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02/05/2015

Privilégier la qualité du travail et des produits.

J'étais il y a quelques jours à Troyes, au cœur des anciennes foires médiévales de Champagne, et j'en ai profité pour déposer une gerbe de fleurs de lys, au nom du Groupe d'Action Royaliste et de l'Action Sociale Corporative, au pied de la statue en bois polychrome de saint Crépin et de saint Crépinien, patrons des cordonniers, en l'église Saint Pantaléon : il s'agissait, en fait, de rendre hommage au Travail (en tant que monde et qu'activité), aux travailleurs artisans et producteurs, mais aussi à des Métiers (au double sens du terme, à la fois socio-professionnels et corporatifs) que notre société de consommation oublie, préférant pousser à racheter des chaussures destinées à être « vite usées, vite remplacées » plutôt que de les faire raccommoder ou ressemeler. Or, le travail, et en particulier le travail « bien fait », doit être valorisé et pas seulement le fait de consommer, ou d'acheter pour assouvir un désir qui est, parfois, juste celui... d'acheter !

 

Cette obsession de la « belle ouvrage » est une caractéristique de l'esprit des corporations du Moyen-âge et des époques qui le suivent : peut-on dire que cela causera leur perte lorsque le XVIIIe siècle verra l'obsession de l'utilité désormais première du temps comptable et purement économique s'affirmer à travers la formule tristement célèbre de Benjamin Franklin, ce fameux « Time is money » qui allait triompher légalement avec la Révolution française, si fatale aux travailleurs et au Travail, par le décret d'Allarde de mars et la loi Le Chapelier de juin 1791 ? En tout cas, aujourd'hui, c'est « homo consumans » qui domine dans nos sociétés, au moins en nombre et en intentions, même si ces dernières naissent parmi le monde de la Finance, de l'innovation et de la publicité : le triomphe de Ford et de Séguéla, diraient certains... Comprenons-nous bien : il ne s'agit pas de dire que l'argent, la recherche et la réclame sont inutiles ou seulement néfastes, mais de regretter qu'ils ne soient pas à leur juste place, celle de moyens économiques et sociaux, de « facilitateurs » ou d'informateurs. Je ne regrette pas leur existence mais leur règne, tout simplement.

 

Préférer la qualité à la quantité, telle devrait être la politique de chacun, et en particulier de ceux qui veulent que la question sociale ne soit pas forcément indexée sur les seules rentabilité et compétitivité : mais cela suffit-il dans notre société mondialisée ? On peut en douter, ne serait-ce que du fait de la tentation permanente faite aux consommateurs qui est le ressort privilégié de cette société de consommation dans laquelle nous vivons. C'est là que l’État peut jouer son rôle d'arbitre social et de garant de la « justice sociale » (cette formule que nous devons à... Louis XVI !), en promouvant « la qualité française » et en aidant les entreprises, les artisans, les travailleurs indépendants de ce pays (en priorité mais pas forcément en exclusivité) par des politiques et des stratégies économiques adaptées à chaque secteur d'activité et sans négliger les débouchés de chacune de ces productions : en somme, un néo-colbertisme pour notre temps qui pourrait motiver un « renouveau corporatif », non pour répéter le passé mais pour en retrouver l'inspiration, celle qui privilégie le travail sans négliger les travailleurs...

 

 

 

 

 

 

28/04/2015

Face aux projets destructeurs de Mme Vallaud-Belkacem.

L'histoire et son enseignement sont des enjeux majeurs en démocratie, mais il n'y a pas qu'eux : Marcel Pagnol, dans « La Gloire de mon père », le soulignait, avec des mots sévères pour cette École de la République dont il avait été un élève sérieux et prometteur, au temps de la IIIe. Ainsi, il expliquait que « les Écoles normales primaires étaient à cette époque de véritables séminaires, mais l'étude de la théologie y était remplacée par des cours d'anticléricalisme.

« On laissait entendre à ces jeunes gens que l’Église n'avait jamais été rien d'autre qu'un instrument d'oppression, et que le but et la tâche des prêtres, c'était de nouer sur les yeux du peuple le noir bandeau de l'ignorance, tout en lui chantant des fables, infernales ou paradisiaques.

« La mauvaise foi des « curés » était d'ailleurs prouvée par l'usage du latin, langue mystérieuse, et qui avait, pour les fidèles ignorants, la vertu perfide des formules magiques. »

 

A l'heure où le ministre de l’Éducation nationale, par sa réforme de l'enseignement au collège, prépare la disparition des langues anciennes mais aussi contemporaines (la langue de Goethe et de Thomas Mann, par exemple) dans les cursus scolaires, cette dernière citation de Pagnol est savoureuse ! Je doute que ce soit, en fait, l'anticléricalisme avéré de Mme Vallaud-Belkacem qui soit à l'origine des menaces sur le latin et le grec (autre langue d’Église, si l'on en croit le nombre de termes d'origine grecque qui enrichissent son vocabulaire, du mot évangile à celui de presbytère, entre autres…), mais bien plutôt son désir orwellien de limiter la culture générale française : sans doute s'agit-il d'éviter des révoltes nourries, non au seul ressentiment, mais à l'intelligence elle-même, comme celles que souhaitaient un Maurras ou un Bernanos, ou encore un Maurice Clavel et un Pierre Boutang qui s'exprimaient dans les hautes sphères de la pensée sans grande attention pour les idéologies dominantes de leur époque et qui auraient, n'en doutons pas, honni l'inculture légale de ce ministère de la mal-éducation.

 

Les arguments du ministre reposent sur un égalitarisme de mauvais aloi : ainsi, les langues anciennes seraient élitistes et, donc, discriminantes ! Alors, au lieu d'élever les enfants des collèges à un niveau supérieur de connaissances, de savoir et de culture générale, les nouveaux programmes doivent abaisser le niveau pour tous : drôle de conception de l’École que celle-là, et qui semble vouloir limiter l'enseignement à une fonction simplement technique, celle de formater les jeunes aux besoins de l'économie (producteurs et consommateurs, avant toute autre chose, dans la logique perverse de la société de consommation) et de la finance, de la mondialisation et de la croissance obligatoires, de la marchandisation et du matérialisme...

 

« Le poisson pourrit par la tête », dit le proverbe, et l'attitude du ministère le prouve à l'envi, au grand dam de ceux pour qui l'intelligence, la culture et la pensée ne sont pas des vains mots, mais fondent et forment l'espérance d'un avenir riche de promesses et de créations. Mais que peut-on faire face au rouleau compresseur d'une Éducation nationale qui impose ses oukases par le biais de ses programmes et dispose des jeunes cerveaux que les parents lui confient ? Les résistances individuelles de quelques professeurs, pour heureuses et nécessaires qu'elles soient, ne sont pas encore suffisantes : il faudrait élargir ce mouvement de contestation interne, mais je sens, en fait, une grande dispersion des forces parmi les collègues, dont beaucoup paraissent peu enclins à se battre pour des raisons qui dépasseraient leurs propres matières d'enseignement... Le « chacun pour soi », signe d'un repli général et individualiste des professeurs sur eux-mêmes, est l'inverse d'une réaction corporatiste saine et sérieuse, de cette réaction qui pourrait « sauver les chances de l'intelligence » selon la formule bienvenue d'un collègue littéraire.

 

Une réaction qu'il faut, quoiqu'il en soit, préparer et susciter, et cela sans désespérer ni se lamenter : l'avenir de l'intelligence passe par l'organisation d'une résistance... intelligente, pratique et, sans doute, éminemment politique, puisque c'est par le politique et le moyen de l’État que l'on peut, encore, « agir pour réagir ». Et si la République, désormais, trahit les professeurs et les élèves, alors, servons-nous d'un autre moyen, d'un autre État...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

21/04/2015

Aimer la France, suivant Bernard Maris.

Aimer la France est une passion que certains voudraient aujourd'hui éradiquer comme une maladie honteuse : or, il n'y a pas de honte à aimer, et aucune à aimer la France en particulier, cette particulière historique qui, Français, nous est propre, nés que nous sommes sur sa terre et inscrits dans son histoire et son présent. D'autres n'ont pas cette chance natale mais viennent y frayer, parfois s'y joindre et, par leur amour nouveau qui lui redonne toujours quelques couleurs supplémentaires, confirmer la belle formule de Bainville : « Le peuple français est un composé. C'est mieux qu'une race. C'est une nation. »

 

Assassiné en janvier dans les circonstances que l'on sait, l'écrivain Bernard Maris, à qui l'on doit quelques textes forts de dissidence économique et une très belle étude sur Genevoix et Jünger, laisse en héritage un livre qui va paraître ces jours prochains et qui s'intitule « Et si on aimait la France » : les longs extraits publiés dans l'hebdomadaire Marianne cette semaine (17-23 avril 2015) dévoilent quelques aspects de cet amour vrai pour une France qui, si nous n'en voyons pas tous les mêmes attraits et n'en sommes pas tous amoureux de la même manière, n'a jamais cessé d'inspirer les plus nobles sentiments et, parfois, les actions les plus folles.

 

S'il n'apprécie guère le Maurras de la « divine surprise », il n'en rend pas moins hommage à bien d'autres qui peuvent agacer les Bernard-Henri Lévy et Fleur Pellerin, par exemple, ces cuistres actuels de la « culture de gôche » qui prônent le libéral-nomadisme et refusent l'enracinement. A ceux-là, Maris préfère « les historiens dits de droite, de Bainville à Tocqueville en passant par Pierre Chaunu et Patrick Buisson ». Il poursuit : « Je lis même courageusement le Dictionnaire amoureux de la France de Tillinac, sympathique Gault et Millau de la franchouille, avec Cyrano et d'Artagnan, et Jeanne la Bonne Lorraine, et les nichons de la Pompadour qui donnèrent forme à nos coupes de champagne », et rappelle qu'il a connu « des Français pleins de gaieté. Authier, Lapaque et leur bande, par exemple ». « Et si j'écrivais pour eux ? Pour les désespérés si drôles ? Houellebecq, Cabu, Reiser, Cioran ? » En fait, Bernard Maris écrit pour beaucoup d'autres et, en particulier pour tous les Français et ceux qui, même loin d'elle, aiment la France.

 

Il nous rappelle aussi que cet amour de la France n'est la propriété privée de personne mais la possibilité publique de tous : que des anarchistes, que l'on croit parfois sans attaches, soient des passionnés de la France ne nous surprend pas, nous qui avons jadis lu Proudhon et qui savons que ce sont aussi (et entre autres) des anarchistes espagnols qui participèrent, sous les ordres du monarchiste Leclerc, à la Libération de Paris ! Ainsi, Maris évoque, par exemple, François Cavanna comme l'un des « plus grands défenseurs de la France (…), anarchiste, fils de maçon immigré italien, fondateur de Hara-Kiri puis de Charlie-Hebdo, rat d'archives et grand connaisseur de la période des rois dits fainéants, incroyable goûteur et apprêteur de la langue, ennemi radical du point-virgule que j'adore, et le meilleur conteur de l'histoire et de l'architecture de Paris. »

 

La France aimée, y compris de ceux qui n'y sont pas nés et qui valent mille fois mieux, bien souvent, que ces libéraux mondialisés de type Pascal Lamy ou Pierre Moscovici, ces salopards en costume qui méprisent notre pays, « trop petit » selon eux, ou « trop irréaliste » ! Bernard Maris vante ainsi « Mustapha, algérien, correcteur de son métier, immigré, Mustapha dont la syntaxe est tellement parfaite qu'il en remontrerait au Bon Usage – fait par un Belge, si j'ai bonne mémoire. » Et l'on pourrait y ajouter Max Gallo, Andreï Makine, ou Milan Kundera et, bien sûr, Léopold Sedar Senghor !

 

Maurras parlait de la déesse France : elle est, en tout cas, notre éternelle passion, et nous aimons qu'elle soit aimée des nôtres et des autres...