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31/10/2021

Etre royaliste en temps de présidentielle.

 

Il reste six mois avant le dénouement : à la moitié de Mai, un président de la République sera élu, ou réélu, et le temps viendra, après celui des discours et des promesses, de l’expérience du Pouvoir et de ses contraintes, de ses limites, de ses errements parfois. Mais l’élection présidentielle ne sera vraiment complète que par les élections législatives dont sortira, véritablement, la ligne politique du quinquennat, et il n’est pas impossible d’imaginer une cohabitation entre le Chef de l’État et une Assemblée nationale qui lui fournira son Premier ministre. Nous n’en sommes pas là, et les interrogations et les émotions de l’automne pré-électoral portent plutôt sur les candidats potentiels plus encore que ceux, à ce jour, déclarés ! « Ira, ira pas ? », ou le nouveau jeu des prédictions, pourrait-on dire même si certains candidats putatifs semblent déjà en campagne pour conquérir les masses électorales : MM. Macron et Zemmour entretiennent un suspense qui semble, pour beaucoup, plus une manière d’avancer sans les contraintes ordinaires des jeux d’appareil et des logiques partisanes, quand, chez les Républicains, le nom du potentiel candidat est encore en débat…

 

Ce petit jeu de la pré-présidentielle n’est pas forcément négatif tant que les idées et les propositions (voire les promesses…) irriguent les débats médiatiques plus que les postures et les incidents. Mais il semble que les émotions comptent plus, désormais, que les argumentations construites, et les étiquettes accolées aux uns ou aux autres, à défaut de troubler le jeu (les sondages sont plus efficaces pour cela), jouent le rôle de « gestes barrières » (sic) qui interdisent de dépasser les clivages et de penser les grandes questions politiques et civilisationnelles qui, en définitive, orientent autant l’économique que le social. Cette « démocratie pulsionnelle », qui paraît dominante et accroît le risque de démagogie, peut se traduire aussi par une grande défiance à l’égard de tout ce qui est politique quand, du coup, c’est « le pays légal », promoteur et produit de la démocratie représentative, qui ramasse la mise en restant maître du jeu : peut-on se satisfaire de ce constat ? Sûrement pas ! Et c’est aussi pour cela que je suis royaliste ou, plutôt, à cause de cela.

 

Dans cette joute présidentielle, que peut faire un royaliste ? J’écoute les uns et les autres, et je peux trouver chez les uns et les autres des éléments intéressants, des déclarations motivantes et des idées qui rejoignent les miennes sur tel ou tel thème. Le problème est que chaque candidat, par le principe même de la compétition, s’approprie un « créneau » au risque de le faire dépérir ou de le dévaloriser aux yeux de ceux qui, ne soutenant pas sa candidature, refusent, du coup, de se préoccuper de ce qui pourtant peut s’avérer vital pour notre pays et sa société nationale. Ainsi, le candidat Jadot a le mérite de mettre en avant des thématiques écologistes sur la préservation de la biodiversité française quand le peut-être candidat Zemmour a celui de rappeler certaines exigences de la souveraineté nationale et que le candidat Montebourg dénonce une mondialisation qui ne rend pas plus heureux les ouvriers français que ceux du Bengladesh terriblement et honteusement exploités par les grandes Multinationales. Quand certaines candidatures veulent la prospérité économique, d’autres valorisent d’abord la justice sociale, comme si elles étaient forcément antagonistes ; quand l’un vante la nation (mais quelle nation ? Celle, fédérative, de l’Ancien Régime, ou celle, jacobine et centraliste, de Robespierre ?), un autre lui oppose la société et un autre encore le monde ou, plus proche, l’Europe ; et ainsi de suite.

 

Bien sûr, faire de la politique, c’est choisir. Est-on, pour autant, obligé de choisir « un » candidat quand il s’agirait, d’abord, de valoriser des programmes qui peuvent se trouver chez l’un ou chez l’autre ?

 

Le royaliste que je suis écoute ce que les prétendants au siège élyséen ont à dire et il peut avoir ses préférences, mais il ne s’engage évidemment pas derrière l’un ou l’autre, et cela pour des raisons éminemment politiques : aucun ne met en avant ce qui me semble la condition du reste, c’est-à-dire la transformation des institutions pour assurer le principal, la pérennité et la « bonne vie » de la nation historique française. Si une candidature avait évoqué la proposition monarchique, je l’aurai soutenue et cela même si le « programme » de celle-ci n’avait pas exactement correspondu à mes attentes (il y a plusieurs chapelles dans la Maison du roi, dit-on, et presque autant de royalismes que de royalistes…) : la seule candidature spécifiquement royaliste (et indépendante de la Maison royale de France, ce qui était évidemment logique au regard du rôle que celle-ci doit tenir dans le paysage politique et historique français) qui put accéder au premier tour de l’élection fut celle de Bertrand Renouvin en 1974, après la mort brutale du président Georges Pompidou, à une époque où 100 signatures étaient nécessaires quand il en faut aujourd’hui 500. Le résultat fut, électoralement parlant, en deçà des espérances mais, au moins, l’étiquette « royaliste » revenait dans le paysage électoral et elle avait motivé de jeunes ardeurs qui avaient peaufiné leur royalisme pour mieux le présenter aux électeurs : les textes de la Nouvelle Action Française (nom du mouvement royaliste de Bertrand Renouvin à cette époque) en sont la preuve et mériteraient d’être relus, au moins par les historiens des sciences et des idées politiques. Ils ont d’ailleurs été allégrement pillés (le royalisme en moins…) par nombre de cercles et de partis politiques du pays légal…

 

Au printemps prochain, il n’y aura pas de candidature royaliste, malheureusement, et les royalistes voteront pour qui ils voudront. Mais ils auraient tort de ne pas profiter de l’occasion de l’élection présidentielle (« la reine des élections » en France) pour faire connaître leur projet royaliste, au moment où le pays réel, même conscient des limites des joutes électorales, se passionne pour elle et pour les débats politiques. Une « campagne royaliste » a-t-elle besoin d’un candidat pour exister ? La question mérite d’être posée ; quant à ma réponse toute personnelle, elle est claire : je suis royaliste à plein temps, même en période de présidentielle, et c’est à ce moment particulier qu’il me semble le plus important de rappeler et de faire savoir pour quelles raisons et quels effets au plus large public possible.

 

27/10/2021

Les physiocrates, ou le libéralisme des grands propriétaires.

 

Suite à la publication de la 3ème partie de la conférence sur les origines de la question sociale en France, plusieurs commentaires sur les réseaux sociaux ont évoqué les physiocrates et le libéralisme, et il me semble utile de préciser quelques éléments sur ce sujet. Bien sûr, ce ne sont que quelques lignes sur un débat qui en mériterait des pages et des livres ! Mais elles permettent d’un peu mieux cerner les données et les idées d’un royalisme social qui, au-delà de son histoire et de ses héritages, attend encore de trouver « la » plume susceptible de lui redonner un fonds théorique et des formes pratiques…  

 

 

Avec la percée des idées des physiocrates (Annexe 1) sous le règne de Louis XV, ce ne sont pas les libertés qui progressent, mais plutôt une conception des libertés qui maximalisent celles-ci dans un sens purement économique et principalement individualiste, et non dans le sens du Bien commun ou du service de tous. L’Individu devient la référence de base des libéraux et la liberté individuelle, la « seule » liberté, de caractère purement privé comme, dans le même temps, la propriété tend à le devenir de plus en plus exclusivement, à rebours de ses formes anciennes et multiples (voire carrément désordonnées…). Du coup, l’entraide n’est plus vraiment « naturelle » aux yeux des physiocrates (comme elle paraissait l’être par l’accent mis sur l’aspect communautaire de la société d’Ancien Régime) mais devient juste un « bon vouloir » des individus, au risque de provoquer un repli sur soi de ceux-ci sur leurs seuls intérêts privés, qui ne se sentent pas « obligés » d’aider autrui, fût-il de leur village ou de leur nation.

 

Non pas que les dits intérêts privés soient condamnables, au contraire, mais quand ils deviennent le seul point d’appréciation de la vie sociale et de fixation des désirs humains, ils mènent droit à l’individualisme asocial, celui de l’indifférence à autrui et à la société en général : le mot fameux de Margaret Thatcher, « La société n’existe pas » (1), résume cette idéologie qui, Dieu merci, reste à l’état inachevé, ne serait-ce que parce que la nature humaine en limite l’application, et cela même si les nouvelles technologies et l’Intelligence Artificielle participent activement et poussent allégrement à cette dislocation de la société en un « champ balkanisé de territoires virtuels », et qu’elles paraissent comme la dernière (mais pas l’ultime) ruse du libéralisme individualiste pour s’imposer totalement, au moins mentalement et sentimentalement. Henri Massis avait répondu par avance au discours simpliste de Mme Thatcher en rappelant que « l’homme est société », tout comme Daniel Defoe dans son Robinson Crusoé nous démontre, à travers son texte, que Robinson est, même très éloigné de toute société, l’héritier de ce qui l’a fait ce qu’il est, c’est-à-dire héritier d’une société qui l’a fait homme (ou, plutôt, personne consciente et libre d’être et d’avoir), homme capable de surmonter les épreuves de (et dans) la solitude par sa formation sociale initiale. Un Robinson amnésique ou « né seul sur une île » n’aurait pas eu beaucoup de chance de survivre longtemps…

 

 

 

 

Annexes : (1) : Dans son ouvrage sur le Catholicisme social, Léo Imbert écrit, à propos des physiocrates du XVIIIe siècle (qui seront vite dépassés par les « industrialistes » du siècle suivant) : « (…) le mouvement des physiocrates (« le gouvernement par la nature ») (…) est avant tout une théorie économique : la terre étant source de toute richesse, l’agriculture est la seule force réellement productive, la seule qui rémunère ses entrepreneurs. (…) A partir de ces postulats, écrit Hubert Méthivier, les physiocrates élaborent un « programme » : […] créer […] un capitalisme agrarien grâce au retour à la terre des nobles et aux partages des communaux car seul un grand domaine bien outillé peut avoir un grand rendement ; abolir les vieux droits collectifs de parcours et de vaines pâtures ; éliminer la petite propriété au profit de gros fermages ; assurer le bon prix, la hausse des denrées agricoles par l’augmentation de la consommation, par la liberté de vente et de circulation qui égalisera les prix par la concurrence et la suppression de toute entrave (monopoles, taxes, octrois, péages, droits de marchés, etc.). Cela suppose un gouvernement converti au laisser faire (…). » A bien lire ce programme, l’on peut constater aisément que c’est, en définitive, celui que la Quatrième puis la Cinquième République tout autant que les institutions du Marché Commun puis de l’Union européenne, ont appliqué, au détriment des petites et moyennes paysanneries, et au profit de grands propriétaires et des multinationales de l’agroalimentaire… Il n’est pas certain que la liberté de la plupart des agriculteurs y ait beaucoup gagné, si ce n’est celle de s’endetter avant que d’être éliminés au profit de structures agricoles de plus en plus grandes et de plus en plus productivistes, au détriment également de l’environnement, des terres comme des paysages, et des estuaires envahis d’algues vertes, conséquences du sur-engraissement chimique des terres et des concentrations de bêtes et de leurs déjections… La liberté de beaucoup a été sacrifiée à celle des « plus gros », dans une logique toute darwinienne ; et c’est la propriété privée qui, en étant renforcée, l’a été selon la même logique, toute libérale mais fort injuste à bien y regarder.

 

 

 

Notes : (1) : En anglais, « There is no such thing as society ».

 

 

 

25/10/2021

République, ce mot qu'il faut parfois cacher ?

 

En triant quelques journaux des semaines précédentes, je tombe par hasard sur une éphéméride publiée dans Le Parisien du dimanche 5 septembre dernier qui titre « 1793 : le règne de la Terreur », ce qui, évidemment, attire mon attention historienne. Et là, je sursaute : le texte sur cette triste période, fort court, évite un mot, « le » mot, comme s’il constituait un tabou qu’il s’agirait de scrupuleusement respecter ! Je cite en intégral l’éphéméride, et les lecteurs de ce site comprendront sans doute la surprise que j’ai pu éprouver en la lisant moi-même : « Le 5 septembre 1793, l’Assemblée met « la Terreur à l’ordre du jour » ! Rien ne va plus dans l’ancien royaume de France, menacé par la crise économique et une invasion étrangère. Une justice radicale doit permettre de « terroriser » les ennemis de la France. La guillotine va bientôt tourner à plein régime. » Ainsi, comme chacun peut le constater et au-delà de l’utile rappel de cet épisode douloureux de l’histoire de France, le mot « République » est soigneusement évité et remplacé « avantageusement » par la formule, véridique au demeurant si l’on s’en tient à la suite des événements, de « l’ancien royaume de France », puis par le beau et seul nom, et dont il me tient toujours à cœur de défendre l’honneur et le sens, de « France ». Mais de « République », point !! Ce qui ne manque pas de surprendre l’amoureux des faits et de l’histoire vécue comme ressentie que je suis.

 

Pourquoi cacher le nom du régime qui a mis la Terreur à l’ordre du jour ? Pourquoi ne pas évoquer les pères de la Terreur, en deux noms (ceux qui, pour le commun des Français, incarnent cette période si particulière), Robespierre et Saint-Just ? Pourquoi cette gêne évidente chez le rédacteur de l’éphéméride, ou cette dissimulation consciente, comme si la vérité devait s’arrêter aux portes de la République sans oser, ou sans avoir le droit de les franchir ?

 

Disons les choses telles qu’elles sont et telles que je les comprends : 1. La Première République, celle qui s’étend de 1792 à 1804, du coup d’Etat des Tuileries au sacre du César Bonaparte en Napoléon 1er, n’est pas la seule République possible, et la Cinquième ne lui est pas exactement comparable, malgré l’homonymie et quelques institutions communes ; 2. La Première République, née dans le sang des gardes suisses et s’achevant dans la dictature impériale, n’est pas réductible aux seuls mois de la Terreur (du début juin 1793 à la fin de juillet 1794), et Marat, Robespierre et Saint-Just, pour idéologues de celle-ci qu’ils soient, ne peuvent prétendre incarner la République à eux-seuls, quoiqu’en pense M. Mélenchon qui, visiblement, ne s’est pas suffisamment penché sur l’histoire sociale de cette période ; 3. Ne pas nommer les choses, comme les « mal nommer », c’est altérer leur sens et celui de l’histoire. Oui, la Terreur, c’est bien la République ; non, ce n’est pas le « tout » de la République, mais cela appartient à son histoire et, plus largement, à l’histoire de France, même si ce triste moment n’est pas à la gloire de la République.

 

Le mot « République » n’est pas un mot sacré, même si M. Mélenchon le croit ou le voudrait, et n’en déplaise à MM. Darmanin, Blanquer et Bertrand (entre autres…) : les Camelots du Roi lui ont d’ailleurs souvent fait les honneurs de leurs farces et de leurs dénonciations, et ils ne s’en prenaient pas à l’idée, civique, de « Res Publica » ou à celle mise en avant par le jurisconsulte Jean Bodin au XVIe siècle, mais bien à ce régime qui, sous les divers numéros qui les précédaient, ne défendait pas convenablement ni le pays et son intégrité, ni les Français et leur pluralité.

 

Qu’un auteur d’éphéméride veuille préserver le mot de République de la souillure de la Terreur peut se comprendre, dans une optique de croyance toute républicaine : mais l’histoire est cruelle, et elle n’aime guère qu’on la travestisse ou qu’on la cache. Oui, c’est bien la République, au moins l’idée que s’en faisaient ceux que les manuels d’histoire d’Etat présentaient encore hier comme son incarnation la plus « pure », « incorruptible » même (à l’inverse d’un Danton, plus « intéressé »…), qui a motivé et présidé la Terreur ! Quelques jours après ce 5 septembre 1793, était votée par une Convention survoltée « la loi des suspects », en un 17 septembre que la conscience morale de notre pays ne devrait jamais oublier et qui nous rappelle que la Terreur n’était pas qu’un mot, mais des lois, votées et appliquées, en une terrible spirale idéologique et homicide.

 

Oui, décidément, l’histoire est cruelle, même pour la République et ses adorateurs… Il importe de ne pas l’oublier, pour éloigner de notre pays comme de notre temps, autant que faire se peut, la cruauté. Et cela quel que soit le nom dont elle se pare…