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26/02/2012

Ne pas négliger le monde rural.

Chaque année, c'est un rituel qui annonce le printemps et, en période électorale, aucun des postulants à l'Elysée n'oublie d'y sacrifier : le Salon de l'agriculture ! Mais cela cache aussi un immense malentendu : les politiciens, pour la plupart, ne s'intéressent plus à l'agriculture ni aux agriculteurs parce qu'ils ont intégré que le monde actuel était désormais « urbain » et qu'ils plaquent sur la société des campagnes des modèles économiques qui oublient les particularités rurales et paysannes, ces mêmes politiciens ne raisonnant qu'en terme de compétitivité et de profits, alors que ce ne sont pas forcément les éléments les plus déterminants de l'activité agricole.

 

De plus, la poussée de la rurbanisation qui mange littéralement près de 80.000 hectares de terres arables chaque année se fait au détriment des agriculteurs, même si ceux-ci participent de ce mouvement par le simple fait qu'une terre devenue constructible vaut parfois jusqu'à 50 fois ce qu'elle valait comme terre agricole ! Pour des propriétaires ruraux souvent en difficulté financière ou simplement désireux de laisser un héritage à leurs enfants, la tentation est forte, et cela n'est pas incompréhensible, me semble-t-il...

 

Autant dire que, les critères de profitabilité ayant envahi tout (ou presque) l'espace mental de nos sociétés, les agriculteurs sont soumis à des pressions qu'il leur est difficile de supporter très longtemps : il est loin le temps où la terre comptait plus que l'argent, et cela explique aussi la difficulté de maintenir une agriculture de petites et moyennes exploitations qui, pourtant, serait un moyen de relancer, en de multiples espaces ruraux aujourd'hui en cours de déprise agricole, un véritable aménagement du territoire et une agriculture plus équilibrée et moins dépendante des Marchés internationaux...

 

Les politiciens et les technocrates (ce dernier terme étant pris de manière « neutre » si, eux, par formation et déformation, ne le sont pas...) connaissent ces tendances lourdes contemporaines et ils n'ont guère de temps à « perdre », semble-t-il, à défendre un monde paysan qui apparaît en déclin, malgré la place des exportations françaises sur le Marché mondial, et qui ne compte plus guère en tant que spécificité sociale, ce qu'expliquait déjà Henri Mendras dans son maître-livre « La fin des paysans », dans les années 60, en un temps où, pourtant, l'agriculture employait encore directement plusieurs millions de personnes !

 

Ainsi, les dirigeants politiques, candidats à la présidentielle ou non, sont-ils moins intéressés à la question agricole, ne serait-ce que parce que le réservoir de voix y est désormais moins rempli, et que notre société a rejeté largement ce qui pouvait apparaître comme les « valeurs paysannes », pourtant plus « naturelles » ou respectueuses du temps et de la terre... J'ai bien écrit « valeurs paysannes » et non seulement « agricoles » car, aujourd'hui, je ne confonds pas ces valeurs et traditions paysannes avec la sorte de fureur productiviste et le modèle de « l'agrobusiness » qui savent si bien et si dangereusement faire « mentir la terre »...

 

Et pourtant ! La France agricole, dans sa diversité, ses tentations et, parfois, les errements de ceux qui la représentent, reste une « France des possibles », et la crise actuelle pourrait bien, paradoxalement, entraîner un certain renouveau paysan (j'ai bien écrit « paysan ») et une revitalisation des campagnes, là où il y a de la place et des richesses à faire surgir de terre...

 

Les politiciens auraient tort de négliger un monde rural qui a encore, s'il saisit l'occasion au vol, de belles et prometteuses heures devant lui. Aussi, se contenter d’aller à la pêche aux voix (sans approfondir la réflexion sur l’avenir de nos campagnes…) comme le font, rituellement, nos candidats à l’Elysée est une preuve supplémentaire du « court-termisme » électoral dont la France toute entière, en définitive, est la principale victime…

 

 

29/06/2011

En traversant la campagne...

La France est un livre dont j’ai parcouru quelques pages hier mardi, entre Rennes et Versailles, cette fois au volant de ma voiture faute d’avoir trouvé une place de train à un prix abordable… Ce livre, cette France qui est mienne autant qu’elle est celle de ceux qui en héritent et la vivent au jour le jour, dans les joies comme dans les malheurs, est le meilleur révélateur des contradictions et de la complexité de notre temps : c’est aussi le rappel de nos devoirs envers elle et nos contemporains, et envers ceux qui viendront, dans les temps qui suivent, nos fils et nos neveux…

 

Sorti de la grande ville, prenant les routes nationales plutôt que les autoroutes un peu monotones, me voici au cœur des campagnes mayennaises ou normandes : les croix marquent le paysage autant que les talus et les arbres, ces restes d’un bocage qui tend à disparaître sous les pressions conjuguées du remembrement et de cette rurbanisation qui n’est rien d’autre, en définitive, que la construction de « villes horizontales et simplement résidentielles », de lotissements-dortoirs, autour des villages anciens ; les troupeaux paissent tranquillement, indifférents aux quelques camions et voitures qui longent les champs, et les tracteurs traversent, parfois un peu brusquement, ces routes qu’ils partagent bon gré mal gré avec les véhicules de passage… ; les villages sont, pour quelques uns, encore bien vivants, et le café reste le lieu de la sociabilité rurale, même si ceux qui le fréquentent ne sont visiblement plus tout jeunes : n’est-ce pas la marque du vieillissement des « travailleurs de la terre » et le repli sur soi, ou sur le monde virtuel des ordinateurs, des plus jeunes, peu soucieux, pour beaucoup, de rester au village mais plus pressés de rejoindre « la ville » et ses promesses (ou ses illusions…) ? L’église reste la plupart du temps le bâtiment le plus imposant du village mais les portes en sont souvent closes et le presbytère est « à vendre », comme de nombreuses autres maisons lézardées par le temps et l’abandon, tandis que de petites maisons, toutes semblables, poussent comme des champignons à la sortie du village : ces dernières semblent vides le jour, comme « absentes du village »…

 

J’aime m’arrêter quelques minutes pour prendre un café ou une limonade dans ces petits restaurants d’un autre temps, dans lesquels on a encore, parfois, des chaises et des tables en bois et, au mur, des trophées de chasses anciennes. Je me souviens d’y avoir mangé, il y a quelques années, un poulet qui, le matin encore, picorait dans l’arrière-cour : un régal, et ceci pour quelques euros, à peine le prix d’un apéritif à Paris…

 

Cette France meurt-elle ? Sans doute s’efface-t-elle peu à peu devant la poussée d’une modernité qui confond vitesse et précipitation, et qui « communique » à défaut de transmettre et de parler aux autres…

 

La France change, bien sûr, et il ne sert à rien de rester dans la nostalgie : mais il serait faux de croire que la modernité présente est la seule manière de vivre, qu’elle est obligatoire et non négociable et, qu’en dehors d’elle, point de salut ! Non, vivre ne se fait pas seulement au travers des seules valeurs de rapidité ou de fluidité, de rentabilité ou d’utilité… L’ordinateur, les techniques en général et l’argent, ne doivent être que des moyens et non des fins qui transformeraient les personnes et les communautés humaines en simples esclaves consommateurs, comme on le voit trop aujourd’hui !

 

Le sociologue Henri Mendras parlait d’une « seconde révolution française » en évoquant l’entrée de plain pied de la France dans la société de consommation, et il n’avait pas tort… Mais toute révolution n’est pas forcément bonne quand elle tombe dans l’hubris, dans cette démesure qui aveugle et fait oublier le nécessaire et l’humain.

 

Se lamenter ne sert à rien si l’on ne préserve pas l’espérance d’une société équilibrée, vive et humaine : les campagnes sont encore des lieux où peuvent fleurir de multiples initiatives pour atténuer les effets indésirables de la modernité technophile, et l’Etat, qui cherche en vain à réduire les déficits publics, devrait penser qu’un aménagement des territoires intelligent, reposant sur un « autre rythme » (et celui des campagnes est bien différent de celui des villes et des marchés financiers), est une véritable opportunité pour retrouver du souffle et libérer de nombreuses populations aujourd’hui fragilisées, plus encore par le rythme effréné de la société technophile de consommation que par la crise elle-même (simple mais cruel révélateur des impasses de la modernité et d’un libéralisme souvent égoïste et destructeur).

 

La France est un livre dont de nombreuses pages sont jaunies par le temps mais ont encore du sens et peuvent servir à inspirer nos réflexions et, pourquoi pas, nos projets, nos actions… « Il suffirait de presque rien », disait Reggiani sur un tout autre thème (quoique…) : ce « presque rien », qu’est-ce d’autre qu’un Etat qui, par nature enraciné dans le temps long et l’histoire et, par là-même, dans cet « avenir qui dure longtemps » selon une formule commune au général de Gaulle et au comte de Paris, peut faire cette politique d’un aménagement des territoires soucieux des équilibres sans négliger l’unité de l’ensemble et les exigences de la société contemporaine ? Cet Etat possible porte, en France, un nom : la monarchie, celle qui a fait la France en quelques siècles et qui pourrait la rééquilibrer en quelques décennies, vaste chantier du XXIe siècle pour qui ne se contente pas des préjugés et des autoroutes grises du conformisme…

 

La France est un livre qui s’écrit chaque jour et dont la lecture ne s’arrête jamais

 

14/03/2010

Routes et rurbanisation.

Dois-je, une fois de plus, clamer mon désespoir devant un mouvement qui semble inéluctable et que j’ai déjà maintes et maintes fois évoqué à travers les notes de ce blogue, je veux parler de la construction de nouvelles routes et autoroutes un peu partout en France ? Il y a quelques mois, en me rendant à Chartres, un peu après Rambouillet, j’ai longé un immense chantier qui bouleversait la campagne sur une bonne dizaine de kilomètres et mobilisait une véritable noria de bulldozers et de camions. Bien sûr, ce chantier était prévu de longue date mais est-il vraiment une bonne chose à l’heure où il serait plus judicieux de développer les transports ferroviaires ou les liaisons intercommunales par l’autobus, par exemple, ne serait-ce que pour désembouteiller les routes ou pour diminuer les effets des circulations humaines sur l’environnement (ne serait-ce qu’atmosphérique…) ? Car on sait que, contrairement à ce que beaucoup croient, la circulation automobile ne diminue pas lorsque l’on rajoute des kilomètres de macadam au réseau routier mais augmente parce qu’elle nourrit et se nourrit de la rurbanisation qu’elle favorise…

Or, l’un des problèmes évoqué lors du récent Salon de l’Agriculture est justement le grignotage inexorable des terres agricoles par cette même rurbanisation et son cortège de nouvelles grandes routes, de bétonnage des paysages ou, encore, d’artificialisation des terres au moment où l’on aurait besoin de mieux valoriser les terres arables tout en renonçant au productivisme dont on connaît les tristes conséquences environnementales et sociales.

Cette question ne doit pas rester sans réponse politique et l’Etat, entre autres, doit s’engager dans une nouvelle politique d’Aménagement du Territoire (des territoires, plus exactement) qui cherche à freiner et à réorienter la rurbanisation et à favoriser la « fluidité des communications », non par la seule Route, mais par le Rail et le Fleuve. Vaste chantier, dans lequel les Régions ont un rôle à jouer mais pour lequel l’Etat doit arbitrer et valider les principaux axes de réflexion et d’organisation.