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19/10/2015

Le royalisme est-il crédible aujourd'hui ? 1ère partie : les royalistes et les élections.

Un étudiant de Droit me signale que, lors d'un cours récent, le maître de conférences, par ailleurs directeur adjoint de l'Assemblée nationale, a affirmé : « il n'y a pas aujourd'hui de parti royaliste crédible en France ». Au regard de la situation actuelle des forces royalistes, peut-on lui donner tort ? En fait, plusieurs réponses sont possibles, plus complémentaires que contradictoires, et la question doit être, à mon avis, élargie aux royalistes, au royalisme même (que certains conjuguent au pluriel pour en montrer la diversité) et au projet d'instauration royale.

 

Tout d'abord, si l'on s'en tient à ce qui tient de principal marqueur en démocratie électorale, c'est-à-dire le nombre de suffrages exprimés pour des candidats ou des listes explicitement royalistes, les dernières consultations n'ont guère été concluantes et j'en ai fait, plus d'une fois, l'amère expérience, avec des scores dérisoires et, pour qui s'arrête à leur simple lecture comptable, désespérants... Comment peser sur la scène politique, même locale, quand les royalistes n'atteignent même plus le simple 1 %, et que certains départements de l'Ouest de la France, ceux-là mêmes des soulèvements chouans de la Révolution, donnent moins de 10 voix à une liste de l'Alliance Royale en 2014, liste que je conduisais et dont j'assume le très minuscule score ? Les dernières fois que des candidatures monarchistes assumées aux élections législatives ou cantonales (désormais départementales) ont dépassé les 2 %, c'était, si je ne me trompe, il y a une trentaine d'années, en Indre-et-Loire, avec l'Union Royaliste de Touraine. Les élections universitaires des années 1970-80 et du début des années 1990 ont été plus fructueuses et les lycées comme les universités ont compté nombre d'élus royalistes ou apparentés, mais cette période est désormais révolue...

 

Cela signifie-t-il qu'il faille déserter les lices électorales pour éviter la « honte » de la défaite humiliante et permanente, ou abandonner l'étiquette royaliste pour espérer entrer dans les assemblées ou conseils issus du suffrage universel ? A la première proposition, je réponds par la négative : il n'y a pas de honte à être vaincu, il n'y en a qu'à se soumettre, et j'ai toujours, personnellement, prêché pour que le royalisme, partout où cela est possible, brandisse haut et fort son étendard, y compris dans les joutes électorales et cela même si les scores ne sont pas à la hauteur des espérances. Je n'ai cessé de clamer que ce n'est pas de faire des voix qui compte mais plutôt de faire entendre notre voix, la voix des royalistes. Néanmoins, un résultat « positif », c'est-à-dire qui, en suffrages exprimés ou en pourcentage, ne soit pas que le « décompte des copains » mais représente quelques centaines ou milliers d'inconnus et atteigne les 3 ou 4 % au minimum, serait le bienvenu pour nous donner une certaine visibilité et, surtout, une impulsion pour consolider l'appareil politique royaliste et aller plus haut. Certes, la scène électorale est « déjà occupée », et il semble que les royalistes ne disposent pas de beaucoup de possibilités (ne seraient-ce que financières...) pour effectuer une « percée », aussi minime soit-elle. Certes, mais est-ce une raison pour renoncer, sachant que les élections, aussi discréditées soient-elles dans l'esprit commun, restent un passage obligé pour acquérir une certaine légitimité dans le paysage politique contemporain ? Aux royalistes de travailler les champs de bataille électorale pour y implanter quelques bastions ou, au moins, pour y tracer quelques sillons !

 

A la deuxième proposition, je serai moins catégorique, mais il faut préciser le propos pour éviter tout malentendu : d'abord, je constate qu'il est possible, dans certains cas, de garder son étiquette royaliste tout en étant candidat sur une liste plus « large » lors d'élections municipales ou, même, régionales. Il est même possible d'être reconnu comme élu royaliste, et d'être apprécié comme tel par son sérieux et son travail au sein d'une municipalité, tout comme l'on peut être un royaliste élu sans avoir pour autant brandi cet oriflamme pendant la campagne électorale elle-même : l'essentiel est que cela soit « évident » sans avoir besoin d'être affiché sur des placards électoraux ou administratifs.

 

Il est aussi possible d'être élu sans faire publiquement mention de ses idées royalistes ou de sa préférence pour la Monarchie, mais de travailler, au sein de tel ou tel parti et dans le cadre du régime actuel, à faire avancer celles-ci, parfois tout aussi discrètement qu'efficacement : c'est ce qu'ont tenté de faire, avec un succès mitigé malgré les intentions de départ, des hommes qui furent à la fondation de la Cinquième République, comme Edmond Michelet, gaulliste et démocrate-chrétien revendiqué et monarchiste fidèle au Comte de Paris. J'ai aussi rencontré parmi les parlementaires ou les conseillers municipaux des monarchistes discrets qui, au fil de la discussion, ne font pas vraiment mystère de leur « fidélité capétienne »... Ainsi, si « abandon » de l'étiquette publique de royaliste il y a, il n'a rien de définitif (je parle de sa publicité et non de sa réalité) et ce n'est qu'un moyen de se faire accepter pour pouvoir, ensuite et le plus librement possible, « faire ses preuves » et, ainsi, donner du crédit à ce que l'on veut défendre et, plus loin dans le temps, établir. Pourquoi pas, après tout ? Ce n'est pas ma stratégie personnelle mais elle est possible et tout à fait défendable...

 

Mais ces différentes attitudes n'ont de sens et d'intérêt politique que si les « maisons-mères » du royalisme sont solides et... crédibles, pourvues d'un projet et d'une stratégie monarchistes qui permettent, le jour venu, l'affirmation et la valorisation des énergies et des principes monarchiques.

 

 

 

 

(à suivre : la crédibilité des mouvements royalistes et des idées monarchiques ; le rôle des princes)

 

 

07/10/2015

Le rôle historique des rois, d'Athènes à Paris.

Dans le cadre des cours de Seconde sur la citoyenneté et la démocratie dans l'Antiquité, j'évoque l'histoire politique d'Athènes, histoire passionnante et qui permet d'ouvrir encore de nombreux débats sur l'organisation de la cité, sur les institutions et sur les politiques menées ou possibles : de la monarchie de Cécrops, Égée ou Thésée, à la démocratie de Périclès, puis à la conquête de Philippe de Macédoine qui met un terme, non à l'histoire d'Athènes mais à son indépendance diplomatique et politique. Histoire passionnante et éminemment instructive, y compris pour notre temps !

 

Quelques remarques ou réflexions d'élèves méritent l'attention et peuvent ouvrir à la discussion, et j'essaye de les compléter, parfois de les nuancer, voire les démentir.

 

L'an dernier, un élève avait comparé l'histoire politique d'Athènes à celle de la France, en faisant remarquer que, dans la cité grecque comme dans notre nation, les rois avaient joué un rôle historique qui était celui de fondation et d'unification de l'ensemble civique national, et, qu'une fois cette tâche achevée, ils s’effaçaient devant d'autres formes de régime, de l'oligarchie à la démocratie, voire à une monocratie impériale ou républicaine. La remarque est intéressante même si, au regard d'un royaliste contemporain, elle peut paraître pécher par pessimisme pour la France d'aujourd'hui qui serait ainsi condamnée à la République à perpétuité ou à la perte de souveraineté inévitable.

 

Ce que je veux retenir, c’est ce rôle reconnu de la monarchie, d’Athènes à Paris : elle fonde autour de l’Etat, par l’Etat ajouteraient certains, la nation ou, plutôt, elle lui « permet d’exister », comme le souligne Gérard Leclerc dans un numéro des Cahiers de Royaliste d’octobre 1981. Si « l’Etat n’a pas de pouvoir ontogénique » (qui fait naître l’être) », selon le philosophe catholique Claude Bruaire (1932-1986), il « est la condition indispensable de l’apparition, de la persistance et du développement (…) de la nation, de la patrie et de notre être spirituel ». Ainsi, « L’Etat a un rôle prépondérant. Toute l’histoire de France est là pour nous le montrer. Sans la monarchie capétienne, il n’y aurait pas eu de France. Ce n’est pas l’Etat capétien qui fabrique la terre de France, qui fait les Français ou qui crée la langue française, mais c’est lui qui permet que tout cela s’épanouisse. »

 

Mais, comme à Athènes, c’est ensuite que cela peut paraître se gâter : les rois écartés, la cité est tentée par l’impérialisme, par cette sorte de fuite en avant vers la démesure politique comme territoriale.

 

Le principe royal, fondé sur le devoir, le service et la tempérance, ne serait-ce que pour permettre la survie de la dynastie (un « égoïsme familial » salvateur…), limitait les velléités bellicistes sans pour autant s’interdire de pratiquer la conquête quand elle pouvait servir l’ensemble national ou le protéger des appétits limitrophes. En ce sens, le règne de Louis XV peut sembler « conclure » l’effort commencé huit siècles auparavant, achevant l’hexagone français par la Lorraine (Napoléon III y adjoindra Nice et la Savoie un siècle plus tard), et laissant à son successeur une France que la Révolution et son « soldat » Napoléon épuiseront sans l’agrandir durablement, ces derniers mimant la grenouille qui se voulait aussi grosse que le bœuf de la fable de La Fontaine, avec les résultats malheureux que l’on sait.

 

Charles Maurras, l’esprit encore embué de quelques sentiments républicains au début des années 1890, avait définitivement déserté le camp de la Démocratie avec un grand D en se rendant à Athènes, à l’occasion des premiers jeux olympiques depuis l’Antiquité, et en constatant que le règne du Démos était « la consommation » des siècles précédents, de leurs efforts et de leurs richesses accumulées… Il est vrai que les citoyens libres d’Athènes n’ont pas toujours été à la hauteur, aveuglés par une puissance dont ils avaient héritée plus qu’ils ne l’avaient créée ! Cela se terminera mal, par une série de guerres qui, en définitive, entraîneront la ruine, puis la soumission de la cité à des conquérants plus forts qu’elle… La France, après la chute de la monarchie, connaîtra elle aussi, moins d’un quart de siècle après le 10 août, l’humiliation de la défaite et de l’occupation étrangère, les chevaux russes se désaltérant dans la Seine, avant que les Prussiens de l’empereur Guillaume Ier et les Allemands du IIIème Reich ne leur succèdent… Et il n’est pas certain que notre pays se soit vraiment remis du choc de la Révolution, recherchant désespérément, parfois sans se l’avouer, la « figure du roi » (ce qu’a bien compris Emmanuel Macron) à travers des présidents de moins en moins « monarchiques », en attendant (qui sait ?) « le roi » lui-même : retour vers le futur, d’une certaine manière ?

 

Le temps des rois est passé, et la France est faite, la Révolution ne pouvant être française que parce que la France lui préexistait, justement ! Mais, en ces temps de triste République, les rois ne sont pas dépassés : ils sont juste, pour l’instant, absents… et la France, du coup, semble en dormition, attendant le Prince qui la réveillera… L’histoire n’est pas finie, et la messe n’est pas dite !

 

 

 

 

 

06/10/2015

Cette colère que l'on voit monter, sur terre et dans les airs...

Les incidents survenus ce lundi midi lors du Comité central d’entreprise de la compagnie Air France ont choqué le gouvernement et une classe politique soudain inquiets, non devant un chômage devenu structurel et bon allié d’un capitalisme libéral plus souvent maître-chanteur que véritable capitaine d’entreprise, mais devant la colère de salariés menacés de perdre leur gagne-pain et prêts à en découdre, au risque de déchirer quelques chemises et de briser quelques vitres… La même peur que devant le soulèvement des Bonnets rouges ou la révolte des ouvriers de Continental il y a quelques années ; la même peur que, tout d’un coup, « l’ordre républicain » soit bousculé ou qu’il n’intimide plus personne, perdu à tout jamais dans l’esprit de Français actifs qui comprennent trop bien que « la vérité est ailleurs » et la justice sociale encore plus ! Bien sûr, parmi les révoltés du jour, il y avait aussi des larrons qui ont profité de l’occasion pour user d’une violence qui reste malheureuse. Bien sûr… Mais la première violence n’est-elle pas celle d’un libéralisme qui oublie trop souvent les hommes pour ne s’intéresser qu’aux profits ?

 

En disant cela, certains croiront entendre quelque militant d’extrême gauche et m’accuseront de légèreté, de démagogie ou de « communisme » : ils se trompent, et je n’ai aucune tendresse pour les Besancenot et consorts qui font tant de mal à la cause ouvrière qu’ils voudraient annexer et, qu’en définitive, ils ne font que desservir, faute de propositions crédibles et de lucidité politique.

 

Je ne méconnais pas les problèmes de la compagnie aérienne et je ne suis pas non plus un client habituel de celle-ci ni des autres, préférant le plancher des vaches au plafond d’Icare… Mais je constate que, dans le cas présent, ce sont les personnels de l’entreprise qui font les frais d’une stratégie hasardeuse de la part du groupe et de l’Etat, actionnaire à 17 % de celui-ci et bien peu « stratège » ! Il faudra bien en reparler pour dénoncer cette absence de perspective qui, en définitive, ne surprend plus vraiment de la part d’un Etat dont l’autorité suprême légale est remise en jeu tous les cinq ans, au risque de ne pouvoir incarner une continuité pourtant bien nécessaire en ces temps de mondialisation et de puissances économiques et financières de type néo-féodal.

 

Ce qui m’énerve dans cette affaire, c’est l’attitude quasi-unanime de la classe politique dirigeante ou de l’opposition dite républicaine, si promptes à condamner des travailleurs exaspérés et tentés par une violence passagère et illégale quand elles protestent mollement lorsqu’un dirigeant de grande entreprise, malgré un échec économique flagrant et après avoir licencié nombre de salariés, quitte son poste avec un pactole souvent injustifié et démesuré : « selon que vous serez puissant ou misérable… », rapporte la fable célèbre et toujours actuelle.

 

Ce qui « m’amuse » dans cette même affaire, c’est cette grande peur des bien-pensants, selon l’heureuse et cruelle formule de Bernanos, devant l’émeute des salariés : une grande peur qui se marque aussi par une certaine censure sur les sites de certains journaux quand le propos ne condamne pas les émeutiers mais interroge sur les responsabilités. Ainsi, Le Figaro a-t-il « refusé » mon commentaire de ce soir sur les violences (légitimes ?) des salariés d’Air France, commentaire que je reproduis ci-dessous, à titre d’information.

 

« Au risque de choquer, je me demande pourquoi cela n'arrive pas plus souvent ! La brutalité de ce plan de licenciements me rappelle la formule du royaliste Bernanos, reprise par Maurice Clavel, sur "l'économie sauvage"... Alors, qui sont les vrais coupables de cette violence ? "Qui a commencé ?", s'exclamait Maurras en attaquant un certain patronat peu social au début du XXe siècle... »

 

Robert Aron écrivait, il y a bien longtemps, une formule toute maurrassienne et que le vieux royaliste social que je suis peut reprendre à son tour : « Quand l’ordre n’est plus dans l’ordre, il est dans la révolution ». Quand la République n’ose plus protéger les salariés de peur d’effrayer les actionnaires et les investisseurs, il est temps de lui signifier son congé, y compris en déchirant sa chemise…

 

 

 

(à suivre : quelles propositions pour une compagnie aérienne nationale française ? Quelles protections pour les travailleurs du ciel dans un espace aérien mondialisé ?)