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24/06/2008

Oui ou non, oui et non ?

Le référendum irlandais aurait dû donner quelques sueurs froides aux européistes et les inciter à réfléchir sur le « pourquoi » des échecs référendaires nombreux depuis 1992 lorsque la question porte sur l’Europe : un au Danemark sur le traité de Maëstricht, deux en Irlande sur le traité de Nice et le « traité modificatif » (dit, à tort, « minitraité »), un en Suède (sur l’euro), un en France sur le traité constitutionnel, et idem aux Pays-Bas (avec un score de près des deux tiers des suffrages exprimés !) en 2005… Mais, apparemment, « ils » (eurocrates, gouvernements et européistes) n’ont rien compris ni rien appris : j’ai bien écrit « apparemment » car je ne crois pas en leur aveuglement mais bien plutôt en leur acharnement à faire passer « leur » Europe ! Ce qui explique la stratégie d’évitement du référendum populaire qui motivent les gouvernements et les institutions européennes, au risque de se couper un peu plus encore des populations.

 

Cette fracture entre les « élites européistes » et les « peuples » n’inquiète pas outre mesure les gouvernements, persuadés que la « démocratie représentative » aura toujours le dernier mot, que sa légalité peut éternellement lui tenir lieu de « légitimité » : raisonnement qui risque de montrer bientôt ses limites, mais aussi de reposer cette question fondamentale de la légitimité à laquelle les royalistes répondent par une « externalisation » de la magistrature suprême de l’Etat, à son « autonomie » à l’égard des systèmes électoraux et de représentation partisane et parlementaire, sans pour autant négliger un véritable redéploiement des « pouvoirs citoyens », de l’exercice de ceux-ci à travers des institutions « républicaines de base »… Il me faudra cet été revenir sur cette formule qui résume tout cela : « le roi, président des républiques françaises »…

 

Sur la question de l’acceptation ou non du traité modificatif dit « de Lisbonne », les Français n’ont pas été consultés comme ils l’avaient été en 2005, sans doute par crainte d’un nouveau refus et d’un blocage de la mécanique institutionnelle de l’Union européenne. Restent les sondages qui peuvent donner des résultats fort différents, y compris le même jour : ainsi le sondage publié par « Le Parisien-Aujourd’hui en France », le dimanche 22 juin, qui donne 56 % de votes favorables au nouveau traité en cas de référendum, tandis que celui publié le même jour par « Sud Ouest » annonçait 53 % de votes négatifs… Je rappelle que « sondage n’est pas suffrage », mais ils restent intéressants à étudier, et les commentaires parus sur celui du « Parisien » (sondage CSA) ne le sont pas moins : ainsi, il est signalé cet élément non négligeable et pas forcément rassurant pour les partisans du traité que, après sa rédaction, « à la même question, posée en novembre 2007, le oui recueillait 68 % ». Une érosion de 12 % en quelques mois…

 

Autre élément intéressant : le taux d’abstention, et c’est sur cette comparaison sur les deux sondages que les européistes ont du mouron à se faire, même s’ils n’ont pas à craindre un référendum puisque M. Sarkozy ne veut pas de cette possibilité, ni pour le traité ni pour autre chose d’ailleurs, et que la ratification française a déjà eu lieu cette année. Selon le sondage du « Parisien », il serait, en y adjoignant les votes blancs et nuls, de 46 %, tandis qu’il ne serait, dans le sondage de « Sud Ouest » que de 33 %. « Le Parisien », d’ailleurs, ne cache pas que cela rappelle « la situation de 2005 : avant que le référendum ne soit officiellement décidé et programmé, le oui l’emportait largement et l’abstention était élevée dans les sondages. Ensuite, le pourcentage des abstentionnistes a peu à peu fondu en faveur du non. On connaît la suite : le 29 mai 2005, plus de 69 % des Français ont voté et le non l’a emporté avec 54,67 % des suffrages ».

 

Même si les électeurs n’ont pas été invités à donner leur avis, les sondages, quels que soient leurs résultats et leurs ambiguïtés, signalent un malaise auquel il serait dangereux pour l’UE elle-même et ses institutions de ne pas répondre, d’une manière ou d’une autre : repenser, reposer les perspectives européennes, la place des Etats et les possibilités de projets communs plutôt que de forcer la nature politique des pays d’Europe, tout cela s’avère nécessaire et urgent. Car, croire que « passer en force » ou jouer sur la seule démocratie représentative suffira, c’est se préparer des réveils douloureux… On ne gouverne pas éternellement sans les peuples un ensemble qui se veut « démocratique » : lorsque le serpent se mord la queue, il finit par s’empoisonner…

 

16/06/2008

1 %...

Les résultats du référendum irlandais choquent les partisans du traité de Lisbonne et irritent les gouvernements européens, furieux de voir cette nouvelle remise en cause de « l’Europe légale » par le « pays réel » d’un Etat de l’Union. L’argument du nombre est couramment utilisé par les européistes pour minorer et culpabiliser le vote irlandais, comme le montrent ces lignes du « Figaro » (samedi 14-dimanche 15 juin) : « Il a suffi de quelques trois millions d’électeurs, moins de 1 % de la population de l’Union, pour gripper à nouveau la machine européenne ». Je ne suis pas certain que cet argument, ni les propos méprisants d’un Alain Duhamel ou d’un Serge July, soient très populaires près des électeurs irlandais, considérés comme des parias ou comme des « enfants gâtés » qui auraient cassé le jouet constitutionnel européen par la simple expression d’un droit que leur reconnaît leur propre constitution nationale.

 

L’européiste Cohn-Bendit allait plus loin encore en se plaignant du fait que l’on puisse faire voter des citoyens d’un Etat sur un tel texte, si fondamental selon lui mais trop compliqué pour être soumis au jugement des gens… En somme, le contournement parlementaire est le meilleur moyen de faire le bonheur des peuples malgré eux… L’argument peut se défendre dans une démocratie représentative « absolue » qui nierait complètement (et interdirait même, comme en Allemagne, traumatisée à juste titre par l’usage qu’en fit Hitler) l’idée du référendum populaire, symbole de la démocratie directe. Mais certaines démocraties d’Europe, comme la France, conservent le référendum, et pas seulement comme « ultima ratio », et il serait dangereux d’oublier que cette possibilité constitutionnelle a, dans notre pays déjà très attaché à l’élection directe au suffrage universel du Chef de l’Etat (même si c’est souvent sans illusions particulières et, à mon avis, à tort), une certaine aura quand il s’agit de thèmes majeurs ou intéressant les électeurs, comme on a pu le constater en 2005… Il n’y a qu’à entendre la colère de ces citoyens français qui se sentent dépossédés d’un « droit » parce qu’ils ne sont plus convoqués pour cette ratification quand ils y ont déjà dit « non » en 2005 sur un traité « sosie »… Du coup, le « 1 % » irlandais se trouvait chargé de tous les espoirs des « nonistes » de tout poil, et beaucoup plus représentatif, symboliquement sans l’être concrètement, des aspirations de nombreux citoyens des pays de l’UE.

 

Il n’est pas certain que, la prochaine fois, l’Union européenne accepte qu’une nation puisse ainsi l’empêcher de « constitutionnaliser en paix » : une directive européenne sur ce thème qui puisse permettre de placer la loi européenne au-dessus de la souveraineté nationale de l’Irlande et interdirait tout vote sur l’Union européenne autre que la désignation d’élus au Parlement européen, n’est pas impossible.

 

D’autre part, une proposition faite par les Verts européens proposent de transformer la prochaine assemblée européenne en assemblée constituante : le même processus qu’en 1789… Celui-là même qui, après juillet de la même année, s’empressa d’oublier les 60.000 cahiers de doléances rédigés dans les territoires de France pour mieux légiférer « librement » sans se soucier des réalités populaires, au nom de cette « volonté nationale » qu’ils, et eux seuls, étaient censés incarner.

 

On connaît le résultat : la confiscation de la parole et de la rédaction de la loi par une assemblée majoritairement « bourgeoise », toute empreinte de libéralisme et de grands principes, tant que le peuple restait tranquille.

 

N’est-ce pas, en définitive, ce que souhaitent des européistes pressés de voir leur rêve aboutir, sans trop regarder les méthodes employées ? Mais à éviter le peuple dans les urnes, on risque de le croiser dans la rue… Les « nouvelles chouanneries » commencent d’ailleurs à préoccuper nos gouvernants…

 

13/06/2008

Le Non venu d'Irlande...

Décidément, « l’appel au peuple » ne porte guère bonheur à l’Union européenne, comme vient de le démontrer, trois ans après les « non » français et hollandais, le « non » irlandais. Pourtant, l’Irlande n’avait pas eu à se plaindre de l’UE qui lui a permis, dit-on avec raison, de réussir son décollage économique et de devenir « le tigre celtique » en sortant d’un certain sous-développement endémique. Mais, sans doute faut-il se rappeler que les hommes ne vivent pas que de « pain », et qu’il est bien difficile d’être amoureux d’un taux de croissance, aussi « beau » soit-il… Ainsi, le vote référendaire portait-il bien sur la question du nouveau traité constitutionnel européen, et non sur des « remerciements » que l’UE pensait avoir mérités… Le fait que les Irlandais soient les seuls, en Europe, à être consultés (du fait de leur propre constitution) sur ce traité est symbolique d’une méfiance des milieux dirigeants à l’égard des votes populaires, souvent contestataires de « l’ordre établi » du moment, et trouvant dans le référendum un moyen à exprimer leur mécontentement traditionnel. La méfiance des gouvernements et des institutions européennes ne peut, ce soir d’Irlande, qu’être renforcée ! Il est significatif, pour le cas français, que le référendum, le principe même du référendum, soit menacé, en fait, par la pratique présidentielle actuelle et par une réforme des institutions qui, à bien y regarder, prétend renforcer la démocratie représentative à travers le rôle du Président et celui des assemblées. D’ailleurs, l’actuel tragicomédie autour de la possibilité d’un référendum sur l’entrée de la Turquie en UE en est l’illustration la plus ridicule. En somme, il est plusieurs questions de définitions à poser si l’on veut éclairer le débat : qu’est-ce que la démocratie ? Qu’est-ce que l’Europe ? Le problème est que ces définitions sont considérées par les dirigeants européens comme tellement évidentes qu’ils ne pensent même pas à les rappeler et à les repenser, comme s’il était tabou de les soumettre à discussion. D’où le malentendu sur la démocratie, pensée par les européistes comme n’étant que la confirmation forcément « naturelle » et, donc, obligatoire, de la construction européenne, celle-là même qui irait (comme jadis le marxisme…) dans le sens de l’Histoire. Aussi, que « le peuple » puisse refuser ce « bonheur radieux » promis et permis, disent-ils, par la seule « Europe », apparaît comme une incongruité, un véritable scandale pour les partisans d’une UE qui a oublié, à force de parler « gouvernance », de penser en termes de politique et de prospective, et qui veut sortir de l’Histoire pour « avoir la paix », comme fatiguée de son propre poids de responsabilités… C’est ainsi que Bernard Kouchner, par ses déclarations incendiaires contre la possibilité même du « non » irlandais, à la veille du référendum, n’appliquait pas seulement son célèbre « droit d’ingérence », mais manifestait cette arrogance européenne qui agace tant les électeurs et réveille, a contrario, les réactions nationalistes (qualifiées désormais de « populistes ») contre une UE qui, à avoir trop promis, déçoit énormément… En faisant mine d’exclure du champ démocratique la possibilité d’un refus électoral, M. Kouchner limite la démocratie à une sorte de « oui permanent », pâle application de cette « révolution permanente » dont rêvait Léon Trotski, et qui transforme les rêves d’Europe en « fatalité », en Paradis globalitaire dont sortir serait impossible, voire interdit… Cette forme fermée de démocratie est, en elle-même, une impasse et elle condamne l’Europe à rester « légale » sans devenir « réelle »… Il n’est pas encore interdit, n’en déplaise à M. Kouchner, de le regretter…