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10/04/2014

Recyclage européen des socialistes...

 

Ainsi, M. Harlem Désir a été nommé mercredi au poste de secrétaire d'Etat aux Affaires européennes... Doit-on en rire ou en pleurer ? Celui qui fut un absentéiste remarqué au Parlement européen depuis son élection en 2009 est-il le plus crédible pour être nommé à un poste, certes sans réels pouvoirs, mais éminemment symbolique, surtout au moment où l'Union européenne, par l'entremise de sa Commission, se fait plus exigeante avec la France ? Il est permis d'en douter...

 

Mais ce qui est le plus marquant, c'est que, dans notre pays et parmi sa classe politique dominante, l'Union européenne est considérée comme une sorte de « pantouflage » qui permet de recycler à moindre frais (mais pas à moindre coût pour les contribuables...) ceux qui ne trouvent plus de place dans notre paysage national pour y prouver leur incompétence ou leur inconséquence : drôle de conception de la construction européenne, devenue le radeau des recalés de tous bords alors que nos élites autoproclamées nous la présentent comme le vaisseau amiral de la puissance à venir, toujours promise et apparemment de plus en plus lointaine ! Et tous les partis du « pays légal », à commencer par l'actuel parti gouvernemental, pratiquent ce recyclage, mais sans que cela empêche nombre d'électeurs de continuer à leur accorder crédit et suffrages, ce qui peut sembler un comble, mais n'est que la logique d'un système de reproduction et de reconduction des « élites », système bien plus pervers encore que celui dénoncé jadis par Bourdieu. Misère de la démocratie, et plus exactement de la démocratie représentative, de plus en plus éloignée des peuples qu'elle est censée, pourtant, représenter... Ce qui entraîne cette fatigue démocratique, cette sorte d'épuisement civique des électeurs de moins en moins disposés à participer à cette comédie de la représentation et qui se réfugient, dépités, dans une abstention qui, en définitive, ne sert que les intérêts des grands partis drapés dans la posture facile des croyants de la participation électorale : « Vous ne votez pas ? Eh bien, taisez-vous ! Définitivement ! Nous, députés européens, sommes la vraie démocratie, et vous, misérables abstentionnistes, vous vous en excluez vous-mêmes ! ». C'est ce discours qui, après la petite lamentation rituelle devant les caméras le soir du vote, « légitime » (à la façon de Créon, pas d'Antigone...) l'arrogance « démocratique » des parlementaires d'une « Europe légale » qui, de toute façon, ne se soucie plus vraiment depuis longtemps des taux d'abstention de plus de 70 % des pays d'Europe centrale et orientale, ni des raisons de celle-ci...

 

D'ailleurs, s'en prendre à M. Désir apparaît un peu facile quand, dans le même temps, l'on semble presque oublier que MM. Peillon et Moscovici, sortants du gouvernement, s'en vont, pour l'un prendre la tête de liste socialiste aux élections européennes d'une grande région française, avec la certitude absolue d'être envoyé, électoralement parlant, au Parlement européen, et pour l'autre recevoir le siège de commissaire européen à Bruxelles, aujourd'hui occupé par un Michel Barnier qui, pour n'être pas de mes amis politiques, n'a pourtant pas démérité dans sa fonction, quelle que soit l'opinion que l'on puisse avoir par ailleurs sur ses idées et ses prises de position et, au-delà, sur l'utilité de cette fameuse Commission européenne.

 

En fait, ces attitudes peu honorables de la classe politique dominante française montrent combien elle est aujourd'hui intellectuellement corrompue, préférant « se servir » plutôt que « servir » : la République est devenue à la fois une oligarchie et une egocratie, et cela devrait suffire à la condamner aux yeux de tous les citoyens pour qui la politique n'est pas une simple course aux places mais bien la discussion autour des meilleurs moyens de servir le Bien commun et la Cité au sens le plus fort du terme, d'assumer les devoirs envers les siens et les autres dans le respect de l'harmonie ou, au moins, de l'équilibre social, de permettre la liberté de la Cité qui est la condition de toutes les autres libertés nécessaires à l'accomplissement de notre humanité civique, intellectuelle et spirituelle. La politique c'est aussi la mise en pratique de ces moyens, et non leur usage au service de quelques uns.

 

Le recyclage de nos politiciens dans des fonctions ou des places qui concernent l'Europe au sens institutionnel du terme est révélatrice du peu de cas que ceux-ci font de celle-ci, juste bonne dans leur esprit faussé à leur fournir quelques honneurs que les citoyens français, désormais, ont une forte tendance à leur refuser...

 

 

 

 

 

08/04/2014

Réforme territoriale...

 

La proposition du Premier ministre de lancer une grande réforme de simplification territoriale n'est pas inutile, loin de là, mais qu'en fera-t-il ? Cela fait déjà longtemps que les royalistes, qu'ils soient fédéralistes français comme Maurras ou Amouretti, ou simplement attachés à la plus large expression des libertés publiques, se méfient des grands discours de la République, centralisatrice dans sa naissance et son essence, et si difficilement réformable.

 

D'ailleurs, il est à noter que la simplification annoncée est pensée sur le mode économique et non sur le mode politique ou historique : cela laisse présager quelques déceptions du côté des régionalistes, voire quelques colères si, par exemple, la République décide que la Bretagne doit se fondre dans une région « Grand Ouest » qui ne respecterait rien d'autre que la « masse critique nécessaire à l'intégration dans la mondialisation », et non la particularité bretonne. En effet, l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, dans un récent rapport sénatorial publié à l'automne dernier, proposait déjà une réduction du nombre de régions à 8 ou 10, dans une logique purement fonctionnelle et technocratique, avec l'argument d'en faire « des régions plus grandes, plus européennes » mais sans véritables références à leur enracinement souhaitable dans une histoire, dans un ensemble de cultures proches ou dans un « vivre-ensemble » issu d'un passé plus ou moins lointain. Sans exagérer l'importance réelle de ses liens enracinés (elle n'est pas la même selon les provinces, et peuvent être très lâches ou, à l'inverse, très forts, comme en Bretagne...), il me semble nécessaire de rappeler qu'ils ne sont pas inutiles dans la composition et le bon fonctionnement d'un pôle politique local, et dans la relation des familles au politique lui-même et à l'Etat central.

 

Ce n'est pas, à mon avis, le nombre de régions qui est le plus important et je ne serai pas choqué qu'il soit supérieur à quinze, pourvu qu'elles disposent (ou qu'elles se créent, ce qui serait plus sain, politiquement et économiquement parlant) des moyens de se développer par elles-mêmes, dans le cadre solide de l'ensemble-nation, de cette unité française que se doit d'incarner et de représenter l'Etat au-delà des différences et, parfois, des divergences d'appréciation des unes ou des autres.

 

Quant à la décision de M. Valls de supprimer les conseils départementaux, elle annonce la fin des départements, comme le souligne l'hôtel Matignon lui-même, selon le site de La Tribune, qui affirme, quelques heures à peine après l'intervention du Premier ministre devant les députés : « « (…) C'est bien le département que l'on vise et sa suppression d'ici 2021, explique-t-on à Matignon. La seule négociation portera sur la répartition de leurs compétences entre les intercommunalités et les régions ». ». Ainsi, cette création administrative de la Révolution française est condamnée pour des raisons avant tout économiques, elle qui a été le principal vecteur de la centralisation, puisque le département, à l'origine, n'avait pour seul rôle que de répercuter sur son territoire les décisions prises à Paris et imposées à tous, tandis que les provinces anciennes avaient purement et simplement été arbitrairement supprimées pour ne renaître sous la forme de régions que dans les années 50...

 

Ces deux mesures annoncées vont sans doute soulever de nombreux débats, en particulier sur les limites des régions et, pourquoi pas, permettre une redéfinition même des frontières administratives tracées en d'autres temps : si Nantes a vocation à retrouver la Bretagne, une partie du département de la Mayenne pourrait bien, lui aussi, intégrer la région armoricaine, tandis qu'un autre morceau pourrait être tenté par l'insertion dans un autre ensemble (Maine-Anjou-Poitou ?). Aux habitants et aux communautés des territoires de France de se déterminer, sans que l'Etat ne joue un autre rôle que celui d'incitateur au débat et d'arbitre entre les différents acteurs de cette vaste recomposition territoriale !

 

 

 

 

 

07/04/2014

Le bilan environnemental fort décevant du gouvernement Ayrault.

Les Verts ont quitté le gouvernement pour cause de remaniement, et il n’est pas inutile, non de dresser le bilan (maigre, d’ailleurs…) des deux ministres écologistes sortants, mais de s’intéresser plutôt au bilan écologique de feu le gouvernement Ayrault : c’est aussi l’occasion d’en tirer quelques enseignements pour la suite.

 

Le bilan énergétique : l’annonce de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim reprend une promesse de campagne de François Hollande mais il ne semble pas qu’elle ait été sérieusement préparée pour être effective en 2016, même si la nouvelle ministre de l’écologie s’y est engagée ce dimanche 6 avril. Quant à l’opposition à l’exploitation du gaz de schiste, elle est restée permanente (et c’est tant mieux !) malgré les assauts de M. Montebourg favorable à cette utilisation d’une matière première pourtant fort polluante, autant en son extraction que par sa consommation. Mais ce qui était le plus important, c’est-à-dire la transition énergétique et la mise en place d’une véritable stratégie écologique en ce domaine, n’a pas été fait et est resté trop peu évoqué ! La conférence sur ce sujet de l’automne 2012 était bien loin du Grenelle de l’environnement de 2007, faute d’une feuille de route claire et, surtout, d’une volonté politique gouvernementale affirmée. Du coup, les projets de recherche et de mise en exploitation des énergies marines, par exemple, sont restés dans les placards pour la plupart, ce qui me semble malheureux au regard des enjeux et des potentialités françaises, autant en termes de technicité et de compétences que d’espaces susceptibles de fournir, entre autres, une énergie électrique continue (plus sûrement que l’éolien et le solaire, souvent aléatoires) et abondante. Un bilan donc largement négatif sur cette question énergétique de ces 22 mois de gouvernement Ayrault, alors même qu’il s’agit d’un élément fondamental pour toute politique industrielle, économique et de transports digne de ce nom au XXIe siècle !

 

Le bilan agricole : là encore, peu d’avancées et, malgré quelques nouvelles centaines d’hectares dédiés à l’agriculture biologique (on est néanmoins loin des objectifs de 20 % de la surface agricole utile pour 2020 annoncés par le Grenelle de l’environnement), l’agriculture française reste encore trop dépendante des pesticides, des engrais chimiques et de ce productivisme agricole devenu le modèle de ce qu’il ne faut plus faire, autant pour la santé des consommateurs que des animaux et pour la qualité nécessaire à une bonne alimentation et à de bonnes exportations. Peu d’avancées aussi sur l’agroforesterie, pourtant très prometteuse partout où elle est pratiquée, mais un heureux refus de l’exploitation d’OGM en plein champ malgré les pressions de la Commission européenne et de quelques puissants céréaliers, ainsi que du ministre Stéphane Le Foll qui croit voir, bien à tort, dans le riz doré OGM un facteur de progrès dans la lutte contre la malnutrition. Quant à la pêche en eaux profondes, le gouvernement français a préféré la soutenir et s’est félicité, discrètement, du rejet de son interdiction par les députés européens en décembre dernier : triste et inquiétant pour l’avenir des espèces de ces grands fonds… Un bilan donc mitigé et qui montre bien que, en définitive, le gouvernement Ayrault n’a fait que « le minimum syndical » là où il aurait pu poser les bases d’une nouvelle gestion des espaces agricoles et amorcer la refondation d’une pêche française désormais trop industrielle pour pouvoir être, par elle-même, respectueuse des équilibres halieutiques.

 

Le bilan fiscal : l’écotaxe, mal conçue dès l’origine (un partenariat public-privé déséquilibré, voire scandaleux dans ses formes) et héritée du gouvernement Fillon, n’a pas été mise en place (et c’est tant mieux, pour de multiples raisons économiques, environnementales et sociales) malgré les énormes moyens déployés, portiques dressés et prêts à l’emploi, et la protection policière des péages électroniques destinés aux poids lourds (avant les voitures particulières ?). Elle a soulevé une partie des Bretons et donné naissance, en réaction, au mouvement des Bonnets rouges, véritable révolte antifiscale sans être, pour autant, antiécologiste (des agriculteurs bio ont participé activement à la manifestation quimpéroise de l’automne dernier contre cette écoredevance inadaptée aux particularités bretonnes). Surtout, là où le gouvernement aurait pu agir en relevant de quelques centimes au litre la fiscalité du diesel (plus polluant que l’essence et responsable de l’émission dangereuse de particules fines comme l’a rappelé l’épisode récent des pics de pollution parisiens, en mars dernier), le gouvernement a préféré… ne rien faire ! Pire : au sortir de l’été 2012, M. Moscovici a même diminué la fiscalité des carburants de 3 centimes par litre, mesure qui a duré jusqu’en janvier 2013, coûtant à l’Etat environ 400 millions d’euros de rentrées fiscales en moins… tandis que, dans le même temps, les prix des transports en commun augmentaient ! Pas très écologique tout ça, ni même logique tout court…

 

A ces bilans rapides, il faut ajouter l’indifférence du gouvernement Ayrault à la question de plus en plus pressante de l’artificialisation des terres (80.000 hectares chaque année) et de ses conséquences sur les paysages et l’écoulement des eaux, mais surtout la crispation autour du projet de construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et la volonté affichée du premier ministre Ayrault de faire à tout prix et contre toute logique environnementale et géographique même cet aménagement aéroportuaire sur une des dernières zones humides de l’Ouest, petit joyau de biodiversité batracienne. L’échec de l’avancement de ce projet est à mettre au crédit d’une résistance paysanne et populaire locale, parfois violente mais efficace au regard du résultat, et non de la présence au gouvernement de deux ministres Verts.

 

Il y a aussi une remarque à faire sur le ministère de l’écologie lui-même qui, en 22 mois, a connu deux « épurations » : c’est le poste qui a été le plus frappé par le premier ministre qui en a chassé deux titulaires, Mesdames Bricq et Batho, l’une parce qu’elle s’opposait à une campagne de forage pétrolier, risquée pour la faune et la flore marines, au large de la Guyane ; l’autre parce qu’elle dénonçait, avec une certaine vigueur et non sans raison, la baisse drastique du budget de son ministère au moment même où il aurait été urgent de le soutenir… D’autres ministres placés dans d’autres ministères, beaucoup plus remuants, ont été mieux traités ! A croire que le ministère de l’écologie était « la variable d’ajustement » de M. Ayrault, sans doute énervé par l’idée même de son existence…

 

La leçon à tirer de ces 22 mois de gouvernement Ayrault, c’est que l’écologie n’est pas mieux défendue quand ceux qui s’en réclament, d’ailleurs de façon abusive, y siègent : sans doute, même, la présence de ministres Verts a-t-elle permis au gouvernement d’être moins attentif aux questions environnementales, ceux-ci étant prêts à avaler quelques (grosses) couleuvres pour garder, non leur capacité d’influence sur les thèmes environnementaux, mais bien plutôt leurs prébendes et leur siège… Il n’est pas certain que leur départ du gouvernement soit, d’ailleurs, une mauvaise nouvelle pour l’écologie : les mois prochains nous permettront d’y voir plus clair sur ce thème qui, n’en doutons pas, agitera bien des débats en France et au-delà…

 

 

 

(à suivre : Quelle politique environnementale peut-on promouvoir en France dans les années et décennies prochaines ?)