19/12/2011
Le scandale du cargo échoué.
La tempête Joachim a frappé l'Ouest de la France cette semaine, arrachant des centaines d'arbres et privant temporairement d'électricité plus de 330.000 foyers. Mais ce qui restera dans les mémoires, c'est surtout l'image de ce cargo échoué sur la plage de Kerminihy, planté dans le sable et battu à chaque marée montante par les vagues.
Ce n'est pas l'épave qui, d'ailleurs, est inquiétante et je me souviens de toutes ces coques brisées, parfois gardant encore l'apparence de ce qu'elles avaient été jadis, qui servaient de cachette à nos jeux d'enfants sur les plages de Lancieux, en particulier non loin du pont qui mène à Saint-Briac. Les épaves, lorsqu'elles sont immergées, sont aussi des repaires protecteurs pour de multiples espèces de crustacés et de poissons, la nature s'appropriant ce que la société humaine lui a laissée sous forme de pourboire...
Mais les navires modernes ont dans leurs soutes des poisons certains, sources et revers tout à la fois de notre confort moderne, à l'image du mazout qui donne la vitesse et la puissance aux bateaux mais englue les oiseaux et asphyxie les poissons lorsqu'il s'écoule dans la mer, après une déchirure dans la coque ou un naufrage impromptu.
Certes, il n'y a pas de risque zéro, et les tempêtes existeront toujours, sans doute même de plus en plus fréquentes et violentes si l'on en croit les climatologues. Mais il est simple d'en éviter, sinon toutes, du moins certaines de leurs conséquences, et ce naufrage d'un cargo aux cuves pleines de plus de 180 tonnes de poison noir n'aurait pas dû arriver si la cupidité et la bêtise ne s'en étaient pas mêlées !
Cupidité puisque, selon la presse, le capitaine aurait pris la décision d'ancrer le navire hors du port de Lorient pour ne pas avoir à payer de frais d'amarrage dans celui-ci et se mettre « gratuitement » à l'abri non loin des côtes morbihannaises, et repartir plus vite lorsque les vents seraient retombés : « Le temps, c'est de l'argent », n'est-ce pas ? Triste formule qui explique trop des malheurs environnementaux (entre autres...) de notre planète...
Bêtise puisque le capitaine n'a pas été en mesure de rétablir à temps la situation et a tardé à faire appel aux autorités maritimes, là encore pour des raisons financières, au risque d'un pire qui a fini, fatalement, par arriver !
Conséquences : un navire échoué, des tonnes de mazout déversées dans l'eau, une pollution qui menace l'équilibre écologique du lieu et les exploitations ostréicoles toutes proches, au moment même de l'année où celles-ci ont leurs plus importantes activités. Un sacré gâchis dont il est rageant de se redire qu'il n'aurait pas dû arriver !
Bien sûr, on peut encore renforcer les mesures de précaution et de répression pour éviter cela, et il faudra sans doute y songer : mais cela ne suffira évidemment pas, car le problème est beaucoup plus large qu'une simple histoire de législation maritime, et il porte sur le sens même de la Société de consommation et de son idéologie, de ses fondements idéologiques comme le capitalisme, plus sauvage aujourd'hui qu'équilibré, et sur sa fameuse doctrine du « Time is money », si anglo-saxonne que la traduction française (que j'évoque souvent néanmoins) n'en rend pas toute la force maléfique et les échos, parfois destructeurs et déshumanisateurs.
Sur la coque de ce navire échoué, nous inscrirons symboliquement : « On ne commande à la nature qu'en lui obéissant », et, plus loin, en lettres de mazout : « Il faut laisser du temps au temps si l'on ne veut pas être broyé par son inexorable victoire : même l'argent le plus brillant ne peut vaincre ce qu'il ne pourra jamais réduire à la seule quantité. ». Bon, je sais, c'est un peu long, et certains resteront perplexes devant ces deux formules : mais, au regard des photos de ce cargo échoué, il semble bien qu'il y ait de la place sur sa coque désormais condamnée au démembrement honteux...
00:17 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mazout, naufrage, épave, poison, ports, pollution, argent.
12/12/2011
Les terres agricoles menacées par l'urbanisation.
« La France détruit plus de terres agricoles que ses voisins », titrait « Le Figaro » dans ses pages économiques de ce lundi 12 décembre : c'est l'un des problèmes qui affectent aujourd'hui notre pays, au moment même où il serait nécessaire de relancer une véritable stratégie agricole adaptée aux demandes actuelles, problème lié à une urbanisation croissante et dévoreuse de terres arables et déjà dénoncé par les organisations agricoles depuis quelques années. « Aujourd'hui, ce sont 78.000 hectares de terres arables qui disparaissent chaque année en France (...). « A ce rythme, en quatre ans, c'est l'équivalent de la surface agricole d'un département moyen qui disparaît sous l'effet de l'urbanisation. Un paradoxe dans un contexte de forte demande de produits agricoles » (...) ». Cette tendance à la bétonnisation de terres arables est néfaste, et il faudrait dès maintenant y mettre, sinon un terme (il ne s’agit pas de muséifier la France !), du moins un frein si l’on veut, demain, pouvoir développer et promouvoir une agriculture de proximité plus efficace et créatrice d’emplois, ce qui ne serait pas de trop par les temps qui courent ! Ce que souligne le président de la Fédération nationale des SAFER (Sociétés d’Aménagement foncier et d’établissement rural) en rappelant que « l’agriculture en zone urbaine représente pourtant de véritables atouts comme capacité de production alimentaire proche des villes, essor des circuits courts, sauvegarde des paysages et mixité sociale ».
« Reconquérir les campagnes pour nourrir les villes », voici un programme agricole pour les décennies qui viennent, et cela permet aussi de redire combien un véritable aménagement du territoire, ménager de l’environnement, peut fournir quelques pistes pour aider à surmonter la crise qui frappe notre pays.
Mais certains objecteront qu’il faut bien trouver de la place pour les rurbains : alors, pensons à de nouveaux modes de construction et de propriété qui préservent au maximum les terres agricoles, en particulier en renonçant aux lotissements pavillonnaires, marques indélébiles de « l’individualisme de masse » dans le paysage et révélateurs de « l’entassement horizontal », et en privilégiant la rénovation et l’entretien du bâti déjà existant, très important et parfois délaissé dans certaines campagnes qui, pourtant, ne sont pas forcément « profondes », mais aussi en favorisant la construction de petits immeubles de multipropriété avec de vastes espaces jardiniers, par exemple, moins consommateurs de terrain et permettant de loger plus de personnes au mètre carré.
23:28 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : terres agricoles, urbanisation, rurbains, multipropriété, environnement.
Crise de la société de consommation ?
Ce que l'on nomme « la crise » n'est pas finie, et il est bien possible que nous n'en soyons encore qu'au début, comme le signalent de nombreux spécialistes en économie. Mais la limiter à des aspects économiques ou financiers serait une lourde erreur qui empêcherait de poser les vraies, les bonnes questions et d'en déterminer les causes réelles et profondes.
Plus je la vois se déployer, et au-delà de la « grande transition » des pays du Nord vers les puissances émergées qu'elle signale et accélère, plus je pense qu'elle est, d'abord, une crise de la société de consommation, ou plutôt qu'elle montre les limites d'un monde que la société de consommation « consume » par son propre principe, « Consommer pour produire ».
La « consommation » est, d'une certaine manière, une forme d'addiction, de dépendance à la « drogue acheteuse », pourrait-on dire... Nos contemporains, et les plus jeunes encore plus que les anciens, en sont les victimes consentantes, persuadés que le bonheur tient d'abord dans la capacité de consommer : une dictature de l'avoir a colonisé les habitudes de vie des populations occidentales, le plus souvent (mais pas forcément toujours) au détriment de l'être et du penser. Et lorsque les richesses désertent peu à peu nos contrées, c'est une sorte de frénésie qui s'empare des consommateurs, de moins en moins capables, financièrement parlant, de se payer leur « dose » de produits programmés pour ne durer qu'un temps réduit, ce qui oblige à une sorte de renouvellement permanent profitable aux grandes sociétés productrices qui, en fait, en vivent...
La société de consommation est le rêve en passe de se réaliser des populations du « Sud émergé » : mais ce n'est pas forcément une bonne nouvelle, à double titre, d'abord pour nos compatriotes encore trop attachés à ce système de société qu'ils auront pourtant de plus en plus de mal à assumer, faute de revenus suffisants (le travail et la production, en migrant vers les pays à bas coûts salariaux, privent nos sociétés des moyens de consommer et aggravent l'endettement des particuliers, entre autres); ensuite pour l'environnement et la planète en général qui sont soumis à une pression de plus en plus insupportable des appétits de la société des consommateurs... Or la planète n'est pas extensible ni ses richesses : l'exploiter sans frein c'est l'épuiser, irrémédiablement !
Au-delà des modèles économiques et financiers, il faudra bien repenser le mode de vie de notre pays, au risque sinon de n'être plus les maîtres de notre propre destin. Démondialisation ? Décroissance ? Ces mots méritent, avant de les brandir ou les honnir, quelques efforts de définition et de compréhension.
(à suivre : Démondialisation et décroissance, essais de définition).
09:04 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : crise, société de conommation, produire, consommer, écologie.