Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

09/09/2009

Suffrage.

Un syndicat lycéen fait campagne en cette rentrée sur l’abaissement du droit de vote à 16 ans. En fait, l’idée en elle-même n’est pas particulièrement choquante, ni révolutionnaire, mais beaucoup plus démagogique et manipulatrice au regard de qui avance cette proposition…

 

L’éternel débat sur la maturité des jeunes n’apporte pas, en définitive, grand-chose à la question du vote et de la démocratie : mes élèves, par exemple, âgés de 14 à 17 ans, révèlent de grandes différences de caractère, d’éveil intellectuel et de maîtrise de la réflexion, et j’en connais qui, à 15 ans, sont capables de soutenir un vrai débat politique quand d’autres, à la veille de leurs 18 ans, restent plus timorés sur le même type de sujet…

 

Quant aux adultes… Si l’on devait décerner un « certificat de maturité » pour autoriser le vote des plus de 18 ans, peu, sans doute, l’obtiendraient ! C’est d’ailleurs à la fois la force et la faiblesse du suffrage universel.

 

Mais à quoi bon élargir le droit de vote aux plus jeunes quand, dans le même temps et de toute façon, les institutions et les grandes forces financières et économiques, les élites et les bureaucraties (les « bureautechnocraties », selon l’expression du sociologue royaliste Pierre Debray, terme qui s’applique bien aux personnels de la Commission européenne), ne tiennent pas compte ou contournent des votes qui les dérangent ? Doit-on rappeler, encore et toujours, « l’affaire » du référendum français sur le traité constitutionnel européen, en mai 2005, qui, en désavouant fortement ce projet européen, a provoqué la colère de ces institutions et « élites européennes » (dont la définition serait d’ailleurs fort intéressante…) ? La solution alors adoptée fut donc de contourner le vote des Français (mais aussi des Hollandais) en présentant un traité similaire, presque identique malgré quelques menues modifications, et en le faisant ratifier par les Parlements nationaux, c’est-à-dire en écartant l’appel direct au corps électoral au profit d’une forme de « suffrage indirect » des élus parlementaires, lors d’un Congrès à Versailles dans le cas de la France… Je ne suis pas forcément favorable à tout référendum mais je signale juste l’hypocrisie d’un système politique qui viole ses propres principes sans aucun scrupule, sans doute en application de la méthode célèbre de « la fin qui justifie les moyens »…

 

En fait, et cela renvoie à la question initiale de l’âge des votants, ce n’est pas le suffrage qui pose problème en tant que tel ni même son extension, et les royalistes, aussi étonnant que cela puisse paraître au regard des préjugés qui courent sur eux, sont même plutôt favorables à son usage plus fréquent, en particulier dans les Métiers et les Communes, les Provinces. Le problème réside plutôt dans sa fonction et dans son cadre d’application. Comme le résumait Charles Maurras : « Il ne faut pas toucher au suffrage universel : il faut en changer la compétence. Au lieu de diriger la nation, le suffrage doit tendre à la représenter. La plus heureuse et la plus tranquille révolution peut sortir sans délai d’un simple échange de fonction. Quant à la République, il faut l’abolir où elle est (au sommet de l’Etat) et l’établir où elle n’est pas (dans les états professionnels, municipaux et régionaux). » La question de l’âge des votants est, à cet égard, plus un détail qu’un véritable enjeu…

07/09/2009

La France et le Brésil, une entente nécessaire.

Le président Sarkozy est à Brasilia en ce jour de fête nationale du Brésil et en cette « année de la France au Brésil », passée malheureusement plus inaperçue en France qu’en Amérique du Sud. Ainsi, le défilé militaire de Brasilia sera ouvert par le bagad de Lann-Bihoué et ses cornemuses, survolé par les fumées tricolores des avions de la patrouille de France et clôturé par des légionnaires du 3ème Régiment étranger d’infanterie basé à Kourou, dans la Guyane voisine. Bel hommage, inédit d’ailleurs, de la nouvelle puissance économique mais aussi politique brésilienne à la France : car le Brésil a eu une tradition intellectuelle francophone importante et ce n’est pas vraiment un hasard si Georges Bernanos s’y est exilé pour fuir une France de la IIIe République et une Europe incapables d’affronter leurs démons intérieurs et d’échapper au « règne de Sauron » (pour reprendre une image tolkienienne), et s’il y a, là-bas, non seulement des écoles qui portent son nom mais aussi des écrivains (y compris français) qui se réclament de son héritage.

 

Le Brésil est une puissance qui compte désormais de plus en plus, au-delà même du continent américain, et dont l’appartenance à ce que l’on appelle les « puissances émergentes » et le « Bric » (Brésil-Russie-Inde-Chine) ne doit pas être négligée : dans la redistribution des cartes géopolitique, la France, si elle veut vivre et peser, si elle veut être écoutée et respectée, doit marquer sa présence par le renforcement des liens avec les pays qui lui sont proches culturellement ou avec lesquels elle a des relations qui ne sont pas qu’économiques. Ce que j’ai souligné pour l’Inde, invitée du défilé du 14 juillet 2009 à Paris, est tout à fait valable pour le Brésil : ce n’est pas la confusion de la France avec la seule Union européenne, ensemble économique à défaut d’être puissance politique souveraine, qui peut servir le monde, l’Europe et la France !

 

La diplomatie de la France doit être à la fois indépendante, fidèle à ses alliances tant qu’elles sont avérées (mais sans oublier la fameuse formule du général de Gaulle : « les alliances sont saisonnières »…) et capable d’assumer une grande diversité dans ses relations privilégiées, c’est-à-dire de prôner, au niveau mondial, « la multipolarité » : en somme, pratiquer la politique traditionnelle de la France au niveau international, baptisée parfois du qualificatif de « gaullienne » mais plus anciennement de « capétienne ».

 

Le Brésil, parfois fort critiquable dans sa gestion de la forêt amazonienne, peut néanmoins constituer le pôle dynamique d’une présence diplomatique et politique française en Amérique du Sud, accordée à la stratégie même du président Lula da Silva : lorsque celui-ci affirme que « Le Brésil doit jouer un rôle de pacificateur, de conciliateur », il dit aussi ce que doit être le rôle de la France, puissance moyenne mais ancienne et, par là-même, susceptible d’être « puissance médiatrice » entre les uns et les autres, puissances diverses et Etats de toutes les tailles et de tous les poids.

 

La France a un avenir qui ne se limite pas aux frontières (mal définies d’ailleurs !) de « l’Europe » : c’est Bernanos, ce royaliste intransigeant et amoureux passionné de sa terre natale française comme de sa terre d’exil brésilienne, qui le rappelait : « le monde a besoin de la France ». A l’heure où les Empires se toisent, les médiations se feront de moins en moins par les institutions internationales (malgré leurs réunions incessantes et leurs noms variés : OMC, FMI, G20, etc.) et de plus en plus par les Etats constitués et assurés d’eux-mêmes : la gouvernance impériale mondiale se comprend dans une logique de domination des Forts sur les Faibles quand les relations intergouvernementales sont, au contraire, le gage d’un véritable dialogue et d’un équilibre possible des Etats et des nations, des peuples politiques, dans le respect de leurs richesses et de leurs qualités, de leurs traditions et de leurs libertés…

04/09/2009

La curiosité.

J’ai fait la connaissance de la plupart de mes classes de l’année en ces deux derniers jours : c’est parti pour presque dix mois de cours, de questions, de discussions, de corrections, etc. Chaque année nouvelle me force à revoir mes cours, à les modifier ou à les aborder de façon différente, à les actualiser pour ne pas être dépassé ou contredit par les réalités : d’où l’importance que j’accorde à la lecture, à l’écoute et à la recherche, mais aussi le conseil donné aux élèves de cultiver ce qui doit être une qualité ordonnée, c’est-à-dire la curiosité, condition aussi de l’apprentissage des connaissances, de la formation des intelligences et de la liberté d’esprit, liberté à laquelle j’attache une grande importance.

 

Mais la curiosité que je vante aux élèves ne doit pas être confondue avec le voyeurisme de la « société du spectacle » dénoncée par Debord et Baudrillard, ou avec le conformisme médiatique, prompt à s’enflammer, à dénoncer ou à exalter selon les cas ! La curiosité est d’abord l’art de ne pas se contenter de ce qui est communément dit ou accepté : c’est le refus des évidences obligatoires mises en avant par les grandes institutions de communication ou d’enseignement, par ce que l’on pourrait appeler aussi l’idéologie dominante, issue de la « Matrice » historique des Lumières et de la Révolution française, mais aussi de cette fameuse formule de Benjamin Franklin, « Time is money », dont on sous-estime à tort l’importance et la profondeur « révolutionnaire » (au sens d’un véritable renversement de valeurs).

 

La curiosité est parfois un chemin difficile à tracer quand on se rend compte que certains faits ou certaines idées que l’on croyait avérés ou acceptés par tous se retrouvent défaits par l’enquête et la découverte d’éléments nouveaux, de vérités cachées ou simplement négligées, parfois par une simple paresse d’esprit. Les exemples sont nombreux, tant sur le plan historique que géopolitique…

 

La curiosité est le meilleur moyen de ne pas être abusé : elle est un bon remède contre les mensonges et sans doute contre diverses manipulations. Bien sûr, elle ne suffit pas et elle ne doit pas s’abstenir de la réflexion, au risque d’être stérile. Mais elle est la première démarche vers la liberté de pensée, vers cette liberté de l’esprit qui ne se trouve pas toujours dans les manuels d’Histoire de nos lycées, ces manuels que Marcel Pagnol, lui-même fils d’instituteur, dénonçait comme « les livrets de propagande au service des gouvernements »…

 

La curiosité, aussi, pour sortir de la Matrice…