un homme né de l’histoire (et de la tragédie surmontée), a démontré la capacité de la volonté politique à « faire l’histoire », y compris à contre-courant des idéologies dominantes. Sans doute s’agit-il désormais de faire advenir une monarchie royale qui reprenne l’élan des débuts de la Cinquième, non pour l’imiter, mais pour incarner et pérenniser la volonté politique, au-delà d’un homme, forcément faillible (et c’est tant mieux, la nature de l’homme n’étant pas de devenir un démiurge), dans une institution familiale dont les visages vieillissent et se succèdent au rythme du temps et des générations. Car la nouvelle Monarchie royale n’aurait pas pour seul rôle (même s’il n’est pas négligeable) de « symboliser » l’État mais se devrait d’en assumer la magistrature suprême et sa fonction d’arbitrage et d’impulsion (et de garantie) des grandes politiques séculaires, celles qui ne sont pas « que » gouvernementales mais qui sont, avant tout et au fil des grands cycles politiques et géopolitiques, des politiques « du temps long » : celui-là même qu’évoquait le philosophe Michel Serres dans une émission ancienne dans laquelle il se faisait (philosophiquement parlant et sans oser employer le mot exact) l’avocat de la Monarchie de transmission intergénérationnelle, successible et héréditaire, « pour donner du temps au temps »

 

 

15/09/2016

La République a trompé les travailleurs d'Alstom de Belfort.

Ainsi, le gouvernement savait : c’est M. Montebourg qui l’affirme, s’appuyant sur sa propre expérience de ministre du président Hollande et sur les déclarations des élus locaux de Belfort ! Il savait et il n’a rien fait, alors même que l’Etat est actionnaire d’Alstom, mais aussi le seul actionnaire de la SNCF, cliente de cette entreprise… A ce niveau-là d’incompétence ou de dilettantisme (ou les deux à la fois), peut-être de cynisme, il y a de quoi se mettre en colère, mais il est encore plus approprié de réfléchir aux causes de ce désastre économique et social, mais aussi politique ; cela sans négliger de lutter, aujourd’hui et maintenant, contre une délocalisation vers l’Alsace qui ne serait rien d’autre, en définitive, que l’annonce d’une délocalisation prochaine plus lointaine, toujours au nom de la « compétitivité », cette même compétitivité qui sert actuellement d’argument à la direction d’Alstom pour supprimer 400 emplois locaux. Défendre et sauver l’emploi à Belfort aujourd’hui, c’est défendre et sauver l’emploi en Alsace demain, et, plus généralement, rappeler les entreprises multinationales françaises à leurs devoirs sociaux, à cette forme de « nationalisme économique » nécessaire pour pérenniser une économie française digne de ce nom et indépendante des grandes féodalités mondiales.

 

Bien sûr, il n’y a pas une cause unique à l’affaire Alstom de Belfort, mais il faut souligner les responsabilités politiques et les mentalités économiques qui ont présidé à ce que l’on peut qualifier de gâchis industriel. Si le gouvernement n’a pas voulu entendre ce qui se tramait au sein d’un conseil d’administration dans lequel l’Etat a sa place, c’est qu’il est acquis, de longue date et cela à gauche comme à droite, aux présupposés (aux préjugés ?) libéraux et « mondialistes » (c’est-à-dire promoteurs de la mondialisation dont on sait qu’elle n’a pas qu’un visage et qu’elle n’est pas forcément heureuse pour tous…), et que ceux-ci supposent l’acceptation du libre-marché et de ses règles, fussent-elles si peu sociales et aussi bien destructrices des emplois que des paysages… Acquis aussi à un européisme et à une Union européenne (en fait, la Commission européenne) qui ont inscrit ses mêmes règles dans le marbre des traités et le bronze des directives édictées à Bruxelles, du bureau des groupes de pression au siège des institutions de cette « Europe-là », en passant par un Parlement imbu de lui-même…

 

D’ailleurs, quelle marge de manœuvre l’Union européenne laisse-t-elle à l’Etat dans ses tentatives de sauver à Belfort ce qui peut (et doit) l’être ? Déjà, les fonctionnaires de la Commission de Bruxelles rappellent la France à ses « obligations » de respect de la « libre concurrence non faussée », faux nez de la violence sociale à l’égard des travailleurs, et condamnent certaines des mesures d’urgence annoncées par le ministre français des transports, y décelant une « rupture » des engagements libéraux pris par la France… Mais où est donc « l’Europe sociale » que les socialistes ne cessaient d’évoquer dans quelques campagnes électorales européennes passées ? Elle n’existe pas, et elle ne peut exister, au regard des traités eux-mêmes, de Rome à Amsterdam, et Pierre Mendès-France, dès 1957, l’expliquait, à la suite (bien involontaire pour lui) des royalistes d’Action Française qui l’affirmaient avec force chaque semaine depuis la fin des années 40 dans Aspects de la France ou dans les Dossiers d’Action Française du temps de Georges Pompidou…

 

De ce triste état de fait, la République est doublement coupable, et plus encore depuis qu’elle se républicanise en renonçant à ses racines « monarchiques » héritées de la volonté et de la présidence gaulliennes : coupable d’avoir renoncé, par son ralliement à un libéralisme anglo-saxon qui motive la mondialisation et l’Union européenne (qui en mourra peut-être, l’avenir nous le dira…), à une voie économique française, à ce modèle qui laisse au politique toute sa place mais rien que sa place, et qui n’oublie pas, que derrière toute activité ou statistiques européennes, il y a des hommes, des familles, des territoires avec leurs particularités et leur désir de vivre pleinement et librement un destin qu’ils puissent s’approprier (et non subir des contraintes venues d’un centre lointain).

 

Coupable aussi de ne plus se comporter en Etat digne de ce nom, dont la légitimité repose aussi et surtout sur la capacité à défendre les intérêts de la nation et de ses citoyens, et à assurer la paix intérieure comme la défense extérieure, si besoin est. Alors que l’Etat devrait s’imposer aux féodalités économiques (ce qui ne signifie pas détruire les puissances industrielles mais les plier aux besoins de la nation et les accorder aux équilibres internationaux), il hésite, tergiverse et, en définitive, leur cède en arguant des nécessités de la mondialisation ! Quand l’Etat devrait être « Louis XIV », il n’est désormais plus que « Foutriquet » face aux « Fouquet » contemporains

 

La nature de cette République, désormais prisonnière du quinquennat présidentiel, empêche aussi toute politique et toute stratégie industrielle, sociale et même environnementale, sur le long terme : faute d’une magistrature suprême arbitrale digne de ce nom et de sa fonction historique, la République (toujours en campagne présidentielle permanente) est impuissante et indigne, et ce sont les travailleurs et les territoires français qui en font les frais… Ce n’est plus, ce n’est pas et cela n’a jamais été acceptable, et nous ne pouvons l’accepter : ainsi, logiquement, faut-il remettre en cause cette République avant qu’elle ne ruine définitivement le pays qu’elle a déjà tant endetté et dont elle a bradé tant de joyaux industriels, sacrifiant emplois et salariés locaux à une logique mortifère et à cette « Fortune anonyme et vagabonde » qui se moque bien de cet avenir que tout esprit bien né souhaite d’abord à sa patrie.

 

En plagiant certaine citation célèbre, l’on pourrait dire : si vous souhaitez faire vivre le tissu industriel et le travail français, il faudra bien vous résoudre et conclure à la nécessité de la Monarchie, éminemment politique et sociale, et c’est la raison et l’expérience qui vous le commandent…