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11/07/2014

L'honneur des joueurs grecs.

La coupe du monde de balle-au-pied se termine dimanche et le Brésil se retrouve face à une situation sociale qui ne se soldera pas seulement à l’automne prochain par l’élection présidentielle : comme toutes les puissances émergées récemment, il est à un tournant de son histoire, ce qui peut expliquer que la Chine suit avec beaucoup d’attention l’actualité de la rue brésilienne. Quant à la France et malgré le relais sportif assumé par le Tour de France cycliste, l’actualité redevient plus politique et il est fort probable que l’été soit marqué, entre autres, par la question régionale, le projet de redécoupage des régions étant débattu à l’Assemblée nationale à partir de mardi prochain : un débat qui s’annonce chaud et qui risque bien de déborder (et tant mieux, d’une certaine manière) des travées du Palais-Bourbon, en particulier à l’ouest de la France…

 

Pour l’heure, les équipes défaites au Brésil sont revenues dans leurs pays respectifs, parfois dans l’opprobre mais aussi dans la fête, certaines nations retrouvant dans « leurs joueurs » une fierté que les politiques ont souvent, au temps et au nom d’une mondialisation dénationalisante, abandonnée (sauf à l’heure des échéances électorales), et les drapeaux agités à l’arrivée des équipiers français étaient bien « nationaux », aucun drapeau étoilé de l’Union européenne n’ayant, à ce jour, été aperçu lors d’une rencontre internationale de balle-au-pied, ce qui n’est pas totalement anecdotique et révèle aussi ce qui manque à cette Union, c’est-à-dire une réalité sentimentale et affective

 

L’équipe nationale de Grèce est celle qui a le mieux montré, sans doute, son côté patriotique, voire « nationaliste intelligent » : ainsi, le rapporte Marianne ce vendredi : « Les joueurs de l’équipe de foot [ndlr : balle-au-pied] de Grèce, qui a atteint les huitièmes de finale pour la première fois de son histoire, ont refusé de toucher leurs primes. Dans une lettre collective adressée au Premier ministre, Antonis Samaras, ils disent : « Nous ne jouons que pour la Grèce et le peuple grec. » ». Ainsi, les joueurs hellènes rappellent qu’ils portent des couleurs nationales et que cela leur donne des devoirs (en particulier de solidarité), qu’ils sont fiers d’être de cette nation-là, et non d’une autre, sans agressivité à l’égard de leurs adversaires, mais avec reconnaissance de (et pour !) leur appartenance à cette équipe plus vaste que l’on appelle la nation. Dans un monde du sport souvent caractérisé par l’individualisme et l’argent malsain, voici une information heureuse, éminemment politique, et qui aurait mérité une plus grande publicité de la part des médias…

 

 

 

09/11/2010

Né sous le règne du général de Gaulle.

Je suis né sous le règne du général de Gaulle… Règne, plus encore que présidence ! Même si l’hérédité n’y est pas, ni la légitimité dynastique, il y a au moins la légitimité historique, celle d’Antigone face à Créon, née de quelques mots prononcés derrière un micro anglais et d’une attitude « crâne » face à l’invasion allemande, il y a le refus du renoncement, cet « orgueil » d’un aristocrate d’épée face au monstre froid de la Technique victorieuse et face à cet état d’esprit bourgeois qui pense à sauver ses meubles quand la maison cède devant la marée « feldgrau »…

 

Je suis né sous le règne du général de Gaulle, et mes premiers livres d’aventures ont été ceux évoquant la Résistance, les multiples ouvrages signés du colonel Rémy, ce monarchiste qui a cru en une possible conciliation entre « l’épée de Gaulle » et « le bouclier Pétain », dans un réflexe d’unité henricienne sans doute vain et illusoire, mais, pourquoi pas, nécessaire un temps pour l’apaisement de la mémoire nationale.

 

Je suis né sous le règne du général de Gaulle… Mais, un soir de novembre 1970, mes parents m’ont planté devant la télé (en noir et blanc), après les informations de 20 heures : c’était pour moi un privilège rare, en semaine, de pouvoir regarder le petit écran « si tard », et il fallait bien qu’il y ait un événement grave, quelque chose d’important, assez pour ne pas m’envoyer me coucher…

 

Je n’ai pas perdu une seconde de l’émission d’hommage au général de Gaulle : sa mort, « la deuxième de ma vie » après celle de mon grand-père (ce « bonbapa » chéri qui m’a tant manqué ensuite), devenait l’occasion d’une sorte de veillée funèbre à travers la présence de toute la famille autour du poste de télé qui rappelait l’histoire du « chêne abattu ». J’étais au pied du lit parental, et je regardais les images d’une vie qui défilaient, fasciné par cet homme qui sortait de la vie pour entrer définitivement dans l’histoire : mon âme d’enfant vibrait à l’évocation de celui que je n’avais jusqu’alors connu que vieux et paternel, et qui m’apparaissait désormais comme un militaire, un chevalier refusant de courber la tête devant l’ennemi même vainqueur un temps…

 

Je reviendrai à la même place quelques jours après pour la retransmission de la messe d’hommage à Notre Dame et les images du cercueil drapé de tricolore sur un blindé sortant du domaine de La Boisserie.

 

Aujourd’hui, la République « bling-bling » commémore celui dont elle ne cesse, quotidiennement, de contredire l’œuvre, autant politique et diplomatique que sociale. Les derniers gaullistes s’éteignent, dans une indifférence à peine troublée par les quelques mots usuels d’hommage, habilement récités… Larmes de crocodile et hypocrisie assurée, de la part de nos gouvernants !

 

Mais sans doute tout cela est-il naturel, ou logique : le gaullisme était, non une idéologie, mais bien plutôt un état d’esprit qui venait de loin, de notre histoire nationale, celle du « royaume contre l’empire », de l’audace et de la raison capétienne, de la passion française, même républicaine, de celle aussi des « hommes libres », des d’Artagnan mais aussi des Colbert, fidèles « malgré tout » à la France et à son Etat, quelles qu’en soient les couleurs ou les formes ! Autant de choses que ne peuvent comprendre les membres de l’oligarchie dirigeante actuelle, prisonniers de leurs principes de « l’économique d’abord », de la rentabilité et du « Time is money » franklinien…

 

De Gaulle a été, avec un style qui lui était propre, une sorte de « Grand connétable » qui a rétabli l’unité de l’Etat et lui a rendu, face aux féodalités de l’époque (celles des partis comme de la finance), une certaine indépendance : lorsqu’il déclare que « l’intendance suivra » ou que « la politique de la France ne se fait pas à la Corbeille [la Bourse] », il rappelle que l’Etat ne doit pas être un simple gestionnaire de l’économique et qu’il n’a pas pour seule vocation de rechercher la rentabilité mais bien plutôt d’assurer la protection de chaque Français et d’abord du pays dont la liberté est la condition de toute citoyenneté librement assumée, et pour favoriser l’entraide entre Français, entre générations et entre contemporains, avant que d’aider les autres qui attendent tant de la France…

 

Bien sûr, il n’a pas été au bout de cette logique capétienne qu’il a réintroduit dans la pratique politique de la République. Bien sûr, il est des taches sur l’œuvre gaullienne, et le gaullisme a parfois été sourd à certaines détresses (en particulier celles de nos compatriotes d’Algérie et des militaires blessés dans leur honneur par l’épreuve de la décolonisation) et a nourri quelques illusions défaites par les événements ou par les décisions mêmes du général-président ! Mais, au regard de l’Histoire, avec le recul qui permet aussi de prendre un peu de hauteur, de Gaulle reste « l’homme de la France », malgré tout.

 

Son œuvre institutionnelle, cette « monarchie inachevée », survit fragilement aujourd’hui : sans doute eût-il fallu la monarchie dynastique pour pérenniser le meilleur de la pratique et de l’héritage gaulliens, et de Gaulle l’a su mais ne l’a pas assumé jusqu’au bout malgré ses promesses au comte de Paris. En tout cas, si le gaullisme n’a pas eu le cœur de vivre sans de Gaulle (ce qui est, somme toute, assez logique), il reste à accomplir ce que le général (le régent ?) n’a pas eu le temps de mener à terme avec sa Cinquième République, si originale : non pas une simple restauration mais bien la véritable instauration d’un Etat libre dans la durée, au-delà même de son fondateur, autour d’une famille, d’une histoire renouvelée par la suite des générations, d’une Monarchie sans fard ni nostalgie, d’une Monarchie entièrement capétienne qui reconnaisse sa dette à l’égard d’un homme qui a tant fait pour assurer la régence du nationalisme, et dont, un soir de novembre, j’ai croisé le regard, en noir et blanc…