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24/07/2017

La question scolaire en France. Partie 1 : L'égalité des chances, un leurre contemporain.

Lors des émeutes de l'automne 2005, j'avais proposé au proviseur du lycée Hoche de Versailles d'échanger pour les mois suivants quelques heures de mon service avec des collègues de mon ancien collège des Mureaux, en zone défavorisée, pour soulager un peu ceux-ci et leur montrer un autre visage de l'enseignement tandis que j'espérais que mon expérience passée de « professeur de ZEP » (neuf ans au collège Jean-Vilar des Mureaux) servirait à dénouer temporairement quelques soucis. C'était aussi un moyen d'affirmer une solidarité active, tant avec les professeurs et les administrations des établissements considérés comme « difficiles » qu'avec des élèves souvent persuadés que la France les a rejetés parce qu'ils étaient nés là ou au loin, et qui se sentent, pas totalement à tort, marginalisés par l’Éducation nationale, plus injuste encore qu'inégalitaire...

 

Si l'idée d'un tel échange a tout de suite plu aux autorités du lycée et à quelques enseignants des deux établissements éloignés d'une poignée de kilomètres, le rectorat et l'inspection académique m'ont tout de suite fait savoir, oralement et assez sèchement, qu'une telle initiative était impossible, non seulement à mettre en place, mais aussi à proposer ! Les textes étaient clairs, les consignes étaient strictes : il m'a été ainsi répondu que si je voulais donner des heures de cours aux Mureaux, il fallait demander ma mutation là-bas, ce qui n'était pas mon intention puisque je ne souhaitais y donner que quelques heures (j'avais proposé six heures, soit un tiers de mon service), et que c'était la même perspective pour les quelques collègues du lycée qui avaient accepté de me suivre dans ce projet malheureusement administrativement et légalement impossible. Ainsi m'apparaissaient encore plus nettement l'un des nombreux blocages de l’Éducation nationale et la froide logique d'un système à la fois jacobin et kafkaïen, apparemment incapable de cette nécessaire souplesse qui, pourtant, pourrait résoudre moult problèmes sans défaire l'ensemble. J'en ai conçu une amertume et une colère encore plus fortes que d'ordinaire, et l'hypocrisie d'un système qui ne cesse de parler de justice sociale, d'égalité des chances ou de bien-être scolaire pour éviter d'avoir à les pratiquer, m'a poussé à reprendre, pour ce qui était de cette École-là, deux formules, l'une d'origine familiale, l'autre d'origine plus politique : « L’Éducation nationale, c'est « grands principes, petite vertu » » et « Delenda Schola » (« Il faut détruire l’École », si l'on en suit le sens général, en tant qu'institution centralisée, une proposition du royaliste Pierre Debray, jadis étalée en couverture du mensuel monarchiste Je Suis Français...). Bien sûr, ces formules un peu abruptes nécessitent explication et nuance, mais elles méritent tout autant attention et réflexion et, au-delà, fortes propositions !

 

Contrairement aux belles pages de l'éducation civique et morale qui emplissent les manuels de cette matière plus justificatrice du « Système » en place que de la réflexion libre et argumentée, l’École ne garantit, malheureusement, aucune des promesses qu'elle continue de vanter année après année, échec après échec. Cela serait sans doute pire si elle n'existait pas, mais certains de mes collègues en sont de moins en moins sûrs, preuve d'une perte de confiance indéniable et, peut-être, d'un fatalisme qui ne cesse de s'étendre ces dernières décennies, au détriment de l'esprit d'initiative et de justice réelle.

 

Ainsi, l'égalité des chances (qui ne doit en aucun cas être confondue avec l'égalitarisme qui en est, en réalité, la négation) est devenue un leurre : selon que vous serez scolarisé dans un collège de banlieue défavorisée ou dans un établissement de centre-ville plus huppé, les conditions d'étude ne seront évidemment pas les mêmes et les motivations des enseignants, comme leur travail, ne seront pas semblables. Cela a d'ailleurs toujours été le cas, au moins contextuellement parlant, mais il y avait jadis l'idée que les moyens mis en œuvre par les autorités scolaires pour les écoles dites publiques permettaient un certain rééquilibrage et une forme d'équité scolaires, et aucune zone éducative ne semblait « abandonnée », ne serait-ce aussi que parce que la motivation des « hussards noirs de la République » était de type missionnaire comme celle des religieux qui tenaient les écoles privées avant que la République ne leur fasse une guerre qui, en certains lieux, n'est pas totalement achevée... Aujourd'hui, les enseignants nommés dans les établissements de ZEP ne pensent, à quelques exceptions près, qu'à en partir, malgré des dispositions financières parfois avantageuses. Souvent, ce ne sont pas les élèves en eux-mêmes qui découragent les collègues, mais c'est bien plutôt l'impression d'impuissance devant une situation de plus en plus compliquée qui motive le départ des professeurs vers d'autres zones moins conflictuelles : l'usure des bonnes volontés est une triste réalité qui ne trouve pas de réponse ni de réconfort dans les politiques des rectorats et du ministère central...

 

 

 

 

 

(à suivre)

 

 

 

21/07/2017

L'importance d'un bon budget militaire pour la France.

Les premières mesures budgétaires de l'ère Macron, survenant au cœur d'un été que l'on espère plus paisible que celui, meurtrier, de l'an dernier, soulèvent évidemment nombre de critiques, et chacun, ou presque, y trouve à redire, de plus ou moins bonne foi selon les cas. Pourtant, personne ne nie que la situation financière de notre pays est délicate et qu'une meilleure maîtrise des dépenses s'avère nécessaire pour pouvoir retrouver une certaine crédibilité sur le plan européen, et, plus important, les moyens d'une véritable souveraineté économique, qui n'est pas l'isolement mais la capacité à « être et agir » librement pour l’État politique face aux féodalités de l'Argent, qu'elles prennent les formes de puissances financières légales, de fonds vautours ou de multinationales industrielles ou commerciales.

 

Si nombre de mesures annoncées, pour désagréables qu'elles puissent être à court terme, ne me choquent pas outre mesure (comme le gel du point d'indice pour les fonctionnaires, dont je suis, et le rétablissement du jour de carence), d'autres me paraissent inappropriées et, même, dangereuses. Ainsi la diminution (provisoire ?) du budget de la Défense, celle-là même qui a provoquée la colère, puis la démission du général de Villiers, n'est pas une bonne nouvelle au regard des périls internationaux actuels et du rôle de l'armée française dans la protection du continent européen, rôle et place qui faisaient dire au président de la Commission européenne pour une fois bien inspiré que « l'armée européenne c'est l'armée française », reconnaissant ainsi que, plutôt que de vouloir une hypothétique Défense européenne unifiée, mieux valait reconnaître et renforcer ce qui existait déjà, nationalement, et que c'est bien la France, et elle seule, qui incarnait le mieux cette Défense... Au moment où le monde vit un réarmement général, il ne faut pas baisser la garde, même si la solution n'est pas que militaire mais d'abord politique. En disant cela, je ne suis pas militariste mais prudent, tout simplement : si la confiance entre amis est honorable, elle n'enlève rien à la nécessité de se préserver de ceux qui ne le sont pas, ou qui en sont de « faux »... Et, en diplomatie, l'on sait aussi que, selon la formule du général de Gaulle, « les alliances sont saisonnières » : mieux vaut, donc, se garder soi-même, sans méconnaître les possibles coopérations et, bien sûr, les communautés de combat que les événements obligent parfois.

 

Les 850 millions pris aux armées cette année peuvent avoir, si l'on n'y prend garde, des conséquences fâcheuses sur les terrains, sans doute trop nombreux aujourd'hui, sur lesquels la France est militairement engagée. Et je doute fortement que le rétablissement d'une forme de service militaire (quel qu'en soit le nom), égalitaire de plus, soit une bonne nouvelle pour une armée qui risque bien d'y perdre une partie de son temps et de son énergie, comme si elle n'avait pas assez à faire par ailleurs ! Déjà, l'opération Sentinelle qui a mobilisé et épuisé une partie des troupes pour des activités de surveillance sur un territoire, le nôtre, que nous pensions à l'abri de toute guerre et de tout éclat terroriste, s'est avérée très lourde et peu efficace au regard des moyens engagés, et il me semble que ce n'est pas le rôle de l'armée (hors gendarmerie) d'assurer la sécurité dans nos rues et devant nos lycées, sauf de façon très ponctuelle et limitée dans le temps.

 

Dans les années 30, le royaliste Maurras terminait nombre de ses articles consacrés aux questions européennes et internationales par un « Armons, armons, armons » qui n'a pas été écouté ni entendu, sinon trop tardivement en 1938... La catastrophe passée et l'Allemagne enfin vaincue, il sera facile pour ceux qui n'avaient rien voulu voir venir de dénoncer et condamner Maurras pour des fautes qu'il n'a pu commettre que parce que ses plus rudes avertissements, justifiés comme l'histoire l'a montré, n'avaient pas été pris en compte : c'est Cassandre alors emprisonnée, insultée, condamnée à l'infamie. Mais l'avertissement de Maurras reste toujours actuel, et il faut l'entendre désormais pour ne pas avoir à affronter, peut-être, un prochain « Mai 40 » dont l'histoire nous a appris les funestes conséquences pour le pays comme pour ses habitants, mais aussi pour l'équilibre du monde.

 

La liberté a un coût sans doute élevé, mais il sera toujours plus léger que celui de la servitude...

 

 

 

 

 

16/07/2017

Les royalistes et la préservation de l'environnement dans les années 1970. Partie 3 : les racines du mal et la réponse monarchique.

Quels sont les présupposés idéologiques de ce progressisme qui, aujourd'hui, conjugue les sciences et le règne de l'Argent, de cette maximisation de la possession individuelle plutôt que de la recherche du Bien commun ? Il y a, bien sûr, la fameuse formule de Benjamin Franklin : « Time is money » (1), qui explique, par elle-même, tant de choses, et pas des meilleures, et signale le véritable renversement (2) de la compréhension, ou plutôt de l'appréhension humaine du temps, désormais ramené à la valeur monétaire de ce qu'il peut « rapporter » : une désacralisation du temps conjuguée à une valorisation exclusive de l'Argent, qui devient la véritable aune du monde et du temps, de son « utilité » matérielle. C'est le triomphe de l'utilitarisme, rapporté au « profit » individuel et matériel, dans un sens de plus en plus financier, l'argent devenant le vecteur privilégié des relations sociales et celui de la nouvelle hiérarchisation des classes sociales et des personnes : le « gagneur » est alors privilégié au dépens du « meilleur », Bernard Tapie ou Rockfeller au dépens de saint François d'Assise ou des bénévoles...

 

La nature est aussi victime de ce nouvel état d'esprit, dont Benjamin Franklin n'est que l'interprète et qu'il puise dans une culture anglo-saxonne et protestante qui fût, au XVIIIe siècle, « l'idéologie dominante » du monde ouest-européen et qui se confond avec les fameuses « Lumières » dont il n'est pas certain que nombre d'écologistes actuels aient bien mesuré les effets logiques sur la gestion de l'environnement et l'état d'esprit des populations consommatrices.

 

Le Bulletin d'AF Reims de janvier 1971 dont les lignes suivantes sont extraites revient sur les racines de la situation déplorable faite à la nature par la société de consommation, et, en deux paragraphes, développe l'état d'esprit qui, en ces temps contemporains, explique les attitudes capitalistiques, si néfastes pour l'environnement, attitudes qui rompent avec l'esprit d'un Moyen âge qui, à travers les faits et idées de saint François d'Assise, respecte plus la nature donnée (ou « confiée aux hommes ») par le Créateur (selon la tradition catholique) ,dont ses créatures animales et végétales, que l'esprit né de la Réforme. En effet, sans rentrer dans un débat théologique, ce dernier semble assujettir la nature aux hommes sans contreparties ou simple respect de celle-ci, esprit qui survalorise les humains au détriment d'une humilité pourtant nécessaire à l'équilibre des sociétés et à leurs bons rapports avec la nature environnante... Cela n'empêche pas nombre de protestants, à l'image de Jacques Ellul (3), de faire une critique tout aussi virulente d'une société capitaliste de consommation oublieuse de la juste mesure et du cadre environnemental. Mais, désormais, le capitalisme lui-même s'est largement émancipé de sa matrice « réformée » et ce n'est plus l'homme en lui-même qui est valorisé, mais bien plutôt l'individu consommateur et « quantifiable »...

 

« D'où viennent ces attitudes ? Comment s'explique cette situation ?

 

Pour répondre, il nous faut élargir le débat.

 

« La nature est faite pour l'homme » : tel est l'esprit de la Réforme et du capitalisme. La richesse matérielle acquise sur terre est le seul moyen pour l'homme de se persuader qu'il possède la Grâce. Pour y parvenir, tous les moyens que nous donne Dieu sont bons. La destruction de la nature est un droit inaliénable ; l'extermination des Indiens et des bisons s'est faire Bible en poche. On peut fort bien inonder le monde de gaz toxiques si l'argent que procure cette noble activité de libre entreprise permet l'achat d'une installation privée d'air conditionnée.

 

Et la lutte elle-même, entreprise actuellement contre les nuisances, s'effectue dans le même esprit ; il s'agit de vaincre une bonne fois ce genre de déséconomies externes pour gagner encore plus d'argent ensuite. Plus qu'une lutte du système pour sa survie, c'est un moyen pour lui d'augmenter sa puissance, d'exploiter toujours davantage (4).

 

A l'Action Française, nous considérons [ndlr : au contraire des lignes précédentes, représentatives du nouvel esprit capitaliste] que le milieu naturel n'est pas à notre disposition, n'est pas un citron à presser. C'est un élément de notre héritage, un élément essentiel de notre patrimoine. Nous savons qu'il est vain et dangereux de vouloir lutter contre les lois de la nature mais qu'il faut, au contraire, s'y plier pour pouvoir réellement progresser, non de la manière factice propre aux libéraux. L'environnement est une des composantes de la politique naturelle. Il nous faut le défendre par tous les moyens, et prévenir sa récupération par le système. L’État républicain, esclave des groupes de pression, incapable de mener une politique cohérente à long terme, ne pourra agir que quand cela sera trop tard. L'héritage en sera amputé d'autant. Pour éviter cela, à nous de ramener l'héritier. »

 

Le combat royaliste est ainsi le corollaire indispensable du combat écologiste : en cela, la Monarchie est le moyen institutionnel de l'écologie intégrale en France ; elle est, en somme, « l'écologisme intégral ». La République, elle et malgré les louables efforts d'un Nicolas Hulot aujourd'hui à la tête d'un ministère d’État, reste trop sensible aux pressions des grands groupes financiers et industriels pour pouvoir, en définitive, assumer et assurer, sur le long terme, ce « souci environnemental » qui est, malgré les idéologies « progressistes » et consuméristes, le fondement de toute « mesure » (au sens grec du terme, comme la traduction de pan metron :  « de la mesure en tout ; jamais trop, toujours assez ») nécessaire à la vie et à l'équilibre des sociétés humaines, à la justice sociale elle-même.

 

Que l'on ne s'étonne donc pas que le lys puisse être le meilleur symbole, aujourd'hui, de ce combat écologique qui s'avère désormais une cause politique d'urgence, non de la précipitation et de l'éphémère mais de l'enracinement et du temps long...

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : « Le temps c'est de l'argent », formule qui donne son sens même au capitalisme désinhibé qui rompt avec ce vieux « capitalisme » (le terme est-il exact, d'ailleurs ? La question mériterait d'être posée) encore familial et traditionnel qui se reconnaissait quelques limites et pouvait accepter un certain partage des fruits de l'économie, tout en valorisant le travail des producteurs et pas seulement « la » seule production, sans limites, ni sociales ni environnementales...

 

(2) : un renversement dont les conséquences se verront dès le XVIIIe, siècle dit « des Lumières », et encore plus dans les siècles suivants avec les révolutions industrielles et économiques d'une part, et « l'imposition douce » de la société de consommation d'autre part.

 

(3) : Jacques Ellul (1912-1994), historien et sociologue, contempteur de la société technicienne et l'un des précurseurs du courant de la décroissance.

 

(4) : N'est-ce pas là la définition même du « capitalisme vert », aujourd'hui qualifié de « développement durable » ? Car il s'agit de « faire des affaires » en réparant les dommages du « développement » et d'une société de consommation que celui-ci, pourtant, tend à atteindre « pour tous » et à donner « à tous », non selon leurs besoins véritables mais selon leurs désirs suscités par cette même société séductrice de consommation, si tentatrice par le biais de la publicité et du crédit, autre nom sympathique de l'endettement...