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29/06/2020

L'écologie politique aujourd'hui. Partie 1 : Les Verts, héritiers des royalistes d'antan ?

 

Les élections municipales de 2020 « virent au vert », affirmait un observateur au soir de la « vague verte » qui s’empare, avec des scores parfois sans appel, de grandes villes, voire de métropoles qui semblaient promises « ad vitam æternam » aux partis « sérieux », c’est-à-dire de la droite et de la gauche classiques et « républicaines », ce dernier adjectif n’indiquant pas grand-chose, en fait, sur l’attachement des susdits aux institutions de la République… Mais la très forte abstention, peu surprenante au regard de la situation autant psychologique que politique, ne peut tout expliquer, loin de là, et, en démocratie électorale, « les absents ont toujours tort », ce que soulignait d’ailleurs le premier ministre lui-même dans son intervention havraise du soir. Si les Verts (Europe Ecologie-Les Verts, selon leur étiquette) peuvent conquérir des municipalités, c’est aussi parce qu’ils correspondent à la nouvelle sociologie des grandes villes : un journaliste, parlant en terme de classes, signalait qu’ils représentaient le nouveau « vote bourgeois » quand les classes plus populaires, désormais, désertaient les urnes pour préférer des formes d’action directe (Gilets jaunes, par exemple) ou des stratégies d’indifférence ou de retrait volontaire, motivées par le « déni » parlementaire du référendum de 2005 et par les impasses du dilemme « populistes ou démocrates » qui conforte toujours un peu plus le Système contemporain au profit d’un « pays légal » qui sait se renouveler éternellement sans menacer son Pouvoir…

 

Bien sûr, les Verts appartiennent au camp de la Gauche avec, parfois, une pointe de sectarisme qui, dans les cas extrêmes, n’a rien à envier à celui des partisans robespierristes de La France Insoumise ; bien sûr, leur idéologie s’inscrit dans l’européisme et le mondialisme tout en dénonçant les souverainismes et nationalismes qui, pourtant, peuvent représenter des formes « populaires » de contestation et d’affirmation politique des nations historiques ; bien sûr, ils paraissent plus attentifs à la circulation des vélos en ville qu’à la sécurité des citoyens et des commerces en périphérie ; bien sûr… Mais, au-delà de cela, leur écologisme, pour incomplet et opportuniste qu’il soit, mérite l’attention, et il faut bien reconnaître que c’est, en démocratie, le rapport de forces qui peut faire, aussi, bouger les choses : les royalistes, observateurs attentifs mais trop souvent passifs ou impuissants, ne peuvent le négliger ou le bouder s’ils veulent peser en politique. Car, ne l’oublions pas, les royalistes ont été, historiquement, les premiers à évoquer et à défendre l’environnement, ne serait-ce que face aux principes et effets de la Révolution qui, au nom de la Liberté individuelle et de la Propriété privée libérale, a livré les forêts et les terres aux appétits d’une bourgeoisie urbaine plus soucieuse de profits immédiats que d’investissements sur le long terme. Quand la Révolution française en ses temps républicains s’exclame « Du passé, faire table rase », cela se traduit aussi par la destruction des forêts et des bois (environ 3 millions d’hectares déforestés depuis 1789 jusqu’en 1800…), et ce sont bien les Chouans qui, réfugiés dans les zones de bocage ou les bois de l’Ouest, paraissent comme les meilleurs défenseurs de ces arbres qui les protègent en les cachant… Le royaliste Chateaubriand, quant à lui, ne cesse de se lamenter, et même avant la Chouannerie, du « désert » qui progresse au sein même du pays ! Le XIXe siècle cherchera à réfréner le mouvement de déforestation mais il accentuera de façon dramatique les pollutions par l’industrialisation et l’urbanisation, malgré les dénonciations d’un Barbey d’Aurevilly et d’un Paul Bourget, fervents royalistes et inquiets des conséquences, y compris environnementales, du monde qui naît des révolutions, française et industrielle, en l’espace de moins d’un siècle… Enracinés, comment les royalistes pourraient-ils négliger ce qui nourrit ou assèche la terre, eux qui y sont fondamentalement attachés avec la volonté de transmettre l’héritage des temps passés et de le faire prospérer ?

 

Dans ces dernières années, les royalistes du Groupe d’Action Royaliste ont soutenu le refus d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes ; dénoncé l’artificialisation abusive des périphéries urbaines et des campagnes, littorales ou agricoles ; milité contre l’abattage des grands arbres (à Rennes, par exemple) et pour la préservation de la biodiversité, florale ou animale ; etc. Aussi, quand ces thèmes sont portés par d’autres, plus audibles et mieux considérés (en particulier par les médias qui, d’une certaine manière, choisissent « leurs » écologistes), pourquoi devrions-nous nous plaindre ? Durant des années, le combat écologiste, largement moqué par une Droite libérale qui ne valait, sur ce plan-là, guère mieux que la Gauche social-démocrate, paraissait comme un combat d’arrière-garde réservé à quelques utopistes chevelus ou à de vieux propriétaires traditionalistes, accrochés à leurs paysages anciens, entre landes et talus… Et, malgré les vibrants discours des caciques des grands partis sur le « développement durable » (un oxymore ?), ce sont bien le bétonnage et l’arboricide urbain, les transports aériens polluants et la mondialisation énergivore, etc. qui poursuivaient irrémédiablement leurs progrès et leurs dégâts : il a fallu l’épreuve du confinement pour, enfin (mais sur un temps trop réduit), voir diminuer les pollutions liées au rejet de gaz à effet de serre ou de particules fines dans l’atmosphère ! Il est d’ailleurs possible que cette période durant laquelle la nature a repris quelques uns de ses droits ait aussi motivé, ou plutôt conforté le choix de nombreux électeurs citadins pour les listes se réclamant de l’écologie.

 

Je connais néanmoins toutes les limites de cette poussée électorale des Verts, liées souvent à leurs propres conceptions de l’écologie et de la politique qui ne sont pas forcément les miennes ni celles des royalistes en général. La complaisance de certains de leurs nouveaux élus municipaux envers les communautarismes contemporains, leur strabisme politique, leur inclination aux utopies européistes et mondialisées ne me sont guère agréables à lire et à entendre, et je ne les partage pas. Mais, une fois nos précautions prises et nos préventions affirmées, il convient de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain : nombre de leurs électeurs et, même, de leurs militants ont la volonté de changer le cours de la mondialisation libérale et écocide, et de préserver ce qui peut et doit l’être, y compris à rebours des grandes tendances de la métropolisation et de la société de consommation, vite revenue de son évanouissement du printemps confiné. Pourtant, il n’est pas inutile de penser l’écologie au-delà même des partis qui s’en réclament : l’écologisme intégral, né puis théorisé au sein du petit monde royaliste dans les années 1980, pose la question de la nature même de la société mais aussi de l’homme qui y vit, et de son rapport à l’environnement, non pour nier les conflictualités mais pour les maîtriser et les apaiser sans détruire ni l’un ni l’autre…

 

 

(à suivre)

 

 

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30/06/2019

Les royalistes face aux dérèglements climatiques contemporains.

L’écologie est à la mode… Doit-on s’en réjouir ? Bien sûr, il y a l’effet canicule, il y a les débats incessants autour du Traité de Paris, de moins en moins respecté par les grandes puissances et qui semble désormais rejoindre le magasin des « bonnes intentions sans réalisation », et il y a ce succès tout relatif de la liste de M. Jadot aux dernières élections européennes qui lui fait prendre ses rêves pour des réalités, sans oublier les mobilisations lycéennes du vendredi qui ont permis au gouvernement d’éviter une véritable mobilisation contestatrice au moment le plus vif de la révolte des Gilets jaunes. Tout cela a pu faire de l’écologie un thème d’actualité et c’est fort heureux ; mais ce qui l’est moins, c’est qu’elle apparaît désormais plus comme une mode médiatique que comme une véritable réflexion sur notre mode de vie et de consommation. Or, l’écologie ne peut se contenter d’être un beau discours ou une suite de déclarations d’intentions, au risque de devenir une idéologie coupée du réel et de perdre tout crédit en politique, pourtant nécessaire pour espérer relever les défis environnementaux et changer les perspectives.

 

Dans le dernier numéro de Marianne, Natacha Polony, qui se réclame de la décroissance, remet quelques pendules à l’heure en précisant « les données du problème » posé par les dérèglements climatiques contemporains : elle dénonce ainsi un discours trop souvent entendu sur les capacités d’adaptation de l’homme et des sociétés : « l’adaptation s’est faite, dans les siècles passés, au prix de violences et de morts. Les guerres à venir pour l’eau et les terres arables ne sont pas des hypothèses mais des risques majeurs. » Avec une démographie mondiale qui n’est pas vraiment maîtrisée dans les continents asiatique et africain, et une intégration croissante de leurs pays dans une société de consommation née il y a un siècle de l’autre côté de l’Atlantique et qui se caractérise par la croyance en « l’illimitation du monde » et par une néophilie permanente et pourvoyeuse de démesure, la planète ne peut, comme au terme de la mondialisation du XIXe siècle, que se heurter aux limites qu’elle a cru pouvoir éternellement repousser : c’est ce moment particulier qui, par lui-même, est terriblement belligène et qui, s’il n’est pas surmonté par la perception de la fragilité de la paix et (pour chacune des puissances elles-mêmes) de celle de sa propre existence géopolitique et nationale, peut mener au pire, c’est-à-dire à la transformation de la concurrence économique et commerciale en confrontation militaire et politique, d’autant plus violente qu’elle mobilise toutes les forces nécessaires à surmonter l’obstacle, au risque de perdre, une fois de plus, tout sens de la mesure et toute possibilité de conciliation, chacun considérant « son » modèle comme « non négociable », selon le terrible mot du président Bush (le second). L’eau et les terres agricoles sont, non seulement les richesses d’antan (ce que les rois de France avaient compris et que, en quelques mots célèbres, Sully avait formulé), mais encore plus celles de demain, dans un monde qui devra continuer à assurer la subsistance de chacun malgré la raréfaction des ressources, conséquence d’une surexploitation débridée et plus quantitative que qualitative. Or, les crises climatiques que, malgré toute sa puissance technique, l’homme n’arrive pas vraiment à maîtriser, font craindre une modification de la carte des productions agricoles et, pour le cas de notre métropole, une déperdition importante de ses particularités et richesses qui sont à la base de notre gastronomie et de son excellence et, au-delà, de notre civilisation française. C’est d’ailleurs ce que souligne aussi Natacha Polony : « les changements qui sont à l’œuvre auront un impact sur les paysages qui nous entourent, sur nos modes de vie, et donc sur la perpétuation de cette civilisation européenne et tout particulièrement française fondée sur le caractère tempéré du climat et le type de végétation et de culture que produit cette tempérance. »

 

Bien sûr, si l’on évoque le « réchauffement climatique », il sera facile de nous objecter que notre pays a connu, dans son histoire bimillénaire, d’autres épisodes de canicule et de désordres climatiques qui, comme la formule l’indique, sont bien une rupture des équilibres habituels et nécessaires, naturels mais aussi agricoles, au risque de provoquer crises alimentaires et surmortalité. Qu’il y en ait eu bien avant le XXIe siècle n’enlève rien à leurs dramatiques conséquences, et tout l’effort des pouvoirs de l’époque comme d’aujourd’hui a été et doit être d’amortir « le choc sur la nature et les hommes », la nature étant, ici, celle qui n’est pas vraiment naturelle mais plutôt « agriculturelle », puisque nos sociétés, à tort d’ailleurs, négligent fortement tout ce qui ne leur apparaît pas directement reliée et profitable… Néanmoins, il nous faut rappeler (par exemple) l’importance des zones humides qui souffrent énormément des sécheresses à répétition, entraînant la disparition des batraciens, des libellules ou des poules d’eau qui sont, eux aussi, des richesses de la biodiversité « inutile » à la société de consommation et pourtant absolument nécessaire à l’éventail du monde, comme le rappelait jadis Konrad Lorenz.

 

Mais les temps actuels ne sont pas ceux d’hier et il faut savoir les distinguer des temps anciens pour éviter toute erreur de diagnostic comme de stratégie face aux défis contemporains et futurs. D’abord, la démographie n’est pas la même, et son explosion numérique mondiale depuis un peu plus d’un siècle a obligé à une extension parfois démesurée des espaces anthropisés au détriment des forêts, des marais ou des prairies anciennes, d’une part pour accueillir et loger, d’autre part pour nourrir et satisfaire les populations ; ensuite, le système même de la société de consommation a entraîné une demande des consommateurs de plus en plus forte, suscitée parfois plus encore par une « tentation » toujours renouvelée et augmentée que par le simple appétit naturel ou par la nécessité vitale, et le « développement » prôné par Rostow et le président des Etats-Unis Truman à la fin des années 1940, n’est rien d’autre que l’intégration, plus ou moins forcée, à cette même société de tentation et de consommation, très prédatrice d’espaces et de ressources naturelles… Ce modèle anglosaxon et « fordo-franklinien » n’est-il pas, d’ailleurs, la cause principale de la dégradation de notre planète, après les premières dévastations notables liées au modèle d’industrialisation lui-aussi issu du monde anglosaxon et d’abord anglais au XIXe siècle avant que d’être états-unien à partir du XXe ? Là aussi, il faudrait rappeler que c’est bien la Révolution française et la fin du modèle social et corporatif français, légalisée en 1791, qui ont ouvert la voie à ces modèles pourtant si peu appropriés à la préservation de l’environnement comme au respect des hommes eux-mêmes et de leurs sociétés traditionnelles (ce qui ne signifie pas immobiles…), au risque de libérer des forces « mauvaises » (dénoncées par Tolkien et par Bernanos, entre autres) ou cet « orgueil humain » qui oublie le sens même des sociétés humaines et de leurs membres.

 

Que nous soyons des héritiers, d’une façon ou d’une autre, ne nous dispense pas de séparer le bon grain de l’ivraie, fidèles en cela à la formule maurrassienne de la « tradition critique », et soucieux de ne pas être des spectateurs passifs quand le devoir nous impose l’action et la réaction face aux processus mortifères qui, si l’on n’y prend garde, nous mènent à ces guerres qu’évoque Natacha Polony. Si les royalistes cultivent un écologisme intégral qui peut surprendre, au moins dans sa formulation, c’est justement parce qu’ils se veulent des héritiers soucieux et sourcilleux, non seulement pour eux-mêmes, mais pour ceux à qui ils transmettront l’héritage français, des paysages multiples et variés aux ressources et richesses de ceux-ci, des beautés de la nature aux trésors de la culture, et qu’ils ont à cœur de ne pas l’appauvrir malgré les tentations de la « jouissance excessive » et de la consommation débridée, autres noms du gaspillage et de la destruction consumériste… « Sauvegarder l’héritage », voilà une œuvre éminemment écologique et politique mais qui ne sera confirmée et enracinée dans le temps que par le retour de « l’héritier » statutaire, issu de cette dynastie capétienne qui sait ce que signifie la patience et la mesure, et qui n’oublie pas que, dans le domaine environnemental, « maintenir c’est créer »…

 

 

 

28/02/2019

L'agriculture biologique ne doit pas être industrialisée, tout simplement.

Le Salon de l’Agriculture bat son plein, avec son lot de promenades électorales et de cris d’enfants devant les animaux exposés, et il accueillera sans doute plus de 650.000 visiteurs, heureux pour certains de retrouver des odeurs d’avant, de celles du temps où chacun avait un parent paysan, un temps de plus en plus lointain pour une nostalgie de plus en plus imaginaire… Pourtant, la France possède encore plus de 27 millions d’hectares de Surface agricole utile (SAU), dont 2 millions d’agriculture biologique, ce qui n’est pas si mal mais encore insuffisant et bien moins qu’il y a un siècle quand l’agriculture n’était pas encore chimique et pétrolière. Mais la conversion de nombreux cultivateurs et éleveurs au bio est freinée par les retards de l’administration pour financer les aides promises, ce qui fragilise certains de ces nouveaux convertis et provoque la colère (éminemment légitime) de nombre de ceux-ci. D’autre part, une autre menace pèse sur les producteurs en agriculture biologique, c’est l’industrialisation qui risque bien de changer la nature même de cette forme d’agriculture réputée (et espérée) plus respectueuse de la nature comme des productions elles-mêmes.

 

Les grandes multinationales et les adeptes du capitalisme libéral, souvent fanatiques du Tout-Marché, ont saisi tout l’intérêt, pour leurs revenus de demain, du bio, et l’offensive pour imposer leur modèle et mettre la main sur cette agriculture est largement commencée, au grand dam de ceux qui, comme les écologistes intégraux (1), préconisent une agriculture à taille humaine, vivante et « naturelle », une agriculture qui suit le rythme des saisons et laisse du temps au temps, une agriculture fondée sur le local et les circuits courts.

 

L’article de Jean-Francis Pécresse, paru dans Les échos (vendredi 22 février 2019), est tristement révélateur (et laudateur !) des appétits et des intentions du « capitalisme vert » qui n’est jamais que le même capitalisme « mondialisationniste » qui a gaspillé les ressources de la planète et ne raisonne qu’en termes de profits et de dividendes, selon la sinistre logique franklinienne du « Time is money ». Bien sûr, il se cache derrière le « consumérisme, défenseur des consommateurs », et il fera illusion, sans doute, profitant de la paresse intellectuelle d’un vaste public qui ne demande qu’à consommer encore et toujours en se donnant une vague bonne conscience « écologiste » (sic !). Et M. Pécresse, en bon libéral, nous fera encore et toujours le coup du « libre choix » qui, à bien y regarder, n’est jamais que le choix que le système agroalimentaire fera pour vous, « pour votre bien », forcément et faussement, en définitive… Eternelle ruse du globalitarisme !

 

« Puisque cette agriculture respectueuse de l’environnement arrive à maturité, qu’un modèle économique semble exister avec des consommateurs prêts à payer plus cher, pourquoi faudrait-il se priver d’industrialiser le bio ? » : M. Pécresse nous refait le coup de la modernisation des années 1960-80 qui a entraîné l’endettement massif des paysans ; l’emploi massif des intrants phytosanitaires et le remplacement de l’énergie animale par l’énergie fossile et pétrolière, fortement polluante de l’atmosphère comme des eaux et des terres ; la destruction des paysages agricoles traditionnels par le remembrement dévastateur et la construction de hangars infâmes pour concentration de volailles ou de porcins condamnés à ne jamais voir ni herbe ni soleil avant le jour de leur abattage ; la dépendance des producteurs aux grands groupes semenciers et aux fournisseurs d’énergie ; « la fin des paysans », en somme et selon la triste expression du sociologue Henri Mendras… Veut-on vraiment refaire les mêmes erreurs avec les mêmes conséquences mortifères pour l’agriculture et les agriculteurs, pour les petites et moyennes exploitations, pour l’équilibre même des zones rurales ? Cela ne me semble pas souhaitable et, au-delà, cela me paraît condamnable.

 

Mais, d’ailleurs, M. Pécresse ne se cache pas derrière son petit doigt et il souhaite la fin du modèle initial de l’agriculture biologique, trop rigoureux à son goût et, bien sûr, à celui des grands acteurs de l’agroalimentaire : « Au sein du monde agricole, la nouvelle ligne de démarcation (…) passe entre ceux qui veulent à tout prix conserver des exploitations bio de petite dimension, à taille humaine, obéissant à des cahiers de charges toujours plus stricts, et ceux qui entendent, au contraire, développer des exploitations bio à grande  échelle, soumises à des obligations et des contrôles un peu moins sévères qu’aujourd’hui. (…) Il y a certainement une forme d’idéalisme dans le combat des puristes du bio (…) qui aimeraient que le label garantisse mieux le bien-être animal ou l’exclusion de toute semence hybride. » Le propos de M. Pécresse est inquiétant et nous alarme sur la possible confiscation du bio par les grands profiteurs de l’agroalimentaire, avec des critères de moins en moins proches de la nature et du respect des paysages et de la biodiversité : car, qu’est-ce, par exemple, qu’une semence hybride, sinon une graine « dont la particularité est de ne pas repousser. De fait, les paysans deviennent dépendants des semences qu’ils doivent racheter car les variétés hybrides sont travaillées en laboratoire de manière artificielle afin de produire en grande quantité. (2) » Ainsi, l’agriculture bio tomberait complètement sous la coupe de grands groupes semenciers ou agroalimentaires, et cela ruinerait tous les efforts de ceux qui souhaitent une agriculture plus soucieuse de l’environnement, de la biodiversité végétale comme animale et d’un modèle plus familial, mais aussi de l’indépendance maximale des producteurs, quelle que soit la taille de leur exploitation ou, pour nombre de particuliers, de leur potager. Là encore, ce n’est pas souhaitable !

 

Et tout cela est annoncé et écrit par M. Pécresse sous le titre « Industrialiser le bio pour le démocratiser », qui nous rappelle, a contrario, la colère de Georges Bernanos qui avait bien saisi que la démocratie politique, celle qui se dit « représentative » dans nos sociétés contemporaines et loin des modèles antiques ou médiévaux, n’est rien d’autre que le règne légal du capitalisme, bien loin des libertés souhaitables et nécessaires des peuples de France. Il semble que les écologistes intégraux aient, aujourd’hui comme demain, le devoir de défendre le modèle d’une agriculture biologique fondé principalement (3) sur les petites unités, familiales ou villageoises, et sur la volonté de « redéploiement rural » sur notre territoire national, condition de la vie et de la respiration de notre nation, sans méconnaître pour autant mais sans forcément valoriser la métropolisation « jacobine » qui, depuis quelques décennies, « dessèche » la France…

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : formule synonyme de royalistes si l’on se réfère à la naissance de la théorie de l’écologisme intégral au début des années 1980 sous la plume de Jean-Charles Masson, dans la publication de l’époque de l’Union Royaliste Provençale.

 

(2) : extrait d’un article d’Anne-Sophie Novel, « Il y a bio et bio… », publié dans Le 1, 25 octobre 2017.

 

(3) : ce soutien à la petite et moyenne exploitation agricole ne signifie pas un refus des grands domaines, mais plutôt la volonté d’un équilibre et d’une équité territoriales comme sociales, et le souhait d’une présence agricole plus nombreuse en emplois et en activités dans des campagnes (et, pourquoi pas demain, au cœur des villes) aujourd’hui menacées de désertification humaine comme d’uniformisation paysagère.