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30/06/2021

Quelle stratégie industrielle pour la France ? Partie 2 : "Que la France pourrait manoeuvrer et grandir".

 

L’Union européenne a été construite comme une vaste zone de libre-échange, un super-marché de consommateurs, et elle n’a pas conçu de stratégie industrielle globale, pas plus que de stratégie géopolitique comme le faisait remarquer un article récent de Renaud Girard sur lequel il nous faudra revenir. Ce qui ne signifie pas que certains n’en ont pas eu l’intention, comme l’actuel commissaire Thierry Breton très actif sur ce sujet. Mais, s’il n’est pas trop tard, il est bien tard ! Et il faudrait se poser la question de sa finalité et de son opportunité dans une mondialisation qui nécessiterait plutôt le renforcement des États souverains déjà existants, seuls susceptibles d’envisager le long terme et de résister efficacement, s’ils en ont la volonté incarnée dans des institutions enracinées, aux grandes féodalités financières et économiques. Dans son propos sur « l’absence de stratégie industrielle » de l’UE, M. Christian Saint-Étienne s’appuie sur la question automobile et sur les nouvelles orientations qui se prétendent écologiques pour mieux cacher la misère, en somme, de cette Union européenne qui a tendance à suivre les modes plutôt qu’à les susciter ou à les orienter…

 

« Si l’Europe stratégique existait, elle élaborerait les normes de batteries totalement recyclables devant être opérationnelles dès 2025 avant de favoriser la circulation des véhicules électriques », ce qui paraît le plus logique et surtout comme le meilleur moyen d’éviter un effondrement des entreprises automobiles des pays européens et de la France en particulier, tout en empêchant des puissances industrielles comme la Chine de s’imposer dans le domaine des véhicules non-thermiques. La précipitation, sur cette question comme sur d’autres, est, plus encore qu’un défaut, une véritable faute, et pas seulement stratégique. C’est pourtant la précipitation motivée par l’idéologie qui, une fois de plus, définit l’actuelle politique de l’Union européenne : « (…) L’Europe veut se voir belle en son miroir écologique en interdisant la vente des moteurs thermiques dès 2035, ce qui veut dire, en termes de stratégie industrielle, dès 2025, au risque d’augmenter la pollution globale engendrée par l’automobile, sans parler de la perte d’autonomie stratégique. » La France peut-elle alors rester sans réagir ? Peut-elle proposer une politique alternative sans renoncer à la motivation écologique ni sacrifier sa filière automobile ? Si la réponse à la première question se doit d’être négative, celle à la seconde peut être positive.

 

La France doit rappeler à l’Union européenne et à ses partenaires que la question automobile doit être étudiée sous trois aspects : l’écologique, l’industriel, le social, et que l’un ne doit pas éliminer (ou dévaloriser) les autres, même s’il peut y avoir une « inégalité protectrice » entre eux, au regard des enjeux et des situations. C’est d’ailleurs tout l’intérêt d’une stratégie industrielle digne de ce nom de concilier les trois dans une dynamique d’ensemble pour que son efficacité soit réelle et utile pour la nation française comme pour l’ensemble européen à laquelle elle appartient.

 

Dans le cas de l’automobile, au-delà de la stratégie industrielle européenne que M. Christian Saint-Étienne appelle de ses vœux, il paraît nécessaire de refaire d’abord une stratégie française qui, une fois définie, réfléchie et actée, pourra entraîner les autres pays ou, du moins, permettra une discussion en position de force de la France au sein des institutions européennes : attendre une hypothétique stratégie européenne qui n’a jamais, pour l’heure, prouvé son existence comme l’a dit précédemment l’économiste, serait lâcher la proie pour l’ombre, d’autant plus que l’Allemagne, elle, a conservé une production industrielle forte et indépendante, et qu’elle privilégie d’abord ses intérêts avant que de se penser « européenne ». Mais cette stratégie française, qui doit assurer une transition écologique vers un mode de circulation moins carbonée (ce qui est éminemment souhaitable) sans casser l’effort de recherche d’efficacité énergétique entrepris autour des énergies fossiles (« rouler plus loin avec moins de matière première », dans une perspective de sobriété énergétique et de moindre pollution, à défaut de pouvoir supprimer complètement celle-ci), ne doit pas être non plus pensée à la seule échelle européenne (je parle là de l’Union européenne), car ce serait limiter ses effets et s’empêcher d’envisager des alliances ou des ensembles politiques futurs encore inédits.

 

Une « souveraineté industrielle » française n’est possible que si sa stratégie vise à « faire de la force », et si c’est l’État, dans une dynamique néo-colbertiste (mais non-étatiste), qui la mène, et cela en s’inscrivant, non dans la seule immédiateté (ou « temps court »), mais dans la durée et la continuité d’une politique enracinée. A ses débuts, et dans la ligne d’une stratégie plus globale dont l’esquisse remontait aux années 1936-1946, la Cinquième République avait engagé cette stratégie du long terme dans une posture toute capétienne que, malheureusement, les pouvoirs politiques des années 1970 et suivantes allaient s’acharner à défaire au nom ou au profit revendiqué d’une construction européenne pourtant peu probante. Sans doute est-il temps de remettre les choses à l’endroit !

 

 

 

(à suivre)

 

 

24/06/2021

Quelle stratégie industrielle pour la France ? Partie 1 : Quand l'Union européenne tire contre son camp...

 

La crise sanitaire a tendance à occuper une grande part du paysage médiatique et à occulter nombre de débats qui mériteraient, pourtant, une véritable attention, ne serait-ce que parce qu’ils engagent l’avenir de notre pays et, au-delà, de l’Europe : ainsi, la question de la stratégie industrielle qui, pourtant, ne peut être négligée dans le cadre d’une mondialisation toujours dominante et de moins en moins positive pour notre société, dévoilant désormais ce qu’elle ne cachait pourtant pas vraiment mais que, jusqu’à une période relativement récente, nombre de politiques comme d’économistes ne voulaient voir… Dans un article qu’il faudrait citer en intégralité (1), Christian Saint-Étienne rappelle quelques vérités : « Le leadership de l’Europe est passé de la France à l’Allemagne au cours des années 2000 à mesure de la désindustrialisation de notre pays », cette désindustrialisation qui, d’ailleurs, se poursuit et, dans certains secteurs, semble même s’accélérer aux dépens du tissu industriel national et des travailleurs comme des territoires ainsi désertés par les usines. L’Allemagne, plus prudente, a conservé une industrie qui lui permet, en fait, de dominer l’Union européenne et de mieux maîtriser sa dette publique, sa balance commerciale restant plus favorable que celle de notre pays. De plus, la crise sanitaire a accentué l’écart entre la France et l’Allemagne, ne serait-ce que parce que le tourisme international (qui devait être le secteur d’avenir de notre pays selon les experts d’avant-2020) se trouve très affaibli par la pandémie, Paris étant, sans doute, la victime principale de cette situation inédite depuis la Seconde guerre mondiale…

 

Tout régime politique qui souhaite maîtriser l’avenir doit saisir les éléments du passé et les processus nés de celui-ci, sur le long terme, pour pouvoir en infléchir le cours. La situation actuelle n’est pas le fruit du hasard : « La crise des subprimes de 2008 et la crise de la dette en 2011-2012 ont transformé l’Europe en continent vieillissant et peureux, incapable de concevoir une stratégie offensive alors que le conflit pour la domination mondiale entre Chine et États-Unis va écrire l’histoire mondiale pour les vingt prochaines années. La crise sanitaire, venue de Chine, a accentué la marginalisation stratégique de l’Union européenne, non seulement dans le monde, mais aussi dans son univers proche, comme en Méditerranée. » Sans doute faut-il rajouter aux causes économiques, les causes démographiques (entre vieillissement marqué des populations européennes faute d’une fécondité satisfaisante et de la baisse depuis 2014 de celle de la France) et les causes éminemment politiques, sans doute déterminantes, car les processus économiques, qu’on le veuille ou non, dépendent largement des choix faits par les Etats sur les plans économique, fiscal et social. Or, les Etats ont trop longtemps considéré que la mondialisation était une chance et une fatalité tout à la fois, et la France n’a pas échappé à cette idéologie dominante depuis une trentaine d’années, au risque de laisser l’économie dicter ses propres lois au politique. Le lecteur de Maurras que je suis et que je reste, qui ne néglige ni l’économie ni le social, reste attaché, avec une raison confirmée par l’histoire et l’actualité, au « politique d’abord » : c’est le politique qui se doit de rappeler ses devoirs sociaux aux puissances (aux féodalités, pourrait-on dire) économiques et financières et, sans intervenir dans les stratégies et les directions d’entreprise elles-mêmes, leur fixer un cadre social à respecter et les inciter à agir pour le bien commun sans céder aux excès trop souvent caractéristiques du capitalisme contemporain. C’est aussi au politique, c’est-à-dire à l’Etat, d’indiquer une stratégie générale (au-delà de leurs propres plans purement industriels, dont elles doivent rester maîtres pour éviter un étatisme qui serait aussi désastreux que le libéralisme sans frein) à suivre ou, du moins, d’inciter les entreprises à suivre un axe stratégique qui, sans doute, peut être discuté et amélioré par les entreprises elles-mêmes tout en restant dans l’esprit de la stratégie du bien commun, nécessaire à tout Etat pour se légitimer aux yeux des classes laborieuses (mais aussi des classes seulement rentières ou aidées), au-delà de la légitimité politique et institutionnelle d’origine, comme Etat juste, et particulièrement « socialement juste ».

 

Mais l’Europe, ou plus exactement l’Union européenne (qui n’est pas toute l’Europe, bien sûr, la Norvège, la Suisse, le Royaume-Uni entre autres n’en faisant pas partie), n’est pas un Etat (et c’est sans doute mieux ainsi, en fait) et elle est moins politique qu’économique, au risque de laisser la part belle aux féodalités financières et économiques qui ne la voit que comme un marché de consommateurs aux règles, sinon incertaines, du moins contournables quand elles ne vont pas dans leur sens… Ce qui n’empêche pas l’UE, à travers ses institutions dont la Commission européenne et le Parlement, de vouloir imposer ses vues sans s’assurer qu’elles soient vraiment crédibles ou applicables sans risque pour les pays qui la composent ! C’est ce que dénonce Christian Saint-Étienne en évoquant « un écologisme sans pensée stratégique » pratiqué par la Commission : « Pour l’Union européenne, l’écologie est un dogme. Pour les Américains et les Chinois, c’est une arme de combat, au même titre que les microprocesseurs ou la numérisation, qui présente l’intérêt d’accélérer l’affaiblissement de l’Europe et notamment de son industrie automobile. » Or, le dogmatisme, fils de l’idéologie, est le pire ennemi de la raison, autant en économie qu’en politique, et cela vaut aussi pour l’écologie qui, réduit à l’idéologie, perd de sa crédibilité et, plus encore, de son efficacité, voire de sa nécessité aux yeux des sociétés agacées d’être « écologiquement contraintes ». L’écologie intégrale, promue par les royalistes depuis les années 1980 et, depuis 2015 par l’Eglise (après l’encyclique Laudato Si’ du pape François), si elle se fait et se veut « doctrine », cherche justement à éviter le piège de l’idéologie, par nature « castratrice » et rigide, et se doit de rester attentive à réfléchir sur le temps long, au-delà de la seule instantanéité qui semble, parfois, caractériser l’action des grandes institutions de l’UE soucieuses de « politiquement correct » plutôt que de réflexion approfondie et crédible. En revanche, cet « écologisme sans pensée stratégique » que dénonce M. Saint-Étienne est le pire ennemi de l’écologie véritable (et pas seulement  intégrale) et des nations européennes, comme le démontre, après le cas des éoliennes industrielles (aujourd’hui de plus en plus dénoncées par les vrais écologistes conséquents et les amoureux des paysages) l’exemple automobile : « Une véritable autodestruction se prépare ainsi : l’interdiction de la vente des moteurs thermiques pour 2035, la mort du moteur à explosion de dernière génération qui, sur son cycle de vie, polluera pourtant moins qu’un moteur électrique dont les batteries viennent de Chine sans être recyclées. Ces batteries sont fabriquées dans l’empire du Milieu avec de l’électricité qui reste produite essentiellement à base de charbon et transportées sur des bateaux qui polluent massivement même si des progrès sont en cours. » Mondialisation, quand tu nous tiens… Idéologie, quand tu la maintiens !

 

 

(à suivre)  

 

 

 

Notes : (1) : Le Figaro, mercredi 23 juin 2021, en page 18.

 

15/09/2016

La République a trompé les travailleurs d'Alstom de Belfort.

Ainsi, le gouvernement savait : c’est M. Montebourg qui l’affirme, s’appuyant sur sa propre expérience de ministre du président Hollande et sur les déclarations des élus locaux de Belfort ! Il savait et il n’a rien fait, alors même que l’Etat est actionnaire d’Alstom, mais aussi le seul actionnaire de la SNCF, cliente de cette entreprise… A ce niveau-là d’incompétence ou de dilettantisme (ou les deux à la fois), peut-être de cynisme, il y a de quoi se mettre en colère, mais il est encore plus approprié de réfléchir aux causes de ce désastre économique et social, mais aussi politique ; cela sans négliger de lutter, aujourd’hui et maintenant, contre une délocalisation vers l’Alsace qui ne serait rien d’autre, en définitive, que l’annonce d’une délocalisation prochaine plus lointaine, toujours au nom de la « compétitivité », cette même compétitivité qui sert actuellement d’argument à la direction d’Alstom pour supprimer 400 emplois locaux. Défendre et sauver l’emploi à Belfort aujourd’hui, c’est défendre et sauver l’emploi en Alsace demain, et, plus généralement, rappeler les entreprises multinationales françaises à leurs devoirs sociaux, à cette forme de « nationalisme économique » nécessaire pour pérenniser une économie française digne de ce nom et indépendante des grandes féodalités mondiales.

 

Bien sûr, il n’y a pas une cause unique à l’affaire Alstom de Belfort, mais il faut souligner les responsabilités politiques et les mentalités économiques qui ont présidé à ce que l’on peut qualifier de gâchis industriel. Si le gouvernement n’a pas voulu entendre ce qui se tramait au sein d’un conseil d’administration dans lequel l’Etat a sa place, c’est qu’il est acquis, de longue date et cela à gauche comme à droite, aux présupposés (aux préjugés ?) libéraux et « mondialistes » (c’est-à-dire promoteurs de la mondialisation dont on sait qu’elle n’a pas qu’un visage et qu’elle n’est pas forcément heureuse pour tous…), et que ceux-ci supposent l’acceptation du libre-marché et de ses règles, fussent-elles si peu sociales et aussi bien destructrices des emplois que des paysages… Acquis aussi à un européisme et à une Union européenne (en fait, la Commission européenne) qui ont inscrit ses mêmes règles dans le marbre des traités et le bronze des directives édictées à Bruxelles, du bureau des groupes de pression au siège des institutions de cette « Europe-là », en passant par un Parlement imbu de lui-même…

 

D’ailleurs, quelle marge de manœuvre l’Union européenne laisse-t-elle à l’Etat dans ses tentatives de sauver à Belfort ce qui peut (et doit) l’être ? Déjà, les fonctionnaires de la Commission de Bruxelles rappellent la France à ses « obligations » de respect de la « libre concurrence non faussée », faux nez de la violence sociale à l’égard des travailleurs, et condamnent certaines des mesures d’urgence annoncées par le ministre français des transports, y décelant une « rupture » des engagements libéraux pris par la France… Mais où est donc « l’Europe sociale » que les socialistes ne cessaient d’évoquer dans quelques campagnes électorales européennes passées ? Elle n’existe pas, et elle ne peut exister, au regard des traités eux-mêmes, de Rome à Amsterdam, et Pierre Mendès-France, dès 1957, l’expliquait, à la suite (bien involontaire pour lui) des royalistes d’Action Française qui l’affirmaient avec force chaque semaine depuis la fin des années 40 dans Aspects de la France ou dans les Dossiers d’Action Française du temps de Georges Pompidou…

 

De ce triste état de fait, la République est doublement coupable, et plus encore depuis qu’elle se républicanise en renonçant à ses racines « monarchiques » héritées de la volonté et de la présidence gaulliennes : coupable d’avoir renoncé, par son ralliement à un libéralisme anglo-saxon qui motive la mondialisation et l’Union européenne (qui en mourra peut-être, l’avenir nous le dira…), à une voie économique française, à ce modèle qui laisse au politique toute sa place mais rien que sa place, et qui n’oublie pas, que derrière toute activité ou statistiques européennes, il y a des hommes, des familles, des territoires avec leurs particularités et leur désir de vivre pleinement et librement un destin qu’ils puissent s’approprier (et non subir des contraintes venues d’un centre lointain).

 

Coupable aussi de ne plus se comporter en Etat digne de ce nom, dont la légitimité repose aussi et surtout sur la capacité à défendre les intérêts de la nation et de ses citoyens, et à assurer la paix intérieure comme la défense extérieure, si besoin est. Alors que l’Etat devrait s’imposer aux féodalités économiques (ce qui ne signifie pas détruire les puissances industrielles mais les plier aux besoins de la nation et les accorder aux équilibres internationaux), il hésite, tergiverse et, en définitive, leur cède en arguant des nécessités de la mondialisation ! Quand l’Etat devrait être « Louis XIV », il n’est désormais plus que « Foutriquet » face aux « Fouquet » contemporains

 

La nature de cette République, désormais prisonnière du quinquennat présidentiel, empêche aussi toute politique et toute stratégie industrielle, sociale et même environnementale, sur le long terme : faute d’une magistrature suprême arbitrale digne de ce nom et de sa fonction historique, la République (toujours en campagne présidentielle permanente) est impuissante et indigne, et ce sont les travailleurs et les territoires français qui en font les frais… Ce n’est plus, ce n’est pas et cela n’a jamais été acceptable, et nous ne pouvons l’accepter : ainsi, logiquement, faut-il remettre en cause cette République avant qu’elle ne ruine définitivement le pays qu’elle a déjà tant endetté et dont elle a bradé tant de joyaux industriels, sacrifiant emplois et salariés locaux à une logique mortifère et à cette « Fortune anonyme et vagabonde » qui se moque bien de cet avenir que tout esprit bien né souhaite d’abord à sa patrie.

 

En plagiant certaine citation célèbre, l’on pourrait dire : si vous souhaitez faire vivre le tissu industriel et le travail français, il faudra bien vous résoudre et conclure à la nécessité de la Monarchie, éminemment politique et sociale, et c’est la raison et l’expérience qui vous le commandent…