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16/09/2011

L'inadmissible ingérence des Etats-Unis dans les discussions européennes.

 

Ce vendredi sont réunis à Wroclaw les ministres européens des Finances sous la présidence de la Pologne, pour évoquer la crise de la zone euro et les moyens de sortir celle-ci du marasme actuel : alors que les populations sont de plus en plus réticentes à supporter une monnaie unique et un système économico-financier qui les étranglent un peu plus encore à chaque plan de « sauvetage », les gouvernements de l’Union et les institutions européennes semblent vouloir accélérer la « gouvernance », véritable mise à l’écart officielle et légale des peuples et officialisation d’une « démocratie confiscatoire » installée à Bruxelles et dirigée par des « gestionnaires » et des « experts », et non plus par des politiques au sens vrai du terme.

 

Le plus choquant dans cette réunion, au-delà de cette manœuvre européiste, est la présence du secrétaire états-unien au Trésor, Timothy Geithner, à l’invitation du gouvernement polonais ! Ainsi, celui-ci va, non seulement émettre des conseils (ce qui n’est pas, en soi, malvenu) mais aussi ce que l’on peut qualifier de « consignes », comme si les États-Unis avaient vocation à contrôler ou à diriger l’Union européenne ! Sommes-nous revenus à l’époque du Plan Marshall et de la Guerre froide des années 50, en ces temps où l’Oncle Sam dictait, discrètement ou non, leur politique aux gouvernements de l’Europe de l’Ouest, par le biais d’un Monnet ou d’un Schuman ? Où est l’indépendance européenne, celle pour laquelle militait de Gaulle contre l’avis même des atlantistes issus des milieux de la triste Quatrième République ?

 

Le Figaro dans son édition du jeudi 15 septembre précise l’esprit dans lequel vient M. Timothy Geithner, et les lignes suivantes sont fort révélatrices, et ont de quoi faire enrager ceux qui croient encore que la liberté et le destin de notre pays ne se fondent, ni ne se forment ailleurs qu’en son sein, capitale politique ou gouvernement (fût-il en exil...) ! : « Tim Geithner juge que les Européens ont fait des progrès depuis un an. (…) Il encourage maintenant ses partenaires à persévérer dans les réformes de gouvernance qui « combleront les lacunes de la construction de la zone euro ». Il pousse ainsi à la mise en place de réformes obligeant le respect effectif de la discipline fiscale et la coordination réelle des politiques budgétaires des pays de la zone. ». Et le site internet de « La Tribune » de préciser, aujourd’hui même, que « invité de la réunion informelle des ministres européens des finances à Wroclaw, en Pologne, Timothy Geithner a tenu des propos fermes ce vendredi et fait une proposition concrète. Le secrétaire américain au Trésor a appelé les Européens à mettre un terme aux « propos inconsidérés » sur un possible démantèlement de l’euro. Il a engagé Américains et Européens à travailler plus étroitement pour surmonter la crise de la dette. D’autre part, il a pressé les Européens d’utiliser le principe d’un démultiplicateur pour maximiser la puissance de tir du Fonds « zone euro » et éteindre la crise de la dette (...) ». De plus, il refuse la mise en place d’une taxe sur les transactions financières, proposée par plusieurs gouvernements européens, et somme même les Européens d’abandonner cette idée ! On croit rêver, ou plutôt cauchemarder...

 

La ministre autrichienne des Finances, Maria Fekter, n’a pas hésité, elle, à ironiser sur cette intervention incongrue des États-Unis dans les affaires européennes : « Je trouve bizarre qu’alors même que les Américains ont des fondamentaux bien plus mauvais que ceux de la zone euro, ils nous disent ce qu’on doit faire et que lorsque nous leur faisons une suggestion, ils disent « non » immédiatement (…). J’aurais espéré que lorsqu’ils nous disent comment ils voient le monde, ils écoutent ce que nous avons à leur dire. » Il est fort dommage que ce ne soit pas un ministre français qui ait rappelé ces évidences simples...

 

C’est aussi le ministre allemand de l’économie, Wolfgang Schaüble, qui a fait remarquer au secrétaire états-unien au Trésor qu’ « il était très improbable qu’il soit possible de faire peser ce fardeau [engager des fonds publics supplémentaires pour assurer la stabilité financière de la zone euro] sur les contribuables, en particulier si ce fardeau est imposé aux pays AAA. »

 

Les États-Unis n’ont effectivement pas de leçon à nous donner, au regard de leur propre situation financière, mais ils jouent leur jeu, avec le soutien de quelques pays européens et de certains financiers pour qui Washington reste le centre de cette « gouvernance mondiale » dont ils rêvent, au-dessus des peuples et des nations du « Vieux continent ».

 

Or, il n’y aura pas d’Union européenne qui tienne et qui vaille sans indépendance de cet ensemble à l’égard des grandes puissances extérieures au continent historique européen comme les États-Unis, la Chine ou autres... Il n’y aura pas d’ « Europe puissance » sans l’affirmation de cette indépendance politique et économique et sans la volonté de s’émanciper des oukases des féodalités financières comme de ceux des tenants d’une gouvernance économique mondiale.

 

Il faudrait, pour dire haut et fort ces vérités politiques et pratiquer ces nécessités géopolitiques, des États sûrs d’eux-mêmes et d’abord une France libre d’être et d’agir : la République, obnubilée par la prochaine course présidentielle et empêtrée dans ses multiples « affaires », est-elle capable de porter cette parole forte et nécessaire dans un monde incertain ? J’en doute... et je le regrette !

14/09/2011

N'accablons pas les Grecs !

 

Une impression de dégoût... C'est le sentiment qui domine lorsque l'on entend tous ces experts et autres économistes qui assassinent un peu plus les Grecs par des formules définitives sur leur incapacité à être raisonnables et à accepter les nouveaux efforts qu'on leur demande pour sauver cette monnaie unique, celle-là même dont on nous avait tant vanté les qualités pour fonder la prospérité éternelle de l'Union européenne ! Ainsi, cet économiste allemand, M. Hans-Werner Sinn, qui explique doctement dans les colonnes du quotidien « La Tribune » (édition du 12 septembre) que les Grecs et au-delà les « pays périphériques » de la zone euro doivent accepter des baisses de salaires (ainsi que les Français, d'ailleurs !) et de prix « pour améliorer leur compétitivité », cet argument constamment utilisé pour dégrader la condition sociale des salariés et mieux profiter aux actionnaires !

 

Ces mêmes experts nous enjoignent aussi d'accepter cette « gouvernance européenne », nouvelle tarte à la crème des éditorialistes et des européistes, qui est censée permettre ce que la monnaie unique devait déjà réaliser par elle-même selon les promoteurs du Traité de Maëstricht...

 

Quelques remarques : je suis bien conscient que la Grèce n'a pas rempli ses obligations d'Etat et qu'elle a menti pour entrer dans le club de la zone euro dès 2002, mais la responsabilité des experts européens et des membres de la Banque Centrale européenne est encore plus grande qui n'ont pas empêché cette entrée lorsqu'ils en avaient encore la possibilité et le devoir.

 

Cette triste faillite de la Grèce que l'on nous annonce est aussi la preuve que sans Etat solide et capable de se faire respecter, et d'abord par ses propres citoyens, il n'est pas de politique économique viable qui vaille. La République grecque a failli, préférant se complaire dans un clientélisme dangereux pour l'économie et dans une forme d'oligarchie de quelques grandes dynasties politiciennes qui ne valaient même pas l'ancienne dynastie royale !

 

Le peuple n'a-t-il pas, lui aussi, une responsabilité dans la situation de ce pays ? Certes, mais il est difficile de reprocher à un peuple de ne pas être « moral » lorsque ses dirigeants et ses élites ne montrent guère l'exemple... De plus, la Grèce n'est-elle pas aussi la victime, plus ou moins consentante car « séduite », de ce système (car c'en est bien un !) que l'on nomme « société de consommation » ? En rejoignant la Communauté européenne en 1981, la Grèce espérait une petite part du gâteau que les Européens de l'Ouest dévoraient déjà à grandes bouchées, et, invités à la table de l'Europe, ils en ont profité, tout émerveillés de la richesse des hôtes... L'addition est salée !

 

Les Grecs sont victimes d'avoir cru (mais qui le leur a laissé ou fait croire ?) que l'Europe était « gratuite » et qu'elle leur assurerait, par la solidarité communautaire européenne, une prospérité éternelle... Cruelle désillusion !

 

L'Union européenne est coupable de négligence en n'ayant pas, dès l'origine, rappelé qu'y entrer impliquait des devoirs et que la solidarité ne pouvait être que partagée, qu'elle devait se faire dans les deux sens pour être véritablement efficace et légitime : mais l'UE serait coupable de forfaiture si, dans les épreuves et malgré les errements des gouvernements grecs, elle oubliait cette même solidarité qu'elle vantait hier et abandonnait l'une de ses parties parce que celle-ci n'a pas joué le jeu, faute de posséder un Etat capable de tenir son rang face aux féodalités économiques et de faire rentrer les impôts (en particulier sur les compagnies maritimes) dans ses caisses !

 

Puisque la Grèce est dans la zone euro, ceux qui l'ont acceptée doivent en supporter les conséquences : au risque de choquer, il me semble que la solidarité doit parfois (mais cela ne doit pas devenir, bien sûr, une habitude ou une règle, ce qui serait suicidaire) dépasser les simples règles de comptabilité.

 

Mais le principal problème, c'est la viabilité d'une monnaie unique qui ne permet pas de souplesse comme une monnaie simplement commune aurait pu le permettre. Un autre problème, c'est aussi le refus de dévaluer l'euro lorsque cela aurait pu redonner de l'oxygène aux exportations européennes en dehors de la zone euro.

 

Tout comme il faudrait évoquer le danger, pour l'union européenne, d'avoir favorisé, au nom d'un certain libéralisme de spéculation, la délocalisation de nos principales productions manufacturières et, en conséquence logique et perverse, la désindustrialisation qui est aussi l'une des causes de la crise en zone euro, désindustrialisation qui prive d'emplois de nombreux ouvriers, transforme de nombreux territoires en « friches industrielles » et rend les populations d'Europe de plus en plus dépendantes des puissances productrices d'Asie ou d'Amérique du Sud...

 

Alors, au lieu de s'en prendre aux seuls Grecs insouciants et imprudents, mieux vaudrait repenser toute l'architecture productive, industrielle comme agricole, de l'Union européenne, chaque pays ayant ses propres potentialités et se devant de les exploiter au mieux, plutôt que de vouloir, au nom d'une « gouvernance » répressive et si peu légitime, s'en prendre uniquement aux salaires des plus faibles ou des plus dépendants.

09/09/2011

La crise, vers la "Grande transition".

 

Il y a presque trois ans, à l'automne 2008, je publiais une note de blogue sur la crise qui s'était déclaré quelques mois auparavant, note qui fut reproduite et diffusée à quelques milliers d'exemplaires dans le cadre de mes activités militantes monarchistes : L'actualité récente m'incite fortement à la republier telle quelle, car j'ai l'impression qu'elle reste fort crédible ! A vous de juger !

 

 

La crise financière continue à se développer sans que l’on sache combien de temps elle va durer et quelles en seront toutes les conséquences. La dégringolade des places boursières donne l’impression d’une vaste panique incontrôlée et d’une perte de confiance généralisée dans le système financier mondial. Mais, au-delà des évènements, il me semble important de chercher à comprendre ce qui se passe, condition indispensable à toute stratégie économique crédible et à toute réponse politique.

 

En fait, il n’est pas inutile de se rappeler que le terme même de crise est la traduction française du mot grec « krisis » qui signifie « séparation » : c’est bien de cela dont il s’agit, une séparation entre un avant et un après, une forme de transition en somme entre deux situations, deux réalités, deux mondes.

 

Ainsi, nous assistons au « passage de témoin » de la puissance financière et économique, des pays du Nord (Etats-Unis, pays européens, principalement) à certaines nations d’Asie, en particulier l’Inde et la Chine, ce que soulignent quelques (rares) articles qui évitent de tomber dans le piège d’une lecture simpliste et seulement idéologique, pas toujours suffisante pour comprendre la situation présente : si crise du capitalisme il y a, cela ne signifie pas la fin de celui-ci mais son transfert dans de nouveaux espaces dominants, dans de nouvelles zones de réalisation et d’expansion. Le centre du monde se déplace vers l’Asie et, comme tout déracinement de ce que l’on a cru éternel et inexpugnable, cela se fait dans de grands craquements et dans la poussière soulevée par ces grands arbres qui s’abattent sur un sol devenu aride… L’argent est désormais ailleurs que dans nos pays qui, en caricaturant un peu, se contentent juste de consommer des produits fabriqués en Asie, serrant par là-même la corde autour du cou de nos économies.

 

La question posée dans « Le Monde 2 » dans son édition du samedi 4 octobre : « Au décours de cette crise, les actuels maîtres du monde seront-ils toujours ceux de demain ? » trouve ainsi sa réponse dans un autre article du « Monde » du même jour : « La crise renforcera l’Asie », article de l’économiste Jean-Raphaël Chaponniere qu’il conviendrait de découper et de conserver dans son portefeuille, non comme un talisman mais comme un avertissement, et qui confirme mes prévisions déjà anciennes.

 

Ainsi, est-il expliqué que « la crise financière, la plus grave depuis 1929, accélérera le glissement du centre du monde vers l’Asie », glissement commencé depuis les années 80-90 et freiné par la crise de 1997. « Cependant, tous les pays asiatiques ont tiré les leçons de la crise de 1997 et ont accumulé des réserves pour se protéger. Investis en bons du Trésor américain, elles ont permis aux Etats-Unis de maintenir des taux d’intérêt bas et aux ménages américains de s’endetter davantage. L’Asie a ainsi profité de la boulimie de consommation aux Etats-Unis. Ces excès ont conduit à la crise. (…)

 

Depuis l’été 2007, les Etats-Unis souffrent de la grippe des subprimes et, si les marchés asiatiques ont souffert, les économies réelles ont été épargnées. En 2009, elles seront bien sûr affectées par la récession qui s’annonce. Pour autant, elles connaîtront un rythme de croissance supérieur à celui des économies américaines, européennes et japonaises.

 

(…) L’attention portée aux échanges occulte l’essentiel : la croissance asiatique repose bien davantage sur la demande domestique. L’investissement et la consommation sont les principaux ressorts de ces pays. Ils ne seront affectés qu’à la marge par la crise. (…)

 

Les Etats et les ménages asiatiques qui en ont les moyens financiers continueront d’investir et de consommer. S’ils ont pâti de la crise financière, les fonds souverains asiatiques vont quant à eux probablement saisir cette opportunité pour acquérir des actifs aux Etats-Unis et en Europe.

 

(…) En accélérant le basculement vers l’Asie, la crise actuelle accouchera d’un monde multipolaire. ».

 

Comprendre ce transfert de richesses et de puissance économique, c’est en prévenir aussi les conséquences et en amortir le choc : le capitalisme libéral, s’il se retire de nos terres pour aller fleurir ailleurs, pourrait bien laisser la place à de nouvelles formes, traditionnelles ou inédites, d’économie et de société, mieux orientées vers le partage et la sobriété. Pour en finir, non pas avec l’Argent, mais avec son règne indécent et cruel…